L'Algérie et la France : deux sociétés intriquées

Le président français Emmanuel Macron (à droite) s'entretient avec le président algérien Abdelmadjid Tebboune (à gauche) alors qu'ils participent au sommet du G7 organisé par l'Italie au centre de villégiature Borgo Egnazia à Savelletri, le 13 juin 2024. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron (à droite) s'entretient avec le président algérien Abdelmadjid Tebboune (à gauche) alors qu'ils participent au sommet du G7 organisé par l'Italie au centre de villégiature Borgo Egnazia à Savelletri, le 13 juin 2024. (AFP)
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Publié le Mardi 18 mars 2025

L'Algérie et la France : deux sociétés intriquées

  • La crise entre Paris et Alger pourrait aboutir à la remise en cause de l'accord qui régit l'immigration algérienne en France depuis 1968.
  • Les Algériens occupent la première place parmi les nationalités étrangères présentes en France. Selon le ministère de l'Intérieur.

PARIS : La crise entre Paris et Alger pourrait aboutir à la remise en cause de l'accord qui régit l'immigration algérienne en France depuis 1968. Entre intérêts communs et restrictions, cet accord est le fruit d'une histoire tourmentée entre les deux pays.

Quelle est la place de l'immigration algérienne en France ?

Les Algériens occupent la première place parmi les nationalités étrangères présentes en France. Selon le ministère de l'Intérieur, ils étaient 649 991 Algériens à résider sur le territoire en 2024 (+ 0,5 % par rapport à 2023), représentant 16 % des étrangers. Un peu plus de 40 % d'entre eux ont un titre de séjour pour motif familial.

Ils occupent par ailleurs la deuxième place des nationalités ayant obtenu le plus grand nombre de premiers titres de séjour (derrière le Maroc), et représentent 9 % des primo- arrivants. Ainsi, 29 100 Algériens ont obtenu un titre de séjour pour la première fois en 2024, un chiffre toutefois en baisse de 9 % par rapport à 2023, selon la même source.

Ils représentent également la première nationalité interpellée en France en situation irrégulière, avec 33 754 interpellations (+6 % par rapport à 2023).

Parmi les 2 999 « éloignements » concernant les ressortissants algériens (+ 17 % par rapport à 2023), 72,9 % sont des retours forcés.

Comment s'est déroulée cette immigration ?

Les accords d'Evian de 1962 qui mettent fin à la guerre d'Algérie vont maintenir la liberté de circulation et d'installation des Algériens qui seront considérés comme des étrangers « différents des autres avec plus de droits », explique Emmanuel Blanchard, historien et sociologue.

Plusieurs raisons à cela : « Ils ont été Français pendant près d'un siècle, les besoins dans l'industrie sont importants puisqu'on est au cœur des Trente Glorieuses mais surtout, les négociateurs français cherchaient à défendre les droits des Français en Algérie », énumère l'auteur de Histoire de l'immigration algérienne en France.

« Les accords sont pensés dans une réciprocité qui espérait le maintien d'une forte communauté française en Algérie », rappelle M. Blanchard. Blanchard poursuit : « L'émigration depuis l'Algérie indépendante sera alimentée par les difficultés économiques, l'autoritarisme politique et la décennie noire (guerre civile). »

« L'émigration depuis l'Algérie indépendante sera alimentée par les difficultés économiques, l'autoritarisme politique et la décennie noire (guerre civile) », poursuit-il.

« Même si l'objectif est l'industrialisation pour relancer une économie mise à mal, en partie par la guerre, par les départs des Français d'Algérie, par la politique de terres brûlées de l'OAS, l'Algérie aura encore besoin qu'une grande partie de sa jeunesse s'exile, notamment pour occuper des emplois industriels en France qui n'ont pas d'équivalents », poursuit M. Blanchard.

Que prévoit l'accord de 1968 et comment a-t-il évolué ?

L'accord de 1968, que le gouvernement menace de « dénoncer », écarte les Algériens du droit commun en matière d'immigration. Révisé à trois reprises (en 1985, 1994 et 2001), il facilite l'entrée des Algériens en leur délivrant des « certificats de résidence », mais restreint aussi leurs droits par rapport à 1962.

À partir de 1968, des quotas de travailleurs admis sur le territoire français seront instaurés. En septembre 1973, le président Houari Boumédiène, qui dénonce le racisme anti- algérien en France, prend l'initiative de suspendre l’émigration de travail.

En 1986, la circulation des Algériens en France est restreinte pour la première fois : ces derniers doivent désormais obtenir un visa pour venir en France pour une courte période (moins de trois mois). L'Algérie répliquera en instaurant la même mesure à l'encontre des Français souhaitant se rendre sur son territoire.

Aujourd'hui, en pleine crise entre Paris et Alger, Mardi, le gouvernement français a brandi la menace d'une restriction des visas de travail ou de la fin des « visas diplomatiques ».

« L'État français a toujours voulu limiter les arrivées des Algériens, même à l'époque où ils étaient Français, mais il ne le pouvait pas vraiment, car il fallait défendre la colonisation : si on dit que l'Algérie, c'est la France, on ne peut pas dire que les Algériens ne peuvent pas venir en France métropolitaine », souligne M. Blanchard.

Depuis 1962, « il y a une pensée très restrictive dans une grande partie de la droite et de l'extrême droite française, qui considère qu'une fois l'Algérie devenue indépendante, les Algériens n'ont plus rien à faire en France. Mais c'est oublier que ces deux sociétés sont profondément intriquées, même si cela s'est fait dans les violences de la colonisation », insiste l'historien. 


Laurent Wauquiez dépose une proposition de loi pour interdire le voile aux mineures

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  • Sa proposition vise à modifier la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public
  • Il apparaît toutefois peu probable que ce texte soit examiné avant deux mois : la journée annuelle réservée aux propositions du groupe LR n’est prévue que le 22 janvier

PARIS: Le chef des députés Les Républicains Laurent Wauquiez a déposé lundi une proposition de loi pour interdire aux mineures de porter le voile dans l'espace public, mais son examen rapide semble peu probable et sa constitutionnalité mise en doute par des juristes.

M. Wauquiez veut interdire "à tout parent d'imposer à sa fille mineure ou de l'autoriser à porter, dans l'espace public, une tenue destinée à dissimuler sa chevelure", selon l'article unique de sa proposition de loi.

Il s'appuie notamment sur un rapport sur les Frères musulmans commandé par le gouvernement et publié en mai dernier, relatant l'augmentation "massive et visible du nombre de petites filles portant le voile".

Il estime que "le voilement de jeunes filles" heurte les principes républicains "les plus fondamentaux", tels que la "protection de l'enfant", "la liberté de conscience" et "l'égalité entre les hommes et les femmes".

Sa proposition vise à modifier la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public.

Il apparaît toutefois peu probable que ce texte soit examiné avant deux mois : la journée annuelle réservée aux propositions du groupe LR n’est prévue que le 22 janvier.

En outre, des professeurs de droit public interrogés par l'AFP émettent de sérieuses réserves quant à la conformité avec la Constitution de cette proposition déjà formulée, tout en la circonscrivant aux moins de 15 ans, par le patron des députés macronistes Gabriel Attal en mai - même si celui-ci n'avait pas déposé de texte.

Pour la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina, elle n'a "aucune chance d'être conforme", rappelant que la loi sur la dissimulation du visage que son texte vient modifier a un motif de "sécurité à l'ordre public" et ne "vise aucune religion en particulier".

Or, M. Wauquiez cible très clairement le voile islamique dans l'espace public, contrevenant "au principe de liberté de religion", ajoute l'enseignante.

Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l’Université de Lille, se dit également "très réservé".

Bien que le texte se heurte au principe de liberté religieuse, Laurent Wauquiez justifie sa démarche par la "préservation des droits de l’enfant", ce qui est "assez habile", reconnaît-il, mais insuffisant pour garantir sa conformité constitutionnelle.

Assimiler le port du voile par une mineure à "une forme d’asservissement" reste juridiquement fragile. "Incontestablement, une fillette de 9 ans pourrait le faire par mimétisme ou sous l'effet d’une instrumentalisation", observe-t-il. "Mais une adolescente de 16 ans peut davantage le porter par conviction personnelle."

Il rappelle par ailleurs que l’interdiction de dissimulation du visage est justifiée par des raisons de sécurité, avec la nécessité de pouvoir "identifier les personnes", un raisonnement difficilement transposable au fait de se couvrir la chevelure.


Quatre associations musulmanes portent plainte contre un sondage Ifop

Le recteur de la grande mosquée de Lyon, Kamel Kabtane, pose dans la grande mosquée de Lyon le 30 septembre 2025. (AFP)
Le recteur de la grande mosquée de Lyon, Kamel Kabtane, pose dans la grande mosquée de Lyon le 30 septembre 2025. (AFP)
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  • Les Conseils départementaux du culte musulman (CDCM) du Loiret, de l'Aube, des Bouches-du-Rhône et de Seine-et-Marne ont déposé plainte contre X auprès du tribunal judiciaire de Paris après la publication le 18 novembre du sondage Ifop
  • Les CDCM sont l'échelon départemental du Conseil français du culte musulman (CFCM), ex-instance de représentation de l'islam auprès des pouvoirs publics, tombée en disgrâce en 2021

PARIS: Quatre associations du culte musulman ont porté plainte lundi pour dénoncer le manque d'objectivité supposé d'un sondage Ifop sur le rapport des fidèles à l'islam, ont annoncé leurs avocats à l'AFP.

Les Conseils départementaux du culte musulman (CDCM) du Loiret, de l'Aube, des Bouches-du-Rhône et de Seine-et-Marne ont déposé plainte contre X auprès du tribunal judiciaire de Paris après la publication le 18 novembre du sondage Ifop "Etat des lieux du rapport à l'islam et à l'islamisme des musulmans de France".

Les CDCM sont l'échelon départemental du Conseil français du culte musulman (CFCM), ex-instance de représentation de l'islam auprès des pouvoirs publics, tombée en disgrâce en 2021.

Ce sondage "viole le principe d'objectivité posé par la loi du 19 juillet 1977 relative à la publication et la diffusion des sondages d'opinion", se "fonde sur des questions orientées" et se "focalise sur des résultats minoritaires mis en avant à des fins polémiques", accusent les avocats Mes Raphaël Kempf et Romain Ruiz, dans un communiqué.

Selon eux, le sondage distille "le poison de la haine dans l'espace public", renforçant "les amalgames".

Contacté par téléphone, François Kraus, directeur du pôle politique/actualités de l'Ifop, a indiqué qu'il répondrait à l'AFP par écrit, ce qu'il n'avait pas fait dans l'après-midi.

Le CFCM avait déjà dans un communiqué vendredi déploré "une nouvelle mise à l’index des citoyens français de confession musulmane et de leurs pratiques religieuses", avec des analyses et données "contestables".

L'enquête Ifop, basée sur un échantillon de 1.005 personnes de religion musulmane, a été commandée par le média confidentiel "Ecran de veille", qui se présente comme "le mensuel pour résister aux fanatismes".

L'attention médiatique et politique s'est beaucoup focalisée sur le sous-échantillon des 15-24 ans, constitué de 291 personnes, et révélant une forte pratique (87% se considèrent religieux, 67% disent prier "au moins une fois par jour", 83% font le ramadan)

François Kraus écrit dans sa conclusion sur le site de l'Ifop que "cette enquête dessine très nettement le portrait d'une population musulmane traversée par un processus de réislamisation, structurée autour de normes religieuses rigoristes et tentée de plus en plus par un projet politique islamiste".

Le sondage a provoqué de vives réactions, l'extrême droite y voyant un signe d'"islamisation", tandis que des représentants de la communauté musulmane ont regretté "une stigmatisation".

"A mal poser les questions, on finit toujours par fabriquer les peurs qu’on prétend mesurer", affirmait dans son billet hebdomadaire le recteur de la Grande mosquée de Paris Chems-eddine Hafiz.

Le politiste Haouès Seniguer qualifie pour sa part de raccourci "grossier et réducteur" l'idée, sous-jacente selon lui au sondage, qu'une observance stricte de l'islam soit la porte d'entrée mécanique vers l'islamisme.


Macron invité de RTL mardi matin

 Emmanuel Macron, en déplacement en Afrique en ce début de semaine, sera l'invité de RTL mardi matin à 07h35, a annoncé la radio lundi dans un communiqué. (AFP)
Emmanuel Macron, en déplacement en Afrique en ce début de semaine, sera l'invité de RTL mardi matin à 07h35, a annoncé la radio lundi dans un communiqué. (AFP)
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  • Après sa participation au G20 ce week-end à Johannesburg et une visite au Gabon, le chef de l'Etat Français a décollé lundi pour l'Angola, où il doit participer au sommet Union européenne-Union africaine
  • Emmanuel Macron se rendra notamment jeudi à Varces (Isère), sur un site de l'armée de terre, où il pourrait annoncer l'instauration d'un service militaire volontaire

PARIS: Emmanuel Macron, en déplacement en Afrique en ce début de semaine, sera l'invité de RTL mardi matin à 07h35, a annoncé la radio lundi dans un communiqué.

Le président de la République sera notamment interrogé sur la situation internationale, alors qu'une nouvelle réunion de la "coalition des volontaires" au soutien de l'Ukraine est prévue mardi en visioconférence.

Après sa participation au G20 ce week-end à Johannesburg et une visite au Gabon, le chef de l'Etat a décollé lundi pour l'Angola, où il doit participer au sommet Union européenne-Union africaine.

M. Macron sera aussi interrogé sur "les menaces qui pèsent sur la France", selon le communiqué de RTL.

Emmanuel Macron se rendra notamment jeudi à Varces (Isère), sur un site de l'armée de terre, où il pourrait annoncer l'instauration d'un service militaire volontaire.