1978 - Les Accords de Camp David: Un chemin trompeur vers la paix

Anouar el-Sadate (gauche) serre la main de Menahem Begin en présence du président américain Jimmy Carter. (AFP)
Anouar el-Sadate (gauche) serre la main de Menahem Begin en présence du président américain Jimmy Carter. (AFP)
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Publié le Mercredi 23 avril 2025

1978 - Les Accords de Camp David: Un chemin trompeur vers la paix

  • Si les accords ont valu à Sadate et Begin le prix Nobel, ils n'ont que peu contribué à l'établissement d'une paix durable au Moyen-Orient
  • En 1978, la population de colons ne comptait que 75,000 personnes. En 1990, elle avait triplé pour atteindre 228,000. Aujourd'hui, plus d'un demi-million de colons israéliens occupent au moins 370 colonies

CHICAGO — En se rendant à Jérusalem, le président égyptien Anouar el-Sadate poursuivait une vision ambitieuse: prévenir tout nouveau conflit et résoudre la crise israélo-arabe par voie diplomatique. Sa démarche reposait sur la conviction profonde qu'une paix véritable ne pourrait être fragmentaire. Elle devait, selon lui, englober non seulement l'Égypte et ses voisins arabes — Jordanie, Syrie et Liban — mais s'articuler essentiellement autour d'un engagement formel d'Israël à se retirer des territoires occupés et à permettre l'émergence d'un État palestinien souverain.

Face aux parlementaires israéliens réunis à la Knesset, Sadate a prononcé un discours-fleuve dont l'une des déclarations les plus marquantes résonne encore aujourd'hui : "Mon voyage n'a pas pour objectif un accord bilatéral isolant l'Égypte... Car même si tous les États du front parvenaient à un accord avec Israël, cette paix resterait fragile et illusoire tant qu'une solution équitable à la question palestinienne ne sera pas trouvée. C'est cette paix juste et pérenne que la communauté internationale appelle unanimement de ses vœux."

Sadate n'aura pas vécu assez longtemps pour constater à quel point il avait raison:  l'obstination israélienne à maintenir son emprise sur les territoires occupés allait effectivement déclencher un engrenage fatal. Cette politique d'occupation a progressivement nourri les courants extrémistes, multipliés les cycles de violence, fragilisée la stabilité de l'Égypte elle-même, et fait voler en éclats tout espoir d'une réconciliation durable dans la région.

L'objectif unique du Premier ministre israélien Menahem Begin était d'éliminer la menace militaire égyptienne, de diviser les "États du front" arabes et de bloquer les revendications en faveur d'un État palestinien.

Sadate fut naïf de faire confiance à Begin, l'un des terroristes les plus impitoyables du Moyen-Orient. Begin avait orchestré certaines des atrocités civiles les plus odieuses durant le conflit israélo-arabe de 1947-1948, notamment le massacre de près de 100 civils dans le petit village palestinien de Deir Yassine. 

Légende: La une du journal relatait l'avancement des accords, notant que le sommet avait atteint "une étape décisive".
Légende: La une du journal relatait l'avancement des accords, notant que le sommet avait atteint "une étape décisive".

Ce massacre, au cours duquel des femmes enceintes furent sauvagement assassinées et leurs corps jetés dans le puits du village, a profondément choqué la population arabe de Palestine, provoquant un exode massif de réfugiés terrorisés. Avant son discours à la Knesset, Sadate avait visité le mémorial de l'Holocauste Yad Vashem qui, ironie du sort, est édifié sur les vestiges de Deir Yassine.

Déroulé tapis rouge par Israël et les États-Unis, Sadate se vit propulsé au rang de chef d'État modèle pour son audace pacificatrice. Sa tournée américaine de 1978 prit des allures de triomphe: banquets somptueux et réceptions officielles dans les métropoles du pays. À Chicago, pourtant, un autre accueil l'attendait. J'étais là, mêlé à une foule de 500 Américains d'origine arabe, scandant notre opposition à ce que nous considérions comme une véritable reddition diplomatique.

Les Accords de Camp David ont valu à Sadate et Begin le Prix Nobel de la paix 1978, mais aussi l'opprobre du monde arabe. La Ligue arabe réagit en excluant l'Égypte et en transférant le siège de l'organisation du Caire à Tunis.

La stratégie d'Israël était transparente pour tous, sauf pour Sadate. Il signa les accords après 12 jours d'intenses négociations en 1978, du 5 au 17 septembre. Mais quelques semaines auparavant, Begin avait inauguré la colonie d'Ariel, sur des terres confisquées en Cisjordanie à plus de 16 kilomètres à l'est de la Ligne verte, devenue depuis un symbole de la guerre continue d'Israël contre l'État palestinien et le centre de l'expansion des colonies israéliennes.

Malgré cette réalité troublante sur le terrain, Sadate signa un traité de paix formel avec Israël à la Maison Blanche le 26 mars 1979, mettant officiellement fin au conflit entre les deux pays.

Dates clés

14 février 1977
Le président américain Jimmy Carter écrit à son homologue égyptien Anouar el-Sadate et au Premier ministre israélien Yitzhak Rabin pour exprimer son engagement à trouver "un règlement de paix durable au Moyen-Orient".

 21 octobre 1977
Dans une lettre manuscrite, Carter fait appel à Sadate: "Le moment est venu d'avancer, et votre soutien public précoce à notre approche est extrêmement important — peut-être vital".

 11 novembre 1977
Après l'annonce par Sadate de son intention de visiter Israël, le nouveau Premier ministre israélien, Menahem Begin, s'adresse au peuple égyptien depuis Jérusalem en plaidant pour "plus de guerres, plus d'effusion de sang".

3 août 1978
Carter adresse des lettres confidentielles à Sadate et Begin, leur proposant une rencontre.

5 septembre 1978
Sadate et Begin arrivent à Camp David pour dix jours de pourparlers.

17 septembre 1978
À 21h37, Carter, Begin et Sadate embarquent à bord de l'hélicoptère présidentiel Marine 1 et s'envolent du Maryland vers la Maison Blanche. À 22h31, Begin et Sadate signent un cadre pour la paix.

27 octobre 1978
Sadate et Begin reçoivent conjointement le Prix Nobel de la paix.

26 mars 1979
Sadate et Begin signent le traité de paix égypto israélien à Washington.

6 octobre 1981
Sadate est assassiné au Caire par des extrémistes islamiques opposés au traité de paix.

Si l'on examine les cinq fondements de l'accord, seuls deux ont franchi le cap de la concrétisation. L'Égypte a récupéré le Sinaï, sous conditions de démilitarisation, et la normalisation diplomatique formelle entre Le Caire et Tel-Aviv, mettant officiellement un terme à l'état de belligérance.
 
Les trois autres engagements sont restés lettre morte: les négociations pour résoudre la question palestinienne, avec la participation jordanienne, ont stagné; l'introduction de l'autonomie palestinienne en Cisjordanie et à Gaza dans un délai de cinq ans a échoué; et la fin des colonies israéliennes n'a même jamais été amorcée.

Les accords n'ont jamais été autorisés à entraver les plans visant à renforcer l'emprise d'Israël sur les territoires occupés. Lorsque le président américain Jimmy Carter a perdu sa réélection le 4 novembre 1980, et que Sadate a été assassiné lors d'un défilé militaire le 6 octobre 1981, Begin a reçu carte blanche pour enterrer définitivement le "rêve" de Sadate.

Malgré leurs divergences politiques, le président américain Ronald Reagan tenta de poursuivre la vision de paix au Moyen-Orient portée par Carter et proposa, en août 1982, un "gel" des colonies, exhortant Israël à accorder aux Palestiniens une "autonomie" comme étape vers un État. 

Le Premier ministre israélien Menahem Begin (gauche) et le président égyptien Anouar el-Sadate conversent et plaisantent lors d'une rencontre en juillet 1979 à Alexandrie. AFP
Le Premier ministre israélien Menahem Begin (gauche) et le président égyptien Anouar el-Sadate conversent et plaisantent lors d'une rencontre en juillet 1979 à Alexandrie. AFP

La réaction de Begin fut immédiate. Le 2 septembre 1982, avec Carter et Sadate hors-jeu, il conduisit une initiative à la Knesset pour consolider l'emprise d'Israël sur la Cisjordanie, Jérusalem Est et le plateau du Golan, augmentant la population de colons juifs. Israël, déclara le Cabinet, "se réserve le droit d'appliquer sa souveraineté sur les territoires à l'issue de la période de transition de cinq ans" vers "l'autonomie" palestinienne explicitement envisagée dans les Accords de Camp David.

En 1978, la population de colons ne comptait que 75,000 personnes. En 1990, elle avait triplé pour atteindre 228,000. Aujourd'hui, plus d'un demi-million de colons israéliens occupent au moins 370 colonies ou "avant-postes" en Cisjordanie et à Jérusalem Est.

Cette année, le 20 janvier, premier jour de son second mandat, le président américain Donald Trump a levé les sanctions imposées par l'administration Biden sur des groupes de colons d'extrême droite accusés de violences contre les Palestiniens.

Ironie du sort, alors que les accords de Camp David devaient créer un climat d'espoir et d'optimisme, leur progression limitée au seul retour du Sinaï a engendré un sentiment de fatalisme nourrissant l'extrémisme, comme en témoignent de façon dramatique les attaques meurtrières du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.

Si le cessez-le-feu entre Le Caire et Tel-Aviv tient toujours, l'incapacité chronique à résoudre la question palestinienne a considérablement affaibli la portée historique des accords. Ce qui devait incarner une paix globale s'est progressivement dégradé en un simple pacte de non-agression formalisé. Aujourd'hui, les relations égypto-israéliennes se résument essentiellement à une collaboration sécuritaire.

Ray Hanania est un ancien journaliste politique primé de la mairie de Chicago. Il est chroniqueur pour Arab News et anime l'émission de radio Ray Hanania. 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com 


Sissi dénonce une «guerre d'extermination» à Gaza et défend le rôle de l'Egypte

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  • "La guerre en cours à Gaza n'est plus une guerre pour atteindre des objectifs politiques ou libérer des otages uniquement", a déclaré M. Sissi lors d'une conférence de presse avec son homologue vietnamien Luong Cuong
  • "Cette guerre a depuis longtemps dépassé toute logique ou justification et est devenue une guerre de famine et de génocide, ainsi qu'un moyen d'extermination de la cause palestinienne" a-t-il ajouté

LE CAIRE: Le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a dénoncé mardi une "guerre de famine et de génocide" en cours à Gaza, tout en réfutant des accusations selon lesquelles l'Egypte empêcherait l'entrée de l'aide humanitaire via le poste-frontière de Rafah.

"La guerre en cours à Gaza n'est plus une guerre pour atteindre des objectifs politiques ou libérer des otages uniquement", a déclaré M. Sissi lors d'une conférence de presse avec son homologue vietnamien Luong Cuong.

"Cette guerre a depuis longtemps dépassé toute logique ou justification et est devenue une guerre de famine et de génocide, ainsi qu'un moyen d'extermination de la cause palestinienne" a-t-il ajouté.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a de son côté déclaré mardi qu'Israël devait "vaincre totalement" le Hamas à Gaza pour assurer la libération des otages. Selon la presse israélienne, l'armée pourrait aller jusqu'à occuper l'ensemble de la bande de Gaza.

Fin juillet, après l'annonce par Israël d'une pause limitée des combats, des camions d'aide internationale étaient entrés à Gaza en provenance d'Egypte après avoir franchi le point de passage de Rafah, fermé du côté palestinien depuis que l'armée israélienne en a pris le contrôle en mai 2024.

Le président égyptien a qualifié de "propos irresponsables" des accusations selon lesquelles Le Caire bloquerait l'entrée de l'aide via Rafah, seul point de passage entre Gaza et l'Egypte.

Ce point de passage "n'a jamais été fermé par l'Egypte", a-t-il souligné, affirmant que "depuis 20 ans, le rôle de l'Egypte a été de chercher à calmer tout éventuel conflit".

M. Sissi a expliqué que l'aide humanitaire ne pouvait entrer que "tant qu'aucune force israélienne ne stationnait du côté palestinien" de la frontière, tout en affirmant que plus de 5.000 camions attendent toujours du côté égyptien.

Depuis le début de la guerre en octobre 2023, l'Egypte joue, avec le Qatar et les Etats-Unis, un rôle de médiateur entre Israël et le Hamas, tout en se positionnant publiquement contre le déplacement forcé des Palestiniens vers son territoire.

"L'Egypte restera toujours une porte d'entrée pour l'aide et non une porte pour le déplacement des Palestiniens", a assuré mardi le chef de l'Etat.

Fin juillet, M. Sissi avait exhorté le président américain Donald Trump à agir face à la crise humanitaire à Gaza et affirmé que "le moment est venu de mettre fin à la guerre".


Israël interdit au grand mufti de Jérusalem l'accès à la mosquée Al-Aqsa suite à son sermon sur Gaza

 Cheikh Mohammed Hussein, le grand mufti de Jérusalem et des Territoires palestiniens. (Wafa)
Cheikh Mohammed Hussein, le grand mufti de Jérusalem et des Territoires palestiniens. (Wafa)
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  • L'avocat du cheikh Hussein a déclaré qu'Israël avait étendu l'interdiction initiale de 8 jours à 6 mois
  • Le ministère des dotations et des affaires religieuses de l'Autorité palestinienne a condamné la décision israélienne

LONDRES : Les autorités israéliennes ont prolongé mercredi l'interdiction d'entrée dans la mosquée Al-Aqsa du cheikh Mohammed Hussein, grand mufti de Jérusalem et des territoires palestiniens, en raison d'un sermon prononcé à Gaza.

L'avocat du cheikh Hussein a déclaré qu'Israël avait prolongé de six mois l'interdiction initiale de huit jours d'entrer dans le lieu saint situé à Jérusalem-Est.

Les autorités ont imposé la première interdiction après un sermon du vendredi à la fin du mois de juillet, au cours duquel le cheikh Hussein a dénoncé la politique de famine menée par Israël à l'encontre de deux millions de Palestiniens à Gaza, a rapporté l'agence de presse Wafa. Les forces israéliennes ont convoqué le grand mufti le 27 juillet et lui ont délivré un ordre d'expulsion de huit jours de la mosquée, qui pourrait être renouvelé.

Le ministère des dotations et des affaires religieuses de l'Autorité palestinienne a condamné la décision israélienne.

"L'interdiction du mufti est une tentative évidente de l'occupation (israélienne) de vider Al-Aqsa des autorités religieuses qui s'opposent à ses plans, et de démontrer l'étendue et la portée de ses violations dans la bande de Gaza et en Cisjordanie en général, et dans la mosquée Al-Aqsa en particulier", a déclaré le ministère dans un communiqué.


Le Hezbollah affirme qu'il fera comme si la décision de le désarmer «n'existait pas»

Le ministre de la Santé, Rakan Nassereddine, affilié au Hezbollah, et la ministre de l'Environnement, Tamara el-Zein, proche du mouvement Amal, ont quitté la réunion du Conseil des ministres de mardi. (AFP)
Le ministre de la Santé, Rakan Nassereddine, affilié au Hezbollah, et la ministre de l'Environnement, Tamara el-Zein, proche du mouvement Amal, ont quitté la réunion du Conseil des ministres de mardi. (AFP)
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  • Le Hezbollah considère que cette décision est "le fruit des injonctions de l'émissaire américain Tom Barrack", en référence à une proposition qu'il a soumise aux autorités et qui prévoit le désarmement du mouvement selon un calendrier précis
  • Elle "sert pleinement les intérêts d'Israël et laisse le Liban exposé face à l'ennemi israélien, sans moyen de dissuasion", accuse le parti

BEYROUTH: Le Hezbollah a affirmé mercredi que le gouvernement libanais avait commis un "péché grave" en décidant de le désarmer d'ici fin 2025 et qu'il ferait comme si cette décision "n'existait pas".

Le gouvernement libanais a chargé mardi l'armée de préparer un plan d'action pour désarmer le Hezbollah d'ici la fin de l'année, une mesure sans précédent depuis la fin de la guerre civile en 1990.

Le gouvernement "a commis une faute grave en prenant une décision qui prive le Liban de l'arme de la résistance contre l'ennemi israélien", a réagi le mouvement chiite soutenu par l'Iran, estimant que cette décision "sapait la souveraineté du Liban" et "donnait les mains libres à Israël". "C'est pourquoi nous ferons comme si elle n'existait pas", a-t-il ajouté.

Le Hezbollah considère que cette décision est "le fruit des injonctions de l'émissaire américain Tom Barrack", en référence à une proposition qu'il a soumise aux autorités et qui prévoit le désarmement du mouvement selon un calendrier précis.

Elle "sert pleinement les intérêts d'Israël et laisse le Liban exposé face à l'ennemi israélien, sans moyen de dissuasion", accuse le parti.

La décision du gouvernement s'inscrit dans le cadre de l'application du cessez-le-feu conclu sous médiation américaine, qui a mis fin le 27 novembre à plus d'un an de conflit entre le Hezbollah et Israël. L'accord prévoit que seuls six organismes militaires et de sécurité sont autorisés à porter les armes.

Dans son communiqué, le Hezbollah a réaffirmé que l'arrêt des frappes israéliennes sur le Liban était une condition préalable à toute discussion sur "une nouvelle stratégie nationale de défense".

Le ministre de la Santé, Rakan Nassereddine, affilié au Hezbollah, et la ministre de l'Environnement, Tamara el-Zein, proche du mouvement Amal, ont quitté la réunion du Conseil des ministres de mardi.

Le Hezbollah a estimé qu'il s'agissait d'un moyen pour les ministres d'exprimer leur "rejet" de ce qu'il assimile à une volonté de "soumettre le Liban à une tutelle américaine et à une occupation israélienne".