PARIS: Face à l'annonce d'une reprise limitée de l'aide humanitaire dans la bande de Gaza, assiégée par Israël, les ONG Médecins du Monde et Médecins sans Frontières la jugent trop insuffisante pour enrayer "la catastrophe" en cours, après plus de deux mois de blocus.
"C'est de la poudre aux yeux, c'est une façon de dire +oui, on fait rentrer de la nourriture+, mais c'est presque symbolique", dénonce, auprès de l'AFP, Claire Nicolet, de Médecins Sans Frontières (MSF).
Lundi, Israël a annoncé l'entrée dans la bande de Gaza de camions avec de la nourriture pour bébés, assurant qu'il faciliterait "dans les jours à venir", "l'entrée de dizaines de camions d'aide".
Neuf camions ont été autorisés à entrer lundi, selon le chef des opérations humanitaires de l'ONU qui parle d'"une goutte d'eau dans l'océan".
"C'est mieux que rien", dit Mme Nicolet, responsable des urgences de MSF, exhortant néanmoins à une reprise de l'aide humanitaire "en quantité" comme pendant la trêve du 19 janvier au 18 mars où environ 600 camions entraient chaque jour, selon elle.
"Aujourd'hui c'est la panique, la désolation et le flou total", alerte Jean-François Corty, président de Médecins du Monde. "On en est à un point de sidération où tout est bon à prendre".
Mais "une centaine de camions" par jour pour quelques jours, cela ne permet pas de "répondre aux besoins de toute la population", et la "catastrophe continue", se désole M. Corty.
"Crise d'humanité"
"Je n'ai pas vraiment de mots pour vous décrire la situation", renchérit Jean-Raphaël Poitou, de l'ONG Action contre la faim, la qualifiant d"'apocalyptique (...) où il n'y a plus rien à manger, il n'y a plus rien à boire, il n'y a plus de médicaments, il n'y a pas de fioul".
Amande Bazerolle, coordinatrice d'urgence pour MSF, a passé quatre mois dans la bande de Gaza, jusqu'à début mai. Elle se souvient d'un paysage "complètement détruit".
"Le manque d'eau est visible partout, parce que tout est sale, parce qu'on voit que les enfants ne peuvent pas prendre de douche", poursuit-elle.
"Tout le monde doit faire la queue tous les jours pour pouvoir avoir un peu d'eau potable", s'inquiète Mme Bazerolle. Elle décrit "des patients qui, par manque de nourriture, ne cicatrisent pas".
Lundi, le chef de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, s'est alarmé du risque de famine qui augmente dans la bande de Gaza, où "deux millions de personnes sont affamées".
"Nous ne devons pas laisser la population sombrer dans la famine, ni pour des raisons pratiques, ni pour des raisons diplomatiques", a expliqué le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu pour justifier le déblocage de l'aide. Il a par ailleurs ajouté qu'Israël allait "prendre le contrôle de toute" la bande de Gaza.
La reprise partielle de l'aide humanitaire par Israël est pour le président de Médecins du Monde "une rhétorique pour répondre à une pression diplomatique et pas pour répondre à une exigence d'humanité, alors qu'on est au bord de la famine et que l'on a tout un tas d'indicateurs techniques qui sont en faveur, comme le rappelait Amnesty International, d'un génocide en cours".
Israël a rejeté à plusieurs reprises les accusations de génocide à Gaza.
Le pays a intensifié son offensive dans le petit territoire côtier, multipliant les bombardements meurtriers pour obtenir, selon le gouvernement, la libération des otages et vaincre le Hamas.
L'attaque du 7 octobre 2023 a entraîné la mort de 1.218 personnes côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles.
La campagne de représailles israéliennes a fait au moins 53.486 morts à Gaza, en majorité des civils, selon des données du ministère de la Santé du gouvernement du Hamas, jugées fiables par l'ONU.
Les trois ONG interrogées par l'AFP s'inquiètent par ailleurs pour leurs équipes sur place, constituées principalement d'humanitaires palestiniens.
"On ne parle pas de crise humanitaire. Là, c'est vraiment une crise d'humanité", dénonce Jean-François Corty, estimant que "la plupart des Occidentaux (..) n'en font pas assez aujourd'hui pour stopper le massacre en cours".