SAINT-JAMES, FRANCE : Alors que l'entreprise est en pleines discussions commerciales entre l'UE et les États-Unis sur les droits de douane, la direction du siège des Tricots Saint-James, l'enseigne qui confectionne et exporte l'une des marinières les plus célèbres de France, veut plus de stabilité.
À Saint-James, tout près du célèbre Mont-Saint-Michel en Normandie, les ouvrières textiles des ateliers Saint-James (qu'il convient de prononcer « Saint-Geamme ») produisent pulls, cabans et marinières pour une marque dont le chiffre d'affaires avoisine les 80 millions d'euros. Quelque 40 % de la production est exportée, dont un tiers vers l'Amérique du Nord.
Dans cette entreprise de 400 salariés, dont 300 à Saint-James même, on suit de très près les annonces de l'administration américaine sur les droits de douane.
La marinière en coton, affichée au prix de 95 euros en France, est actuellement « vendue 140 dollars aux États-Unis. Avec des droits de douane même à 16,5 %, elle passerait à 155 dollars », explique Luc Lesénécal, président de Saint-James, de retour d'un déplacement à New York consacré à l'ouverture d'un magasin éphémère.
« Cela représente tout de même une hausse significative, d'autant plus que ces deux dernières années, il y a eu beaucoup d'augmentations de prix en raison de la hausse des matières premières, du coût salarial, de l'énergie, etc. », énumère-t-il.
« Quand on exporte, on a l'habitude de gérer les taux de change, les fluctuations des matières premières, de l'énergie, etc. Les changements de taux de douane, qui sont parfois rétroactifs, rendent les projections plus difficiles », souligne le président de l'entreprise fondée en 1889.
Dans cette période agitée, Manuela Horeau, directrice commerciale grand export des Tricots Saint-James, évoque la « question du timing » dans un secteur textile où l'on travaille six mois en avance sur la saison.
« La question se pose : répercuter complètement la hausse immédiatement ou pas ? Ces changements ont des répercussions significatives. Et que vont faire les autres marques ? »
Alors que Saint-James est présent depuis plus de 20 ans aux États-Unis, dans 150 boutiques, M. Lesénécal ne fait pas preuve de « pessimisme », convaincu que les vêtements de sa marque incarnent « l'art de vivre à la française » avec un savoir-faire spécifique qu'apprécient les Américains.
Dans le grand atelier, les ouvrières textiles s'activent sous le regard de... Brad Pitt et George Clooney. Une grande affiche en noir et blanc les montre en train de conduire un side-car, vêtus de pulls Saint-James.
Des petites mains, essentiellement féminines, s'activent pour fabriquer notamment le pull matelot qui nécessite 18 étapes de confection, 23 km de fil de laine et pas moins de quinze jours entre le tricotage et les finitions.
Viviane Rête, responsable de la salle de raccoutrage, où les couturières veillent à éliminer les imperfections, insiste sur l'aspect artisanal de la production. « Nous travaillons avec nos mains, les machines ne peuvent pas le faire ; nous utilisons juste une aiguille à tricoter et nos yeux. »
Preuve du lien historique entre Saint-James et les États-Unis, le drapeau américain flotte à proximité de l'entrée du siège de l'entreprise. Une stèle rappelle que le 2 août 1944, les autorités militaires américaines y ont établi une base avancée et qu'un cimetière américain accueille aujourd'hui 4 410 GI's dans la petite ville normande.