MINA : Mina était animée ces derniers jours par les pas de millions de personnes, mais chaque pèlerin racontait une histoire différente. Certains avaient attendu des décennies pour vivre ce moment, tandis que d'autres le capturaient en temps réel.
Dans la ville de tentes de Mina, deux pèlerins se reposaient côte à côte : l'un reprenait son souffle, l'autre prenait un selfie. L'un consultait les heures de prière sur son smartphone, l'autre ajustait la sangle de sa sandale orthopédique. L'un s'appuyait sur une canne, l'autre survolait les écrans. Mais tous deux portaient le même ihram blanc et suivaient les mêmes étapes.
C'était le paradoxe du hadj 2025 : des générations séparées par plusieurs décennies parcouraient le même chemin sacré de manière remarquablement différente. Ils ne partageaient aucune langue commune, si ce n'est celle, tacite, de la foi.
Pour Moinuddin, 73 ans, originaire du Pakistan, le pèlerinage était un rêve longtemps attendu, gravé dans son cœur après des décennies de supplications.
Il a déclaré : « J'ai ce désir et je demande à Dieu de m'aider à trouver le courage et la force d'accomplir ce Hajj pour l'Isaal-e-Sawaab,offrande de récompenses spirituelles, pour ma mère. »
Il s'arrêtait souvent, non seulement pour se reposer, mais aussi pour réfléchir — à Arafat, à Muzdalifah et entre les piliers de Jamarat.
Quelques rangées derrière lui, Mustafa, 22 ans, originaire du Danemark, documentait son pèlerinage à l'aide de clichés rapides et de clips vidéo. Il avait emporté un appareil photo pour immortaliser ces moments pour ses amis et sa famille restés au pays. Il a déclaré : « Je suis reconnaissant d'être venu ici en tant que jeune. Je vois beaucoup de personnes âgées et c'est difficile ; il faut beaucoup travailler. »
Alors que Mustafa s'appuyait sur la navigation numérique pour suivre son groupe, Moinuddin s'appuyait doucement sur l'épaule d'un jeune compagnon. Les deux pèlerins ont enduré le même soleil, les mêmes foules et les mêmes rituels puissants, mais le prisme à travers lequel ils ont vécu le pèlerinage était façonné par leur étape dans la vie.
Comme la majorité des pèlerins étaient âgés, beaucoup sont arrivés en fauteuil roulant, avec des déambulateurs ou avec le soutien de toute leur famille. Leur présence était traitée avec respect : les bénévoles leur offraient volontiers de l'eau, des éventails et des prières silencieuses à leur passage.
En revanche, la jeune génération a apporté un rythme différent : celui de la documentation, de la découverte, de l'engouement pour le numérique, avec des codes QR aux points de contrôle, des applications de traduction en temps réel et des guides virtuels, rendant le pèlerinage de cette année plus accessible que jamais.
Mais au-delà de la technologie, les jeunes pèlerins ont su savourer des moments de calme.
Ce qui lie les deux extrémités du spectre d'âge, c'est l'abandon brut et partagé à quelque chose de plus grand. Dans un espace où la nationalité, le statut et la langue s'estompent, l'âge s'estompe également. Que l'on ait 18 ou 81 ans, on se tourne toujours vers la même qibla.
À Mina, où l'on lançait des cailloux en signe de défi symbolique contre l'ego, un jeune homme a gentiment soutenu le bras d'un vieil homme avant de lancer les siens. Un échange discret, mais qui en disait long.
Alors que les pèlerins ont fait une dernière fois le tour de la Kaaba avant de partir, la distance entre les générations s'est encore estompée. Certains marchaient rapidement, d'autres étaient poussés doucement dans des fauteuils roulants, mais tous ont accompli le même Tawaf Al-Wadaa (tawaf d'adieu).
Au final, le voyage ne s'est pas mesuré en pas ou en vitesse, mais en abandon. Et dans la vallée de La Mecque, tous les pèlerins parlaient cette langue.