Le plan de cessez-le-feu de Trump à Gaza : quelle suite ?

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Publié le Jeudi 06 novembre 2025

Le plan de cessez-le-feu de Trump à Gaza : quelle suite ?

Le plan de cessez-le-feu de Trump à Gaza : quelle suite ?
  • La deuxième phase du plan de Trump échoue car elle marginalise l’Autorité palestinienne, isole Gaza de la Cisjordanie et impose une tutelle étrangère contraire à l’autodétermination palestinienne
  • En ignorant les droits politiques palestiniens, les États-Unis et Israël aggravent l’instabilité régionale et accélèrent la dérive vers un système d’apartheid permanent

La deuxième phase du plan du président américain Donald Trump pour mettre fin à la guerre d’Israël à Gaza n’avance pas — et il est très probable qu’elle n’avance jamais. La récente vague de visites de hauts responsables américains en Israël, dont le vice-président J.D. Vance, le secrétaire d’État Marco Rubio et l’envoyé spécial (et gendre du président) Jared Kushner, n’a permis aucun progrès.

C’est le contraire de la première phase du cessez-le-feu qui — malgré deux ans d’inaction douloureuse avant sa mise en œuvre — s’est déroulée relativement sans heurts. La raison en est que la phase un répondait à au moins un des principaux objectifs de chaque partie — la libération des otages et l’arrêt du génocide — le tout sous une forte pression américaine pour la rendre acceptable.

Malgré leurs profondes divergences, toutes les factions palestiniennes — et nombre de gouvernements arabes réunis, notamment l’Égypte — s’accordent à dire qu’elles ont trois problèmes avec la deuxième phase du plan de Trump.

Le premier est que le plan isole les deux régions géographiques des territoires occupés, la Cisjordanie et Gaza, l’une de l’autre : dans leur évolution, leurs politiques et leur direction. C’est une consolidation de la séparation imposée par Israël dans son effort de fragmenter le corps politique palestinien. Les Palestiniens s’attendent à ce que les deux territoires soient placés sous la même administration, ou du moins liés entre eux.

Le deuxième problème est que le plan place Gaza sous tutelle étrangère. Cela va directement à l’encontre de l’aspiration palestinienne à l’indépendance et à l’autodétermination. Il entrave la lutte palestinienne pour mettre fin à l’occupation israélienne, en la remplaçant par une autre présence militaire étrangère sans fin claire. De plus, l’Égypte semble réticente à avoir une présence militaire étrangère à sa porte et cherche donc une résolution de l’ONU avant toute mise en œuvre.

Le troisième problème est que la deuxième phase du plan — comme l’a montré le discours scandaleux de Trump à la Knesset israélienne — ignore la nature politique de la crise de Gaza et la traite uniquement comme une crise humanitaire et économique. Il aurait été plus sérieux que le plan aborde la crise dans le cadre du conflit politique, dont la résolution dépend de la fin de l’occupation israélienne post-1967 des territoires, offrant ainsi aux Palestiniens la liberté, l’autodétermination et l’indépendance.

Israël tente de dupliquer à Gaza le modèle qu’il a développé en Cisjordanie, avec la condition supplémentaire que l’Autorité palestinienne (AP) n’y joue aucun rôle. Ce modèle impose une division du travail entre les forces d’occupation israéliennes et l’AP. En Cisjordanie, Israël se réserve unilatéralement — et par la force — le contrôle de la sécurité, de l’utilisation des terres et des frontières. On observe qu’après la première phase à Gaza, les forces militaires israéliennes occupent encore plus de la moitié du territoire, créant une nouvelle « ligne jaune » pour marquer cette zone.

Simultanément, en Cisjordanie, Israël permet à l’AP d’assurer de facto la responsabilité de l’éducation, de la santé, de l’ordre public, des services municipaux, etc. La seule différence est qu’Israël refuse que l’AP ait un quelconque rôle à Gaza, laissant les tâches administratives à une combinaison floue d’organismes internationaux et locaux.

L’approche de l’administration américaine — qui tente de résoudre la crise tout en évitant toute référence à la Cisjordanie, aux droits politiques palestiniens, à la solution à deux États et même à la direction politique palestinienne — donne l’impression que son objectif principal est de contrer l’élan international récent en faveur de la reconnaissance des droits politiques des Palestiniens et d’un État indépendant. Cet élan a culminé avec la vague de reconnaissances de l’État de Palestine par plusieurs pays européens à l’ONU en septembre, ainsi qu’une solidarité internationale sans précédent. Alors que certains États cherchent à empêcher les livraisons d’armes à Israël, le pays fait face à un secteur technologique affaibli et à un désinvestissement étranger croissant.

Le dilemme non reconnu d’Israël est que, sans l’AP et l’Organisation de libération de la Palestine (toutes deux reconnues par la Ligue arabe et l’ONU comme les instances légitimes représentant le peuple palestinien), il ne trouvera aucun tiers sérieux pour assumer les responsabilités non sécuritaires à Gaza. Ce tiers ne sera pas légitime et ne fera que compléter la présence militaire et l’occupation illégales d’Israël.

La leçon tirée de ces deux années horribles à Gaza est que nier les droits politiques palestiniens ne les fera pas disparaître. Poursuivre un « ordre politique régional normal » tout en ignorant la souffrance quotidienne des Palestiniens et en les privant de leurs terres et de leurs lieux saints ne peut être normalisé. Continuer à traiter Israël comme un pays au-dessus du droit international menace la stabilité de la région — et du monde.

Affaiblir l’AP et l’OLP, plutôt que de les renforcer, comme le fait Israël, ne peut qu’alimenter la radicalisation et donner du pouvoir à des alternatives qui ne servent l’intérêt de personne. Laisser Israël agir à sa guise conduit aussi à des changements radicaux au sein de la société israélienne, effaçant toute perspective de solution à deux États et la remplaçant par une réalité d’apartheid à un seul État, marquée par la brutalité et la violence.

Ghassan Khatib est maître de conférences en études internationales à l’Université de Birzeit et a occupé plusieurs postes au sein de l’Autorité palestinienne. Il est également le fondateur et ancien directeur du Jerusalem Media and Communications Centre.

NDLR: Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section leur sont propres et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com