Féliciter les chrétiens à Noël est permis — et reflète les finalités supérieures de l’islam

Les gens se rassemblent près du sapin de Noël sur la place de la Mangeoire à Bethléem, la veille de Noël. (Reuters)
Les gens se rassemblent près du sapin de Noël sur la place de la Mangeoire à Bethléem, la veille de Noël. (Reuters)
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Publié le Jeudi 25 décembre 2025

Féliciter les chrétiens à Noël est permis — et reflète les finalités supérieures de l’islam

Féliciter les chrétiens à Noël est permis — et reflète les finalités supérieures de l’islam
  • Féliciter les chrétiens à Noël est pleinement compatible avec l’islam et soutenu par une longue tradition de jurisprudence et d’érudition musulmane
  • La bienveillance interreligieuse renforce la foi, promeut la dignité humaine et contribue à l’harmonie sociale dans un monde marqué par les divisions

Chaque année, à l’approche de Noël, j’entends une question familière dans de nombreuses régions du monde musulman : en tant que musulman, dois-je adresser mes vœux à mes voisins chrétiens ?

Beaucoup choisissent de ne pas le faire. Certains voient dans cette retenue une preuve de pureté religieuse — le signe d’être un « bon musulman ». D’autres invoquent ce qu’ils estiment être une fracture infranchissable entre l’islam et le christianisme, craignant qu’un tel geste ne constitue un compromis théologique.

En tant que représentant de 1 200 savants à travers 139 pays, je considère essentiel d’aborder cette question avec clarté, en m’appuyant sur l’érudition islamique.

Il n’existe aucun texte de la charia interdisant de féliciter les non-musulmans à l’occasion de leurs fêtes religieuses, y compris Noël. Il ne s’agit ni d’une concession moderne, ni d’un affaiblissement de la croyance. C’est une position soutenue par de nombreux érudits éminents du monde islamique, qui ont émis des fatwas autorisant de tels vœux.

En jurisprudence islamique, les questions relevant de l’interprétation (ijtihad) ne peuvent faire l’objet d’objection en l’absence de consensus définitif (ijma). L’objection n’est recevable que lorsque des textes clairs et sans ambiguïté l’imposent. Là où les savants divergent — et lorsqu’aucune interdiction explicite n’existe — demeure un espace d’interprétation guidé par la sagesse, le contexte et l’intérêt général.

Féliciter les non-musulmans à l’occasion de leurs fêtes s’inscrit pleinement dans cet espace.

De tels gestes ne contredisent pas la croyance islamique et n’impliquent nullement l’acceptation de la théologie d’une autre foi. L’islam autorise la consommation de la nourriture des Gens du Livre, y compris leurs sacrifices, sans que cela n’implique l’approbation de leurs croyances. Cette distinction — entre engagement social et conviction théologique — est solidement ancrée dans notre tradition et pleinement conforme aux objectifs de la charia.

Dans un monde qui a un besoin urgent de compréhension accrue entre les peuples et les religions, ces gestes ne sont pas seulement symboliques, ils sont nécessaires. 

                               Dr Mohammad bin Abdulkarim Al-Issa

En effet, l’échange de vœux produit un bénéfice manifeste (maslahah). La bienveillance envers les personnes d’autres confessions n’affaiblit pas la foi. Au contraire, elle la renforce, en consolidant l’image tolérante de l’islam, en affirmant la dignité humaine et en favorisant l’harmonie sociale — des valeurs profondément ancrées dans la vision morale de l’islam.

Toutes les religions ont été façonnées par des expériences de vulnérabilité, d’exil et d’épreuves morales. Leurs Écritures reviennent sans cesse à la même question éthique : comment devons-nous traiter autrui, en particulier lorsque la peur ou la méfiance semblent plus faciles ? L’islam y répond clairement : la dignité est un don de Dieu, et la compassion envers autrui est un acte d’adoration.

Dans le monde actuel — marqué par des conflits amers, des déplacements massifs et de profondes divisions — cette clarté est plus nécessaire que jamais. Les civils — en particulier les enfants — paient le prix des cœurs endurcis et de la confiance brisée, exposant les sociétés à des fractures religieuses et ethniques encore plus profondes.

La foi peut être instrumentalisée pour justifier l’exclusion et l’hostilité, ou elle peut être réaffirmée comme une source de retenue, de miséricorde et de compréhension. L’islam nous appelle résolument vers cette seconde voie.

Je pense à des événements historiques tels que le jour de Noël 1914, lorsque, au cœur des ravages de la Première Guerre mondiale, des soldats britanniques et allemands déposèrent les armes, échangèrent des salutations et jouèrent même au football dans le no man’s land. Cette trêve fut un bref rayon de lumière dans une guerre longue et sanglante, mais elle nous rappelle que le simple fait de se regarder peut, même fugitivement, vaincre la violence et la haine.

J’ai constaté cette vérité profonde dans les crises humanitaires actuelles, où des volontaires musulmans et chrétiens travaillent côte à côte pour nourrir les affamés, soigner les blessés et réconforter les déplacés — souvent là où la communauté internationale a échoué, où la confiance s’est effondrée et où seule la foi subsiste.

Cette expérience guide notre action au sein de la Ligue islamique mondiale et fonde des initiatives telles que la Charte de La Mecque, approuvée par de hauts savants musulmans du monde entier, qui affirme l’égalité de la dignité humaine, la protection des minorités religieuses et le rejet de l’extrémisme comme des obligations islamiques.

Souhaiter un joyeux Noël aux chrétiens ne trahit pas l’islam. Il ne s’agit ni d’imitation, ni de dilution, ni de compromis, mais d’une confiance dans sa foi, d’une fidélité aux principes islamiques et d’un engagement envers les finalités supérieures de la charia.

En reconnaissant les valeurs communes de ceux qui partagent ce monde avec nous — et en comprenant que la foi, lorsqu’elle est solide, s’ouvre aux autres au lieu de se replier — nous honorons la force de l’islam.

Dans un monde qui a un besoin urgent de compréhension entre les peuples et les religions, ces gestes ne sont pas seulement symboliques, mais nécessaires.

Le Dr Mohammad bin Abdulkarim Al-Issa est secrétaire général de la Ligue islamique mondiale et président de l’Organisation des savants musulmans. X : @MhmdAlissa

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com