Tunisie : une nuit de troubles et des interrogations

Les forces de sécurité se rassemblent lors d'affrontements avec des manifestants, sur les lieux d'une manifestation dans la ville tunisienne de Siliana, la capitale du gouvernorat du même nom, à environ 130 km au sud-ouest de la capitale Tunis, le 16 janvier 2021. (AFP)
Les forces de sécurité se rassemblent lors d'affrontements avec des manifestants, sur les lieux d'une manifestation dans la ville tunisienne de Siliana, la capitale du gouvernorat du même nom, à environ 130 km au sud-ouest de la capitale Tunis, le 16 janvier 2021. (AFP)
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Publié le Lundi 18 janvier 2021

Tunisie : une nuit de troubles et des interrogations

  • La Tunisie a vécu la nuit du samedi au dimanche sur fond d’émeutes à Tunis, la capitale, ainsi que dans plusieurs villes du pays
  • Des dizaines de jeunes ont été arrêtés suite à ces troubles, annonce le ministère de l'Intérieur tunisien dimanche

TUNIS: La Tunisie a vécu la nuit du samedi au dimanche sur fond d’émeutes à Tunis, la capitale, ainsi que dans plusieurs villes du pays. Il s’agit notamment des quartiers populaires d’Ettadhamen et de Sidi Hassine, à Tunis, et des villes de Sousse, Bizerte, Monastir, Kef, Siliana et Mellassine.

Diffusées sur différentes plateformes des réseaux sociaux, des vidéos montrent des jeunes dans plusieurs villes du pays affrontant la police, brûlant des pneus, forçant des portes de commerces et volant des électroménagers.

Des manifestants affrontent les forces de sécurité lors d'une manifestation dans la ville tunisienne de Siliana, capitale du gouvernorat du même nom, à environ 130 km au sud-ouest de la capitale Tunis, le 16 janvier 2021. (AFP)
Des manifestants affrontent les forces de sécurité lors d'une manifestation dans la ville tunisienne de Siliana, capitale du gouvernorat du même nom, à environ 130 km au sud-ouest de la capitale Tunis, le 16 janvier 2021. (AFP)

Des dizaines de jeunes ont été arrêtés suite à ces troubles, annonce le ministère de l'Intérieur tunisien dimanche.  « La police a fait usage de gaz lacrymogène et a procédé à plusieurs arrestations, notamment un groupe qui a tenté de casser la porte d’une agence de banque située à Sousse et un autre qui a tenté de piller un grand magasin. », raconte Kapitalis, un média tunisien.

De l’avis de nombreux témoins, les affrontements avec les forces de l’ordre, qui ont duré jusqu’au petit matin, rappellent étrangement ceux de décembre 2010 et de janvier 2011.

Selon certains observateurs, il semblerait que les 4 jours de confinement total décrétés du 14 au 17 janvier, à la veille du 10e anniversaire de la révolution tunisienne, ont été la goutte qui a fait déborder le vase.

Pour Nazih Hachaichi, président de l'Association citoyenne pour la démocratie participative (ACDP), « il ne faut pas perdre de vue l’indignation collective exprimée et relayée sur les réseaux sociaux et parmi les franges sociales les plus modestes, face à cette étrange décision de confinement sanitaire de quatre jours qui, comme par hasard, prend la forme d’un pont enjambant le 10e  anniversaire de la Révolution tunisienne. » Les troubles de la nuit passée « ne sont en réalité que l’expression de la désillusion populaire qui fait place à la colère dans un pays où la classe politique n’a pas pu redresser la situation. », ajoute-t-il.

Faut-il, en effet, rappeler que le pays connait des protestations et des mouvements sociaux sporadiques, mais circonscrits géographiquement, depuis plusieurs années.  C’est notamment le cas à El-Kamour, une région marginalisée du Sud de la Tunisie, où sit-in et blocages de sites pétroliers se succèdent depuis 2017.

Des manifestants tunisiens manifestent à l'intérieur d'un site de production de pétrole à El Kamour, dans le gouvernorat tunisien de Tatatouine, dans le sud du pays, le 16 juillet 2020. (AFP)
Des manifestants tunisiens manifestent à l'intérieur d'un site de production de pétrole à El Kamour, dans le gouvernorat tunisien de Tatatouine, dans le sud du pays, le 16 juillet 2020. (AFP)

Ainsi, la concomitance des émeutes de la nuit passée et leur étendue sur tout le territoire tunisien ne manquent pas de susciter des interrogations.

Selon Hedi Selmi, un analyste du contexte politique tunisien, « les troubles de la nuit passée dans différentes régions du pays sont à regarder sous l’angle d'un problème plus important que celui purement sécuritaire, relatif au pillage et aux émeutes. Le problème est directement lié au confinement dû à la Covid-19, mis en œuvre depuis mars 2020 sachant que les petites entreprises et le commerce informel constituent un énorme palliatif au chômage en Tunisie. Il est surtout lié aux dix ans écoulés  qui ont vu la chute vertigineuse du pouvoir d’achat et une plus grande défiance envers l’État central. » 

Depuis le début de la pandémie de la Covid-19, la situation économique ne cesse de se détériorer en Tunisie et une bonne partie de la population qui travaille dans le secteur informel a beaucoup souffert des périodes de confinement successives ayant affecté le pays à partir de la mi-mars 2020.


En Tunisie, un décret présidentiel contre les « fausses informations» menace les libertés

Le président tunisien Kais Saied s'adresse aux journalistes après avoir voté aux élections locales de 2023 dans la localité de Mnihla, dans la province de l'Ariana, à la périphérie de Tunis, le 24 décembre 2023. (Photo, AFP)
Le président tunisien Kais Saied s'adresse aux journalistes après avoir voté aux élections locales de 2023 dans la localité de Mnihla, dans la province de l'Ariana, à la périphérie de Tunis, le 24 décembre 2023. (Photo, AFP)
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  • En un an et demi, plus de 60 personnes parmi lesquelles des journalistes, des avocats et des opposants à M. Saied ont fait l'objet de poursuites au nom du décret 54
  • La liberté d'expression était considérée comme le principal acquis de la Révolution de 2011 qui a fait chuter le dictateur Zine El Abidine Ben Ali

TUNIS: La multiplication des poursuites judiciaires en Tunisie contre des journalistes et personnalités publiques depuis la publication d'un décret visant à combattre ce que le gouvernement considère comme de "fausses informations" est devenu une "menace" pour la liberté d'expression encourageant "l'autocensure", déplorent des ONG et des professionnels des médias.

Le 13 septembre 2022, le président Kais Saied a promulgué le "décret 54" qui punit de jusqu'à cinq ans de prison quiconque utilise les réseaux d'information et de communication pour "rédiger, produire, diffuser (ou) répandre de fausses nouvelles (...) dans le but de porter atteinte aux droits d'autrui ou de porter préjudice à la sécurité publique".

La même peine peut être appliquée en cas de diffusion "de nouvelles ou de faux documents (...) visant à diffamer d'autres personnes, de porter atteinte à leur réputation, de leur nuire financièrement ou moralement". Le temps de détention double "si la personne visée est un agent public", selon le décret controversé.

En un an et demi, plus de 60 personnes parmi lesquelles des journalistes, des avocats et des opposants à M. Saied ont fait l'objet de poursuites au nom du décret 54, affirme à l'AFP le président du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), Zied Dabbar.

En dépit de ses objectifs officiels, ce "décret-loi n'a par exemple jamais été appliqué aux cas de cyberattaques", note-t-il.

Pour le célèbre chroniqueur radio Haythem Mekki, le texte vise "à faire taire les voix indésirables au pouvoir, ce qui explique les multiples poursuites lancées contre des personnes qui n'ont fait que critiquer les autorités".

Objet lui-même d'une enquête sur la base du décret 54 pour une publication sur l'état de la morgue de l'hôpital de Sfax (centre), ce journaliste estime que le texte a "réussi à intimider les milieux médiatiques et gravement affecté la liberté d'expression".

"On n'ose quasiment plus critiquer le président, ni en faire un objet de satire alors qu'à un moment on avait des guignols (des marionnettes humoristiques, ndlr) pour tous les responsables de l'Etat", constate-t-il. "La chape de plomb est là et pèse lourd", déplore M. Mekki.

La liberté d'expression était considérée comme le principal acquis de la Révolution de 2011 qui a fait chuter le dictateur Zine El Abidine Ben Ali. Mais depuis le coup de force en juillet 2021 du président Saied, par lequel il s'est octroyé tous les pouvoirs, plusieurs ONG et l'opposition ont déploré un recul des droits et libertés.

"Climat de peur" 

Selon l'ONG américaine Human Rights Watch, le pouvoir tunisien utilise ce décret "pour étouffer et intimider un large éventail de critiques".

Pour le professeur en science de l'information, Sadok Hammami, "ce décret-loi n'est pas du tout une réponse à la désinformation ni aux +fake news+ puisqu'il vise plus particulièrement des personnalités publiques et politiques".

"Le climat actuel décourage les professionnels des médias et instaure une atmosphère de peur, de censure et d'autocensure", selon lui.

"Aujourd'hui, les gens craignent de s'exprimer pour ne pas subir les foudres du décret 54", confirme à l'AFP Hamza Belloumi, un animateur de télévision vedette.

Son émission hebdomadaire qui dévoile des affaires de corruption ou des sujets sociaux sensibles, s'appuyait sur les témoignages de personnes "qui avaient le courage de parler, mais sont beaucoup plus réticentes aujourd'hui". "Soit elles n'acceptent pas de parler, soit elles réclament des garanties d'anonymat", regrette-t-il, soulignant avoir "énormément réduit" le nombre de reportages.

Même si "l'idée du texte était motivée par une bonne volonté, son utilisation est mauvaise. Il est devenu un instrument pour museler la parole", ajoute-t-il.

Fin février, 40 députés ont déposé une demande au Parlement pour réviser le décret mais son examen est "entravé par le président" de la Chambre, accuse le président du SNJT.

L'avocat et militant politique Ayachi Hammami, poursuivi depuis janvier en vertu du décret après une intervention radiophonique sur la situation des magistrats, déplore "une instrumentalisation des lois pour frapper fort les voix opposantes, les écarter et faire peur aux Tunisiens".

"Il est temps de réviser ce décret surtout à l'approche de la présidentielle (prévue à l'automne, ndlr) qui exige le plus grand niveau de solidarité entre les acteurs médiatiques, politiques et socio-économiques", abonde le député indépendant Mohamed Ali.

 

 


Une offensive israélienne sur Rafah «pourrait conduire à un bain de sang» selon le chef de l'OMS

Des enfants réagissent alors qu'ils fuient suite aux bombardements israéliens à Nuseirat, dans le centre de la bande de Gaza, le 29 avril 2024, dans le contexte du conflit en cours dans le territoire palestinien entre Israël et le groupe militant Hamas. (AFP)
Des enfants réagissent alors qu'ils fuient suite aux bombardements israéliens à Nuseirat, dans le centre de la bande de Gaza, le 29 avril 2024, dans le contexte du conflit en cours dans le territoire palestinien entre Israël et le groupe militant Hamas. (AFP)
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  • Pour l'heure, l'armée israélienne continue de bombarder la ville, où le Premier ministre Benjamin Netanyahu veut lancer une offensive terrestre pour «anéantir » selon lui les dernières brigades du Hamas
  • Les Européens, l'ONU et les Etats-Unis, principal allié d'Israël, ont tous demandé avec force à M. Netanyahu de renoncer à une offensive terrestre sur la ville

GENÈVE: Une offensive terrestre de l'armée israélienne sur la ville de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, "pourrait conduire à un bain de sang", a mis en garde le chef de l'Organisation mondiale de la santé vendredi sur le réseau social X.

"L'OMS est profondément préoccupée par le fait qu'une opération militaire à grande échelle à Rafah, Gaza, pourrait conduire à un bain de sang et affaiblir davantage un système de santé déjà à genoux", écrit Tedros Adhanom Ghebreyesus, à propos de la ville où sont massés 1,2 million de Palestiniens venus y chercher refuge.

Pour l'heure, l'armée israélienne continue de bombarder la ville, où le Premier ministre Benjamin Netanyahu veut lancer une offensive terrestre pour "anéantir" selon lui les dernières brigades du Hamas, mouvement qu'il considère comme terroriste de même que les Etats-Unis et l'Union européenne.

Les Européens, l'ONU et les Etats-Unis, principal allié d'Israël, ont tous demandé avec force à M. Netanyahu de renoncer à une offensive terrestre sur la ville.

Outre le coût en vies humaines, une offensive serait "un coup dur pour les opérations humanitaires dans l'ensemble de la bande de Gaza" car Rafah "est au coeur des opérations humanitaires", a averti vendredi le porte-parole du Bureau des Affaires humanitaires de l'ONU (Ocha), Jens Laerke, à Genève.

Le 7 octobre, une attaque de commandos du Hamas infiltrés depuis Gaza dans le sud d'Israël a entraîné la mort de plus de 1.170 personnes, essentiellement des civils, selon un bilan de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes.

En représailles à l'attaque du Hamas, l'armée israélienne a lancé une offensive de grande envergure -aérienne puis terrestre- dans la bande de Gaza qui a fait jusqu'à présent 34.622 morts, majoritairement des civils, selon le ministère de la Santé du Hamas.

 

 


La Sûreté publique saoudienne publiera samedi les instructions pour obtenir le permis d’entrée à La Mecque avant la saison du Hajj

La Direction générale de la sûreté publique d’Arabie saoudite a annoncé qu’elle publierait samedi des instructions à l’intention des résidents souhaitant obtenir l’autorisation d'entrer à La Mecque avant le début de la saison du Hajj. (Photo, AFP)
La Direction générale de la sûreté publique d’Arabie saoudite a annoncé qu’elle publierait samedi des instructions à l’intention des résidents souhaitant obtenir l’autorisation d'entrer à La Mecque avant le début de la saison du Hajj. (Photo, AFP)
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  • La Direction générale des passeports a déclaré qu’elle avait commencé à délivrer des permis d’entrée électroniques pour les travailleurs à La Mecque
  • Tout résident saoudien souhaitant obtenir un permis doit présenter une demande auprès des autorités compétentes

RIYAD: La Direction générale de la sûreté publique d’Arabie saoudite a annoncé qu’elle publierait samedi des instructions à l’intention des résidents souhaitant obtenir l’autorisation d’entrer à La Mecque avant le début de la saison du Hajj, a rapporté l’Agence de presse saoudienne (SPA).

Elle a par ailleurs expliqué que tout résident saoudien souhaitant obtenir un permis doit présenter une demande auprès des autorités compétentes et a indiqué que ceux qui n’obtiennent pas les permis nécessaires se verront interdire l’accès à la Ville sainte.

La Direction générale des passeports a également déclaré avoir commencé à délivrer des permis d’entrée électroniques pour les travailleurs à La Mecque afin de simplifier les procédures d’entrée pour les résidents pendant la saison du Hajj.

Le service numérique, accessible via la plate-forme en ligne Absher et le portail Muqeem du ministère de l’Intérieur, permettra à ceux qui souhaitent obtenir un permis d’entrée de soumettre leurs documents en ligne sans avoir à se rendre en personne dans les bureaux de passeports.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com