Suez dégaine un plan B pour tenter de contrer son rachat par Veolia, qui campe sur ses positions

La lettre d'intention d'Ardian et GIP reçue par Suez «ouvre la voie à une solution globale avec diverses modalités d'exécution possibles, d'effet équivalent, y compris une offre d'achat des actions Suez par les investisseurs» (Photo, AFP).
La lettre d'intention d'Ardian et GIP reçue par Suez «ouvre la voie à une solution globale avec diverses modalités d'exécution possibles, d'effet équivalent, y compris une offre d'achat des actions Suez par les investisseurs» (Photo, AFP).
Short Url
Publié le Lundi 18 janvier 2021

Suez dégaine un plan B pour tenter de contrer son rachat par Veolia, qui campe sur ses positions

  • Les modalités «resteront à négocier avec Veolia, si Veolia accepte la main tendue de Suez»
  • Pour le PDG de Veolia, la fusion est toutefois «inéluctable», comme il l'avait assuré début janvier après avoir transmis au conseil d'administration de Suez les détails de son projet de rachat

PARIS: Après des mois de quête pour trouver comment éviter d'être racheté par Veolia, Suez a annoncé dimanche avoir obtenu une offre des fonds français Ardian et américain GIP, pour parvenir à une «solution amicale» avec son concurrent, qui a immédiatement envoyé une fin de non recevoir.

Le conseil d'administration «a reçu une lettre d'intention d'Ardian et de GIP (Global Infrastructure Partners), visant à permettre une solution amicale et rapide à la situation créée par l'intention d'offre de Veolia», a indiqué le groupe dans un communiqué.

Cette offre vise à garantir la pérennité des deux géants français de l'eau et des déchets en proposant une porte de sortie à Veolia.

La lettre d'intention d'Ardian et GIP reçue par Suez «ouvre la voie à une solution globale avec diverses modalités d'exécution possibles, d'effet équivalent, y compris une offre d'achat des actions Suez par les investisseurs, au prix de 18 euros par action, coupon attaché», a détaillé Suez dans un communiqué.

En clair, les deux investisseurs et Suez proposeraient notamment à Veolia de lui racheter, au même prix, les 29,9% du capital de Suez qu'il a acquis auprès d'Engie début octobre.

«Le conseil d'administration m'avait demandé de travailler sur des solutions alternatives et de chercher d'autres investisseurs. C'est chose faite, avec ce consortium qui est prêt à accompagner Suez», a défendu Bertrand Camus, lors d'un entretien téléphonique avec des journalistes.

Les modalités «resteront à négocier avec Veolia, si Veolia accepte la main tendue de Suez», a indiqué M. Camus, précisant qu'il a prévenu Antoine Frérot, le PDG de Veolia, peu avant d'annoncer publiquement cette offre.

Mais Veolia a immédiatement refusé toute idée de se désengager de Suez: «Veolia rappelle ce soir que les 29,9% qu'il possède au capital de Suez ne sont pas et ne seront pas à vendre», a rétorqué le groupe dans un communiqué, défendant son projet de construire un «champion mondial de la transformation écologique».

«Tout projet qui impliquerait directement ou indirectement la cession par Veolia de sa participation au capital de Suez, ou d'autres cessions dénaturant le projet industriel que le groupe porte, est considéré comme hostile par Veolia», a-t-il ajouté.

Si le nom d'Ardian, fonds d'investissement de premier plan en France, circule depuis plusieurs mois comme possible trouble-fête aux desseins de Veolia, l'américain GIP est un nouveau venu dans le dossier. Ce fonds, spécialiste de l'investissement dans les infrastructures, gère plusieurs dizaines de milliards de dollars d'actifs. 

Ardian et GIP «offrent une base actionnariale stable pour accompagner le développement de Suez en France et à l’étranger, dans un souci constant du respect de l’intérêt public», ont défendu les deux entreprises dans un communiqué conjoint.

«Main tendue»

Selon Bertrand Camus, ce plan B «a l'avantage de cocher beaucoup de cases», au-delà du maintien de l'autonomie de Suez.

Il permettra notamment de fournir «l'assurance d'un capital majoritairement français, avec une augmentation significative de l'actionnariat salarié», selon le communiqué.

Cette offre «permet de garder deux leaders français dans les services à l'environnement au moment où les marchés sont extrêmement porteurs (...), d'assurer la préservation de l'emploi, le maintien d'une concurrence indispensable, notamment en France», a encore insisté M. Camus.

Pour répondre aux lois anti-trust, Veolia prévoit en effet de céder Suez Eau France, cœur de son histoire, au fonds Meridiam. Un projet qui inquiète les salariés de Suez et qui est vivement dénoncé par la direction du groupe, qui tente désespérément depuis des semaines de trouver une issue.

«Enlisement»

Le dossier s'est d'ailleurs largement déplacé sur le terrain judiciaire, avec plusieurs procédures en cours de la part des deux protagonistes. 

La justice a notamment suspendu les effets du rachat par Veolia des 29,9% de Suez. Veolia ne peut exercer les droits de vote associés à sa participation, le temps de respecter les obligations légales d'information-consultation du personnel de Suez

Le groupe espère bien le déblocage de ses droits d'ici la prochaine assemblée générale de Suez au printemps, pour pouvoir lancer son OPA sur le reste du capital de son concurrent.

En tout état de cause, l'opération prendrait encore des mois, le temps que les autorités de la concurrence examinent le dossier.

Pour le PDG de Veolia, la fusion est toutefois «inéluctable», comme il l'avait assuré début janvier après avoir transmis au conseil d'administration de Suez les détails de son projet de rachat.

«Le constat est quand même qu'il y avait une forme d'enlisement et de blocage (...). Nous pensons qu'il est aussi de notre responsabilité d'essayer d'en sortir par le haut, et cette offre de ce consortium d'investisseurs est ce qui permet de le faire», a défendu dimanche à l'inverse Bertrand Camus.

La réponse d'Antoine Frérot dimanche soir: «Je demeure ouvert à la discussion avec le conseil d'administration de Suez dans le cadre du projet que je leur ai envoyé la semaine dernière».


Taxe Zucman : «truc absurde», «jalousie à la française», selon le patron de Bpifrance

Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Short Url
  • M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde"
  • Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier"

PARIS: Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française".

M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde", mais qui selon lui "n'arrivera pas".

Mais "ça panique les entrepreneurs : ils ont construit leur boîte et on vient leur expliquer qu'on va leur en prendre 2% tous les ans. Pourquoi pas 3? Pourquoi pas 4? C'est invraisemblable!", a-t-il déclaré.

Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier" : "Donc demain j'aurai 2% du capital de LVMH, dans 20 ans 20%, 20% du capital de Pinault-Printemps-Redoute (Kering, NDLR), 20% du capital de Free. C'est délirant, c'est communiste en réalité, comment est-ce qu'on peut encore sortir des énormités comme ça en France!?"

"Ces gens-là tirent la France. Il faut les aider (...) au lieu de leur dire qu'on va leur piquer 2% de leur fortune".

Il a observé que "si on pique la totalité de celle de Bernard Arnault, ça finance 10 mois d'assurance-maladie", mais qu'après "il n'y a plus d'Arnault".

"Il n'y a pas de trésor caché", a estimé M. Dufourcq, qui pense que cette taxe "n'arrivera jamais", et n'est évoquée que "pour hystériser le débat" politique.

Pour lui, il s'agit "d'une pure histoire de jalousie à la française, une haine du riche, qui est soi-disant le nouveau noble", rappelant les origines modestes de François Pinault ou Xavier Niel: "c'est la société française qui a réussi, on devrait leur dresser des statues".

"Il y a effectivement des fortunes qui passent dans leur holding des dépenses personnelles", a-t-il remarqué, "c'est ça qu'il faut traquer, et c'est ce sur quoi le ministère des Finances, je pense, travaille aujourd'hui".

Mais il y a aussi "beaucoup de Français qui passent en note de frais leurs dépenses personnelles", a-t-il observé. "Regardez le nombre qui demandent les tickets dans les restaus", pour se les faire rembourser.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Short Url
  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
Short Url
  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".