Liban: les réserves d’oxygène s’amenuisent, les malades meurent chez eux

Des soldats libanais patrouillent dans la banlieue sud de Beyrouth pour faire respecter un couvre-feu hermétique, une tentative de freiner la propagation de la Covid-19 (Photo, AFP).
Des soldats libanais patrouillent dans la banlieue sud de Beyrouth pour faire respecter un couvre-feu hermétique, une tentative de freiner la propagation de la Covid-19 (Photo, AFP).
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Publié le Lundi 18 janvier 2021

Liban: les réserves d’oxygène s’amenuisent, les malades meurent chez eux

  • La somme des infections confirmées en laboratoire a dépassé le quart de million dimanche
  • "Certains nous implorent de leur vendre des générateurs d'oxygène, neufs ou d'occasion. Le prix d'un neuf est de 700 dollars normalement, mais les usagés sont vendus pour près de 5 000 dollars" explique Dr Wael Jaroush, spécialiste des soins intensifs

BEYROUTH: De nombreux médecins infectiologues et bactériologues au Liban anticipent une nouvelle augmentation des cas de Covid-19 la semaine prochaine, alors que les hôpitaux s’essoufflent au-delà de leur capacité.  

Depuis dimanche, le pays compte désormais plus de 250 000 cas d’infection confirmés par les laboratoires.

Au cours des dix-sept premiers jours de l'année, 67 655 nouveaux cas ont été enregistrés, et le confinement doit se prolonger encore dix jours.

Sleiman Haroun, chef du Syndicat libanais des hôpitaux privés, a déclaré que «la scène épidémiologique au Liban ne reflète qu’une partie de la réalité, qui est bien pire», dit-il. Il ajoute que «tous les lits réservés aux patients de Covid-19 dans les hôpitaux et les services d'urgence sont occupés, et des dizaines de patients se déplacent d'un hôpital à l'autre à la recherche d’une place. Les hôpitaux ont dépassé leur capacité».  

Le Dr Wael Jaroush, pneumologue et spécialiste des soins intensifs explique qu’il n’a «jamais rien vu de tel» et qu’il n’aurait «jamais cru vivre une telle expérience. Il n'y a pas de place pour les patients dans les services d'urgence. Ils meurent chez eux. Certains nous implorent de leur vendre des générateurs d'oxygène, neufs ou d'occasion. Le prix d'un neuf est de 700 dollars normalement, mais les usagés sont vendus pour près de 5 000 dollars, et comme certains ne sont payables qu’en devises étrangères, la famille du patient doit aussi acheter les dollars sur le marché noir pour plus 8 000 livres libanaises».

Selon Jaroush, les infections récentes ont eu lieu lors des rassemblements de fin d’année et durant les dix premiers jours de janvier. Il s'attend à voir les chiffres augmenter davantage lundi et mardi, mais demeure prudent avant de prévoir une baisse entre mercredi et jeudi.

Le pneumologue confie que les bombonnes d'oxygène de dix litres et les plus petites sont en rupture de stock «en raison de la forte demande. Une partie est stockée en raison d'un manque de confiance dans les services de santé publics, d’autres ne sont pas tout simplement pas disponibles dans les hôpitaux. Je rencontre par exemple dans le cadre de mes fonctions des patients qui avouent entreposer une bombonne chez eux depuis deux mois, de la même façon que ceux qui se constituaient des stocks de médicament» de manière préventive.

Il a souligné que les bombonnes «ne durent pas éternellement. Un patient atteint de Covid-19 qui ne trouve pas de place à l'hôpital est contraint de se procurer quarante ou cinquante litres d'oxygène et de rentrer chez lui. Et quand la bombonne de dix litres est épuisée, son cœur s'arrête et il meurt chez lui. C'est ce qui se produit au moment même où nous parlons».

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Un ouvrier prépare des bombonnes d'oxygène qui seront utilisées par les hôpitaux traitant les patients atteints de COVID-19, dans une usine de la ville de Sidon (Saïda), au sud du Liban, le 9 janvier 2021. Depuis le début de la pandémie de Covid-19, le Liban a enregistré près de 200 000 cas dont 1 537 décès, selon les chiffres du ministère de la santé.
(Mahmoud ZAYYAT / AFP)

Selon la même source, «le cardiologue Mustafa Al-Khatib, qui a attrapé le virus, souffre depuis hier, et n'a pas pu trouver ne serait-ce qu’une chaise aux urgences. Nous tentons entre collègues de lui trouver une place depuis hier pour une prise de sang et une radio des poumons. Nous en sommes là».

L’hôpital militaire de Beyrouth avait aussi dépassé sa capacité d'accueil dimanche. L’établissement est dédié aux membres de l’armée et leurs familles. La direction s’est trouvée obligée de réserver 23 chambres dans un hôpital privé, endommagé lors de l'explosion du port de Beyrouth en août dernier. Le régiment du génie travaille d’arrache-pied pour les réhabiliter et les convertir en unité de soins intensifs d’ici quelques jours.

La pénurie de fournitures médicales vient s’ajouter aux difficultés liées au manque de places disponibles.

Des activistes font désormais circuler un appel au don de bombonnes d’oxygène sur les réseaux sociaux pour fournir les hôpitaux où le besoin se fait cruellement sentir.

La chasse aux lits provoque des tensions entre les ambulanciers de la Croix-Rouge libanaise et quelques hôpitaux.

Selon Georges Kettaneh, secrétaire général de la Croix-Rouge libanaise, «La Croix-Rouge est toujours présente, Covid-19 ou pas. Mais nous répétons dès le début de la crise que les hôpitaux doivent être au rendez-vous. Les frictions entre la Croix-Rouge et certains hôpitaux étaient d’ailleurs prévisibles en raison de la décision du ministre de la Santé du gouvernement intérimaire, Hamad Hassan, d’obliger les établissements de santé privés à accueillir des patients.

Assem Araji, le chef de la commission parlementaire de la santé, a déclaré que «malgré le risque de sanctions que le ministère de la Santé entend imposer, certains hôpitaux refusent toujours d’accueillir les patients. Nous avons atteint un stade catastrophique qui requiert un sens de responsabilité national».

Araji estime qu’un «couvre-feu de onze jours n'est pas suffisant pour limiter la propagation du virus. Il devrait être prolongé de trois semaines, tel que préconisé par l’Organisation mondiale de la Santé».

De nombreuses personnalités sont décédées des suites du virus ces derniers jours.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com.


Liban: deux morts dans une frappe israélienne contre un véhicule dans le sud 

Des équipes d'urgence libanaises bouclent le périmètre d'un incendie sur le site des frappes israéliennes suite à des ordres d'évacuation, dans la banlieue sud de Beyrouth, le 27 avril 2025. Photo d'illustration (Photo par AFP)
Des équipes d'urgence libanaises bouclent le périmètre d'un incendie sur le site des frappes israéliennes suite à des ordres d'évacuation, dans la banlieue sud de Beyrouth, le 27 avril 2025. Photo d'illustration (Photo par AFP)
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  • Deux personnes ont été tuées jeudi dans une frappe israélienne contre un véhicule dans le sud du Liban
  • Israël mène régulièrement des frappes au Liban, principalement dans le sud, affirmant cibler le Hezbollah pro-iranien, plus de cinq mois après l'entrée en vigueur d'un cessez-le-feu le 27 novembre

BEYROUTH: Deux personnes ont été tuées jeudi dans des frappes israéliennes sur une localité du sud du Liban, a annoncé le ministère libanais de la Santé.

Le ministère a indiqué dans un communiqué qu'une frappe "menée par un drone de l'ennemi israélien contre une voiture dans la localité de Maiss el-Jabal a tué un Libanais et blessé deux Syriens".

Une autre personne a été tuée dans une seconde frappe sur cette localité, a ajouté le ministère dans un autre communiqué.

Israël mène régulièrement des frappes au Liban, principalement dans le sud, affirmant cibler le Hezbollah pro-iranien, plus de cinq mois après l'entrée en vigueur d'un cessez-le-feu le 27 novembre.

Au début de la guerre à Gaza en octobre 2023, déclenchée par une attaque sans précédent du Hamas, le Hezbollah a tiré des roquettes à partir du sud du Liban sur Israël, affirmant agir en soutien à son allié palestinien.

Israël a réagi en septembre 2024 par d'intenses bombardements sur le Liban, principalement contre les bastions du Hezbollah, qui est sorti très affaibli de la guerre.

Une commission regroupant le Liban, Israël, les Etats-Unis, la France et l'ONU est chargée de superviser l'application du cessez-le-feu.

Beyrouth presse la communauté internationale de faire pression sur Israël pour qu'il mette fin à ses attaques et se retire de cinq positions frontalières où il a maintenu des troupes, malgré l'accord.

Le Liban affirme respecter l'ensemble de ses engagements et impute à Israël la responsabilité du non-respect de l'accord.

Lundi, l'armée israélienne a indiqué avoir frappé plus de 50 "cibles terroristes" en un mois au Liban "après des violations du cessez-le-feu et des accords entre Israël et le Liban, posant une menace pour l'Etat d'Israël et sa population".

 


Les Emirats vont lever l'interdiction à leurs ressortissants de se rendre au Liban

Les Emirats arabes unis vont lever l'interdiction faite à leurs ressortissants de se rendre au Liban, qui avait été imposée lors d'une querelle diplomatique en 2021, selon une déclaration conjointe des deux pays publiée jeudi. (AFP)
Les Emirats arabes unis vont lever l'interdiction faite à leurs ressortissants de se rendre au Liban, qui avait été imposée lors d'une querelle diplomatique en 2021, selon une déclaration conjointe des deux pays publiée jeudi. (AFP)
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  • En 2021, les Emirats arabes unis avaient interdit à leurs ressortissants de se rendre au Liban, et rappelé leurs diplomates en poste à Beyrouth en signe de solidarité avec l'Arabie saoudite, après les critiques d'un ministre libanais envers Riyad
  • Ni Beyrouth ni Abou Dhabi n'avaient interdit les déplacements des Libanais aux Emirats arabes unis, bien que certains aient eu des difficultés à obtenir des visas

DUBAI: Les Emirats arabes unis vont lever l'interdiction faite à leurs ressortissants de se rendre au Liban, qui avait été imposée lors d'une querelle diplomatique en 2021, selon une déclaration conjointe des deux pays publiée jeudi.

Cette décision a été annoncée au lendemain d'une rencontre à Abou Dhabi entre le président libanais Joseph Aoun et son homologue émirati Mohammed ben Zayed Al-Nahyane.

"Les deux parties sont convenues d'autoriser les citoyens à voyager, après avoir pris les mesures nécessaires pour faciliter les déplacements entre les deux pays et mis en place les mécanismes appropriés", indique le communiqué.

En 2021, les Emirats arabes unis avaient interdit à leurs ressortissants de se rendre au Liban, et rappelé leurs diplomates en poste à Beyrouth en signe de solidarité avec l'Arabie saoudite, après les critiques d'un ministre libanais envers l'intervention militaire de Ryad au Yémen.

Ni Beyrouth ni Abou Dhabi n'avaient interdit les déplacements des Libanais aux Emirats arabes unis, bien que certains aient eu des difficultés à obtenir des visas.

Le Fonds d'Abou Dhabi pour le développement, qui soutient des projets d'infrastructure dans les pays en développement, enverra une délégation au Liban pour étudier d'éventuels projets communs, ajoute le communiqué.

Les liens entre les deux pays se sont détériorés au cours de la dernière décennie en raison de l'influence du Hezbollah pro-iranien sur le Liban.

Mais depuis que le Hezbollah est sorti affaibli fin novembre de plus d'un an d'hostilités, dont deux mois de guerre ouverte, avec Israël, les Emirats arabes unis manifestent à nouveau leur intérêt pour le Liban, à la suite d'autres pays du Golfe.

En mars, l'Arabie saoudite avait déclaré qu'elle examinerait les "obstacles" à la reprise des importations libanaises et à la levée de l'interdiction faite à ses ressortissants de se rendre au Liban.

M. Aoun avait auparavant rencontré le prince héritier Mohammed ben Salmane, dirigeant de facto de l'Arabie saoudite, à Ryad, où il effectuait son premier voyage à l'étranger depuis son entrée en fonction en janvier.

M. Aoun, qui a les faveurs de Ryad et de Washington, a été élu après que l'affaiblissement du Hezbollah et le renversement en Syrie de l'allié du mouvement, Bachar al-Assad, ont modifié l'équilibre des pouvoirs au Liban.

 


Syrie: l'un des principaux chefs religieux druzes dénonce une «campagne génocidaire» contre sa communauté

 Au moins quinze combattants druzes ont été tués mercredi dans une embuscade près de Damas, a rapporté jeudi l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). (AFP)
Au moins quinze combattants druzes ont été tués mercredi dans une embuscade près de Damas, a rapporté jeudi l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). (AFP)
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  • Des combats avaient opposé mercredi à Sahnaya, près de Damas, des groupes armés liés au pouvoir islamiste sunnite à des combattants druzes, avant un retour à un calme précaire
  • Les 15 combattants druzes, qui se rendaient à Sahnaya, ont été pris pour cible "par les forces de sécurité, et des hommes armés qui leur sont affiliés", selon l'ONG

DAMAS: La plus haute autorité spirituelle des druzes de Syrie a dénoncé jeudi une "campagne génocidaire" contre sa communauté et s'en est pris au pouvoir d'Ahmad al-Chareh, au lendemain de combats confessionnels ayant fait des dizaines de morts près de Damas.

Ces heurts entre combattants druzes et groupes armés liés au pouvoir sunnite illustrent l'instabilité persistante en Syrie, près de cinq mois après le renversement du président Bachar al-Assad, issu de la minorité alaouite.

Dans un communiqué, cheikh Hikmat al-Hajri a dénoncé une "campagne génocidaire injustifiée" visant des "civils à leur domicile" et réclamé "une intervention immédiate de forces internationales".

"Nous ne faisons plus confiance à une entité qui prétend être un gouvernement (...) Un gouvernement ne tue pas son peuple en recourant à ses propres milices extrémistes, puis, après les massacres, prétend que ce sont des éléments incontrôlés". "Un gouvernement protège son peuple."

Les combats à Jaramana et Sahnaya, où vivent des chrétiens et des druzes, ont réveillé le spectre des massacres qui ont fait début mars plus de 1.700 morts, en grande majorité des membres de la minorité alaouite. Les violences avaient été déclenchées par des attaques des pro-Assad contre les forces de sécurité.

Affirmant vouloir défendre les druzes, Israël, pays voisin de la Syrie avec laquelle il est techniquement en guerre, a menacé de frapper le pouvoir syrien en cas de nouvelles violences contre cette minorité.

Les druzes sont une minorité ésotérique issue de l'islam chiite et ses membres sont répartis notamment entre le Liban, la Syrie et Israël. Les alaouites sont une autre branche minoritaire de l'islam, tandis que le sunnisme et le chiisme en sont les deux principaux courants.

"Engagement ferme" 

Les combats près de Damas ont été déclenchés lundi soir par une attaque de groupes armés affiliés au pouvoir contre Jaramana, après la diffusion sur les réseaux sociaux d'un message audio attribué à un druze et jugé blasphématoire à l'égard du prophète Mahomet. L'AFP n'a pas pu vérifier l'authenticité du message.

Les heurts à Jaramana ont fait 17 morts mardi avant de s'étendre mercredi à Sahnaya où 22 combattants de deux camps ont péri, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Mercredi aussi, 15 combattants druzes ont péri dans une embuscade sur une route menant à Sahnaya, d'après l'ONG.

Des accords entre représentants des druzes et du pouvoir ont permis de rétablir le calme mardi soir à Jaramana, une banlieue de Damas, et mercredi soir à Sahnaya, à 15 km au sud-ouest de Damas, où des forces de sécurité ont été déployées.

Les autorités syriennes avaient averti qu'elles "frapperaient d'une main de fer tous ceux qui cherchent à saper la stabilité de la Syrie", accusant des "groupes hors-la-loi" d'avoir provoqué les violences.

Le pouvoir syrien a dans ce contexte réaffirmé son "engagement ferme à protéger toutes les composantes du peuple syrien, y compris la communauté druze". Il a aussi exprimé "son rejet catégorique de toute ingérence étrangère" après l'intervention militaire israélienne.

"Etendre le chaos" 

Israël a mené plusieurs frappes affirmant cibler des objectifs du pouvoir syrien.

Les druzes d'Israël forment une minorité arabophone d'environ 150.000 personnes réputée pour son patriotisme, et sont surreprésentés dans l'armée et la police par rapport à leur nombre.

Au Liban voisin, le chef druze libanais, Walid Joumblatt, a accusé Israël d'instrumentaliser les druzes de Syrie. "Israël continue de vouloir appliquer son plan de toujours (...) consistant à morceler la région en entités confessionnelles et étendre le chaos", a-t-il déclaré fin mars.

Dès la chute de Bachar al-Assad le 8 décembre, renversé par une coalition de factions rebelles islamistes dirigée par M. Chareh après plus de 13 ans de guerre civile, Israël a multiplié les gestes d'ouverture envers les druzes.

Mais les dignitaires druzes ont réaffirmé leur attachement à l'unité de la Syrie et rejeté les menaces israéliennes contre le pouvoir syrien.

"En se plaçant en protecteur de la communauté druze, Israël espère à la fois se trouver des alliés locaux, particulièrement dans le sud syrien, mais aussi peser dans la balance à un moment où le futur de la Syrie reste incertain (...)", estime Michael Horowitz, un analyste indépendant.