Dans l'affaire Karachi, «rien ne m'aura été épargné», dit Balladur à son procès

Un croquis de la salle d'audience montre l'ancien Premier ministre français Edouard Balladur et son ancien ministre de la Défense François Leotard. (AFP)
Un croquis de la salle d'audience montre l'ancien Premier ministre français Edouard Balladur et son ancien ministre de la Défense François Leotard. (AFP)
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Publié le Mercredi 20 janvier 2021

Dans l'affaire Karachi, «rien ne m'aura été épargné», dit Balladur à son procès

  • La veille, à la fin du long résumé de la tentaculaire «affaire Karachi» par la Cour de justice de la République, l'ancien Premier ministre avait prévenu : «J'aurai beaucoup de choses à dire»
  • A la reprise de l'audience mercredi après-midi, il prend la parole à l'invitation du président, pendant près d'une demi-heure, pour nier toute responsabilité dans un système de rétrocommissions illégales liées à d'importants contrats d'armement

PARIS : «Rien ne m'aura été épargné». Jugé à Paris pour des soupçons de financement occulte de sa campagne présidentielle de 1995, Edouard Balladur dénonce un dossier bâti sur des «rumeurs» et des accusations «mensongères».

La veille, à la fin du long résumé de la tentaculaire «affaire Karachi» par la Cour de justice de la République, l'ancien Premier ministre avait prévenu : «J'aurai beaucoup de choses à dire». 

A la reprise de l'audience mercredi après-midi, il prend la parole à l'invitation du président, pendant près d'une demi-heure, pour nier toute responsabilité dans un système de rétrocommissions illégales liées à d'importants contrats d'armement avec l'Arabie saoudite et le Pakistan.

Dans cette affaire, mise au jour en marge de l'enquête sur l'attentat de Karachi en 2002, «il n'est jamais question que de rumeurs», affirme calmement M. Balladur, droit dans son costume sombre, cravate pourpre.

L'ancien locataire de Matignon, 91 ans dont «57» au service de l'Etat, s'était lentement avancé vers le centre de la grande salle d'audience du palais de justice de Paris, où il comparait au côté de son ancien ministre de la Défense François Léotard, 78 ans. 

Selon l'accusation, M. Balladur a été «le grand architecte», avec la complicité de M. Léotard, de ce système de financement occulte qui aurait servi à alimenter en partie ses comptes de campagne et qui a abouti en juin à des condamnations de leurs proches dans le volet non-ministériel du dossier.

«Ce dossier est fondé sur des approximations, des rapprochements, des coïncidences, des suppositions que rien n'atteste», balaie-t-il. 

«Avec de tels procédés, on pourrait condamner n'importe qui», déclare M. Balladur, son masque posé à côté de ses notes sur le pupitre. 

Face à l'ancien locataire de Matignon, trois magistrats professionnels et 12 parlementaires qui composent cette juridiction d'exception, seule habilitée à juger des ministres pour des actes commis pendant l'exercice de leurs fonctions.

M. Balladur décrit longuement cette affaire »hors du commun» par sa durée - «voilà plus de vingt-cinq ans que mon procès est ouvert dans l'opinion publique» -, et sa «violence» : «Rien ne m'aura été épargné», dit-il.

«Intérêt national»

Il rappelle que ses comptes de campagne ont été validés (in extremis) par le Conseil constitutionnel, malgré un versement litigieux de 10,25 millions de francs (environ 1,5 million d'euros), en liquide et en une fois, effectué trois jours après sa défaite au premier tour de la présidentielle. 

«Des dons issus de collectes réalisées lors de meetings de campagne», soutient-il. Pour les enquêteurs, cette somme correspond plutôt à celle récupérée, quelques jours plus tôt à Genève, par l'intermédiaire libanais Ziad Takkiedine, condamné en juin dans le volet non-ministériel. 

Mais dans les contrats d'armement, insiste M. Balladur, «mon seul rôle était de décider si leur signature était compatible avec l'intérêt national et la politique étrangère que nous menions», en lien avec le président de la République, François Mitterrand. »Je n'ai jamais donné la moindre instruction» concernant des commissions.

Dans un dossier mené par des juges d'instruction à «l'incompétence avérée», «on dit que je ne pouvais pas ne pas savoir (...) Aurais-je l'obligation de tout savoir et d'intervenir partout ?»

Il revient ensuite sur l'attentat de Karachi au Pakistan: c'est au cours de l'enquête sur cette attaque, dans laquelle 11 Français travaillant à la construction de sous-marins sont morts, qu'avaient émergé les soupçons de rétrocomissions. 

L'enquête avait au départ privilégié la piste d'Al-Qaïda puis s'en était éloignée pour explorer les possibles liens - non étayés à ce jour - entre l'attaque et l'arrêt du versement des commissions après l'élection de Jacques Chirac. Cette enquête est toujours en cours. 

«Plus personne ne doute de ma responsabilité», «c'est devenu une vérité historique», a regretté M. Balladur. «Vingt ans après cet attentat, la justice n'en sait toujours pas davantage sur ses causes et ses auteurs. C'est dramatique.» 

«Le financement de ma campagne n'a aucun lien avec l'attentat de Karachi», a-t-il insisté, répétant sa «confiance en la vérité» et «la justice».

 


Grève nationale : les syndicats unis contre le budget du futur gouvernement

Des policiers attendent l'arrivée du ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau à la Porte d'Orléans à Paris, le 18 septembre 2025, avant une journée de grèves et de protestations à l'échelle nationale à l'appel des syndicats sur le budget national de la France. (AFP)
Des policiers attendent l'arrivée du ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau à la Porte d'Orléans à Paris, le 18 septembre 2025, avant une journée de grèves et de protestations à l'échelle nationale à l'appel des syndicats sur le budget national de la France. (AFP)
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  • Journée de grève nationale ce jeudi à l’appel des 8 principaux syndicats français, unis contre les mesures budgétaires jugées « brutales »
  • Les autorités redoutent des débordements à Paris, avec jusqu’à 100 000 manifestants attendus et la présence annoncée de casseurs. 900 000 personnes pourraient se mobiliser dans toute la France

Les syndicats français ont promis une "journée noire" de manifestations et de grèves jeudi pour peser sur les choix budgétaires du prochain gouvernement, en pleine crise politique dans la deuxième économie de l'UE.

A Paris, le préfet de police s'est dit "très inquiet" de la présence de nombreux casseurs venant pour "en découdre" dans la manifestation prévue dans la capitale, qui pourrait selon lui rassembler 50.000 à 100.000 personnes.

Les autorités s'attendent à une mobilisation massive, avec plus de 250 cortèges annoncés qui pourraient réunir jusqu'à 900.000 personnes à travers le pays, soit cinq fois plus que lors du mouvement "Bloquons tout" du 10 septembre lancé sur les réseaux sociaux, hors de tout cadre syndical.

Cette mobilisation lancée par les huit syndicats français, unis pour la première fois depuis le 6 juin 2023, vise les mesures budgétaires "brutales" préconisées cet été par le Premier ministre François Bayrou pour réduire le déficit de la France (coupes dans le service public, réforme de l'assurance chômage, gel des prestations sociales notamment).

Son gouvernement alliant le centre droit et la droite, minoritaire à l'Assemblée nationale, a été renversé par les députés le 8 septembre.

Nommé le lendemain, son successeur Sébastien Lecornu - troisième Premier ministre d'Emmanuel Macron depuis juin 2024, le cinquième depuis sa réélection en 2022 - s'est lui aussi engagé à réduire le déficit qui plombe les comptes de la nation (114% du PIB), tout en promettant des "ruptures sur le fond" en matière budgétaire.

Ce fidèle du président a entamé une série de consultations avec les partis politiques avant de composer un gouvernement et présenter son programme, en vue de boucler dès que possible un projet de budget pour 2026.

Il a également reçu quasiment tous les syndicats, qui n'en ont pas moins maintenu leur mot d'ordre, espérant une mobilisation similaire à celles de 2023 contre la réforme des retraites qui avaient régulièrement réuni un million de manifestants, dont un pic à 1,4 million.

- "Démonstration de force" -

"Aucune des mesures catastrophiques du musée des horreurs de M. Bayrou n'est enterrée !", s'est indignée lundi la leader de la CGT, Sophie Binet, après avoir rencontré le nouveau Premier ministre.

L'abandon par Sébastien Lecornu de la très controversée suppression de deux jours fériés voulue par François Bayrou est "une première victoire", qui "confirme que nous sommes en position de force", a-t-elle estimé.

Même la CFDT, syndicat réputé plus apte au compromis, est "plus que jamais motivée pour aller dans la rue", a fait savoir sa responsable Marylise Léon qui attend "des faits et des preuves" du nouveau chef de gouvernement, et notamment un "besoin d’efforts partagés".

Elle a apprécié à cet égard que le successeur de François Bayrou se dise selon elle conscient de la nécessité de "faire quelque chose" au sujet de la taxation des hauts patrimoines, revenue au cœur du débat.

"Le budget va se décider dans la rue", estime Mme Binet, qui évoque une "démonstration de force" et laisse entrevoir une mobilisation dans la durée.

Côté transports, le trafic sera "perturbé" voire "très perturbé" dans la capitale, ainsi que pour les trains interurbains.

Ce sera moins le cas pour les trains régionaux et les TGV. Un service proche de la normale est attendu dans les aéroports, le principal syndicat de contrôleurs aériens ayant reporté sa grève.

A l'école, un tiers des enseignants du premier degré (écoles maternelles et élémentaires) seront grévistes. L'ampleur du mouvement dans la fonction publique en générale reste encore à préciser.


Le PDG de CMA CGM assure «ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale» des médias qu'il possède

Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
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  • "Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media
  • Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique"

PARIS: Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC.

"Les journaux ou chaînes de télévision qu'on a rachetés ont une indépendance, ce sont des journaux qui sont nuancés, qui offrent le pluralisme. Je ne m'immisce pas dans la ligne éditoriale de ces journaux", a-t-il déclaré lors d'une audition devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée.

Il répondait au député France insoumise René Pilato qui suggérait une "grande loi de séparation des entreprises et des médias".

"Si des investisseurs comme le groupe CMA CGM ne viennent pas, ces médias malheureusement tombent", a ajouté M. Saadé, rappelant que le secteur des médias est "très sinistré".

"Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media.

Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique".

"Dans un monde traversé par les +fake news+, je crois que les industriels ont un rôle à jouer pour défendre le pluralisme, l'indépendance et la qualité de l'information. Si nous voulons continuer à produire de l'information en France et résister à la domination des grandes plateformes, nous devons garantir des groupes de médias solides capables de créer des contenus de qualité et de les diffuser sur tous les supports", a-t-il défendu.

Outre BFMTV, RMC, et désormais Brut, CMA Media possède les journaux La Tribune et La Tribune Dimanche, La Provence et Corse Matin. Le groupe vient également de racheter la chaîne télé Chérie 25 (NRJ Group).

Vendredi, les Sociétés des journalistes (SDJ) de BFMTV, RMC et La Tribune avaient déploré qu'"une prise de position de Rodolphe Saadé sur l'actualité politique et sociale du pays (ait) été diffusée à l'antenne de BFMTV" jeudi.

Il s'agissait d'extraits écrits tirés d'une tribune publiée dans La Provence après le mouvement "Bloquons tout" du 10 septembre. "Les entreprises ne sont pas des adversaires, elles sont des partenaires de la Nation", y écrivait notamment M. Saadé.

 


Faure «sur sa faim» après son entretien avec Lecornu, resté «très flou» sur ses intentions

Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
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  • Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu
  • Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland

PARIS: Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions".

"Pour l'instant, nous sommes restés sur notre faim et nous verrons bien ce qu'il a à nous dire dans les prochains jours", a déclaré le premier secrétaire du PS, à l'issue de sa première rencontre à Matignon, qui a duré près de deux heures.

Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu à la veille d'une importante journée de mobilisation syndicale.

Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland.

A propos de la journée d'actions de jeudi, il a expliqué que ces manifestations seraient "aussi un élément du rapport de force que nous devons installer avec un exécutif qui, jusqu'ici, n'a pas fait la démonstration de sa capacité à comprendre la colère et même l'exaspération des Français".

Olivier Faure a également dit qu'il ne souhaitait pas "voir revenir sur la table une loi immigration", estimant que le Premier ministre macroniste était "tiraillé par une droite qui lorgne de plus en plus vers l'extrême droite" et avait  "beaucoup de problèmes dans son propre socle commun".

"Nous ne cherchons pas la censure, nous ne cherchons pas la dissolution, nous ne cherchons pas la destitution. Nous cherchons à ce que les Français soient entendus", a-t-il plaidé, en citant un sondage Ifop commandé par le parti montrant que les Français, quelles que soient leurs sensibilités, plébiscitent les mesures poussées par le PS.

"Il y a des mesures qui sont très majoritaires dans le pays, pour la taxe Zucman" sur les hauts patrimoines, "pour en finir" avec la réforme des retraites, pour "rendre du pouvoir d'achat", notamment à travers "un taux différentiel de CSG", a-t-il détaillé.