La Birmanie face au risque de «désobéissance civile» après l’inculpation de Suu Kyi

La foule salue à trois doigts après que des appels à la manifestation ont été lancés sur les réseaux sociaux à Rangoun le 3 février 2021. (AFP)
La foule salue à trois doigts après que des appels à la manifestation ont été lancés sur les réseaux sociaux à Rangoun le 3 février 2021. (AFP)
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Publié le Jeudi 04 février 2021

La Birmanie face au risque de «désobéissance civile» après l’inculpation de Suu Kyi

  • La dirigeante birmane Aung San Suu Kyi a été inculpée mercredi, deux jours après avoir été renversée par un coup d'État militaire
  • Des appels à la désobéissance civile se multiplient dans le pays

RANGOUN : La dirigeante birmane Aung San Suu Kyi a été inculpée mercredi, deux jours après avoir été renversée par un coup d'État militaire, tandis que les appels à la désobéissance civile se multiplient.

L'armée a mis brutalement fin lundi à la fragile transition démocratique du pays, instaurant l'état d'urgence pour un an et arrêtant Suu Kyi, 75 ans, cheffe de facto du gouvernement civil, ainsi que d'autres responsables de son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND).

L'ex-dirigeante a été inculpée « pour avoir enfreint une loi sur les importations/exportations » et un tribunal « a ordonné sa détention provisoire » jusqu'au 15 février, selon Kyi Toe, porte-parole de la LND.

L'ancien président Win Myint, également interpellé, est poursuivi pour avoir violé une loi sur la gestion des catastrophes naturelles, d'après Kyi Toe.

Des raids ont été menés dans différents locaux du mouvement et des document saisis, selon le parti.

Deux jours après ce putsch, condamné par de nombreuses capitales étrangères, les premiers signes de résistance émergeaient.

Des médecins et des professionnels de santé, portant des rubans rouges (la couleur de la LND), refusaient de travailler, sauf en cas d'urgence médicale. « Nous obéirons uniquement au gouvernement élu démocratiquement », a déclaré Aung San Min, responsable d'un hôpital de 100 lits dans la région de Magway (centre), alors que l'armée conteste les législatives de novembre, remportées massivement par la LND.

Des membres du personnel médical de l'hôpital général de Rangoun se sont réunis devant l'établissement, faisant le salut à trois doigts, un geste de résistance déjà adopté par les militants pro-démocratie à Hong Kong ou en Thaïlande.

Un groupe, « le mouvement de désobéissance civile », a aussi été lancé sur Facebook et comptait quelque 160 000 abonnés. « Honte à l'armée », « les militaires sont des voleurs », pouvait-on lire.

Mardi soir, dans le quartier commerçant de Rangoun, la capitale économique, des habitants ont klaxonné, tapé sur des casseroles, certains scandant : « Vive Mère Suu! » (Suu Kyi).

Pressentant les événements, cette dernière, qui serait pour le moment assignée à résidence dans la capitale Naypyidaw, a exhorté la population à « ne pas accepter » le coup d’État dans une lettre écrite par anticipation.

Mais la peur des représailles reste vive dans le pays qui a vécu, depuis son indépendance en 1948, sous le joug de la dictature militaire pendant presque 50 ans.

« La population sait très bien à quel point l'armée peut être violente et se soucie peu de sa réputation internationale », a souligné Francis Wade, auteur d'ouvrages sur le pays.

Avertissement

Les autorités ont déjà publié un avertissement contre tout discours qui pourrait « encourager des émeutes ou une situation instable ».

Le coup d'État, « inévitable » selon le général Min Aung Hlaing qui concentre désormais l'essentiel des pouvoirs, a déclenché un concert de condamnations à l'international.

Après avoir menacé d'imposer de nouvelles sanctions, l'administration de Joe Biden a encore haussé le ton contre la Birmanie, premier grand test international pour le nouveau président américain.

Suu Kyi et Win Myint ont « été renversés dans un coup d'État militaire », a fait savoir une responsable américaine. Cette qualification juridique bloque l'aide à l'État birman de Washington, qui s'est dit « troublé » mercredi par l'inculpation de Mme Suu Kyi et a appelé l'armée tous les dirigeants emprisonnés.

Mais la réaction américaine reste principalement symbolique : l'armée birmane est déjà sous le coup de sanctions depuis les exactions menées par ses soldats en 2017 contre la minorité musulmane rohingya, une crise qui vaut à la Birmanie d'être accusée de « génocide » par des enquêteurs de l'ONU.

L'allié chinois

Le Conseil de sécurité de l'ONU s'est réuni mardi en urgence, et à huis clos, mais n'a pas réussi à se mettre d'accord sur un texte commun. Des négociations sont toujours en cours, selon un diplomate sous couvert d'anonymat.

Pour être adoptée, une déclaration nécessite le soutien de la Chine, qui exerce un droit de veto en tant que membre permanent du Conseil de sécurité.

Or, Pékin reste le principal soutien de la Birmanie aux Nations unies, où la Chine avait contrecarré toute initiative lors de la crise des Rohingyas, estimant que le conflit avec la minorité musulmane relevait des seules affaires intérieures birmanes.

Mercredi, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères a appelé la communauté internationale à « créer un environnement extérieur sain pour que la Birmanie puisse convenablement régler ses divergences », estimant que toute intervention du Conseil de sécurité devrait « éviter d'exacerber les tensions et compliquer encore plus la situation », selon l'agence étatique Chine Nouvelle.

Les ministres des Affaires étrangères du G7 se sont dits « profondément préoccupés » par les événements, tout comme le Fonds monétaire international, « très soucieux » de leur potentiel impact sur l'économie du pays, déjà frappé par la pandémie de coronavirus (plus de 140 000 cas et 3 100 décès recensés).

La LND a appelé sur Facebook à la « libération » immédiate d'Aung San Suu Kyi, 75 ans, et de ses autres responsables. Un porte-parole du parti a précisé qu'aucun contact direct n'avait été noué avec Suu Kyi, même si des voisins l'ont aperçue se promenant dans le jardin de sa résidence officielle entourée de murs.

L'armée a promis de nouvelles élections, une fois que l'état d'urgence d'un an sera levé.


Gaza: les Etats-Unis font pression pour l'adoption de leur résolution à l'ONU lundi

Une Palestinienne marche sous une pluie battante devant des bâtiments détruits par les frappes israéliennes dans le quartier de Sheikh Radwan, à Gaza. (AP)
Une Palestinienne marche sous une pluie battante devant des bâtiments détruits par les frappes israéliennes dans le quartier de Sheikh Radwan, à Gaza. (AP)
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  • Les États-Unis poussent pour l’adoption par le Conseil de sécurité de leur résolution soutenant le plan de paix de Donald Trump pour Gaza
  • Malgré des réticences de certains membres et un texte concurrent présenté par la Russie, Washington met en avant un large soutien arabe et occidental et avertit qu’un rejet ouvrirait la voie à la poursuite du conflit

NATIONS UNIES: Les Etats-Unis ont mis la pression vendredi pour convaincre de la nécessité d'adopter leur projet de résolution endossant le plan de paix de Donald Trump pour Gaza, qui sera mis au vote du Conseil de sécurité de l'ONU lundi.

La semaine dernière, les Américains ont officiellement entamé des négociations au sein du Conseil sur un projet de texte qui "endosse" le plan du président américain ayant permis la mise en place, le 10 octobre, d'un cessez-le-feu fragile dans le territoire palestinien ravagé par deux années de guerre provoquée par une attaque sanglante du mouvement islamiste Hamas. Le texte autorise notamment le déploiement d'une "force de stabilisation internationale" (ISF).

Face aux réserves de certains membres et à la proposition d'un texte concurrent de la Russie, ils ont mis en garde vendredi contre les risques d'un rejet de leur texte et affiché le soutien de plusieurs pays arabes et musulmans.

"Les Etats-Unis, le Qatar, l'Egypte, les Emirats arabes unis, le royaume d'Arabie saoudite, l'Indonésie, le Pakistan, la Jordanie et la Turquie expriment leur soutien conjoint" au projet de résolution américaine autorisant notamment une force internationale dans le territoire palestinien, et espèrent son adoption "rapide", disent-ils dans une déclaration commune.

Ce plan offre "un chemin viable vers la paix et la stabilité, non seulement pour les Israéliens et les Palestiniens, mais pour toute la région", ont-ils insisté.

Le Royaume-Uni a également apporté vendredi son soutien public au texte américain.

Et le Conseil se prononcera lundi à 17H00 (22H00 GMT) sur le texte, ont indiqué vendredi soir plusieurs sources diplomatiques à l'AFP.

Le projet de résolution américain, plusieurs fois modifié, prévoit de donner un mandat jusqu'à fin décembre 2027 à un "comité de la paix" censé être présidé par Donald Trump, organe de "gouvernance de transition" pour administrer Gaza.

Il "autorise" également le déploiement de l'ISF qui pourra utiliser "toutes les mesures nécessaires pour mener son mandat dans le respect du droit international": appui à la sécurisation des frontières en coopération notamment avec Israël et l'Egypte, démilitarisation de Gaza, désarmement "des groupes armés non étatiques", protection des civils, formation d'une police palestinienne...

- Conflit perpétuel" -

La décision de programmer le vote intervient alors que la Russie a fait circuler aux membres du Conseil un projet de résolution concurrente qui n'autorise ni la création d'un "comité de la paix", ni le déploiement immédiat d'une force internationale à Gaza, selon le texte vu vendredi par l'AFP.

Ce texte demande simplement au secrétaire général de l'ONU "d'identifier des options pour appliquer les dispositions" du plan de paix et présenter "rapidement" des "options de déploiement d'une force" à Gaza.

"Nous voulons souligner que notre document ne contredit pas l'initiative américaine", a assuré vendredi dans un communiqué la mission russe à l'ONU.

La "logique" du texte russe est de permettre au Conseil "de définir des modalités claires de déploiement d'un contingent de maintien de la paix et d'établir une administration à Gaza tout en s'assurant que ces modalités sont en accord" avec les normes internationales, a-t-elle ajouté.

Alors que des échanges publics de ce type lors de négociations du Conseil sont plutôt rares, l'ambassadeur américain à l'ONU Mike Waltz a également publié un texte vendredi dans le Washington Post.

"Tout refus de soutenir cette résolution (le texte américain, ndlr) est un vote en faveur de la poursuite du règne des terroristes du Hamas ou en faveur de la reprise de la guerre avec Israël, condamnant la région et sa population à un conflit perpétuel", a-t-il déclaré.

La guerre a été déclenchée par l'attaque du 7 octobre 2023 menée par le Hamas en Israël, qui a entraîné côté israélien la mort de 1.221 personnes, en majorité des civils, selon un bilan établi par l'AFP à partir de chiffres officiels.

Plus de 69.185 Palestiniens ont été tués dans la bande de Gaza par la campagne militaire israélienne de représailles, essentiellement des civils, selon le ministère de la Santé de Gaza, placé sous l'autorité du Hamas et dont les chiffres sont jugés fiables par l'ONU.


Trump a écrit au président israélien pour lui demander de gracier Netanyahu

Le président américain, Donald Trump, a écrit à son homologue israélien, Isaac Herzog, pour lui demander d'accorder une grâce au Premier ministre Benjamin Netanyahu, poursuivi dans son pays pour corruption, a indiqué mercredi le bureau de la présidence. (REUTERS)
Le président américain, Donald Trump, a écrit à son homologue israélien, Isaac Herzog, pour lui demander d'accorder une grâce au Premier ministre Benjamin Netanyahu, poursuivi dans son pays pour corruption, a indiqué mercredi le bureau de la présidence. (REUTERS)
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  • "Le président Herzog tient le président Trump en très haute estime et continue d'exprimer sa profonde gratitude" pour son "soutien indéfectible" à Israël
  • "Monsieur le Président Herzog, écoutez le Président Trump", a écrit sur X le ministre d'extrême-droite Itamar Ben Gvir, tout en accusant la justice israélienne d'être biaisée à l'égard de M. Netanyahu

JERUSALEM: Le président américain, Donald Trump, a écrit à son homologue israélien, Isaac Herzog, pour lui demander d'accorder une grâce au Premier ministre Benjamin Netanyahu, poursuivi dans son pays pour corruption, a indiqué mercredi le bureau de la présidence.

M. Herzog a reçu "ce matin" une lettre de Donald Trump, "l'invitant à envisager d'accorder une grâce" à M. Netanyahu, détaille un communiqué du bureau présidentiel, qui précise que "toute personne souhaitant obtenir une grâce présidentielle doit présenter une demande officielle".

M. Netanyahu est poursuivi dans son pays pour corruption et est régulièrement entendu dans le cadre d'au moins trois procédures judiciaires, dans lesquels aucun jugement n'a encore été rendu.

"Le président Herzog tient le président Trump en très haute estime et continue d'exprimer sa profonde gratitude" pour son "soutien indéfectible" à Israël, "sa contribution considérable au retour des otages, à la refonte de la situation au Moyen-Orient et à Gaza en particulier, et à la garantie de la sécurité de l'Etat d'Israël", précise le communiqué.

Aussitôt plusieurs personnalités politiques israéliennes ont réagi.

"Monsieur le Président Herzog, écoutez le Président Trump", a écrit sur X le ministre d'extrême-droite Itamar Ben Gvir, tout en accusant la justice israélienne d'être biaisée à l'égard de M. Netanyahu.

Une députée également d'extrême-droite mais dans l'opposition, Yulia Malinovsky, du parti Israel Beitenou ("Israël est notre maison" en hébreu), a de son côté suggéré que le président américain faisait cette demande dans le cadre d'un accord avec M. Netanyahu sur des sujets relatifs au cessez-le-feu dans la bande de Gaza.

Quant au dirigeant de l'opposition, Yaïr Lapid, du parti centriste Yesh Atid ("il y a un futur", en hébreu), il a taclé M. Netanyahu en écrivan sur X: "rappel: la loi israélienne stipule que la première condition pour obtenir une grâce est l'aveu de culpabilité et l'expression de remords pour les actes commis".

Lors d'un discours au Parlement israélien le 13 octobre, M. Trump avait déjà suggéré qu'une grâce lui soit accordée.

"J'ai une idée. Monsieur le président (Isaac Herzog), pourquoi ne pas lui accorder une grâce? Ce passage n'était pas prévu dans le discours (...) Mais j'aime bien ce monsieur", avait dit le président américain dans son allocution, mettant en avant qu'il a été "l'un des plus grands" dirigeants "en temps de guerre".

 


Famine: l'ONU alerte sur «16 zones critiques» où la situation s'aggrave

Haïti, le Mali, la Palestine, le Soudan du Sud, le Soudan et le Yémen figurent parmi les pays les plus touchés, "où les populations sont confrontées à un risque imminent de famine catastrophique", souligne le rapport des deux organisations.  L’Afghanistan, la République démocratique du Congo, la Birmanie, le Nigeria, la Somalie et la Syrie sont considérés quant à eux comme étant dans une situation "très préoccupante".  Les quatre autres zones critiques sont le Burkina Faso, le Tchad, le Kenya et la situation des réfugiés rohingyas au Bangladesh. (AFP)
Haïti, le Mali, la Palestine, le Soudan du Sud, le Soudan et le Yémen figurent parmi les pays les plus touchés, "où les populations sont confrontées à un risque imminent de famine catastrophique", souligne le rapport des deux organisations. L’Afghanistan, la République démocratique du Congo, la Birmanie, le Nigeria, la Somalie et la Syrie sont considérés quant à eux comme étant dans une situation "très préoccupante". Les quatre autres zones critiques sont le Burkina Faso, le Tchad, le Kenya et la situation des réfugiés rohingyas au Bangladesh. (AFP)
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  • Selon un rapport conjoint de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et du Programme alimentaire mondial (PAM), l'insécurité alimentaire aiguë à laquelle sont confrontées 16 zones critiques dans le monde s'accentue
  • "Les conflits, les chocs économiques, les phénomènes météorologiques extrêmes et l'insuffisance critique des financements exacerbent des conditions déjà désastreuses", notent la FAO et le PAM

ROME: Des millions de personnes supplémentaires dans le monde pourraient être confrontées à la famine ou au risque de famine, ont averti mercredi les deux organes de l'ONU dédiés à l'alimentation et à l'agriculture, dans un contexte tendu par la limitation des financements.

Selon un rapport conjoint de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et du Programme alimentaire mondial (PAM), l'insécurité alimentaire aiguë à laquelle sont confrontées 16 zones critiques dans le monde s'accentue.

"Les conflits, les chocs économiques, les phénomènes météorologiques extrêmes et l'insuffisance critique des financements exacerbent des conditions déjà désastreuses", notent la FAO et le PAM, tous deux basés à Rome, dans un communiqué commun.

Haïti, le Mali, la Palestine, le Soudan du Sud, le Soudan et le Yémen figurent parmi les pays les plus touchés, "où les populations sont confrontées à un risque imminent de famine catastrophique", souligne le rapport des deux organisations.

L’Afghanistan, la République démocratique du Congo, la Birmanie, le Nigeria, la Somalie et la Syrie sont considérés quant à eux comme étant dans une situation "très préoccupante".

Les quatre autres zones critiques sont le Burkina Faso, le Tchad, le Kenya et la situation des réfugiés rohingyas au Bangladesh.

"Nous sommes au bord d'une catastrophe alimentaire totalement évitable qui menace de provoquer une famine généralisée dans de nombreux pays", a mis en garde Cindy McCain, directrice générale du PAM, citée dans le communiqué, ajoutant que "ne pas agir maintenant ne fera qu'aggraver l'instabilité".

Le financement de l'aide humanitaire est "dangereusement insuffisant", alerte également le rapport, précisant que sur les 29 milliards de dollars nécessaires pour venir en aide aux populations vulnérables, seuls 10,5 milliards ont été reçus, précipitant notamment l'aide alimentaire aux réfugiés "au bord de la rupture".

Le PAM indique avoir réduit son assistance aux réfugiés et aux personnes déplacées en raison des coupes budgétaires et suspendu les programmes d'alimentation scolaire dans certains pays.

La FAO prévient de son côté que les efforts pour protéger les moyens de subsistance agricoles sont menacés et alerte sur la nécessité d'un financement urgent pour les semences et les services de santé animale.

"La prévention de la famine n’est pas seulement un devoir moral – c’est un investissement judicieux pour la paix et la stabilité à long terme", a rappelé le directeur général de la FAO, Qu Dongyu.