"Ambitieux" ou "insuffisant"? Le gouvernement sort son projet de loi Climat

Le Premier ministre français Jean Castex assiste à une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale française à Paris, le 9 février 2021. (Ludovic MARIN / AFP)
Le Premier ministre français Jean Castex assiste à une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale française à Paris, le 9 février 2021. (Ludovic MARIN / AFP)
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Publié le Mercredi 10 février 2021

"Ambitieux" ou "insuffisant"? Le gouvernement sort son projet de loi Climat

  • La Convention recommandait aussi l'interdiction de la publicité pour les produits les plus polluants
  • Dans ce domaine, en fonction des conclusions attendues en mars d'une mission lancée par le gouvernement, des amendements pourraient compléter le dispositif lors du débat parlementaire

PARIS : Examiné mercredi en Conseil des ministres, le très attendu projet de loi issu des propositions de la Convention citoyenne pour le climat représente, à un an de la présidentielle, un véritable test pour la crédibilité des engagements environnementaux d'Emmanuel Macron.

Le gouvernement l'assure: ce texte "Climat et résilience" rendra "crédible" l'atteinte de l'objectif de réduction de 40% des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990.

Avec ses 65 articles, cette loi "ambitieuse et riche dont le gouvernement n'a pas à rougir (...) ancre l'écologie dans la société française et fait le dernier kilomètre de la transition écologique", déclare-t-on à Matignon.

Alors que le texte ambitionne aussi de ralentir l'artificialisation des sols et d'amplifier la réhabilitation des friches industrielles, le Premier ministre Jean Castex, la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili et la ministre déléguée au Logement Emmanuelle Wargon se rendront mercredi après-midi sur le site de l'ancienne friche de la Halle Sulzer à Mantes-la-Ville (Yvelines).

Mais les critiques, de militants écologistes voire de certains membres de la Convention citoyenne pour le climat, pleuvent contre l'exécutif, accusé de détricoter les 149 propositions de cette dernière.

"La loi manque tellement de muscle que je ne reconnais même plus nos objectifs de la Convention. Où est la grande victoire pour le climat? Pourquoi se contenter de si peu?", s'est emporté sur Twitter William Aucant, l'un des 150 citoyens.

Les ONG attirent aussi l'attention sur la décision "historique" du tribunal administratif de Paris qui vient de reconnaître l'Etat responsable de manquements dans la lutte contre le réchauffement climatique.

"Ce jugement concerne le passé", répond-on à Matignon: la décision porte sur le fait que l'Etat n'a pas respecté ses propres engagements en dépassant son budget carbone 2015-2018.

Et selon les derniers chiffres publiés par le gouvernement dimanche, la France a dépassé ses objectifs pour 2019, avec une baisse des émissions de 1,7%.

"Avec la loi climat, préparée avec vous, nous allons encore accélérer", a promis Emmanuel Macron, qui s'affiche en champion du climat sur la scène internationale.

"Edulcorées"

Hormis les trois mesures écartées d'emblée par le chef de l'Etat, comme la demande d'un moratoire sur la 5G, le gouvernement assure que toutes les autres propositions des Citoyens sont mises en oeuvre (75) ou en cours de mises en oeuvre (71), dont une cinquantaine dans ce projet de loi, outil privilégié de leur déploiement.

Selon l'étude d'impact du gouvernement, ce texte permettra de "sécuriser" entre la moitié et les deux tiers de la baisse des émissions prévues d'ici 2030. Sans compter l'effet "difficile à quantifier" de l'impact "culturel" de certaines mesures comme le "CO2-Score", sorte de "nutriscore" pour l'impact climatique des produits, note-t-on au ministère de la Transition écologique.  

Mais si les mesures présentées sont "en général pertinentes", elles sont souvent "limitées", "différées", et "soumises à des conditions telles qu'on doute de les voir mises en oeuvre à terme rapproché", a jugé le Conseil économique, social et environnemental (Cese).

Les nombreuses critiques pointent surtout des mesures "édulcorées", notamment sur la demande de création d'un "crime d'écocide" devenu délit dans le projet de loi. 

La Convention recommandait aussi l'interdiction de la publicité pour les produits les plus polluants. Le texte interdit celle pour les énergies fossiles, en complétant avec des "codes de bonne conduite".

En matière de logement, un des secteurs les plus émetteurs de CO2, la CCC demandait la rénovation énergétique obligatoire des bâtiments d'ici 2040. Le projet de loi interdit la location des passoires thermiques à partir de 2028.

Dans ce domaine, en fonction des conclusions attendues en mars d'une mission lancée par le gouvernement, des amendements pourraient compléter le dispositif lors du débat parlementaire.

Vu l'étendue des domaines couverts par cette loi, de l'éducation aux finances en passant par les collectivités locales, une commission spéciale de l'Assemblée nationale devrait examiner le texte en mars, avant le passage dans l'hémicycle en avril.

Et certains élus souhaitent déjà modifier le texte, dans un sens ou dans l'autre. Comme le député écologiste ex-LREM Matthieu Orphelin qui a identifié "cinq mesures de plus" qui permettraient selon lui de "multiplier par près de quatre les émissions de CO2 évitées en 2030". Ou le sénateur Jean-François Longeot (UDI) qui veut introduire des mesures sur l'impact environnemental du numérique.

Ce domaine n'est pas couvert par le texte qui se décline en six chapitres: consommer, produire et travailler, se déplacer, se loger, se nourrir et renforcer la protection judiciaire de l'environnement.

Les Citoyens doivent se réunir une dernière fois officiellement fin février pour juger de la réponse de l'exécutif à leurs propositions.


Un soutien mais pas inconditionnel, la délicate diplomatie de Paris vis-à-vis d'Israël

Un membre de l'armée israélienne se tient à côté d'un missile balistique iranien tombé en Israël le week-end dernier, lors d'une visite des médias à la base militaire de Julis, près de la ville de Kiryat Malachi, dans le sud d'Israël, le 16 avril 2024. (Photo Gil Cohen-Magen AFP)
Un membre de l'armée israélienne se tient à côté d'un missile balistique iranien tombé en Israël le week-end dernier, lors d'une visite des médias à la base militaire de Julis, près de la ville de Kiryat Malachi, dans le sud d'Israël, le 16 avril 2024. (Photo Gil Cohen-Magen AFP)
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  • Le président Emmanuel Macron a confirmé lundi que la France avait procédé à «des interceptions» de missiles et drones iraniens
  • Questionné dimanche sur le fait que les militaires français avaient bien défendu Israël, et sur un éventuel soutien de Paris à ce pays s'il ripostait contre l'Iran, le ministre des Affaires étrangères Stéphane Séjourné avait insisté sur la volonté françai

PARIS : En restant vague sur l'ampleur de son soutien à Israël contre l'Iran, la France a signalé sa volonté de ne pas apparaître comme un allié inconditionnel d'Israël, à la fois pour peser au Proche-Orient et ménager son opinion publique, décryptent des analystes.

C'est le porte-parole de l'armée israélienne qui, dès dimanche, a fait savoir que la France était parmi les alliés d'Israël ayant contribué à neutraliser l'attaque iranienne survenue dans la nuit de samedi à dimanche. Ce que Londres et Washington ont rapidement reconnu.

Le président Emmanuel Macron a, lui, confirmé lundi que la France avait procédé à «des interceptions» de missiles et drones iraniens, justifiant cette intervention par la présence d'une base aérienne française en Jordanie dont l'espace aérien a été violé par les tirs iraniens.

Questionné dimanche sur le fait que les militaires français avaient bien défendu Israël, et sur un éventuel soutien de Paris à ce pays s'il ripostait contre l'Iran, le ministre des Affaires étrangères Stéphane Séjourné avait, lui, botté en touche, insistant sur la volonté française de «désescalade».

Car la France, critiquée par moult pays arabes pour son soutien jugé trop appuyé à Israël après les attentats du 7 octobre - le président Macron avait notamment appelé à former une coalition internationale contre le Hamas -  s'efforce, depuis, d'apparaître équilibrée afin de maintenir ses aspirations à jouer un rôle de garant de la stabilité au Proche-Orient, affirment des analystes à l'AFP.

Paris fut ainsi le premier pays occidental à envoyer un bateau hôpital pour soigner des civils gazaouis au large de l'Egypte. La France procéda également très tôt, dès début janvier, à des largages d'aide sur Gaza.

- 'Gages' -

Elle n'a toutefois jamais condamné la frappe attribuée à Israël contre un consulat iranien en Syrie le 1er avril, qui a motivé l'attaque iranienne sur le sol israélien en réponse.

«Au fond, la position de la France est de soutenir Israël tout en donnant des gages aux pays arabes (...) pour essayer de maintenir ses liens avec la région», résume Agnès Levallois de l'Institut de recherche et d'études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient.

Le 8 avril, Emmanuel Macron publiait une tribune commune avec son homologue égyptien Abdel Fattah al-Sissi et le roi de Jordanie Abdallah II appelant à un cessez-le feu «immédiat» et une libération de «tous les otages» à Gaza, mettant aussi en garde Israël contre les «conséquences dangereuses» d'une offensive à Rafah.

Accusée «par les pays arabes et par certains politiques en France de soutenir Israël», «le souci du président Macron est de maintenir une position qu'il estime équilibrée», souligne Denis Bauchard, ancien directeur pour l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient au ministère français des Affaires étrangères.

- 'Nuance' -

Emmanuel Macron «ne possède pas une approche constante en matière de politique étrangère», estime de son côté Hasni Abidi, du Centre d'études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen, à Genève, pour qui la position du chef de l'Etat français est «évolutive», «en fonction des circonstances».

Cette fois, le président a adopté une approche en deux temps.

Il a d'abord affirmé son soutien à Israël, se rangeant dans le camp occidental et mettant en avant une France disposée à défendre ses alliés avec en toile de fond «un message adressé aux États du Golfe, la Jordanie et l'Egypte, clients (en matière d'armements) traditionnels de la France», explique Hasni Abidi.

Puis il a fait montre de «nuance» et de «recul» pour aussi «se ménager une marge de manœuvre utile à la perception de son opinion interne et aux intérêts particuliers de la France», poursuit-il.

Car la diplomatie française au Proche-Orient est devenue particulièrement clivante depuis l'attaque sanglante du groupe islamiste palestinien Hamas en Israël le 7 octobre et la guerre d'Israël à Gaza qui a provoqué une situation humanitaire catastrophique.

Le 5 avril, une centaine de parlementaires de gauche avaient écrit à Emmanuel Macron pour lui demander «d'arrêter immédiatement toutes ventes d'armes (...) au gouvernement d'extrême droite de Netanyahu».

Lundi, des députés français de gauche radicale ont adressé un courrier au ministre des Armées Sébastien Lecornu pour lui demander des éclaircissements sur «le bien-fondé» de Paris à intercepter les missiles et drones iraniens.


Mayotte: nouvelle opération contre l'insécurité et l'immigration irrégulière

Un gendarme monte la garde lors d'une opération de sécurité dans le bidonville de Koungou, sur l'île de Mayotte, le 16 février 2024. (AFP)
Un gendarme monte la garde lors d'une opération de sécurité dans le bidonville de Koungou, sur l'île de Mayotte, le 16 février 2024. (AFP)
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  • Quelque 1 700 gendarmes, policiers et militaires doivent être engagés pour cette opération, baptisée «Mayotte place nette» et qui doit durer 11 semaines
  • Une enveloppe de cinq millions d'euros a été débloquée pour l'hébergement d’urgence des migrants interpellés dans le cadre de l'opération

PARIS: Une nouvelle opération contre l'insécurité, l'immigration irrégulière et l'habitat insalubre a été lancée mardi à Mayotte, archipel français de l'océan Indien, un an après le début d'une première intervention baptisée "Wuambushu", a annoncé le ministère français des Outre-mer.

Quelque 1.700 gendarmes, policiers et militaires doivent être engagés pour cette opération, baptisée "Mayotte place nette" et qui doit durer 11 semaines.

Dans le 101e département français -et le plus pauvre- une "centaine de renforts spécialisés (…), notamment des policiers aux frontières et des officiers de police judiciaire (...) vont nous aider à mener ce travail de précision", a souligné le ministère à l'AFP.

"On a 60 individus particulièrement recherchés et un objectif de 1.300 bangas (cases) à détruire, soit deux fois plus que ce qu’a permis de faire Wuambushu 1", a-t-il ajouté.

Une enveloppe de cinq millions d'euros a été débloquée pour l'hébergement d’urgence des migrants interpellés dans le cadre de l'opération.

En temps normal, 1.600 gendarmes et policiers sont déjà en poste sur ce territoire de 350.000 habitants, selon le ministère.

"Mayotte Place Nette" prend la suite de l’opération Wuambushu lancée au printemps 2023, qui visait déjà à lutter contre l'immigration illégale -largement venue des Comores voisines-, la délinquance et à détruire les cases insalubres organisées en bidonvilles, de plus en plus nombreux sur l’île.

Handicapée par des débuts chaotiques, Wuambushu n’avait pas eu les résultats escomptés.

Ces derniers jours ont été marqués par une recrudescence des violences à Mayotte, où les caillassages des automobilistes sont quotidiens, tout comme les affrontements entre bandes de jeunes de villages rivaux.

L'entreprise gestionnaire du réseau de transport scolaire a notamment évoqué un "record" de caillassages la semaine dernière.


« L'égale de l'homme »: il y a 80 ans, les femmes obtiennent le droit de vote

La France a attendu la moitié du XXe siècle pour garantir les mêmes droits politiques aux femmes qu'aux hommes, bien après d'autres pays: l'Australie en 1901, la Finlande en 1906, la Norvège en 1913. (AFP).
La France a attendu la moitié du XXe siècle pour garantir les mêmes droits politiques aux femmes qu'aux hommes, bien après d'autres pays: l'Australie en 1901, la Finlande en 1906, la Norvège en 1913. (AFP).
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  • "On est devenue l'égale de l'homme. A partir de ce jour-là, on a aussi été capables d'avoir des opinions politiques". Marcelle Abadie, 104 ans, se souvient de cet "événement", il y a 80 ans: le droit de vote accordé aux Françaises
  • Bien droite dans son fauteuil, à Paris, Jacqueline Didier, 101 ans, se plonge dans ses souvenirs: "J’étais étudiante en histoire à Toulouse mais j’étais inscrite sur les listes électorales de Gourdon, chez moi dans le Lot"

PARIS: "On est devenue l'égale de l'homme. A partir de ce jour-là, on a aussi été capables d'avoir des opinions politiques". Marcelle Abadie, 104 ans, se souvient de cet "événement", il y a 80 ans: le droit de vote accordé aux Françaises.

C’était le 21 avril 1944. Grâce à une ordonnance du Gouvernement provisoire du général de Gaulle à Alger, les femmes devenaient électrices et éligibles.

Un an plus tard, le 29 avril 1945, elles déposaient pour la première fois leur bulletin dans l’urne pour élire leur maire.

Bien droite dans son fauteuil, à Paris, Jacqueline Didier, 101 ans, se plonge dans ses souvenirs: "J’étais étudiante en histoire à Toulouse mais j’étais inscrite sur les listes électorales de Gourdon, chez moi dans le Lot". C'est accompagnée de son père que la jeune femme s'est rendue à la mairie. "Le jour du vote, il m’a expliqué comment ça fonctionnait: +tu prends le papier-là et ensuite tu le mets-là+".

Les chiffres de participation des femmes à ce premier scrutin, municipal, en 1945, ne sont pas disponibles. Un peu plus de 26 millions de Français étaient alors inscrits sur les listes électorales, mais au moment du vote, de nombreux hommes étaient encore prisonniers de guerre ou déportés.

"On sait que les femmes sont allées voter, même si beaucoup d'entre elles ne s'intéressaient pas forcément à la politique", rappelle Anne-Sarah Bouglé-Moalic, docteure en histoire à l'Université de Caen-Normandie et spécialiste de la question du vote des femmes en France. "Il faut comprendre qu'elles avaient grandi en entendant que, de toute façon, la politique, ce n'était pas pour elles: c'était l'affaire du mari ou du père".

« Il faut aller voter! »

Autre critère important: le milieu social et culturel. Les voisines de Marcelle Abadie, à Pantin, banlieue nord-est de Paris, étaient femmes au foyer pour la plupart et ne sont pas toutes allées voter. "Je leur ai dit: +vous avez tort! On l'a demandé ce droit, maintenant qu'on l'a, il faut aller voter!+".

La France a attendu la moitié du XXe siècle pour garantir les mêmes droits politiques aux femmes qu'aux hommes, bien après d'autres pays: l'Australie en 1901, la Finlande en 1906, la Norvège en 1913, le Danemark en 1915, l'Allemagne en 1918, les Etats-Unis en 1920, le Royaume Uni en 1928...

Chez Madeleine Charrière à Limoges, aujourd'hui décédée, la question d'aller ou non déposer son bulletin ne s'est pas posée. "Maman était très fière d'aller voter. Elle se sentait investie d'un pouvoir", raconte sa fille aînée, Brigitte, 10 ans en 1945, qui se souvient très bien des discussions politiques entre sa mère et son grand-père avocat, alors que son père était toujours prisonnier en Allemagne.

Un sentiment de fierté, c'est aussi ce qu'a ressenti Marcelle Abadie. Elle avait alors 25 ans, travaillait dans une compagnie d'assurance à Paris et n'entendait pas se faire dicter ses choix. "Je travaillais, je gagnais de l'argent et je faisais ce que je voulais", insiste-t-elle, précisant n'avoir jamais voté comme son mari, fonctionnaire de police.

Quelques mois après les élections municipales, les femmes ont à nouveau exercé leur devoir civique. Le 21 octobre 1945 ont eu lieu les premières élections législatives de l'après-guerre.

"Trente-trois femmes ont été élues à l'Assemblée, soit un peu plus de 5%", indique l'historienne Anne-Sarah Bouglé-Moalic, dont Madeleine Braun, ancienne résistante, devenue en 1946 la première femme vice-présidente de l'Assemblée nationale.

Depuis ce premier vote, Jacqueline Didier et Marcelle Abadie n'ont jamais manqué une élection. Et Marcelle en est persuadée: "un jour, il y aura une femme présidente en France".