Six Français tués par des hommes armés au Niger

C'est tout ce qui reste de la voiture des touristes. (Photo AFP).
C'est tout ce qui reste de la voiture des touristes. (Photo AFP).
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Publié le Lundi 10 août 2020

Six Français tués par des hommes armés au Niger

  • "Il y a huit morts: deux Nigériens dont un guide (touristique) et un chauffeur, les six autres sont des Français"
  • Emmanuel Macron a dénoncé dimanche soir "l'attaque meurtrière qui a lâchement frappé un groupe de travailleurs humanitaires"

KOURE: Huit personnes, deux Nigériens et six Français comprenant des salariés de l'ONG Acted, ont été tuées dimanche par des hommes armés arrivés à moto dans la zone de Kouré (sud-ouest du Niger) lors d'une excursion touristique.
"Il y a huit morts: deux Nigériens dont un guide (touristique) et un chauffeur, les six autres sont des Français", a annoncé à l'AFP le gouverneur de Tillabéri, Tidjani Ibrahim Katiella, en milieu d'après-midi.
Paris a confirmé que des Français avaient péri, sans en donner le nombre.
"Parmi les huit personnes tuées au Niger, plusieurs sont des Français, salariés d'Acted", a indiqué de son côté à l'AFP Joseph Breham, avocat de l'ONG.
L'armée française a apporté un appui aux troupes nigériennes après cette attaque, a annoncé l'état-major des Armées dans la capitale française.

Le ministre Français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian condamne « avec la plus grande fermeté » l’attaque meurtrière du groupe de travailleurs humanitaires au Niger.

M. Le Drian a présenté ses condoléances aux familles et aux proches des victimes « lâchement assassinées, ainsi qu’aux autorités et au peuple nigériens. Les responsables de cette attaque abjecte devront répondre de leurs actes ».

Il a ajouté que « le centre de crise et de soutien du ministère de l’Europe et des affaires étrangères et l’ambassade de France à Niamey sont pleinement mobilisés, en étroite coordination avec les autorités nigériennes et l’organisation ACTED, pour apporter tout le soutien et l’accompagnement nécessaire aux familles des victimes dans ce moment tragique ».

Le ministre de AE a ajouté que la France est « déterminée à faire respecter l’impératif de protection des personnels humanitaires et des personnels de santé ».

Et de préciser : « Comme le Président de la République Emmanuel Macron l’a rappelé lors de son entretien avec son homologue nigérien, tous les moyens sont et seront mis en œuvre pour élucider les circonstances de cet attentat meurtrier. Nos deux pays demeurent déterminés à poursuivre la lutte en commun contre les groupes terroristes au Sahel ».

Pour sa part, Emmanuel Macron a dénoncé dimanche soir "l'attaque meurtrière qui a lâchement frappé un groupe de travailleurs humanitaires" et affirmé que "tous les moyens" seront mis en oeuvre pour "élucider" les circonstances de cet "attentat", selon un communiqué de la présidence française.
Le chef de l'Etat, qui s'est entretenu avec son homologue nigérien Mahamadou Issoufou, a ajouté que "leur détermination à poursuivre la lutte en commun contre les groupes terroristes au Sahel" demeurait "intacte".
"Je condamne l'attaque terroriste, lâche et barbare perpétrée ce dimanche dans la paisible localité de Kouré", a tweeté pour sa part le président Issoufou, qui a adressé ses condoléances "aux familles des victimes nigériennes et françaises" ainsi qu'"au président Macron dont l'engagement à nos côtés dans la lutte contre le terrorisme est sans faille".
Le président du Mali, un pays frontalier du Niger, Ibrahim Boubacar Kéita, a réagi à l'attaque perpétrée, "condamnant énergiquement cet acte barbare (...) récurrent dans notre espace sahélien où continuent de sévir l'extrémisme violent et l'économie criminelle malgré la guerre sans merci livrée par les armées nationales, la force conjointe du G5 Sahel et la force (française) Barkhane".
Selon le ministère nigérien de l'Intérieur, "une enquête et des opérations de ratissage, en collaboration avec nos partenaires (NDLR: français) sont en cours en vue de dénicher les auteurs de ces actes ignobles et de renforcer la sécurité dans la zone".
L'armée nigérienne a quadrillé la zone du crime, une vaste région boisée, survolée par des avions de chasse français. La zone de Kouré abrite les derniers troupeaux de girafes d'Afrique de l'ouest.
Des agents de la police scientifique procèdent à des prélèvements, à côté des pompiers qui s'apprêtent à enlever les corps tandis que la nuit tombe sur la localité, selon le correspondant de l'AFP sur place.
"L'attaque a eu lieu vers 11H30 (10H30 GMT) à 6 km à l'est de la localité de Kouré" qui se trouve à une heure en voiture de Niamey sur la route nationale numéro 1, a expliqué à l'AFP une source proche des services de l'environnement.

Victimes "abattues par balle" 
"La plupart des victimes ont été abattues par balle et une femme qui a réussi à s'enfuir a été rattrapée et égorgée. Sur place, on a trouvé un chargeur vidé de ses cartouches", a relevé cette source. "On ne connaît pas l'identité des assaillants mais ils sont venus à moto à travers la brousse et ont attendu l'arrivée des touristes. Le véhicule emprunté par les touristes appartient à l'ONG Acted".
Cette source a décrit à l'AFP les corps gisant, côte à côte, près d'un véhicule 4X4 à moitié incendié et aux portières ouvertes. Des traces de balles étaient visibles sur la vitre arrière du véhicule. L'un des corps était carbonisé. D'autres présentaient des blessures mortelles à la tête.
"Nous sommes en train de gérer la situation, on donnera plus d'informations après", a déclaré le gouverneur local, qui n'a pas fourni de détails sur les circonstances du drame, ni sur l'identité des assaillants.
Il s'agit de la première attaque ayant visé des Occidentaux dans cette zone depuis qu'elle est devenue une attraction touristique il y a une vingtaine d'années, quand un petit troupeau de girafes peralta, une espèce qui a disparu du reste de la planète, fuyant braconniers et prédateurs, y avait trouvé un havre de paix.
"Kouré est à 60 km de Niamey, une heure de route. On va tous a Kouré en sortie le week-end parce que c'est très facile d'accès (...) Tout le monde y va,  même les ambassadeurs, les diplomates, les professeurs, tout le monde ! Ce n'est pas du tout considéré comme dangereux comme zone. Il y a des ONG de protection des girafes qui travaillent là-bas", a expliqué à l'AFP un humanitaire occidental à Niamey.
La région de Tillabéri est une vaste zone instable. Elle est située dans la zone de "trois frontières" entre Niger, Burkina Faso et Mali, devenue un repaire des jihadistes sahéliens, dont l'Etat islamique au Grand Sahara (EIGS).
La circulation des motos est interdite de jour et de nuit depuis janvier pour tenter d'empêcher les déplacements de jihadistes.
Le 8 janvier 2011, deux jeunes Français, Antoine De Léocour et Vincent Delory, enlevés la veille en plein centre de la capitale nigérienne Niamey, ont été tués en territoire malien au cours d'une intervention militaire franco-nigérienne destinée à les secourir.
Selon les expertises des corps révélées en février 2012, Vincent Delory est mort brûlé dans l'incendie du véhicule qui le transportait, tandis qu'Antoine de Léocour a été exécuté par ses ravisseurs.


France: les députés rejettent l'emblématique taxe Zucman, au grand dam de la gauche

Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’Assemblée nationale a refusé la proposition de taxe de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros (228 voix contre 172), symbole des tensions entre gauche et droite sur la justice fiscale
  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu tente d’éviter une censure et de sauver le budget 2026 en multipliant les concessions à la gauche

PARIS: Les députés français ont rejeté vendredi l'emblématique taxe Zucman sur la taxation des ultra-riches, au grand dam de la gauche, à laquelle le Premier ministre Sébastien Lecornu a tenté de donner des gages pour parvenir à faire voter un budget.

Les parlementaires sont engagés dans de difficiles débats pour arriver à un compromis sur ce sujet qui relève du casse-tête dans un paysage politique très fragmenté, sans majorité nette à l'Assemblée nationale depuis la dissolution décidée en juin 2024 par Emmanuel Macron.

Défendue par la gauche, la taxe Zucman, qui visait à instaurer un impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros, a été rejetée par 228 députés contre 172.

Cette proposition, qui cristallisait les débats budgétaires, s'inspire des travaux du discret économiste Gabriel Zucman, chantre de la justice fiscale pour la gauche et adversaire des entreprises pour la droite et les libéraux, jusqu'au patron de LVMH, qui le qualifie de "pseudo universitaire".

Les députés ont également rejeté une version de compromis de cette taxe, proposée par les socialistes.

"Vous faites, par votre intransigeance, je le crains, le mauvais chemin", a dénoncé le socialiste Boris Vallaud. Le chef des députés PS a appelé dans la foulée à voter le rétablissement de l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) supprimé en 2017.

De son côté, la droite s'est réjouie: "On est contre les augmentations d'impôts qui vont tuer de l'emploi et tuer de l'activité économique", a réagi le chef des députés Les Républicains (LR), Laurent Wauquiez.

Le Premier ministre Lecornu a réfuté l'existence d'un "impôt miracle pour rétablir la justice fiscale", et demandé à ses ministres de réunir les représentants de groupes politiques pour tenter de trouver une voie d'atterrissage et s'accorder sur un budget pour 2026.

Minoritaire, le quatrième gouvernement en moins d'un an et demi, le sixième depuis la réélection de M. Macron en mai 2022, a promis de laisser le dernier mot au Parlement. Mais la recherche d'un compromis reste très difficile entre un camp présidentiel fracturé, une gauche traversée de tensions et une extrême droite favorable à une union des droites.

- Le PS maintient la pression -

La pression est forte entre des délais très courts et l'inquiétude croissante sur la situation des finances publiques de la deuxième économie de l'UE dont la dette atteint 115% du PIB.

Tout en insistant sur la nécessité de réaliser d'importantes économies, le Premier ministre doit donc accepter des concessions, au risque de ne pas parvenir à doter l'Etat français d'un budget dans les temps ou de tomber comme ses prédécesseurs.

Pour convaincre les socialistes de ne pas le renverser, Sébastien Lecornu a déjà accepté de suspendre la réforme des retraites adoptée au forceps en 2023, une mesure approuvée vendredi en commission parlementaire.

Face à la colère froide de la gauche après les votes de vendredi, il s'est dit prêt en outre à renoncer au gel des pensions de retraite et des minimas sociaux, des mesures parmi les plus contestées de cette séquence budgétaire et dont la suppression était dans le même temps votée en commission des Affaires sociales.

Le gouvernement comptait faire jusqu'à 3,6 milliards d'économies sur ces sujets, et pourrait compenser cela, au moins en partie, par une hausse de la Contribution sociale généralisée (CSG) sur le patrimoine.

Pour Sébastien Lecornu, il s'agit d'échapper à une censure du PS, qui maintient son étreinte et l'appelle à "encore rechercher le compromis" sous peine de devoir "repartir aux élections". A ce stade, "il n'y a pas de possibilité de voter ce budget", a lancé le patron des socialistes, Olivier Faure.

Si le Parlement ne se prononce pas dans les délais, le gouvernement peut exécuter le budget par ordonnance. Une loi spéciale peut aussi être votée permettant à l'Etat de continuer à percevoir les impôts existants l'an prochain, tandis que ses dépenses seraient gelées, en attendant le vote d'un réel budget.


France: le cimentier Lafarge jugé à partir de mardi pour financement du terrorisme

Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
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  • Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires
  • Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales

PARIS: Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie.

Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens, dont l'un est visé par un mandat d'arrêt international et devrait donc être absent au procès.

Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales.

Le groupe français est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d'euros à des groupes rebelles jihadistes dont certains, comme l'EI et Jabhat al-Nosra, ont été classés comme "terroristes", afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, dans le nord du pays.

La société avait investi 680 millions d'euros dans ce site, dont la construction a été achevée en 2010.

Plaintes 

Alors que les autres multinationales avaient quitté le pays en 2012, Lafarge n'a évacué cette année-là que ses employés de nationalité étrangère, et maintenu l'activité de ses salariés syriens jusqu'en septembre 2014, date à laquelle l'EI a pris le contrôle de l'usine.

Dans ce laps de temps, LCS aurait rémunéré des intermédiaires pour s'approvisionner en matières premières auprès de l'EI et d'autres groupes, et pour que ces derniers facilitent la circulation des employés et des marchandises.

L'information judiciaire avait été ouverte à Paris en 2017 après plusieurs révélations médiatiques et deux plaintes en 2016, une du ministère de l'Économie pour violation d'embargo, et l'autre de plusieurs associations et de onze anciens salariés de LCS pour financement du terrorisme.

Le nouveau groupe, issu de la fusion de 2015, qui a toujours pris soin de dire qu'il n'avait rien à voir avec les faits antérieurs à cette opération, avait entretemps lancé une enquête interne.

Confiée aux cabinets d'avocats américain Baker McKenzie et français Darrois, elle avait conclu en 2017 à des "violations du code de conduite des affaires de Lafarge".

Et en octobre 2022, Lafarge SA avait plaidé coupable aux États-Unis d'avoir versé à l'EI et Jabhat Al-Nosra près de 6 millions de dollars, et accepté d'y payer une sanction financière de 778 millions de dollars.

Une décision dénoncée par plusieurs prévenus du dossier français, à commencer par Bruno Lafont, qui conteste avoir été informé des paiements aux groupes terroristes.

Plus de 200 parties civiles 

Selon ses avocats, ce plaider-coupable, sur lequel s'appuient en partie les juges d'instruction français dans leur ordonnance, "est une atteinte criante à la présomption d'innocence, qui jette en pâture les anciens cadres de Lafarge" et avait "pour objectif de préserver les intérêts économiques d'un grand groupe".

Pour la défense de l'ex-PDG, le procès qui s'ouvre permettra d'"éclaircir" plusieurs "zones d'ombre du dossier", comme le rôle des services de renseignement français.

Les magistrats instructeurs ont estimé que si des remontées d'informations avaient eu lieu entre les responsables sûreté de Lafarge et les services secrets sur la situation autour du site, cela ne démontrait "absolument pas la validation par l'Etat français des pratiques de financement d'entités terroristes mises en place par Lafarge en Syrie".

Au total, 241 parties civiles se sont à ce jour constituées dans ce dossier. "Plus de dix ans après les faits, les anciens salariés syriens pourront enfin témoigner de ce qu'ils ont enduré: les passages de check-points, les enlèvements et la menace permanente planant sur leurs vies", souligne Anna Kiefer, de l'ONG Sherpa.

Lafarge encourt jusqu'à 1,125 million d'euros d'amende pour le financement du terrorisme. Pour la violation d'embargo, l'amende encourue est nettement plus lourde, allant jusqu'à 10 fois le montant de l'infraction qui sera retenu in fine par la justice.

Un autre volet de ce dossier est toujours à l'instruction, le groupe ayant aussi été inculpé pour complicité de crimes contre l'humanité en Syrie et en Irak.


Gérald Darmanin visé par une plainte d'avocats pour son soutien implicite à Sarkozy

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
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  • Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique
  • Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy

PARIS: Ils accusent Gérald Darmanin de "prendre position": un collectif d'avocats a porté plainte auprès de la Cour de justice de la République (CJR) contre le ministre de la Justice pour son soutien implicite à Nicolas Sarkozy, à qui il a rendu visite en prison.

Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique.

Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy.

En confiant ce jour-là sa "tristesse" après la condamnation de M. Sarkozy et en annonçant lui rendre prochainement visite en prison, ce qu'il a fait depuis, M. Darmanin a "nécessairement pris position dans une entreprise dont il a un pouvoir d'administration", stipule la plainte que l'AFP a pu consulter.

M. Darmanin indiquait qu'il irait "voir en prison" M. Sarkozy pour s'inquiéter "de ses conditions de sécurité". Et d'ajouter: "J'ai beaucoup de tristesse pour le président Sarkozy", "l'homme que je suis, j'ai été son collaborateur, ne peut pas être insensible à la détresse d'un homme".

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent".

En "s'exprimant publiquement quant à sa volonté de rendre visite à M. Sarkozy en détention" ainsi "qu'en lui apportant implicitement son soutien", M. Darmanin a "nécessairement pris position" dans une entreprise dont il a aussi "un pouvoir de surveillance en tant que supérieur hiérarchique du parquet", déroulent les plaignants.

Juridiquement, ce collectif d'avocats porte plainte contre M. Darmanin pour "prise illégale d'intérêts", via une jurisprudence considérant que "l'intérêt" peut "être moral et plus précisément amical".

"Préjudice" 

"Il ne fait pas de doute que cet intérêt est de nature à compromettre l'impartialité et l'objectivité de M. Darmanin qui, en tant que ministre de la Justice, ne peut prendre position de cette manière dans une affaire pendante", argumentent les avocats.

Condamné le 25 septembre à cinq ans d'emprisonnement dans le dossier libyen pour association de malfaiteurs, l'ancien président a depuis déposé une demande de remise en liberté, que la justice doit examiner dans les prochaines semaines, avant son procès en appel en 2026.

Les propos de M. Darmanin sur France Inter avaient déjà ému la magistrature. Le plus haut procureur de France, Rémy Heitz, y avait vu un "risque d'obstacle à la sérénité" et donc "d'atteinte à l'indépendance des magistrats".

"S'assurer de la sécurité d'un ancien président de la République en prison, fait sans précédent, n'atteint en rien à l'indépendance des magistrats mais relève du devoir de vigilance du chef d'administration que je suis", s'était déjà défendu M. Darmanin sur X.

Pour le collectif d'avocats, "les déclarations" du ministre de la Justice, "suivies" de sa "visite rendue à la prison de la Santé", sont "susceptibles de mettre à mal la confiance que les justiciables ont dans la justice et leurs auxiliaires", que sont notamment les avocats.

Les "agissements" de M. Darmanin leur causent "ainsi un préjudice d'exercice et d'image qui rend nécessaire le dépôt de cette plainte auprès de la commission des requêtes" de la CJR, peut-on encore lire dans la plainte.

La CJR est la seule juridiction habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions.