À Paris, la diaspora franco-libanaise se mobilise

Les bénévoles et donateurs de la municipalité deTaverny.
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béneévoles de diaspora libanaise,
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Publié le Mardi 11 août 2020

À Paris, la diaspora franco-libanaise se mobilise

  • Les Libanais manquent de tout, y compris des produits de première nécessité
  • Après le choc des premières heures, les Franco-Libanais ont ressenti le besoin de se retrouver, ils veulent agir, sensibiliser l’opinion publique

PARIS: La colère et la tristesse des membres de la diaspora libanaise sont intenses. Via des écrans interposés, ils prennent des nouvelles de leurs proches et regardent des vidéos. Les dégâts causés par les explosions du 3 août dernier sont catastrophiques : immeubles éventrés, portes et fenêtres éclatées et éclats de verre jonchant le sol. Désabusés, ils suivent les informations en boucle.

Sur les réseaux sociaux, la diaspora, estimée par l’ambassade entre 140 000 et 200 000 personnes, exprime sa tristesse et lance des appels pour venir en aide à ses compatriotes endeuillés et meurtris par tant de tragédies. « Les images du ciel fumant de Beyrouth me hantent, mon pays est dévasté, je sens une telle colère contre ceux qui sont responsables du chaos », nous confie Nabil que nous avons rencontré à la terrasse d’une brasserie à Paris. 

Quelques jours après les explosions survenues à Beyrouth, les réactions restent très vives au sein la communauté libanaise. « Émotion », « tristesse », « inquiétude » sont les principaux mots prononcés par les membres de la communauté franco-libanaise que nous avons rencontrés ce week-end. C'est un « coup de massue pour le pays », a souligné Armand Khoury, président de l'association culturelle Asnières Liban Amitié. Ce dernier explique que ces images lui rappellent « la guerre du Liban de 1975 à 1990 ».
Au Petit Beyrouth
Après le choc des premières heures, les Franco-Libanais ont ressenti le besoin de se retrouver. Ils veulent agir, sensibiliser l’opinion publique à la crise humanitaire qui menace leurs compatriotes de l’autre rive de la Méditerranée. Parmi eux, Estelle, interrogée par Arab New en français, raconte : « Nous avons de la famille, des amis qui sont dans la détresse, livrés à eux-mêmes dans le deuil, le désespoir et le manque de tout. Nous essayons de maintenir le lien par Internet et par téléphone pour les soutenir, les encourager à résister, nous voulons aider, c’est notre devoir. » 

Tous souhaitent que la solidarité soit désormais orientée vers le peuple qui souffre depuis des décennies. Mme F.A., une Franco-Libanaise, retraitée de l’éducation nationale qui habite en région parisienne, souligne de son côté que le Liban traverse une crise économique et sociale sans précédent. La société civile désavoue le système politique qu’elle considère corrompu et incapable de réformer le pays.

« Le pays est au bord du gouffre, explique de son côté, un jeune étudiant. Les Libanais souhaitent que l’opinion internationale regarde et écoute les attentes du peuple, qui, depuis des mois, exige le changement par le départ du système politique en place depuis des décennies. » La contestation populaire, née le 17 octobre 2019, s'est inscrite dans la durée. Les Libanais ont multiplié les rassemblements et dénoncent la corruption de la classe politique.

Dans un quartier du XVe arrondissement de Paris, appelé « le Petit Beyrouth », nous avons rencontré quelques membres de la communauté franco-libanaise, très remontés contre les politiques. « Cette tragédie est insupportable pour nous, notre pays est au bord du gouffre, les responsables sont des criminels, s’indigne Madjed. Comment peut-on stocker des produits chimiques dans une zone stratégique, au cœur d’une ville où résident des civils. »

Mona Mansour, une formatrice médicale franco-libanaise et syrienne installée en France depuis vingt-sept ans, déclare être anéantie depuis le 3 août dernier. « Ce qui se passe actuellement est inadmissible ! Je suis en colère contre les dirigeants parce qu’ils sont incompétents et corrompus, la crise économique et politique dure depuis plusieurs mois sans que rien ne soit fait. Cette tragédie est l’événement de trop, le bilan est catastrophique, cela présage une crise humanitaire qui nécessite la mobilisation de la communauté internationale pour venir en aide aux Libanais », nous confie-t-elle. 

Avec les membres de l’association humanitaire Cœur sans frontières, qu’elle copréside et qui œuvre pour l’aide aux démunis au Moyen-Orient et en France, elle se mobilise pour récolter des dons en sollicitant aussi bien les particuliers que les entreprises. « Nous avons lancé des appels aux dons auprès des particuliers, des entreprises et des supermarchés. Des étudiants stagiaires de l’école de commerce Essec nous prêtent main forte en procédant à la prospection téléphonique avec tous les organismes », nous explique Mona Mansour. 

Quant à la question des besoins urgents, elle affirme que les Libanais manquent de tout, y compris des produits de première nécessité. « Nous avons besoin de la collecte de lait infantile, de couches pour bébé, de nourriture et de consommables pour les soins d’urgence, comme les pansements, les fils de suture, les compresses : tous les produits de soins d’urgence qui ne nécessitent pas une autorisation ou un accord préalable du ministère de la Santé », nous explique Mona Mansour avec une vive émotion.

La coprésidente de Cœur sans frontières nous informe que la mairie de Taverny, une ville dans le département du Val-d’Oise, a mis à la disposition de l’association, depuis le 8 août, un local pour stocker les dons. De son côté, la ville de Puteaux a aussi manifesté son soutien au peuple libanais. 

Les appels sur les réseaux sociaux se multiplient 

Sur les réseaux sociaux, les appels aux dons se multiplient. Sur Facebook, Instagram ou Twitter, la diaspora libanaise se mobilise. Certains proposent leurs billets, achetés il y a des mois en prévision des vacances, à ceux qui, comme les personnels soignants, peuvent apporter leur aide aux sinistrés.

L’association Asnières Liban Amitié a lancé une cagnotte pour récolter des fonds. De même pour Samar Seraqui de Buttafoco, une influenceuse de 37 ans disposant d’un compte Instagram avec 100 000 abonnés, qui a lancé, de son côté, un appel pour la récolte de dons destinée à la population sinistrée de Beyrouth. Une initiative qui lui a permis de récolter à ce jour près de 80 000 euros. 

Dans l’émission Le Monde en Français, diffusée le 9 août sur la chaîne TV5 Monde, Samar Seraqui de Buttafoco, a souligné que « les Libanais sont des habitués de l’entraide, c’est pour cela que j’ai créé « Hope for Lebanon » sur GoFundme, car après l’émotion et la tristesse, il fallait agir vite ». 

La bloqueuse explique que le rôle de la diaspora est essentiel, car il permet « d’éclairer le monde sur l’importance de l’entraide et des comportements humanistes car on ne peut pas laisser un peuple pris en otage comme l’est le peuple libanais », explique-t-elle. 
  
Mona Mansour nous explique l’organisation de la logistique : « Nous organisons la collecte, des groupes sont chargés de récolter les dons, et d’autres de les acheminer vers les personnes bénévoles qui partent au Liban. Il y a également des dispositifs mis en place par des compagnies aériennes : les produits sont stockés dans un entrepôt à Roissy pour constituer un conteneur de 70 m3 qui permettra de les transporter ». 

Paris et la région Île-de-France répondent aussi à l’urgence en débloquant respectivement 100 000 et 300 000 euros pour la reconstruction des deux banques du sang de la Croix-Rouge libanaise à Beyrouth. Le Secours populaire contribue, lui, avec un don de 100 000 euros. 

 « La France, c’est la famille du Liban et le Liban, c’est la famille de la France », a déclaré le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian au lendemain de la double explosion au port de Beyrouth, qui coûté la vie à 158  personnes, en a blessé 6 000 et fait plus de 300 000 sans-abris. Dès son arrivée au Liban, le 6 août, le président français, Emmanuel Macron, via son compte Twitter, a affirmé que le Liban n’était pas seul face à cette tragédie.

Les deux pays cultivent des liens historiques. Une relation qui « s’inscrit dans la longue tradition de liens très solides entre la France et le Liban », a souligné Karim Émile Bitar, directeur de l’Institut des sciences politiques à l’université Saint-Joseph de Beyrouth à l’AFP. Selon l’Organisation internationale de la francophonie, 1,6 million de Libanais sont francophones, ce qui représente un peu plus du quart de la population. 


 


France: le cimentier Lafarge jugé à partir de mardi pour financement du terrorisme

Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
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  • Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires
  • Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales

PARIS: Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie.

Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens, dont l'un est visé par un mandat d'arrêt international et devrait donc être absent au procès.

Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales.

Le groupe français est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d'euros à des groupes rebelles jihadistes dont certains, comme l'EI et Jabhat al-Nosra, ont été classés comme "terroristes", afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, dans le nord du pays.

La société avait investi 680 millions d'euros dans ce site, dont la construction a été achevée en 2010.

Plaintes 

Alors que les autres multinationales avaient quitté le pays en 2012, Lafarge n'a évacué cette année-là que ses employés de nationalité étrangère, et maintenu l'activité de ses salariés syriens jusqu'en septembre 2014, date à laquelle l'EI a pris le contrôle de l'usine.

Dans ce laps de temps, LCS aurait rémunéré des intermédiaires pour s'approvisionner en matières premières auprès de l'EI et d'autres groupes, et pour que ces derniers facilitent la circulation des employés et des marchandises.

L'information judiciaire avait été ouverte à Paris en 2017 après plusieurs révélations médiatiques et deux plaintes en 2016, une du ministère de l'Économie pour violation d'embargo, et l'autre de plusieurs associations et de onze anciens salariés de LCS pour financement du terrorisme.

Le nouveau groupe, issu de la fusion de 2015, qui a toujours pris soin de dire qu'il n'avait rien à voir avec les faits antérieurs à cette opération, avait entretemps lancé une enquête interne.

Confiée aux cabinets d'avocats américain Baker McKenzie et français Darrois, elle avait conclu en 2017 à des "violations du code de conduite des affaires de Lafarge".

Et en octobre 2022, Lafarge SA avait plaidé coupable aux États-Unis d'avoir versé à l'EI et Jabhat Al-Nosra près de 6 millions de dollars, et accepté d'y payer une sanction financière de 778 millions de dollars.

Une décision dénoncée par plusieurs prévenus du dossier français, à commencer par Bruno Lafont, qui conteste avoir été informé des paiements aux groupes terroristes.

Plus de 200 parties civiles 

Selon ses avocats, ce plaider-coupable, sur lequel s'appuient en partie les juges d'instruction français dans leur ordonnance, "est une atteinte criante à la présomption d'innocence, qui jette en pâture les anciens cadres de Lafarge" et avait "pour objectif de préserver les intérêts économiques d'un grand groupe".

Pour la défense de l'ex-PDG, le procès qui s'ouvre permettra d'"éclaircir" plusieurs "zones d'ombre du dossier", comme le rôle des services de renseignement français.

Les magistrats instructeurs ont estimé que si des remontées d'informations avaient eu lieu entre les responsables sûreté de Lafarge et les services secrets sur la situation autour du site, cela ne démontrait "absolument pas la validation par l'Etat français des pratiques de financement d'entités terroristes mises en place par Lafarge en Syrie".

Au total, 241 parties civiles se sont à ce jour constituées dans ce dossier. "Plus de dix ans après les faits, les anciens salariés syriens pourront enfin témoigner de ce qu'ils ont enduré: les passages de check-points, les enlèvements et la menace permanente planant sur leurs vies", souligne Anna Kiefer, de l'ONG Sherpa.

Lafarge encourt jusqu'à 1,125 million d'euros d'amende pour le financement du terrorisme. Pour la violation d'embargo, l'amende encourue est nettement plus lourde, allant jusqu'à 10 fois le montant de l'infraction qui sera retenu in fine par la justice.

Un autre volet de ce dossier est toujours à l'instruction, le groupe ayant aussi été inculpé pour complicité de crimes contre l'humanité en Syrie et en Irak.


Gérald Darmanin visé par une plainte d'avocats pour son soutien implicite à Sarkozy

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
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  • Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique
  • Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy

PARIS: Ils accusent Gérald Darmanin de "prendre position": un collectif d'avocats a porté plainte auprès de la Cour de justice de la République (CJR) contre le ministre de la Justice pour son soutien implicite à Nicolas Sarkozy, à qui il a rendu visite en prison.

Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique.

Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy.

En confiant ce jour-là sa "tristesse" après la condamnation de M. Sarkozy et en annonçant lui rendre prochainement visite en prison, ce qu'il a fait depuis, M. Darmanin a "nécessairement pris position dans une entreprise dont il a un pouvoir d'administration", stipule la plainte que l'AFP a pu consulter.

M. Darmanin indiquait qu'il irait "voir en prison" M. Sarkozy pour s'inquiéter "de ses conditions de sécurité". Et d'ajouter: "J'ai beaucoup de tristesse pour le président Sarkozy", "l'homme que je suis, j'ai été son collaborateur, ne peut pas être insensible à la détresse d'un homme".

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent".

En "s'exprimant publiquement quant à sa volonté de rendre visite à M. Sarkozy en détention" ainsi "qu'en lui apportant implicitement son soutien", M. Darmanin a "nécessairement pris position" dans une entreprise dont il a aussi "un pouvoir de surveillance en tant que supérieur hiérarchique du parquet", déroulent les plaignants.

Juridiquement, ce collectif d'avocats porte plainte contre M. Darmanin pour "prise illégale d'intérêts", via une jurisprudence considérant que "l'intérêt" peut "être moral et plus précisément amical".

"Préjudice" 

"Il ne fait pas de doute que cet intérêt est de nature à compromettre l'impartialité et l'objectivité de M. Darmanin qui, en tant que ministre de la Justice, ne peut prendre position de cette manière dans une affaire pendante", argumentent les avocats.

Condamné le 25 septembre à cinq ans d'emprisonnement dans le dossier libyen pour association de malfaiteurs, l'ancien président a depuis déposé une demande de remise en liberté, que la justice doit examiner dans les prochaines semaines, avant son procès en appel en 2026.

Les propos de M. Darmanin sur France Inter avaient déjà ému la magistrature. Le plus haut procureur de France, Rémy Heitz, y avait vu un "risque d'obstacle à la sérénité" et donc "d'atteinte à l'indépendance des magistrats".

"S'assurer de la sécurité d'un ancien président de la République en prison, fait sans précédent, n'atteint en rien à l'indépendance des magistrats mais relève du devoir de vigilance du chef d'administration que je suis", s'était déjà défendu M. Darmanin sur X.

Pour le collectif d'avocats, "les déclarations" du ministre de la Justice, "suivies" de sa "visite rendue à la prison de la Santé", sont "susceptibles de mettre à mal la confiance que les justiciables ont dans la justice et leurs auxiliaires", que sont notamment les avocats.

Les "agissements" de M. Darmanin leur causent "ainsi un préjudice d'exercice et d'image qui rend nécessaire le dépôt de cette plainte auprès de la commission des requêtes" de la CJR, peut-on encore lire dans la plainte.

La CJR est la seule juridiction habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions.


Zucman, patrimoine et retraites, "journée majeure" vendredi à l'Assemblée

Des députés assistent à l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
Des députés assistent à l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’Assemblée nationale débat d’une taxation du patrimoine, au cœur d’un bras de fer entre le gouvernement et le PS, qui menace de censure en cas de refus d’imposer les très hauts patrimoines
  • En parallèle, la suspension de la réforme des retraites est examinée en commission, condition posée par le PS pour éviter une crise politique majeure, mais son adoption reste incertaine

PARIS: Deux gros morceaux pour le prix d'un: les députés débattent vendredi dans l'hémicycle de taxation du patrimoine, sur fond d'ultimatum du PS pour davantage de "justice fiscale", et une partie des parlementaires doivent se prononcer en commission sur la suspension de la réforme des retraites, autre clé d'une non-censure.

Dès 9H00, les députés rouvriront les débats sur le projet de budget de l'Etat, avec la question sensible de la fiscalité du patrimoine et la désormais fameuse taxe Zucman, après avoir approuvé ces derniers jours plusieurs taxes sur les grandes entreprises ou les géants des technologies.

Signe de l'importance du moment, le Premier ministre Sébastien Lecornu devrait se rendre à l'Assemblée dans la journée pour participer aux débats, selon son entourage, alors que le PS menace de censurer en cas de refus du gouvernement d'imposer les hauts patrimoines.

"La journée est majeure", souligne un ministre.

Au menu notamment, une taxe proposée par le gouvernement sur certaines holdings, des sociétés qui détiennent des participations dans d'autres entreprises, et qui fait débat dans son propre camp.

Puis viendront des propositions de tous bords. Le Rassemblement national et le MoDem proposeront par exemple leurs versions d'un impôt sur la fortune. La gauche défendra entre autres l'instauration de la taxe de l'économiste Gabriel Zucman, impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros.

- "Troisième voie" -

Les socialistes proposeront en sus leur version de compromis au camp gouvernemental: 3% à partir de 10 millions d'euros, mais en excluant les entreprises innovantes et familiales.

Philippe Brun (PS), négociateur pour son groupe sur le budget, estime son rendement à "15 milliards", une estimation nettement rehaussée pour cette Zucman bis par rapport à de précédents calculs.

Mais elle peine à convaincre le reste de la gauche. "On n'a jamais été contre voter des amendements de repli" mais "c'est une taxe passoire", estime Eric Coquerel, président LFI de la commission des Finances.

Et l'horizon paraît bouché face à une levée de boucliers au centre et au RN.

"On est contre toutes les versions", assume Sylvain Maillard (Renaissance). Zucman, c'est "non, ni light ni hard ni rien du tout", a martelé Marine Le Pen, patronne du RN. Quant à Sébastien Lecornu, il a estimé jeudi qu'"il ne faudrait pas que des impôts improvisés créent des faillites certaines" d'entreprises.

De quoi susciter le pessimisme : "Zucman ça passe pas, l'amendement (de repli) non plus", pensent séparément deux députés PS.

Pour autant, certains imaginent en cas d'échec un autre chemin, comme un amendement du gouvernement lors de la séance qui viendrait réconcilier plusieurs camps.

"Si cela rapporte autant que la taxe Zucman, nous le regardons", a affirmé jeudi le patron des députés PS Boris Vallaud. S'il y a une "troisième voie, au gouvernement de la proposer".

- Suspense sur les retraites ? -

Dans l'ombre de l'hémicycle, la commission des Affaires sociales examinera toute la journée le budget de la Sécurité sociale. Les enjeux sont moindres puisque les députés repartiront dans l'hémicycle, la semaine prochaine, de la copie initiale du gouvernement.

Plusieurs points chauds seront abordés: gel des prestations sociales, montant prévu des dépenses de l'Assurance maladie, etc... Mais le vote attendu sera celui sur la suspension de la réforme des retraites, autre condition de la non-censure du PS à laquelle le Premier ministre a consenti.

S'il existe une majorité à l'Assemblée pour abroger purement et simplement la réforme, le sort de cet article en commission est incertain.

LR et Horizons (le parti d'Edouard Philippe) proposeront sa suppression, et pourraient être soutenus par des macronistes. Le RN devrait voter pour selon une source au groupe, tout comme les socialistes.

Mais les Insoumis ne voteront pas l'article en commission, simple "report de la hausse de l'âge légal de départ", argue Hadrien Clouet. Les écologistes l'envisagent aussi et décideront vendredi: "Hélas Macron a raison, c'est un décalage et non pas une suspension, qui quelque part entérine les 64 ans", souligne Danielle Simonnet.