Les ambassades iraniennes au service de l'espionnage d'État et du terrorisme

Les ambassades iraniennes au service de l'espionnage d'État et du terrorisme, une tribune d'Hamid Enayat. JOE KLAMAR / AFP
Les ambassades iraniennes au service de l'espionnage d'État et du terrorisme, une tribune d'Hamid Enayat. JOE KLAMAR / AFP
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Publié le Mercredi 03 mars 2021

Les ambassades iraniennes au service de l'espionnage d'État et du terrorisme

Les ambassades iraniennes au service de l'espionnage d'État et du terrorisme
  • Les responsables de la sécurité allemande continuent d'enquêter sur les nombreux voyages d'Assadollah Assadi
  • L'appareil de politique étrangère du régime iranien a choisi une politique terroriste et il résout ses problèmes sur la scène internationale en utilisant ces méthodes sous couvert de diplomatie

Selon un récent rapport du site Internet de la chaîne de télévision allemande Channel One, les responsables de la sécurité allemande continuent d'enquêter sur les nombreux voyages d'Assadollah Assadi, le terroriste-diplomate iranien qui a été arrêté. L'enquête tente de déterminer s'il a opéré en tant que membre d’un réseau d'espionnage de la République islamique en Europe. Il a été arrêté pour avoir organisé un complot terroriste manqué qui visait la leader de l'opposition iranienne Maryam Rajavi en 2018, lors d'un rassemblement d'envergure de l'opposition iranienne en France. Le tribunal d'Anvers, en Belgique, l'a condamné à vingt ans de prison.

Preuves de paiements multiples

Un carnet noir a été trouvé dans sa voiture. Il contenait des notes cryptées qui semblent être des instructions relatives à l'attentat. La deuxième brochure, qui compte deux cents pages, contient, elle, des reçus qui prouvent qu'Assadollah Asadi a distribué de l'argent à un certain nombre de personnes portant des noms iraniens. Par exemple, l'une d'elles a reçu 2 500 euros, une autre 5 000 euros, et une troisième a confirmé la réalité d’un reçu qui correspondait à un ordinateur portable. Les agents spéculent sur le fait qu'il pourrait s'agir des salaires de personnes ayant été embauchées dans l’intention d’espionner.

L’Office fédéral allemand de police criminelle (BKA) enquête sur les activités d'Assadi. Entre autres choses, il veut savoir si ce dernier a dirigé un grand cercle de personnes ayant occupé diverses fonctions, dans le domaine de l'information et de l'espionnage notamment, au sein de plusieurs pays européens.

Ce complot terroriste manqué a impliqué pour la première fois l'ensemble de l'appareil diplomatique du régime dans une importante opération terroriste.

Lors des précédents assassinats, les membres du ministère du Renseignement n'utilisaient que des passeports diplomatiques; mais ils n'étaient pas des diplomates actifs dans ces pays.

Par exemple, le 24 avril 1990, un dissident iranien a été tué en Suisse par une équipe de terroristes munis de passeports diplomatiques. Le juge en charge de l’affaire a déclaré par la suite: «Les enquêtes ont conclu que treize personnes détenant la même date de délivrance de passeports diplomatiques marqués “en mission” étaient impliquées dans cette affaire.» (The International Herald Tribune du 22 novembre 1993) Il a également révélé l'implication d'un ou de plusieurs services officiels iraniens dans cet assassinat.

L'appareil de politique étrangère du régime iranien a choisi une politique terroriste et il résout ses problèmes sur la scène internationale en utilisant ces méthodes sous couvert de diplomatie. De nombreux membres des ambassades et des diplomates du régime ont été des membres éminents du ministère des Renseignements du régime.

Par exemple, le général de brigade Iraj Masjedi, ambassadeur d'Iran à Bagdad et responsable du dossier irakien, et le général de brigade Hassan Danaeifar, ambassadeur d'Iran en Irak de 2010 à 2016, étaient tous deux membres de la communauté du renseignement iranien.

De nombreuses ambassades dans la région, telles que celles de l'Irak, de la Syrie, du Liban et du Yémen, sont dans les faits gérées par la force Qods. D'après certaines informations, l'ambassade iranienne en Turquie joue également un rôle crucial dans la force Qods.

Selon le New York Times, des responsables américains de la sécurité ont été cités le 25 juin 1995 et, d’après leurs propos, des diplomates iraniens de l'ambassade d'Iran à Bonn avaient pour projet d’assassiner Mme Maryam Rajavi lors d'un rassemblement d'Iraniens à Dortmund, en Allemagne, en 1998.

Au mois de décembre 2018, le gouvernement albanais a expulsé l'ambassadeur du régime iranien ainsi qu’un autre membre de l'ambassade. La même année, les Pays-Bas ont expulsé deux diplomates iraniens en lien avec des complots terroristes.

Hadi Thanikhani, qui espionnait l'ambassade iranienne en Albanie depuis plusieurs années pour le compte de l'ambassade iranienne en Albanie, a révélé dans une lettre adressée au secrétaire général des Nations unies et à la police albanaise les crimes commis par des agents des services de renseignement iraniens sous le couvert d'un employé ou d'un secrétaire de l'ambassade. Il raconte que Fereydoun Zandi Aliabadi, qui a travaillé comme premier secrétaire à l'ambassade d'Albanie et qui était en même temps le chef du renseignement du régime, avait formé un réseau d'espionnage en Albanie contre l'opposition iranienne. Zandi a pris ses fonctions après l'expulsion pour espionnage de Mostafa Roudaki en 2018, la même année que l'ambassadeur iranien en Albanie. Hadi Thanikhani a déclaré avoir reçu des paiements de certains des agents qui travaillaient pour l'ambassade d'Iran en Albanie, et qu’il les avait distribués. Ces paiements s'élevaient à 15 000 euros par mois au moins.

Le samedi 28 mars 2020, Reuters, dans un rapport détaillé citant deux hauts responsables turcs, a publié de nouveaux détails sur l’assassinat de Masoud Molavi Vardanjani, un citoyen iranien assassiné le 14 novembre 2019, dans le quartier Sisli d'Istanbul. Masoud Molavi était membre du département de la cybersécurité du ministère de la Défense de la République islamique d'Iran; mais il est devenu par la suite un opposant au régime de Téhéran, rapporte Reuters, citant ses sources. D'après ce reportage, au mois d’août 2019, Molavi a publié un message sur le corps des Gardiens de la révolution Islamique (CGRI) sur les médias sociaux. Molavi dit: «Je vais exposer les racines de la corruption et de la mafia des forces Bassij ainsi que les vols des commandants du CGRI.... Priez pour qu'ils ne me tuent pas avant de l'exposer.»

Dans le dernier rapport d'enquête sur l'affaire de l'assassinat, Obi Shahbandar, un journaliste iranien habitant en Turquie, a indiqué sur sa page Twitter le dimanche 14 février qu'il avait «obtenu des informations crédibles» sur les menaces proférées par des ministres iraniens de haut rang. Il a rapporté que Mohammad-Javad Azari Jahromi, ministre iranien de la Communication et de la Technologie et ancien membre du ministère des Renseignements, avait directement menacé Massoud Molavi avant son assassinat à Istanbul, en Turquie.

Conclusion

Au cours des trois dernières décennies, les assassinats du régime iranien dans différents pays se sont déroulés dans un contexte approprié d'inaction et d'apaisement vis-à-vis du régime iranien. L'expérience a montré que l'Europe n'était pas le foyer des diplomates terroristes du régime ou de la montée du fondamentalisme islamique à chaque fois que le régime a été traité avec fermeté.

L'assassinat de quatre dissidents kurdes dans un restaurant Mykonos de Berlin en 1997 et le fait qu’un tribunal ait condamné les dirigeants du régime impliqués dans le crime ont incité tous les pays européens à rappeler leurs ambassadeurs d'Iran, suspendant pour six mois les relations du régime avec l'Europe. En conséquence, le régime n'a pas perpétré d'actes terroristes dans les pays européens pendant plusieurs années. La sécurité de l'Europe passe par la diplomatie pour mettre fin au terrorisme de ce régime.

Hamid Enayat est un expert de l'Iran et un écrivain basé à Paris, où il a fréquemment écrit sur les questions iraniennes et régionales au cours des trente dernières années.

Twitter: @h_enayat

NDLR: Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.