Une vie d'aventure sur la piste des derniers tapis anciens d'Afghanistan

Un vendeur expose un tapis dans son magasin de Bamiyan. Les chasseurs de tapis peuvent passer des semaines, voire des mois, à travers les villages comme des détectives le long d'anciennes pistes de caravanes, offrant de l'argent ou faisant du troc avec des marchandises modernes pour amasser une sélection variée de pièces qu'ils pourront ensuite vendre dans des bazars à tapis ou à des collectionneurs. (WAKIL KOHSAR / AFP)
Un vendeur expose un tapis dans son magasin de Bamiyan. Les chasseurs de tapis peuvent passer des semaines, voire des mois, à travers les villages comme des détectives le long d'anciennes pistes de caravanes, offrant de l'argent ou faisant du troc avec des marchandises modernes pour amasser une sélection variée de pièces qu'ils pourront ensuite vendre dans des bazars à tapis ou à des collectionneurs. (WAKIL KOHSAR / AFP)
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Publié le Mercredi 03 mars 2021

Une vie d'aventure sur la piste des derniers tapis anciens d'Afghanistan

  • A dos de cheval, avec des mules bâtées pour transporter son butin, il sillonne les terres escarpées et rocailleuses du nord de l'Afghanistan pour acheter aux tribus nomades leurs précieux tapis faits main
  • Depuis toujours, ces périls vont avec le métier. Il se souvient que son père lui racontait l'histoire, il y a bien longtemps, d'un ami parti à la recherche de tapis qui avait été dévoré vivant par les loups après avoir été coincé par une tempête de neige

KABOUL : Dans sa quête éperdue des derniers tapis anciens d'Afghanistan, Chari Allahqul a bravé les tempêtes de neige sur les hauts sommets du pays, été passé à tabac par des bandits de grand chemin et appris à se cacher des talibans.

A dos de cheval, avec des mules bâtées pour transporter son butin, il sillonne les terres escarpées et rocailleuses du nord de l'Afghanistan pour acheter aux tribus nomades leurs précieux tapis faits main.

"Les routes sont dangereuses, peuplées de loups et d'ennemis. On doit passer les nuits dans des forêts ou des déserts", narre Chari, qui compte sur son robuste chien de berger pour le protéger pendant son sommeil.

Des semaines ou des mois durant, les chercheurs de tapis arpentent les sentiers caravaniers d'antan, furetant dans chaque village pour y dégoter d'anciennes pièces rares à troquer contre de l'argent ou des biens de consommation modernes.

Ils les revendront sur des marchés, à des collectionneurs. Un tapis de qualité, définie par son âge, son état, sa taille, peut coûter une ou deux centaines de dollars dans un village et leur rapporter à peu près autant.

Mais cette vie est hasardeuse. Chari, qui la mène depuis l'enfance, a connu bien des mésaventures. Une fois, il a été passé à tabac à coup de crosses de fusils par des brigands. Obsédés par l'idée de lui prendre son argent, ils n'ont pas réalisé la valeur de ses tapis. "Ils m'ont dit: Jette donc ces vieux tapis".

Depuis toujours, ces périls vont avec le métier. Il se souvient que son père lui racontait l'histoire, il y a bien longtemps, d'un ami parti à la recherche de tapis qui avait été dévoré vivant par les loups après avoir été coincé par une tempête de neige.

"Tout ce qu'on a retrouvé, ce sont ses chaussures et ses tapis", dit l'homme qui a appris les ficelles du métier auprès de son père, lui-même initié par le sien.

Face aux dangers, encore accrus aujourd’hui avec le retrait des troupes internationales d'Afghanistan, Chari voyage en groupe, préférant les montagnes aux routes pour éviter les combats et les talibans.

Plusieurs milliers de dollars 

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Un homme passe devant des magasins vendant des tapis dans la rue des Poulets à Kaboul. Les chasseurs de tapis peuvent passer des semaines, voire des mois, à travers les villages comme des détectives le long d'anciennes pistes de caravanes, offrant de l'argent ou faisant du troc avec des marchandises modernes pour amasser une sélection variée de pièces qu'ils pourront ensuite vendre dans des bazars à tapis ou à des collectionneurs.
(WAKIL KOHSAR / AFP)

La contrée où depuis des siècles les plus délicats tapis d'Afghanistan sont tissés par des tribus nomades, s'étend de la ville de Kunduz, dans le nord, vers l'ouest le long des frontières avec l'Ouzbékistan et le Turkménistan, jusqu'au sud à la lisière de l'Iran.

Chari va de village en village, au gré des tuyaux prodigués par son réseau. Il barguigne des heures pour des tapis souvent tissés par la famille d'une future jeune mariée pour servir de dot.

Les plus prisés sont vieux de plusieurs dizaines d'années, ornés de motifs tribaux, en laine filée à la main teintée de colorants naturels tirés de racines ou de pétales de fleurs.

Avant d'être vendus dans les grandes villes, ils doivent encore être lavés puis séchés sur des toits pendant des mois pour que le soleil en ravive les couleurs, voire minutieusement réparés.

"Réparer ou vendre un tapis, c’est comme élever un enfant. Ça demande un travail acharné", confie Chari.

Il faut entre six mois et deux ans pour fabriquer un tapis. En bout de chaîne, il pourra être vendu plusieurs milliers de dollars sur le marché international.

'Plus rien d'afghan' 

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Un homme passe devant des magasins vendant des tapis dans la rue des Poulets à Kaboul. Les chasseurs de tapis peuvent passer des semaines, voire des mois, à travers les villages comme des détectives le long d'anciennes pistes de caravanes, offrant de l'argent ou faisant du troc avec des marchandises modernes pour amasser une sélection variée de pièces qu'ils pourront ensuite vendre dans des bazars à tapis ou à des collectionneurs.
(WAKIL KOHSAR / AFP)

Abdul Wahab est l'un des principaux collectionneurs de tapis de Kaboul. Sa collection a été constituée pièce par pièce par des chasseurs de tapis. "Nous dépendons de ces gens à 99,9%", avoue-t-il.

Mais des décennies de conflit, de migrations et d'urbanisation ont changé la face de ce commerce.

Les tribus nomades se sont largement sédentarisées et dans les familles de nombreux métiers à tisser sont aujourd'hui laissés à l'abandon, selon des marchands de la capitale.

Car leurs tapis sont désormais concurrencés par des produits meilleur marché, confectionnés en masse dans des ateliers industriels avec de la laine importée et des colorants synthétiques.

"C'est vraiment triste", déplore M. Wahab qui a aussi un magasin au Canada. "De la laine belge, des colorants d'un autre pays (...) Il n'y a plus rien du tout d'afghan."

Les copies bas de gamme sont monnaie courante en Afghanistan, mais aussi au Pakistan ou en Inde, se plaint-il. Ce qui rend plus difficile la vente aux clients peu avertis de tapis de qualité plus onéreux.

Certains marchands peu scrupuleux n'hésitent pas à traiter avec des produits chimiques des pièces de fabrication courante ou à les laver avec du thé, pour récréer l'effet patiné et délavé des tapis anciens. D'autres vont jusqu’à rouler dessus avec leur voiture pour leur donner l'apparence usagée qui aidera à faire monter les prix.

Un art qui se perd 

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Un vendeur expose un tapis dans son magasin de Bamiyan. Les chasseurs de tapis peuvent passer des semaines, voire des mois, à travers les villages comme des détectives le long d'anciennes pistes de caravanes, offrant de l'argent ou faisant du troc avec des marchandises modernes pour amasser une sélection variée de pièces qu'ils pourront ensuite vendre dans des bazars à tapis ou à des collectionneurs.
(WAKIL KOHSAR / AFP)

Seul un examen minutieux par un œil aguerri permet de déceler la valeur réelle d'un tapis. "Les teintures, le style, l'état, la forme, tout cela ensemble définit la valeur d'une pièce", explique Wahid Abdullah propriétaire de Herat Carpets à Kaboul.

Les vieux tapis ne sont pas toujours de la meilleure qualité, admet-il. Mais l'originalité des motifs, une caractéristique ou un défaut volontairement laissé par le tisserand peuvent les distinguer des produits de masse. "C'est tout un art. C'est difficile à expliquer", observe-t-il.

Un art qui se perd car les pièces anciennes, tissées à la main, sont de plus en plus rares.

Les collectionneurs s'inquiètent de voir ainsi disparaître un pan du patrimoine national. Mais les autorités, absorbées par la guerre, ont d'autres priorités.

"Les tapis fabriqués en usine ont fait du mal à l'industrie des pièces faites main", regrette un chercheur de tapis de Hérat (ouest) Zalmai Ahmadi.

Lors de ses deux dernières expéditions, il n'a pu ramener que deux tapis. Quelques années plus tôt, il serait revenu avec des dizaines de pièces.

"Les voyages sont très, très difficiles. On croise les talibans, les forces gouvernementales et des voleurs. Soit ils te demandent de l'argent, soit ils te tuent", dit-il.

Mais avant, "on pouvait obtenir tout ce qu'on voulait. Maintenant, on n'en trouve plus."


Cinéma: Hazanavicius et le réalisateur iranien Rasoulof ajoutés à la compétition cannoise

Mais M. Rasoulof, 52 ans, dans le viseur du régime et récemment libéré de prison, n'avait pas pu faire le déplacement, toujours frappé par une interdiction de voyager (Photo, X).
Mais M. Rasoulof, 52 ans, dans le viseur du régime et récemment libéré de prison, n'avait pas pu faire le déplacement, toujours frappé par une interdiction de voyager (Photo, X).
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  • Michel Hazanavicius, 57 ans, sera en lice pour la Palme d'Or
  • Mais M. Rasoulof, 52 ans, dans le viseur du régime et récemment libéré de prison, n'avait pas pu faire le déplacement

CANNES: Le Festival de Cannes a parachevé sa sélection lundi, invitant notamment en compétition un cinéaste iranien en rupture avec le régime, Mohammad Rasoulof, et le réalisateur Michel Hazanavicius pour un film d'animation.

Michel Hazanavicius, 57 ans, sera en lice pour la Palme d'Or avec "La plus précieuse des marchandises". Il s'agit d'une première tentative dans le cinéma d'animation pour le réalisateur très éclectique de "The Artist" (oscarisé en 2012) ou des deux premiers volets de la comédie d'espionnage "OSS 117".

Adapté d'une pièce de Jean-Claude Grumberg, le film évoque le souvenir de la Shoah et le sort d'un enfant juif qui échappe miraculeusement à la déportation vers le camp d'extermination nazi d'Auschwitz.

Le festival a également ajouté le nouveau film de Mohammad Rasoulof, "The seed of the sacred fig". Ce cinéaste, lauréat du prix Un Certain Regard à Cannes en 2017 ("Un homme intègre"), puis de l'Ours d'or à Berlin en 2020 ("Le diable n'existe pas"), avait été invité l'an dernier comme membre d'un jury.

Mais M. Rasoulof, 52 ans, dans le viseur du régime et récemment libéré de prison, n'avait pas pu faire le déplacement, toujours frappé par une interdiction de voyager.

Evoquant les questions brûlantes de la corruption ou de la peine de mort, Mohammad Rasoulof fait partie des réalisateurs iraniens primés dans les plus grands festivals mais accusés en Iran de propagande contre le régime, comme Jafar Panahi ou Saeed Roustaee.

Sujets sensibles 

Un troisième réalisateur, le Roumain Emanuel Parvu, est également ajouté à la compétition, portant à 22 le nombre de films en lice pour succéder à la Palme d'Or de l'an dernier, "Anatomie d'une chute" de Justine Triet.

Parmi eux, les œuvres d'illustres réalisateurs hollywoodiens, dont "Megalopolis" de Francis Ford Coppola et "Oh Canada" de Paul Schrader, une comédie musicale de Jacques Audiard, le nouveau film de Yorgos Lanthimos avec Emma Stone, après son Lion d'or pour "Pauvres créatures", ou encore une oeuvre sur Naples par l'Italien Paolo Sorrentino.

Hors compétition, le festival, qui se tiendra du 14 au 25 mai, a également annoncé lundi la première du "Comte de Monte-Cristo", avec Pierre Niney dans le rôle-titre, blockbuster français programmé hors compétition, tandis qu'Oliver Stone présentera en séance spéciale un documentaire sur le dirigeant brésilien Lula.

Trois films sont également ajoutés dans la section Un Certain Regard, dont le premier film comme réalisatrice de l'actrice Céline Sallette, un biopic sur l'artiste Niki de Saint-Phalle, avec Charlotte Le Bon.


Un chef-d'oeuvre oublié de Raphaël exposé au public dans une basilique varoise

Ce chef-d'oeuvre, un portrait de Marie-Madeleine de 46 centimètres sur 34 centimètres, y sera exposé pendant un mois dans cet édifice religieux (Photo, X).
Ce chef-d'oeuvre, un portrait de Marie-Madeleine de 46 centimètres sur 34 centimètres, y sera exposé pendant un mois dans cet édifice religieux (Photo, X).
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  • Ce chef-d'oeuvre, un portrait de Marie-Madeleine de 46 centimètres sur 34 centimètres, y sera exposé pendant un mois dans cet édifice religieux, considéré comme le troisième tombeau de la chrétienté après Jérusalem et Rome
  • Gardé constamment par deux gardes, ce portrait est bien mis en valeur par un éclairage doux au sein de la sacristie donnant au lieu une ambiance mystique

SAINT-MAXIMIN-LA-SAINTE-BAUME: L'exposition ce week-end dans la sacristie de la basilique Sainte-Marie-Madeleine de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume (Var) pour la première fois au public d'un tableau oublié et récemment redécouvert du peintre italien de la Renaissance Raphaël a attiré de nombreux visiteurs, a constaté un photographe de l'AFP.

Ce chef-d'oeuvre, un portrait de Marie-Madeleine de 46 centimètres sur 34 centimètres, y sera exposé pendant un mois dans cet édifice religieux, considéré comme le troisième tombeau de la chrétienté après Jérusalem et Rome, qui abrite des reliques de Marie-Madeleine.

Une cinquantaine de personnes ont ainsi fait la queue dimanche après-midi pour pouvoir admirer ce tableau peu connu du maître italien auteur des "Trois Grâces" ou encore des fresques ornant le palais du Vatican à Rome "L'Incendie de Borgo" et "L'Ecole d'Athènes".

Les visiteurs doivent cependant s'acquitter la somme de trois euros pour l'admirer, des fonds qui serviront à soutenir la restauration de la basilique.

Gardé constamment par deux gardes, ce portrait est bien mis en valeur par un éclairage doux au sein de la sacristie donnant au lieu une ambiance mystique.

Tableau oublié 

La redécouverte de ce tableau oublié pourrait, pour certains, relever du miracle: un collectionneur français avait acheté ce portrait de Marie-Madeleine, datant de la rencontre entre Raphaël et Léonard de Vinci (1505), à une galerie londonienne sur son site internet pour 30.000 livres (près de 35.000 euros) en pensant qu'il s'agissait d'une oeuvre de l'école de Vinci.

Il avait ensuite fait appel à l'expertise d'Annalisa Di Maria, membre du groupement d'experts de l'Unesco à Florence (Italie) qui a authentifié l'oeuvre en septembre.

A l'issue d'innombrables analyses, dont la visualisation grâce à la lumière infrarouge des couches de carbone cachées par les pigments de peinture, ils ont pu attribuer le tableau à Raphaël (1483-1520).

Marie-Madeleine, premier témoin de la résurrection de Jésus, dont elle était une fidèle disciple, est une figure importante des Evangiles, souvent présentée comme une pécheresse repentie. Elle aurait passé les 30 dernières années de sa vie dans une grotte du massif de la Sainte-Baume, à une vingtaine de kilomètres de la basilique, devenue un haut-lieu de pèlerinage chrétien.


Des collages XXL à l'Orient-Express, JR veut «changer les perspectives»

Des gens regardent des œuvres de Claire Tabouret à la prison pour femmes de la Giudecca, qui abrite le pavillon du Saint-Siège, lors de la pré-ouverture de la 60e exposition d'art de la Biennale de Venise, le 18 avril 2024 à Venise (Photo, AFP).
Des gens regardent des œuvres de Claire Tabouret à la prison pour femmes de la Giudecca, qui abrite le pavillon du Saint-Siège, lors de la pré-ouverture de la 60e exposition d'art de la Biennale de Venise, le 18 avril 2024 à Venise (Photo, AFP).
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  • Oeuvres monumentales en trompe-l'oeil, portraits, collages... Des favelas de Rio au Louvre, de New York au Népal, le travail éphémère de l'artiste a traversé les frontières, jusqu'à faire l'objet de rétrospectives dans de prestigieux musées
  • Il y est souvent questions de sujets sociaux

 

VENISE: "Changer les perspectives" au-delà des frontières: après plus de 25 ans de carrière, le goût du voyage et de l'ailleurs continue de façonner l'oeuvre de JR, street-artist de renommée mondiale dont le dernier projet prend la route du rail.

A 41 ans, le photographe français au chapeau et lunettes noires, devenu célèbre avec ses collages photographiques XXL, s'est lancé dans un "projet fou": décorer tout un wagon du Venice Simplon-Orient-Express.

"Les gens connaissent tous l'Orient-Express, mais beaucoup ne savent pas qu'ils roulent encore", dit-il à l'AFP en marge de la 60e Biennale d'art contemporain de Venise.

Pour l'occasion, le rutilant wagon-lit bleu nuit, devenu légendaire grâce au roman policier d'Agatha Christie et à ses adaptations au grand écran, a circulé à bord d'une barge cette semaine sur les eaux de la lagune de la Cité des Doges, avant son lancement sur les rails européens au printemps 2025.

En décorant l'intérieur luxueux de cette "oeuvre vivante" - incluant un salon de thé et une bibliothèque - JR, qui maitrise les codes du happening, s'est amusé à dissimuler dans ses recoins divers clins d'oeil à son oeuvre, des lettres, des jumelles, jusqu'à un appareil photo des années 1920.

"C'est une de ces voitures là qui a eu 1.000 vies. Quand on l'a récupérée en Belgique, elle était encore toute brûlée et cabossée, parce qu'elle avait été abandonnée depuis longtemps", se souvient-il en confiant sa "fascination" pour l'univers des trains.

JR voit dans ce moyen de transport une manière de "faire voyager" ses oeuvres, "comme un message dans une bouteille".

Oeuvres monumentales en trompe-l'oeil, portraits, collages... Des favelas de Rio au Louvre, de New York au Népal, le travail éphémère de l'artiste a traversé les frontières, jusqu'à faire l'objet de rétrospectives dans de prestigieux musées.

Il y est souvent questions de sujets sociaux, comme les droits des femmes ("Women are Heroes"), l'immigration ("Déplacé.e.s") ou les armes à feu ("Guns in America").

«Vers l'inconnu»

Avant les festivals et les récompenses, le travail de l'artiste a puisé son inspiration sur les rails "avec les voyages en métro ou en RER" à Paris.

"Quand j'avais 16/17 ans, les appareils ont commencé à devenir numériques. La photo n'était plus un sport de riche. Puis on a démocratisé le voyage, on pouvait voyager pour rien en train ou en avion à l'autre bout du monde. Je pense que je n'aurais pas été artiste si je n'étais pas né cette année-là", confie-t-il.

Au-delà de sa mobilité géographique, le street-artist se plait à arpenter "un chemin vers l'inconnu", "comme le monde du ballet, de l'opéra, du train, etc. Finalement, c'est là où je pense que j'apprends le plus", reconnait-il.

La rencontre faisant partie intégrante du voyage, JR revendique un "art infiltrant" impliquant activement les communautés et le public afin de gommer l'opposition entre sujets et acteurs.

En novembre, 25.000 personnes ont ainsi assisté à un spectacle de sons et lumière, avec la participation de 153 danseurs sur un immense échafaudage devant la façade du Palais Garnier à Paris, métamorphosée en grotte par l'artiste.

Cette performance hypnotisante avait fait face à de nombreux obstacles, menacée par la pluie, les alertes attentat et les incertitudes techniques qui donnaient au projet "plus de chances d'échec que de succès".

"Ce que les gens ne réalisent pas, c'est que nous-mêmes on savait pas si ça allait se passer. Mais si ça marche, d'un coup, c'est quelque chose qui n'a jamais été fait. Pour moi, c'est le signe que c'est un chemin intéressant", explique-t-il.

"C'est encore ce que je fais aujourd'hui: voyager, confronter les images aux autres, changer les perspectives, mais surtout questionner. Parce que je pense que c'est ça qui a la plus grande force de l'art."