Les élections ne répondent pas aux aspirations des Palestiniens

 Le président palestinien Mahmoud Abbas. (photo AP)
Le président palestinien Mahmoud Abbas. (photo AP)
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Publié le Dimanche 07 mars 2021

Les élections ne répondent pas aux aspirations des Palestiniens

Les élections ne répondent pas aux aspirations des Palestiniens
  • Les élections prévues cette année devraient se dérouler sans encombre, dans la mesure où 2,6 millions de personnes, sur un total de 2,8 millions d'électeurs, se sont déjà inscrites sur le registre des électeurs
  • Cependant, des inquiétudes quant à l'équité des élections sont exacerbées par l'intervention active d'Israël

Le 15 janvier, le président palestinien Mahmoud Abbas a annoncé que les élections du Conseil législatif palestinien (CLP), qui compte 132 membres, se tiendraient le 22 mai, suivies des élections présidentielles le 31 juillet et des élections du Conseil national palestinien, constitué de 351 membres, le 31 août. Il s'agira des premières élections du CLP et des premières élections présidentielles depuis plus de 15 ans. En revanche, le CNP (Conseil national palestinien), l'organe politique suprême de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), n'a jamais été soumis à des élections.

En 2004, Abbas a été élu pour un mandat de quatre ans. Toutefois, il est resté à son poste depuis cette date, invoquant des motifs logistiques, politiques et sécuritaires afin d'éviter tout nouveau mandat. En janvier 2006, l'OLP a procédé à des élections. À la grande surprise des Israéliens et du parti d'Abbas - le Fatah- le parti islamiste Hamas a remporté 44 % des voix et 74 des 132 sièges, tandis que le Fatah au pouvoir a reçu 41 % des voix et n'a remporté que 45 sièges.

Aussitôt, Israël est intervenu pour renverser le résultat des élections, de concert avec l'Autorité palestinienne, en imposant des restrictions sur la circulation entre Gaza et la Cisjordanie. Par ailleurs, Israël a refusé de fournir des fonds au gouvernement palestinien et a détenu des ministres du Hamas, des membres du CLP ainsi que leurs partisans. De ce fait, l’emprise du Hamas a été limitée à la bande de Gaza, tandis que le Fatah a exercé un contrôle politique sur la Cisjordanie.

Par ailleurs, les élections prévues cette année devraient se dérouler sans encombre, dans la mesure où 2,6 millions de personnes, sur un total de 2,8 millions d'électeurs, se sont déjà inscrites sur le registre des électeurs. Les candidatures seront enregistrées entre le 20 et le 31 mars. Ainsi, les normes électorales ont été énoncées par un décret présidentiel promulgué le 20 février dernier, afin de garantir la liberté de parole et la liberté d'expression, ainsi que la libération de tous les prisonniers politiques. Ce décret consacre également le droit de conduire librement les campagnes électorales, de recevoir un financement électoral et de bénéficier d'un temps d'antenne égal dans les médias.

En effet, le Hamas a annoncé la libération de 45 prisonniers appartenant au Fatah et détenus pour atteinte à la « sécurité ». Le 28 février, le Fatah et le Hamas se sont mis d'accord sur les noms des neuf juges qui constitueront le tribunal chargé de  statuer sur tout litige électoral. En gage de bonne volonté, l'Egypte a par ailleurs annoncé que le passage de Rafah entre Gaza et l'Egypte restera ouvert de manière permanente.

Même si les élections sont restées bloquées pendant 15 ans, on constate une absence remarquable d'enthousiasme dans les territoires palestiniens. De nombreux citoyens pensent que les élections n'auront pas lieu ou que, si elles se tiennent réellement, elles ne seront pas libres ni équitables. Nombreux sont ceux qui remettent en question M. Abbas, âgé de 85 ans, de même que sa candidature à la présidence.

 

 

Même si les élections sont restées bloquées pendant 15 ans, on constate une absence remarquable d'enthousiasme dans les territoires palestiniens

 

Talmiz Ahmad

Les inquiétudes quant à l'équité des élections sont exacerbées par l'intervention active d'Israël, qui collabore avec l'Autorité palestinienne pour placer en détention des candidats éventuels ainsi que des militants politiques qui exercent leurs activités en Cisjordanie. Les militants, particulièrement des partisans du Hamas et de la gauche, ont été ciblés par Israël au cours de l'année dernière. Quelques centaines de ces personnes ont été arrêtées, tandis que des membres éminents du Hamas ont été avisés de ne pas se présenter aux élections. Selon certains observateurs, Israël considère que le Hamas pose une menace à la sécurité nationale et que l'état hébreu n'hésitera pas à faire fi de toutes les normes internationales dans le but de détenir et de punir les membres de ce parti.

La manœuvre électorale d'Abbas semble souhaiter obtenir les félicitations du président américain Joe Biden, gagner une légitimité démocratique, et unir divers groupes palestiniens sous sa direction. Il espère que cette démarche encouragera le président américain à soutenir les négociations de paix entre Israël et l'Autorité palestinienne.

Cependant, compte tenu du bilan déplorable des 15 années de mandat de M. Abbas, qui ont été marquées par une régression constante des intérêts des Palestiniens et une expansion continue des colonies israéliennes en Cisjordanie, il est étonnant qu'il puisse réaliser tous ces objectifs.

Les élections ne se dérouleront pas en douceur pour le président sortant. Même s'il parvient à balayer le défi posé par Mohammad Dahlan, exilé, sous prétexte que celui-ci est condamné par une cour palestinienne, il convient de souligner la redoutable candidature de Marwan Barghouti.

En effet, M. Barghouti purge depuis 19 ans cinq condamnations à perpétuité dans une prison israélienne pour avoir joué un rôle important dans la première et la deuxième intifada (soulèvement). Il est perçu comme un héros national, notamment pour avoir promis de ranimer le zèle de la résistance au programme de la Palestine. Nasser Al-Qudwa, neveu de Yasser Arafat et associé d'Abbas et ancien ministre des Affaires étrangères, a décidé de soutenir Barghouti avec sa liste de candidats.

Les élections qui s'annoncent plongent dans l'incertitude tous les dirigeants et tous les partis. C'est le discours d'une époque révolue qui les marque, dans la mesure où le programme des candidats est déterminé en grande partie par les intérêts personnels. En effet, les candidats n'ont pratiquement rien à offrir à la nouvelle génération de Palestiniens qui sont devenus adultes ces deux dernières décennies et qui en ont assez des défaites, des déboires et des compromis des dirigeants qui ont étouffé leurs aspirations.

Ils aspirent à un avenir qui semble excéder le potentiel de ceux qui cherchent à  décrocher de hautes fonctions dans les prochaines élections.

Talmiz Ahmad est un auteur et ancien ambassadeur indien en Arabie saoudite, à Oman et aux Émirats arabes unis. Il est titulaire de la Ram Sathe Chair pour les études internationales, de la Symbiosis International University, à Pune, Inde.

 

NDLR: Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com