Entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, le désarroi d'un village coupé en deux

Le village de Chournoukh, physiquement divisé par le conflit récent (Capture d’écran, AFP).
Le village de Chournoukh, physiquement divisé par le conflit récent (Capture d’écran, AFP).
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Publié le Lundi 08 mars 2021

Entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, le désarroi d'un village coupé en deux

  • Cette situation est une conséquence de la récente guerre qui a bouleversé les frontières entre ces deux ex-républiques soviétiques
  • L’Arménie a dû rétrocéder d'importants territoires azerbaïdjanais sous son contrôle depuis un premier conflit, au début des années 1990

CHOURNOUKH: On a dit à Stepan Movsissian que sa maison est toujours en Arménie. Mais la moitié de son étable se situe maintenant en Azerbaïdjan. Une conséquence de la récente guerre qui a bouleversé les frontières entre ces deux ex-républiques soviétiques.

« Apparemment, le GPS dit que la frontière passe ici », montre Movsissian, 71 ans, les pieds dans la boue devant son humble demeure. « Mais comment c'est possible ? », poursuit l'ancien garde forestier. 

A quelques mètres, deux jeunes soldats arméniens observent la scène avec grande attention, la kalachnikov en bandoulière. 

Il y a encore quatre mois, l'Azerbaïdjan commençait de facto à plusieurs dizaines de kilomètres du hameau de Chournoukh, où vivent très modestement une vingtaine de familles arméniennes.

Mais entre septembre et novembre, la reprise des combats pour le contrôle de la région séparatiste du Nagorny Karabakh s'est conclue par plus de 6 000 morts et une lourde défaite de l'Arménie. Erevan a dû rétrocéder d'importants territoires azerbaïdjanais sous son contrôle depuis un premier conflit, au début des années 1990.

Selon les termes du cessez-le-feu conclu sous la houlette de la Russie, seule une partie de la république autoproclamée du Nagorny Karabakh survit, affaiblie, tandis que l'Arménie doit désormais respecter sa frontière internationalement reconnue avec l'Azerbaïdjan.

C'est sur cette frontière que se trouve Chournoukh. La ligne de démarcation est fraîchement établie, plus ou moins clairement, le long de la route qui traverse le village. De chaque côté, les forces azerbaïdjanaises et arméniennes se regardent en chiens de faïence. 

Entre les deux camps, un petit détachement de gardes-frontières russes a été déployé pour une durée encore inconnue, car il ne fait pas partie officiellement de la force maintien de la paix envoyée par Moscou dans le Karabakh, pour cinq ans renouvelables. 

« Un général azerbaïdjanais est venu et a dit que c'était leur terre », raconte Khatchik Stepanian, un fermier qui a été contraint avec sa famille d'aller vivre de l'autre côté de la route, côté arménien. 

Cet homme peut toujours voir son ancienne maison, abandonnée, depuis la fenêtre de son nouveau domicile. En tout, une dizaine de familles ont dû quitter leur maison.

« Bien sûr que c'est douloureux », lâche Stepanian, regrettant de devoir « vivre avec l'ennemi à proximité ».

« On étouffe »

Des familles azerbaïdjanaises habitaient ces maisons contestées jusqu'à la fin des années 1980, quand elles ont dû fuir, comme des dizaines de milliers d'autres, la résurgence des tensions meurtrières entre Arméniens et Azerbaïdjanais, longtemps étouffées sous l'URSS.

Le Kremlin, il y a près d'un siècle, avait délimité les frontières des nouvelles républiques soviétiques sans vraiment tenir compte de conflits territoriaux ancestraux.

Se basant sur de vieilles cartes soviétiques, les habitants de Chournoukh soutiennent que toute la localité est en Arménie.

Les Azerbaïdjanais, de leur côté, ont utilisé des techniques modernes de cartographie par satellite pour définir un autre tracé, soutenu pour l'heure par les Russes.

Depuis un promontoire donnant sur la nouvelle frontière, le chef du village, Hakob Archakian, ne peut retenir une bordée d'injures en apercevant en contrebas un garde-frontière azerbaïdjanais.

« On étouffe. Nous avons vécu ici plus de 30 ans », dit-il. « C'était toute notre vie, tous nos souvenirs. » Lui aussi a dû quitter sa maison et doit maintenant vivre dans son bureau avec sa femme et sa fille.

Le gouvernement arménien construit des logements pour les déplacés qui gardent l'espoir de retrouver leur ancien chez-soi. 

Cette situation, pour le moment, n'a débouché sur aucune violence. Le moindre incident nécessite toutefois une médiation internationale, ce qui laisse douter de la pérennité de cette solution.

« Un jour, un cochon est passé de l'autre côté », relate Archakian. « Il a fallu que nos gardes-frontières, les Russes et les Azerbaïdjanais s'accordent pour que son propriétaire soit autorisé à aller le chercher. »

La présence des Russes calme un peu les craintes des habitants effrayés par celle, toute proche, de l'ennemi juré. Mais leur possible départ suscite déjà des inquiétudes. 

« Je ne sais pas ce qui se passera s'ils partent », confie Noune, la femme de Archakian, professeure de mathématiques à l'école du village.


Tanzanie : la présidente investie malgré les violences électorales

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
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  • Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021
  • Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin

NAIROBIE: Samia Suluhu Hassan a été investie lundi présidente de la Tanzanie, où l'internet reste coupé depuis les manifestations réprimées dans le sang contre son élection, l'opposition évoquant au moins 800 morts.

Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021. Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin.

"Moi, Samia Suluhu Hassan, jure que je remplirai mes fonctions de présidente de la République (...) avec diligence et un cœur sincère", a-t-elle affirmé. La cheffe de l'Etat, qui portait un voile rouge et un long vêtement noir, a également prôné dans un discours "l'unité et la solidarité".

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan.

La cérémonie, qui n'était pas ouverte au public, contrairement aux précédentes, s'est tenue dans un espace ressemblant à un terrain de parade militaire de la capitale Dodoma, où quelques podiums dressés ne réussissaient pas à masquer un grand vide.

Des chanteurs et chanteuses se sont succédé, avant l'arrivée de la présidente, pour chanter les louanges de "Mama Samia", son surnom parmi ses soutiens, devant un parterre de dignitaires et de militaires. Parmi les invités étaient notamment présents les présidents de la Zambie, de la Somalie et du Burundi.

Mme Hassan a, selon la commission électorale, obtenu 97,66% des suffrages. L'élection a été qualifiée de "parodie de démocratie" par l'opposition, les deux principaux opposants ayant été soit emprisonné, soit disqualifié.

L'opposition a également dénoncé d'importantes tricheries le jour de l'élection, mais aussi sur le taux de participation de 87% selon la commission électorale.

Le scrutin a surtout été marqué par un fort niveau de violence, des manifestations anti-régime ayant été réprimées dans le sang et la Tanzanie mise sous cloche: l'internet reste coupé depuis mercredi, ce qui ralentit considérablement la sortie d'informations.

Cadavres 

De premières photos et vidéos de cadavres, parfois empilés les uns sur les autres, mais aussi d'hommes en uniforme usant de leur arme à feu, commencent à apparaître sur les réseaux sociaux.

Le service de fact-checking de l'AFP a pu vérifier que certaines d'entre elles n'avaient jamais été postées auparavant. Plusieurs éléments montrent qu'elles ont été prises en Tanzanie.

Un porte-parole du principal parti d'opposition, Chadema, a estimé vendredi qu'au moins 700 manifestants hostiles au régime ont été tués en Tanzanie en trois jours. Un chiffre estimé crédible par une source sécurité, qui a alors mentionné "des centaines de morts".

Le samedi, ce porte-parole, John Kitoka, a ensuite fait état d'au moins 800 tués.

Des informations crédibles corroborent l'idée que des centaines, et peut-être même des milliers de personnes ont été tuées lors des violences électorales, a de son côté estimé une source diplomatique interrogée par l'AFP.

D'après des "rapports préoccupants", la police utilise également le blocage d'internet pour "traquer les membres de l'opposition et les manifestants qui pourraient avoir des vidéos" de ses atrocités, a poursuivi cette source.

La Mission d'observation électorale de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), dont la Tanzanie fait partie, a pointé lundi dans un rapport préliminaire "un faible nombre d'électeurs dans tous les bureaux de vote" où ses observateurs se trouvaient, avec parfois "plus de policiers que de votants", des irrégularités et des incidents violents "au cours desquels des membres de la police ont fait usage d'armes à feu".

Les écoles restent fermées lundi et les transports publics à l'arrêt. La capitale économique Dar es Salaam et les principales villes du pays ont retrouvé un peu de calme depuis le week-end.

Dimanche, le pape Léon XIV a indiqué prier "pour la Tanzanie" et évoqué les "nombreuses victimes" des affrontements ayant éclaté après les élections.

L'élection présidentielle était couplée avec les législatives.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a réclamé vendredi une "enquête minutieuse et impartiale sur les accusations d'utilisation excessive de la force".


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.