Le groupe Etat islamique: même sans califat, des ambitions intactes

Des hommes soupçonnés d'être des combattants de l'État islamique (EI) attendent d'être fouillés par des membres des Forces démocratiques syriennes (FDS) dirigées par les Kurdes après avoir quitté le dernier bastion du groupe EI à Baghouz, dans la province de Deir Ezzor, au nord de la Syrie.  (Bulent KILIC / AFP)
Des hommes soupçonnés d'être des combattants de l'État islamique (EI) attendent d'être fouillés par des membres des Forces démocratiques syriennes (FDS) dirigées par les Kurdes après avoir quitté le dernier bastion du groupe EI à Baghouz, dans la province de Deir Ezzor, au nord de la Syrie. (Bulent KILIC / AFP)
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Publié le Vendredi 19 mars 2021

Le groupe Etat islamique: même sans califat, des ambitions intactes

  • Même s'il ne contrôle plus, comme à son apogée, un territoire aussi vaste que le Royaume-Uni à cheval entre Irak et Syrie, l'EI conserve une terrible capacité de nuisance
  • Après la mort dans un assaut américain de son chef Abou Bakr al-Baghdadi fin 2019, Amir Mohammed al-Mawla lui a succédé dans la plus grande discrétion

PARIS : C'était en mars 2019: les forces kurdes annonçaient la fin du "califat" autoproclamé du groupe Etat islamique. Deux ans plus tard, l'organisation jihadiste la plus brutale de l'histoire moderne reste aussi active que dangereuse, sans doute pour longtemps.

Même s'il ne contrôle plus, comme à son apogée, un territoire aussi vaste que le Royaume-Uni à cheval entre Irak et Syrie, l'EI conserve une terrible capacité de nuisance.

"Pour l'instant, il se terre, mais avec pour projet de maintenir son insurrection en Irak et Syrie ainsi qu'une présence cyber planétaire tout en conservant une structure cellulaire qui lui permet de commettre des attentats terroristes", déclarait en février le chef du Commandement central américain, le général Kenneth McKenzie. 

Peu après, la France réclamait une réunion de la coalition internationale, sous commandement américain, arguant d'une "forte résurgence de Daech", l'acronyme arabe du groupe.

L'inquiétude n'est pas infondée. Entre la chute de Baghouz (Est syrien) le 23 mars 2019 et fin février 2021, l'EI a revendiqué 5.665 opérations militaires dans 30 pays soit huit par jour, selon un analyste spécialiste de l'EI qui requiert l'anonymat et publie ses recherches sur le compte Twitter Mister_Q. 

L'étau continue d'étrangler l'Irak et la Syrie, comme en témoigne l'attentat-suicide qui a fait plus de 30 morts à Bagdad en janvier. Mais au delà du Levant, où l'EI a bâti sa macabre notoriété avec des vidéos de crucifixion, des détenus égorgés en combinaison orange et des prisonniers brûlés vifs dans des cages, le groupe est présent depuis le Mozambique jusqu'en Egypte et du Mali au Sri Lanka en passant par le Caucase et l'Asie du Sud-Est.

Après la mort dans un assaut américain de son chef Abou Bakr al-Baghdadi fin 2019, Amir Mohammed al-Mawla lui a succédé dans la plus grande discrétion. Ses objectifs sont inconnus mais la puissance de son réseau incontestable.

Stratégie constante 

"L'EI maintient un tempo constant", constate Charles Lister, directeur du programme anti-terrorisme au Middle East Institute. "La décision, prise il y a des années, de se cacher et de décentraliser commandement et contrôle reste en vigueur".

Quelle que soit la zone géographique, les franchises de l'EI appliquent une stratégie constante, constate "Mr. Q" : "d'abord exploiter l'instabilité de l'Etat en pilonnant les forces armées dans une sorte de guerre d'usure, ensuite forcer les ennemis du groupe à fuir le territoire et se positionner en garant de la sécurité de la population", résume-t-il pour l'AFP.

La troisième phase, le califat, ne vient qu'après. Mais l'EI a-t-il réellement besoin d'administrer une région et de battre monnaie ? "Dans l'esprit de ses membres, le califat existe encore aujourd'hui", répond Charles Lister. "L'idée selon laquelle il a été aboli relève d'une conception occidentale, étrangère au groupe lui même".

Tore Hamming, chercheur au Département des études de la guerre du King's College de Londres, constate que les fissures au sein de l'EI, espérées fin 2019, n'ont pas prospéré. "Je ne pense pas que le groupe soit d'accord avec l'idée que le califat a pris fin", explique-t-il à l'AFP. "Après tout, leur chef est toujours appelé calife", fait-il valoir, décrivant la "fascinante" capacité d'adaptation de la centrale jihadiste. 

Le risque "générationnel"

D'autant que l'EI opère progressivement une sorte de mue géographique, déplaçant son épicentre notamment vers l'Afrique de l'Ouest. La région du lac Tchad est aujourd'hui l'une des plus actives du groupe à l'échelle mondiale. "Il sera intéressant de regarder si ce déplacement se traduit jusque dans l'organisation formelle du pouvoir" central, relève Tore Hamming.

Mais pour l'heure, la direction est encore au Levant, où la coalition internationale a souffert de la pandémie de Covid-19 et de la volonté de l'administration Trump de réduire les troupes américaines au Moyen-Orient. 

Il est trop tôt pour connaître les projets du président Joe Biden, mais Washington veut voir ses "partenaires locaux monter en puissance pour poursuivre le combat contre l'EI dans leurs zones respectives et sans assistance extérieure", explique le général McKenzie. 

Le drapeau noir, ajoute-t-il, a d'autant moins fini de flotter que son idéologie perdure. Rien que dans le camp de prisonniers d'Al-Hol, dans la zone syrienne tenue par les rebelles kurdes, vivent selon l'officier américain 62.000 personnes dont les deux-tiers ont moins de 18 ans, la moitié moins de 12 ans. Une jeunesse élevée dans la misère, la violence quotidienne, le fanatisme religieux et la haine de l'Occident.  

"Le risque à long terme, c'est l'endoctrinement systémique de cette population", craint-il, décrivant un risque "générationnel" sous forme de bombe à retardement. "Ne pas régler cela signifie que l'EI ne sera jamais réellement battu", estime-t-il. "Ce n'est pas en l'ignorant qu'il va disparaître". 


Israël: des élus favorables à une loi instaurant la peine de mort pour les «terroristes»

 La commission de Sécurité nationale de la Knesset a voté lundi en faveur d'une proposition de loi instaurant la peine de mort pour les auteurs d'attaques jugées "terroristes", une mesure soutenue par le ministre israélien de la Sécurité nationale d'extrême droite Itamar Ben Gvir. (AFP)
La commission de Sécurité nationale de la Knesset a voté lundi en faveur d'une proposition de loi instaurant la peine de mort pour les auteurs d'attaques jugées "terroristes", une mesure soutenue par le ministre israélien de la Sécurité nationale d'extrême droite Itamar Ben Gvir. (AFP)
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  • Selon le médiateur israélien chargé des otages, Gal Hirsch, le Premier ministre Benjamin Netanyahu soutient cette initiative
  • La commission a approuvé un amendement au Code pénal, qui sera maintenant transmis au Parlement pour un vote en première lecture, une loi étant instaurée en Israël après une vote en troisième lecture

JERUSALEM: La commission de Sécurité nationale de la Knesset a voté lundi en faveur d'une proposition de loi instaurant la peine de mort pour les auteurs d'attaques jugées "terroristes", une mesure soutenue par le ministre israélien de la Sécurité nationale d'extrême droite Itamar Ben Gvir.

La commission a approuvé un amendement au Code pénal, qui sera maintenant transmis au Parlement pour un vote en première lecture, une loi étant instaurée en Israël après une vote en troisième lecture.

Selon le médiateur israélien chargé des otages, Gal Hirsch, le Premier ministre Benjamin Netanyahu soutient cette initiative.

Dans une note explicative de la commission, il est indiqué que "son objectif est de couper le terrorisme à sa racine et de créer une forte dissuasion".

Le texte propose qu'un "terroriste reconnu coupable de meurtre motivé par le racisme ou la haine (...) soit condamné à la peine de mort - de manière obligatoire", ajoutant que cette peine serait "non optionnelle".

La proposition de loi a été présentée par une élue du parti Otzma Yehudit (Force Juive) d'Itamar Ben Gvir.

Ce dernier a menacé de cesser de voter avec la coalition de droite de Benjamin Netanyahu si ce projet de loi n'était pas soumis à un vote parlementaire d'ici le 9 novembre.

"Tout terroriste qui se prépare à commettre un meurtre doit savoir qu'il n'y a qu'une seule punition: la peine de mort", a dit le ministre lundi dans un communiqué.

M. Ben Gvir avait publié vendredi une vidéo de lui-même debout devant une rangée de prisonniers palestiniens allongés face contre terre, les mains attachées dans le dos, dans laquelle il a appelé à la peine de mort.

Dans un communiqué, le Hamas a réagi lundi soir en affirmant que l'initiative de la commission "incarne le visage fasciste hideux de l'occupation sioniste illégitime et constitue une violation flagrante du droit international".

"Nous appelons les Nations unies, la communauté internationale et les organisations pertinentes des droits de l'Homme et humanitaires à prendre des mesures immédiates pour arrêter ce crime brutal", a ajouté le mouvement islamiste palestinien.

Le ministère palestinien des Affaires étrangères et des expatriés, basé à Ramallah, a également dénoncé cette décision, la qualifiant de "nouvelle forme d'extrémisme israélien croissant et de criminalité contre le peuple palestinien".

"C'est une étape dangereuse visant à poursuivre le génocide et le nettoyage ethnique sous le couvert de la légitimité", a ajouté le ministère.


Frappes israéliennes sur le sud du Liban: deux morts 

Samedi, l'armée israélienne a tué quatre personnes, visées de plein fouet dans leur voiture dans le sud, qu'elle a présentées comme des membres de la force d'élite du Hezbollah. (AFP)
Samedi, l'armée israélienne a tué quatre personnes, visées de plein fouet dans leur voiture dans le sud, qu'elle a présentées comme des membres de la force d'élite du Hezbollah. (AFP)
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  • Selon un bilan provisoire, "une frappe ennemie d'Israël" dans la région de Nabatiyé a fait lundi "un mort et sept blessés, a indiqué le ministère de la Santé
  • Un drone a visé une voiture à Doueir, a rapporté l'agence nationale d'information Ani

BEYROUTH: Des frappes israéliennes sur le sud du Liban ont tué lundi deux personnes et blessé sept autres, a indiqué le ministère libanais de la Santé, au lendemain de la menace d'Israël d'intensifier ses attaques contre le Hezbollah pro-iranien.

Malgré un cessez-le-feu conclu en novembre 2024, Israël continue de mener des attaques régulières contre les bastions du Hezbollah. Et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a accusé dimanche le Hezbollah de tenter de se "réarmer".

Selon un bilan provisoire, "une frappe ennemie d'Israël" dans la région de Nabatiyé a fait lundi "un mort et sept blessés, a indiqué le ministère de la Santé.

Un drone a visé une voiture à Doueir, a rapporté l'agence nationale d'information Ani.

Sur place, un photographe de l'AFP a vu des pompiers tenter d'éteindre l'incendie de la voiture visée qui s'est propagé à d'autres véhicules à proximité. Des ouvriers ramassaient les bris de verre des devantures de commerces endommagées, a-t-il également constaté.

Une autre frappe sur un village de la région de Bint Jbeil a fait un mort, selon le ministère de la Santé.

Samedi, l'armée israélienne a tué quatre personnes, visées de plein fouet dans leur voiture dans le sud, qu'elle a présentées comme des membres de la force d'élite du Hezbollah.

Des centaines de personnes ont participé à leurs funérailles dimanche dans la ville de Nabatiyé, scandant "Mort à Israël".

Le Hezbollah a été fortement affaibli par la guerre, avec notamment l'assassinat de son chef historique, Hassan Nasrallah, par une frappe israélienne en septembre 2024 à Beyrouth, mais il demeure financièrement résilient et armé.

Les États-Unis ont accru la pression sur les autorités libanaises pour désarmer le groupe, ce que le Hezbollah refuse.

"Nous attendons du gouvernement libanais qu'il fasse ce qu'il s'est engagé à faire, c'est-à-dire désarmer le Hezbollah, mais il est clair que nous exercerons notre droit à l'autodéfense comme convenu dans les termes du cessez-le-feu", avait averti le Premier ministre israélien dimanche.


La Turquie mobilise ses partenaires musulmans autour de Gaza

La Turquie réunit lundi à Istanbul les ministres des Affaires étrangères de sept pays musulmans pour tenter de peser sur l'avenir de Gaza en les mobilisant sur la reconstruction du territoire palestinien. (AFP)
La Turquie réunit lundi à Istanbul les ministres des Affaires étrangères de sept pays musulmans pour tenter de peser sur l'avenir de Gaza en les mobilisant sur la reconstruction du territoire palestinien. (AFP)
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  • Devant le Comité permanent pour la coopération économique de l'OCI, réuni lundi à Istanbul, le président turc Recep Tayyip Erdogan a critiqué l'attitude "très médiocre" d'Israël
  • "Nous devons apporter davantage d'aide humanitaire aux habitants de Gaza, puis commencer les efforts de reconstruction" a poursuivi le chef de l'Etat en appelant la Ligue arabe et l'OCI à jouer "un rôle moteur" en ce sens

ISTANBUL: La Turquie réunit lundi à Istanbul les ministres des Affaires étrangères de sept pays musulmans pour tenter de peser sur l'avenir de Gaza en les mobilisant sur la reconstruction du territoire palestinien.

Les ministres de ces sept pays (Turquie, Arabie saoudite, Qatar, Emirats arabes unis, Jordanie, Pakistan et Indonésie), tous membres de l'organisation de la coopération islamique (OCI), avaient été reçus par Donald Trump fin septembre à New York en marge de l'Assemblée générale de l'ONU, avant la présentation du plan de paix américain six jours plus tard.

Devant le Comité permanent pour la coopération économique de l'OCI, réuni lundi à Istanbul, le président turc Recep Tayyip Erdogan a critiqué l'attitude "très médiocre" d'Israël depuis l'entrée en vigueur du cessez-le-feu le 10 octobre, alors que "le Hamas semble déterminé" à respecter l'accord, estime-t-il.

"Nous devons apporter davantage d'aide humanitaire aux habitants de Gaza, puis commencer les efforts de reconstruction" a poursuivi le chef de l'Etat en appelant la Ligue arabe et l'OCI à jouer "un rôle moteur" en ce sens.

En amont de cette réunion, le chef de la diplomatie turque Hakan Fidan a reçu samedi une délégation du bureau politique du Hamas emmenée par Khalil al-Hayya, le négociateur en chef du mouvement islamiste palestinien.

Selon des responsables du ministère des Affaires étrangères, M. Fidan doit appeler à la mise en place de mécanismes permettant aux Palestiniens d'assurer la sécurité et la gouvernance de Gaza.

"Agir avec prudence" 

"Nous devons mettre fin au massacre à Gaza. Un cessez-le-feu à lui seul ne suffit pas", a insisté M. Fidan lors d'un forum à Istanbul.

"Nous devons reconnaître que Gaza doit être gouvernée par les Palestiniens et agir avec prudence", a encore souligné le ministre turc, plaidant de nouveau pour une solution à deux Etats.

Le chef de la diplomatie turque accuse Israël de chercher des prétextes pour rompre le cessez-le-feu.

Mais les efforts d'Ankara, qui multiplie les contacts diplomatiques avec les pays de la région et cherche à infléchir la position pro-israélienne des Etats-Unis, sont vus d'un mauvais œil par Israël qui juge Ankara trop proche du Hamas.

Les dirigeants israéliens ont exprimé à plusieurs reprises leur refus de voir la Turquie participer à la force internationale de stabilisation à Gaza.

En vertu du plan de Donald Trump, sur lequel est basé l'accord de cessez-le-feu, cette force de stabilisation, formée principalement de troupes de pays arabes et musulmans, doit se déployer à Gaza à mesure que l'armée israélienne s'en retirera.

Seuls des pays jugés "impartiaux" pourront rejoindre cette force, a cependant prévenu le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar.

Autre signe de la méfiance du gouvernement israélien : une équipe de secouristes turcs dépêchée pour participer à la recherche de corps, y compris israéliens, dans les ruines de Gaza, attendait toujours en fin de semaine dernière le feu vert israélien pour entrer dans le territoire palestinien, selon Ankara.