Fonderie de Bretagne: amers, les salariés se sentent «trahis» par Renault

Le député LFI de Seine-Saint-Denis, Alexis Corbière, voit dans la lutte des fondeurs bretons un « combat national » (Photo, AFP)
Le député LFI de Seine-Saint-Denis, Alexis Corbière, voit dans la lutte des fondeurs bretons un « combat national » (Photo, AFP)
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Publié le Mardi 23 mars 2021

Fonderie de Bretagne: amers, les salariés se sentent «trahis» par Renault

  • «Le calendrier fait peur», marmonne Yannick, barbe grise et visage rond. Le processus de vente doit se terminer en août, quand la fonderie sera fermée et les fours éteints
  • Le constructeur français Renault a annoncé mardi qu'il fabriquerait cinq nouveaux modèles de voitures hybrides en Espagne, dans le cadre de son nouveau plan stratégique

CAUDAN/ MADRID: « Abandon », « trahison », dénoncent les banderoles. Des salariés amers et des centaines de manifestants se sont rassemblés dans une marée de drapeaux rouges mardi matin devant la Fonderie de Bretagne, mise en vente par le groupe Renault. 

Sous un grand ciel bleu, la marée de drapeaux rouges, portés par des syndicalistes CGT, des salariés d'autres usines Renault, des dockers de Lorient ou des militants communistes, a envahi le vaste parking de l'usine dans la banlieue de Lorient.  

La chanson des Têtes Raides, crachée par la sono, est gaie. Mais elle ne parvient pas à remonter le moral des métallos bretons, plombés par l'annonce de la mise en vente de leur usine le 11 mars.  

« Le calendrier fait peur », marmonne Yannick, barbe grise et visage rond. Le processus de vente doit se terminer en août, quand la fonderie sera fermée et les fours éteints. 

« C'est une trahison à tous les niveaux. De Renault et des pouvoirs publics qui ont accompagné cette mascarade de revue stratégique », dénonce Maël Le Goff, délégué CGT de l'usine de 350 salariés.  

Installée près de Lorient depuis 1965, la Fonderie de Bretagne avait été revendue par Renault en 1999 avant une reprise en 2009. A l'été 2020, le constructeur a demandé une revue stratégique qui a conclu que le site devait diversifier ses activités et poursuivre la réduction de ses coûts de production.  

« C'est Renault qui nous a dit d'arrêter la diversification et maintenant ils veulent qu'on y revienne », ironise Cédric, chef de projet de 42 ans. 

Comme lui, de nombreux cadres ont rejoint ce rassemblement organisé par la CGT. « On a donné énormément après l'incendie de l'usine en 2019. On a été présents même pendant la Covid. Et maintenant, on nous dit que c'est fini », se désole Régis, 43 ans, responsable du bureau d'études. 

« Ils nous coupent l'herbe sous le pied », approuve Jimmy, chargé d'affaires de 44 ans. « C'est Renault qui nous enlève des volumes et nous empêche de revenir à l'équilibre ». 

Comme lui, tous ont une famille, des enfants. Certains sont même venus récemment d'autres usines Renault pour travailler à Caudan. Amers, ils soulignent tous que les objectifs de performance fixés par Renault ont pourtant été « atteints ou dépassés » l'an dernier. « Renault doit rester l'entreprise des voitures à vivre, pas des voitures à détruire l'emploi en France », lâche Jimmy. 

« Fondeurs, pas chômeurs » 

« On a l'impression que la fonderie est en train de disparaître en France, comme l'industrie textile il y a bien longtemps », regrette Alain, 56 ans, salarié des Fonderies du Poitou, dans la Vienne, elles aussi en difficulté. « Fondeurs, pas chômeurs », clame un autocollant sur sa chasuble. 

« Ils ont tous leur vie de famille, leur maison à payer », remarque Anne-Laure Vély, 27 ans, vêtue d'une chasuble rose marquée « Soignants avec la FDB ». « Ils vont faire quoi tous ces gens? Ils ne demandent qu'à bosser », lance la petite-fille de fondeur. 

Outre les syndicalistes, deux députés ont fait le déplacement « par solidarité » avec les salariés de Caudan. Le député LFI de Seine-Saint-Denis, Alexis Corbière, voit dans la lutte des fondeurs bretons un « combat national ».  

« Les leçons qui ont été tirées de la crise du Covid, y compris par le gouvernement, étaient de dire qu'il fallait réindustrialiser le pays (...) En réalité, tout ceci n'était que de l’esbroufe », lance-t-il. « De l'argent public a été donné à Renault sans condition de maintien de l'emploi (...) Ceux qui licencient doivent rendre l'argent! » 

Pour traverser la crise, le groupe Renault a eu droit à un prêt bancaire de cinq milliards d'euros garanti par l’État. 

« Un pays sans industrie est un pays sans avenir », lance le député du Nord Fabien Roussel, secrétaire national du PCF. « Nous placerons cette usine sous la protection de la République », promet-il. 

Peu après midi, les prises de parole s'achèvent. « Ce n'est que la première journée! On ne lâche rien », lance Maël le Goff, en décomptant 2 000 manifestants et « 98% de grévistes ».   

« Ne laissons pas les chacals brouter nos idéals », continuent à scander les Têtes Raides alors que la foule se disperse. 

 

RENAULT CONSTRUIRA CINQ NOUVEAUX MODÈLES EN ESPAGNE

Le constructeur français Renault a annoncé mardi qu'il fabriquerait cinq nouveaux modèles de voitures hybrides en Espagne, dans le cadre de son nouveau plan stratégique. 

L'attribution de ces modèles à des usines espagnoles permettra de faire de ce pays « l'un de nos pôles les plus importants d'électrification et d'hybridation », a déclaré le directeur général de Renault, Luca de Meo, lors d'un discours officiel. 

L'Espagne est le « deuxième pays le plus important » après la France pour Renault, a souligné M. De Meo. 

Tous ces nouveaux modèles sont des produits « électrifiés, hybrides », a-t-il précisé.  

Concrètement, deux véhicules de type B-SUV (type Renault Clio) seront confiés à l'usine de Valladolid (nord), qui fabriquera aussi de nouveaux moteurs hybrides. 

Trois modèles de type C (type Renault Mégane) et D-SUV (Kadjar) seront fabriqués à Palencia (nord), tandis que l'usine de Séville (sud) produira deux nouvelles boîtes de vitesse. 

La fabrication de ces produits commencera entre 2022 et 2024, a précisé M. De Meo, qui a promis que ce plan industriel apporterait « plus de 12 milliards d'euros de valeur à l'économie espagnole dans les trois-quatre prochaines années ». 

Selon un communiqué du gouvernement espagnol, ce plan permettra de créer « 1 000 emplois stables », un chiffre que n'a pas mentionné M. De Meo dans son discours. 

Le 23 mars 2021, le PDG de Renault, Luca de Meo, prononce un discours à l'usine Renault de Villamuriel, près de Palencia, dans le nord de l'Espagne
Le 23 mars 2021, le PDG de Renault, Luca de Meo, prononce un discours à l'usine Renault de Villamuriel, près de Palencia, dans le nord de l'Espagne (Photo, AFP)

Taxe Zucman : «truc absurde», «jalousie à la française», selon le patron de Bpifrance

Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
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  • M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde"
  • Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier"

PARIS: Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française".

M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde", mais qui selon lui "n'arrivera pas".

Mais "ça panique les entrepreneurs : ils ont construit leur boîte et on vient leur expliquer qu'on va leur en prendre 2% tous les ans. Pourquoi pas 3? Pourquoi pas 4? C'est invraisemblable!", a-t-il déclaré.

Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier" : "Donc demain j'aurai 2% du capital de LVMH, dans 20 ans 20%, 20% du capital de Pinault-Printemps-Redoute (Kering, NDLR), 20% du capital de Free. C'est délirant, c'est communiste en réalité, comment est-ce qu'on peut encore sortir des énormités comme ça en France!?"

"Ces gens-là tirent la France. Il faut les aider (...) au lieu de leur dire qu'on va leur piquer 2% de leur fortune".

Il a observé que "si on pique la totalité de celle de Bernard Arnault, ça finance 10 mois d'assurance-maladie", mais qu'après "il n'y a plus d'Arnault".

"Il n'y a pas de trésor caché", a estimé M. Dufourcq, qui pense que cette taxe "n'arrivera jamais", et n'est évoquée que "pour hystériser le débat" politique.

Pour lui, il s'agit "d'une pure histoire de jalousie à la française, une haine du riche, qui est soi-disant le nouveau noble", rappelant les origines modestes de François Pinault ou Xavier Niel: "c'est la société française qui a réussi, on devrait leur dresser des statues".

"Il y a effectivement des fortunes qui passent dans leur holding des dépenses personnelles", a-t-il remarqué, "c'est ça qu'il faut traquer, et c'est ce sur quoi le ministère des Finances, je pense, travaille aujourd'hui".

Mais il y a aussi "beaucoup de Français qui passent en note de frais leurs dépenses personnelles", a-t-il observé. "Regardez le nombre qui demandent les tickets dans les restaus", pour se les faire rembourser.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".