L’Europe veut ouvrir une page nouvelle avec la Turquie d’Erdogan

Le président turc et chef du parti Justice et Développement (AKP), Recep Tayyip Erdogan, s'adresse à ses partisans lors d'une réunion politique de son parti, l'AKP, à Ankara, le 24 mars 2021. Adem ALTAN / AFP
Le président turc et chef du parti Justice et Développement (AKP), Recep Tayyip Erdogan, s'adresse à ses partisans lors d'une réunion politique de son parti, l'AKP, à Ankara, le 24 mars 2021. Adem ALTAN / AFP
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Publié le Jeudi 25 mars 2021

L’Europe veut ouvrir une page nouvelle avec la Turquie d’Erdogan

L’Europe veut ouvrir une page nouvelle avec la Turquie d’Erdogan
  • La Turquie est devenue depuis trente ans une vraie puissance économique et un pays prospère. Mais ces acquis incontestables sont aujourd’hui menacés et la responsabilité en incombe principalement à ses dirigeants
  • Ouvrir une page nouvelle avec la Turquie est possible et sûrement souhaitable. Les chefs d’État et de gouvernement de l’UE devront afficher leur unité et leur détermination. Mais il faudra de la part d’Ankara des gestes convaincants et durables

PARIS : La situation géographique très particulière de la Turquie explique pour une large part les difficultés de ses dirigeants et les paradoxes de son histoire plutôt agitée. Passerelle incertaine d’elle-même entre l’Orient et l’Occident, elle a tenté sa chance tantôt vers l’Asie où sont ses racines, tantôt vers l’Europe vers laquelle vont ses aspirations.

Parce qu’elle contrôle le Bosphore, elle a souvent été en conflit avec son puissant voisin russe. Enfin, elle garde la nostalgie inconsolable de cinq siècles de domination du pourtour méditerranéen. Tels sont les paradoxes d’un pays que la géographie a placé à l’un des plus importants carrefours de la planète, mais qui a presque toujours cherché à sortir de cet espace pourtant privilégié. Souvent à ses dépens.

Le président Erdogan est l’expression même des ambiguïtés turques, dont le moins qu’on puisse dire, est qu’il les gère mal. Les choix qu’il fait laissent perplexe. En voici quelques exemples. Quel bénéfice la Turquie a-t-elle tiré d’aller acheter des batteries de missiles à Moscou, alors que sa sécurité dépend depuis 1945 du soutien américain et de sa participation à l’Otan? Quel est l’intérêt pour la Turquie d’entretenir sur le territoire syrien dans la région d’Idlib des milices djihadistes qui lui valent le mécontentement de la quasi-totalité du monde arabe? Et enfin, à quoi lui sert-il de mener une politique répressive contre les Kurdes aussi bien à l’intérieur de son territoire que dans les provinces du nord de la Syrie et de l’Irak, alors que des solutions négociées sont à la portée de sa main?

 

Le président Erdogan est l’expression même des ambiguïtés turques, dont le moins qu’on puisse dire, est qu’il les gère mal.

Hervé de Charette

La Turquie est l’un des pays les plus importants du monde méditerranéen. Elle est devenue depuis trente ans une vraie puissance économique et un pays prospère. C’est un État qui compte dans le monde. Mais ces acquis incontestables sont aujourd’hui menacés et la responsabilité en incombe principalement à ses dirigeants. L’économie est en difficulté, les investisseurs étrangers s’éloignent, la répression systématique des forces de l’opposition et des médias divise le peuple turc, une politique étrangère aventuriste isole Ankara dans la communauté internationale, plus encore depuis l’élection de Joe Biden à Washington.

Au début du XXe siècle on disait que la Turquie était «l’homme malade» de la région. Aujourd’hui, un siècle plus tard, c’est la personnalité autoritaire et agressive du président Erdogan qui fait problème.

Les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne, réunis en conseil le savent. Pour espérer résoudre les litiges en cours avec la Turquie, qu’il s’agisse de la question des eaux territoriales grecques contestées par Ankara, de l’intervention militaire turque en Libye, de l’appui donné aux milices djihadistes à Idlib, ou de l’entrisme turc aux couleurs de l’islamisme dans les communautés européennes d’origine turques, ils devront afficher leur unité et leur détermination. Ouvrir une page nouvelle avec la Turquie est possible et sûrement souhaitable. Mais il faudra de la part d’Ankara des gestes convaincants et durables.

Hervé de Charette est ancien ministre des Affaires étrangères et ancien ministre du Logement. Il a aussi été maire de Saint-Florent-le-Vieil et député de Maine-et-Loire.  

NDLR: Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News en français.