Au Liban, la lente agonie du secteur de la restauration

La rue Gouraud dans le quartier de Gemayzeh, célèbre pour ses restaurants et bars animés dans la capitale libanaise Beyrouth, le 15 mars 2020 (Photo, AFP)
La rue Gouraud dans le quartier de Gemayzeh, célèbre pour ses restaurants et bars animés dans la capitale libanaise Beyrouth, le 15 mars 2020 (Photo, AFP)
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Publié le Mercredi 14 avril 2021

Au Liban, la lente agonie du secteur de la restauration

  • Travailler 7/7, réduire les coûts et n’accepter que le cash, des conditions désormais sine qua non pour survivre lorsqu’on est restaurateur au Liban
  • De nombreux restaurants ont mis la clé sous la porte depuis janvier 2020 et d’autres suivront inévitablement

BEYROUTH: Autrefois fer de lance du tourisme du Liban, le secteur de la restauration est au supplice. Entre la pandémie de coronavirus et la descente aux enfers financière du pays, les restaurateurs subissent dans le même temps une dévaluation record de la livre libanaise, une hyperinflation sans précédent et des fermetures aléatoires liées aux confinements successifs. À cela s’ajoutent les contrôles officieux de capitaux mis en place par les banques, qui limitent, de fait, les montants en livres libanaises susceptibles d’être retirés. 

De nombreux restaurants ont mis la clé sous la porte; d’autres suivront inévitablement. «Concernant les fermetures de restaurants, nos chiffres remontent au mois de janvier 2020; alors, 1 200 restaurants étaient déjà fermés», précise à Arab News en français Maya Békhazi, secrétaire générale du Syndicat libanais des propriétaires de restaurants. La crise économique avait commencé bien avant le soulèvement populaire du mois d’octobre 2019. 

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Entre hyperinflation, restrictions bancaires et covid-19, les restaurants ne parviennent plus à survivre. (Photo Patricia Khoder).

«Depuis la fin de l’année 2017, nous misions de plus en plus sur les touristes et les expatriés pour réaliser nos chiffres d’affaires, et non plus sur les personnes qui travaillent au Liban», ajoute-t-elle, faisant observer que les chiffres officiels des fermetures définitives ne sont pas disponibles. 

«Depuis le confinement de janvier 2020, des centaines de restaurants n’ont pas rouvert leurs portes. Certains ont fermé définitivement et d’autres à titre provisoire. Il y a également ceux qui ont été lourdement touchés par l’explosion de Beyrouth. Ils ferment pour de nombreuses raisons: ils ne peuvent plus payer le loyer ou les fournisseurs et, à cause de la fluctuation de la livre face au dollar, ils ne savent plus à quels prix fixer leurs produits», explique-t-elle. 

Dany Khoury, qui possédait plusieurs bars qui comptaient parmi les hauts lieux de la vie nocturne de Beyrouth après la guerre, a dû se résoudre à fermer, au mois de janvier dernier, les établissements qu’il possédait encore dans la capitale libanaise.  

«En 2018, notre entreprise employait cent quatre-vingts personnes. Nous avions des bars-restaurants dans différents quartiers de Beyrouth: deux à Hamra, deux à Badaro, un à Mar Mikhael et un autre dans la banlieue de la capitale, à Dbayé. Nous avons ensuite commencé à fermer progressivement. La crise n’a pas commencé en 2019 avec le début de la dévaluation de la livre, mais bien avant», explique-t-il. 

Il confie également que, depuis la dévaluation de la livre et le confinement de janvier dernier, les choses sont devenues vraiment pénibles: «Il faut payer le loyer; deux propriétaires voulaient des chèques bancaires en dollars, un autre du dollar en cash», révèle Dany Khoury. 

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Un restaurant vide le 13 mars 2020, dans l'une des rues de la ville historique côtière libanaise de Byblos (Photo, AFP)

Trois valeurs différentes du dollar… 

Au Liban, il existe actuellement et depuis plus d’un an et demi trois valeurs différentes du dollar face à la livre libanaise (LBP). 

D’abord, l’ancienne valeur fixe, qui fut en vigueur pendant plus de vingt-cinq ans et qui s’élève à 1 500 LBP pour 1 dollar (1 dollar = 0,84 euro); la valeur des chèques bancaires des déposants, où un dollar équivaut à 3 900 LBP; enfin, la valeur du marché noir, qui fluctue en fonction des humeurs des bureaux de change et des développements politiques. Ce taux s’élève aujourd’hui de 12 500 LBP pour 1 dollar. 

En outre, les billets verts sont de plus en plus difficiles à trouver sur le marché – c’est même quelquefois impossible. Khoury explique à Arab News en français qu’il faut également «payer les fournisseurs, qui n’acceptent plus que le liquide libanais à la valeur du cours du dollar au marché noir ou les dollars en liquide, et cela à la livraison. Avant la crise, nous disposions d’une période de soixante jours après la livraison des produits pour payer la marchandise. Le plus dur, c’était d’assurer les salaires des employés. Au mois d’octobre 2019, cinquante-neuf personnes travaillaient dans les trois cafés-restaurants qui étaient encore ouverts. Au fil du temps, nous avons été contraints de les remercier». 

«Et puis, il y a les imprévus: une douzaine de verres qui se cassent et qu’il faut remplacer, l’air conditionné qui tombe en panne et qu’il faut réparer… Avec quel argent payer, quand tout le monde veut du liquide et qu’il y a des restrictions bancaires sur le cash?», s’interroge-t-il. 

«Aujourd’hui, nous nous retrouvons avec les meubles de six restaurants et des cuisines quasi neuves; tout cela est entreposé dans des dépôts. Nous ne savons pas s’il faut les vendre ou attendre quatre ou cinq ans pour reprendre le travail», soupire le restaurateur, pour qui «la reprise économique n’aura pas lieu de sitôt». 

«Ne pensez surtout pas que les restaurants qui sont restés ouverts gagnent de l’argent ou peuvent savoir ce que leur réserve l’avenir. Au Liban, ceux qui tiennent encore sont les franchises ou des entreprises qui possèdent des restaurants à l’étranger. Les autres fermeront sûrement petit à petit. Durant un an, nous avons essayé de “faire avec” en espérant que les choses iraient mieux, mais la situation n’a fait qu’empirer», déplore-t-il. 

«Il n’y a plus que le service à emporter et la livraison à domicile dans la restauration rapide qui fonctionnent et qui demeurent rentables», explique à Arab News en français Maya Békhazi Noun. Cela ne signifie pas, pour autant, que ce secteur est en plein boom; simplement, il n’a pas essuyé de grosses pertes.

QUAND LE MALHEUR DES UNS FAIT LE BONHEUR DES AUTRES

Dans une rue d’Achrafieh, au cœur de Beyrouth, une minuscule pizzeria ne semble pas vraiment souffrir de la crise économique. Depuis le confinement dû au coronavirus, le cadence a même augmenté. «Nous servons les meilleurs produits et nous ne rechignons pas sur la qualité. Nous misons sur les livraisons à domicile et nous ne sommes que trois pour faire tourner la pizzeria: le boulanger, la personne chargée du nettoyage, et moi», explique son gérant, qui ajoute: «Nous sommes moins chers que tous les restaurants italiens, et, depuis le début de la pandémie, beaucoup de personnes ne sortent plus. Il revient toujours moins cher, pour ceux qui ne font pas la cuisine, de se faire livrer de la nourriture que de sortir au restaurant.» 

Travailler sept jours sur sept, réduire les coûts et n’accepter que le cash 

Dans une autre rue, huppée, du même quartier de Beyrouth, un restaurateur, qui préfère conserver l’anonymat, nous dit son désespoir. 

«J’ai perdu 50% de ma clientèle. Les gens, quelle que soit leur classe sociale, ont perdu leur pouvoir d’achat. Au début de la crise, je n’ai pas voulu augmenter les prix, mais, par la suite, je n’ai plus eu le choix. Aujourd’hui, chaque plat coûte quatre ou cinq  fois plus cher que l’année dernière», explique-il à Arab News en français.  

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Autrefois fleuron du secteur touristique, les restaurants au Liban ne sont plus que l'ombre d'eux-mêmes. (Photo Patricia Khoder).

Il a congédié les vingt employés qu’il avait, au fur et à mesure que la situation financière empirait. «Nous ne sommes plus que six entre la salle et la cuisine, et nous travaillons sept jours sur sept. Plus personne ne prend de congés. Il n’y a pas, comme autrefois, un grand choix de produits importés sur le marché et tout est devenu très cher. Entre la viande, les fruits de mer, les légumes et les divers pains que je propose, il m’arrive de modifier les prix dans la semaine. Maintenant, j’attends les dix premiers jours du ramadan. Si la situation continue de se détériorer, je changerai le menu et je ne servirai plus que des salades.» 

Le rationnement du courant électrique et le coût du fuel nécessaire aux générateurs privés occasionnent des coûts supplémentaires. Depuis plus d’un mois, Beyrouth et toutes les autres localités du pays sont quotidiennement alimentées en électricité pendant quatre à six heures. Le reste du temps, le courant est uniquement assuré par le vrombissement des générateurs privés, qu’on entend désormais à toute heure de la journée dans la capitale. 

Toujours au chapitre des coûts supplémentaires, le propriétaire du restaurant indique que «tous les quinze jours, ses employés et lui sont obligés, en raison des nouvelles normes en vigueur, d’effectuer des tests PCR».  

Son restaurant n’accepte plus les cartes bancaires. «Je n’ai plus le choix, car les fournisseurs ne veulent plus être payés qu’en liquide. Désormais, quand nous prenons des réservations, nous informons nos clients que nous n’acceptons plus les cartes. Par conséquent, beaucoup d’entre eux ne peuvent plus venir puisque les banques rationnent les billets et obligent les déposants à payer par carte. C’est un cercle vicieux qui précipite chaque jour un peu plus les restaurateurs dans la pauvreté.» 

Il conclut sur cette autre note pessimiste: «Tous les jours, presque à chaque minute, je me demande comment le Liban a pu ainsi sombrer dans un tel gouffre sans fin.» 


«Gaza brûle», déclare le ministre israélien de la Défense après des frappes intenses

Le ministre israélien de la Défense Israël Katz a affirmé la détermination d'Israël à poursuivre son offensive dans la bande de Gaza après des frappes nocturnes intenses de l'armée israélienne aux abords et dans la ville de Gaza. (AFP)
Le ministre israélien de la Défense Israël Katz a affirmé la détermination d'Israël à poursuivre son offensive dans la bande de Gaza après des frappes nocturnes intenses de l'armée israélienne aux abords et dans la ville de Gaza. (AFP)
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  • "Gaza brûle. Tsahal frappe d'une main de fer les infrastructures terroristes, et les soldats de Tsahal se battent vaillamment pour créer les conditions nécessaires à la libération des otages et à la défaite du Hamas"
  • "Nous ne céderons pas et ne reculerons pas jusqu'à ce que la mission soit achevée"

JERUSALEM: Le ministre israélien de la Défense Israël Katz a affirmé la détermination d'Israël à poursuivre son offensive dans la bande de Gaza après des frappes nocturnes intenses de l'armée israélienne aux abords et dans la ville de Gaza.

"Gaza brûle. Tsahal frappe d'une main de fer les infrastructures terroristes, et les soldats de Tsahal se battent vaillamment pour créer les conditions nécessaires à la libération des otages et à la défaite du Hamas", a déclaré M. Katz sur X.

"Nous ne céderons pas et ne reculerons pas jusqu'à ce que la mission soit achevée", a-t-il ajouté.

 


Le Qatar est le seul pays capable d'être un médiateur concernant Gaza, souligne Rubio

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  • Le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio a estimé mardi que le Qatar était le seul pays capable de jouer le rôle de médiateur pour Gaza
  • "Evidemment, ils doivent décider s'ils veulent le faire après la semaine dernière ou non, mais nous voulons qu'ils sachent que, s'il existe un pays dans le monde qui pourrait aider à mettre fin à cela par une négociation, c'est le Qatar"

TEL-AVIV: Le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio a estimé mardi que le Qatar était le seul pays capable de jouer le rôle de médiateur pour Gaza, malgré une frappe israélienne ciblant des dirigeants du Hamas dans l'émirat.

"Evidemment, ils doivent décider s'ils veulent le faire après la semaine dernière ou non, mais nous voulons qu'ils sachent que, s'il existe un pays dans le monde qui pourrait aider à mettre fin à cela par une négociation, c'est le Qatar," a déclaré M. Rubio aux journalistes alors qu'il se rendait à Doha depuis Israël.

 

 


Forts bombardements sur la ville de Gaza après le soutien de Rubio à Israël

La ville de Gaza a été touchée par des bombardements forts et soutenus dans la nuit de lundi à mardi, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP, au lendemain d'une visite à Jérusalem du secrétaire d'Etat américain qui a réitéré l'appui des Etats-Unis à Israël. (AFP)
La ville de Gaza a été touchée par des bombardements forts et soutenus dans la nuit de lundi à mardi, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP, au lendemain d'une visite à Jérusalem du secrétaire d'Etat américain qui a réitéré l'appui des Etats-Unis à Israël. (AFP)
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  • Marco Rubio a promis lundi au gouvernement de Benjamin Netanyahu le "soutien indéfectible" des Etats-Unis à Israël pour éliminer le mouvement islamiste palestinien Hamas dans la bande de Gaza
  • Quelques heures plus tard, de très fortes frappes se sont fait entendre dans la bande de Gaza, assiégée et affamée, selon des témoins

GAZA: La ville de Gaza a été touchée par des bombardements forts et soutenus dans la nuit de lundi à mardi, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP, au lendemain d'une visite à Jérusalem du secrétaire d'Etat américain qui a réitéré l'appui des Etats-Unis à Israël.

Marco Rubio a promis lundi au gouvernement de Benjamin Netanyahu le "soutien indéfectible" des Etats-Unis à Israël pour éliminer le mouvement islamiste palestinien Hamas dans la bande de Gaza.

Quelques heures plus tard, de très fortes frappes se sont fait entendre dans la bande de Gaza, assiégée et affamée, selon des témoins.

"Il y a des bombardements massifs et incessants sur la ville de Gaza et le danger ne cesse d'augmenter", a déclaré à l'AFP Ahmed Ghazal, un habitant de cette zone.

Cet homme de 25 ans a décrit une "explosion qui a violemment secoué le sol du quartier" peu après 01H00 locale mardi (22H00 GMT lundi).

"J'ai couru dans la rue, sur le site de la frappe", "trois maisons" d'un bloc résidentiel "ont été complètement rasées". "De nombreuses personnes sont emprisonnées sous les débris et on peut entendre leurs cris."

Le porte-parole de la Défense civile de la bande de Gaza, Mahmoud Bassal, a déclaré à l'AFP que "les bombardements se (poursuivaient) intensément dans toute la ville de Gaza", précisant que "le nombre de morts et de blessés (continuait) d'augmenter".

"Il y a des morts, des blessés et des personnes disparues sous les décombres suite à des frappes aériennes israéliennes visant un bloc résidentiel près de la place Al-Shawa dans la ville de Gaza", a-t-il détaillé, évoquant "un massacre majeur".

La Défense civile avait fait état de 49 Palestiniens tués lundi, dont plus de la moitié à Gaza-ville, où l'armée a intensifié ses attaques avec l'objectif de s'en emparer.

Compte tenu des restrictions imposées aux médias à Gaza et des difficultés d'accès sur le terrain, l'AFP n'est pas en mesure de vérifier de manière indépendante les informations des différentes parties.

Le déplacement de M. Rubio dans la région intervient après une attaque israélienne inédite le 9 septembre au Qatar contre des chefs du Hamas.

Rassurer Doha 

Après Jérusalem, M. Rubio se rend mardi à Doha, où il devrait rencontrer le cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, afin de "réaffirmer le soutien total des Etats-Unis à la sécurité et la souveraineté du Qatar après l'attaque israélienne", selon le département d'Etat.

La frappe aérienne au Qatar, pays médiateur entre Israël et le Hamas et qui abrite la plus grande base aérienne américaine de la région, avait provoqué de rares critiques de Donald Trump contre Israël.

Le président américain a assuré lundi à des journalistes dans le Bureau ovale qu'Israël "ne frappera pas au Qatar".

Réunis lundi à Doha après l'attaque israélienne, les dirigeants arabes et musulmans ont appelé à "revoir les relations diplomatiques et économiques avec Israël et à engager des poursuites à son encontre".

Le secrétaire d'Etat américain s'est montré pessimiste quant à la possibilité d'une solution "diplomatique" à Gaza, qualifiant le Hamas d'"animaux barbares".

L'offensive israélienne à Gaza a suivi l'attaque du 7-Octobre qui a entraîné la mort de 1.219 personnes côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles.

Les représailles israéliennes ont fait au moins 64.905 morts à Gaza, selon le ministère de la Santé du territoire. L'ONU y a déclaré la famine, ce qu'Israël dément.

M. Rubio a aussi affiché la solidarité des Etats-Unis avec Israël avant un sommet coprésidé par la France et l'Arabie saoudite le 22 septembre à l'ONU, destiné à promouvoir la reconnaissance d'un Etat de Palestine, au côté d'Israël.

Une initiative largement symbolique dans la mesure où Israël s'oppose fermement à la création d'un tel Etat auquel aspirent les Palestiniens.

En soirée, le secrétaire d'Etat a rencontré à Jérusalem des familles d'otages, selon un responsable du département d'Etat. Sur les 251 personnes enlevées durant l'attaque du 7-Octobre, 47 sont encore retenues à Gaza, dont 25 décédées selon l'armée israélienne.