Les aveux de Zarif démasquent ceux qui sont réellement aux commandes à Téhéran

Le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, s'adresse aux médias à Tbilissi, Géorgie, le 18 avril 2017. (Photo, Reuters)
Le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, s'adresse aux médias à Tbilissi, Géorgie, le 18 avril 2017. (Photo, Reuters)
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Publié le Mardi 27 avril 2021

Les aveux de Zarif démasquent ceux qui sont réellement aux commandes à Téhéran

  • Dans un aveu remarquable, le ministre iranien des AE confirme le contrôle quasi-total exercé par le CGRI sur la politique étrangère
  • Le Corps des gardiens de la révolution islamique est devenu «un mini-État, ou un État à l’intérieur d’un autre»

LONDRES: Les enregistrements fuités dans lesquels Javad Zarif, ministre iranien des Affaires étrangères, critique le major-général assassiné Qassem Soleimani et le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI), sont un indicateur de «luttes intestines au sein du régime», selon des analystes.

Dans un aveu remarquable, Zarif confirme le contrôle quasi-total exercé par Soleimani et ses alliés au sein du CGRI sur la politique étrangère.

Les enregistrements, longs de plusieurs heures, ont été diffusés pour la première fois par Iran International, une chaîne de télévision en langue persane.

On y entend, à titre d’exemple, Zarif se plaindre que les besoins du CGRI sur le champ de bataille en Syrie priment souvent sur ceux des diplomates iraniens et de la politique étrangère du pays dans son ensemble.

Si l’origine de la fuite est inconnue, elle survient néanmoins «à un moment sensible, à la fin de l’administration Rohani et avant l’élection présidentielle iranienne», explique Jason Brodsky, analyste principal pour le Moyen-Orient et rédacteur en chef à Iran International.

«Le ministère iranien des Affaires étrangères semble être aux prises avec certains éléments de l’écosystème médiatique en Iran en général, et qui tentent d’établir une ligne officielle parfois différente de celle véhiculée par l’administration Rohani», estime Brodsky.

Le ministère a «connu de véritables difficultés au cours des dernières semaines en raison des luttes intestines au sein du régime. Il est important de considérer cette histoire dans le contexte de ce combat parallèle», ajoute-t-il.

Il faudrait aussi considérer les «facteurs internationaux, avec les pourparlers nucléaires qui se déroulent à Vienne, et les facteurs liés à la politique locale, à savoir les élections présidentielles iraniennes prévues pour juin».

Mais au-delà du schisme politique qui sépare les politiciens favorables à l’accord nucléaire, tels que Zarif, et les extrémistes de la branche religieuse du gouvernement, la fuite expose un aspect fondamental de la politique étrangère iranienne: qui prend les décisions?

«Zarif brosse un tableau de la dynamique de pouvoir dans la République islamique que beaucoup d’observateurs ne sont pas près d’apprécier :  le ministère des Affaires étrangères n’a pas d’autorité décisionnelle indépendante au sein de la République islamique», déclare Brodsky.

Asif Shuja, chercheur principal à l’Institut du Moyen-Orient de l’Université nationale de Singapour, explique à Arab News que ce déséquilibre est le résultat de l’ascension du CGRI au pouvoir depuis sa création lors de la guerre entre l’Iran et l’Irak.

«Le CGRI a été conçu dans le but de jouer un rôle spécifique dans la société iranienne, celui de protéger la Révolution islamique. Et à la tête de tout ce système se trouve le chef suprême», rappelle Shuja.

Au fil du temps, dit-il, le rôle du CGRI s’est élargi pour calquer celui d’une armée traditionnelle.

Le mandant initial consistait à garder le bureau du chef suprême et préserver son idéologie, suivi d’une mission de protection du territoire, ce qui lui permettra éventuellement d’éclipser le ministère des Affaires étrangères.

La situation a tellement dégénéré,  poursuit Shuja, que le CGRI est devenu «un mini-État, ou un État à l’intérieur d’un autre».

Le CGRI contrôle désormais l’ensemble de l’arsenal de missiles balistiques de l’Iran. Il joue de plus un rôle de plus en plus actif dans la répression de la dissidence intérieure contre le régime, chose qui est devenue visible en novembre 2019, lorsque des centaines de manifestants ont été tués par les forces de sécurité soupçonnées d’appartenir à la milice Basij, la faction armée locale du Corps.

Shuja estime que le timing de la fuite de Zarif est difficile à considérer en dehors du contexte de la future présidentielle. Des factions radicales rivales pourraient très bien avoir «orchestré la fuite» dans une tentative de dissuader le ministre des Affaires étrangères, une figure modérée, de se présenter sa candidature.

La révolution islamique «s’est incarnée Qassem Soleimani. Le nier équivaut à nier des idées qui font partie intégrante de la République islamique», affirme Shuja, ce qui «ne présage rien de bon pour les chances de Zarif aux élections».

 

Cet article est la traduction d'un article paru sur Arab News.


L'Ukraine va annoncer des mesures pour faire rentrer ses hommes de l'étranger

Des habitants locaux se tiennent devant une affiche de recrutement de la troisième brigade d'assaut ukrainienne alors qu'ils se réfugient dans une station de métro souterraine lors d'une alerte de raid aérien à Kiev le 23 avril 2024 (Photo, AFP).
Des habitants locaux se tiennent devant une affiche de recrutement de la troisième brigade d'assaut ukrainienne alors qu'ils se réfugient dans une station de métro souterraine lors d'une alerte de raid aérien à Kiev le 23 avril 2024 (Photo, AFP).
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  • Selon des estimations de médias, des dizaines de milliers d'hommes ont fui le pays illégalement pour éviter d'aller au front
  • Des centaines de milliers d'Ukrainiens vivaient en outre à l'étranger avant l'invasion

KIEV: Le chef de la diplomatie ukrainienne a indiqué mardi des "mesures" imminentes visant à faire rentrer en Ukraine les hommes en l'âge de combattre se trouvant à l'étranger.

L'Ukraine, qui combat depuis deux ans l'invasion russe, a cruellement besoin de soldats, d'autant que Kiev s'attend à ce que la Russie lance une nouvelle offensive dans les semaines ou mois à venir.

"Le fait de séjourner à l'étranger ne dispense pas un citoyen de ses devoirs envers sa patrie", a déclaré Dmytro Kouleba sur X, annonçant avoir ordonné des "mesures pour rétablir l'équité entre les hommes en âge d'être mobilisés en Ukraine et ceux à l'étranger".

Il n'a pas précisé la nature de ces mesures se bornant à dire que le ministère allait "prochainement fournir des éclaircissements" sur de nouvelles procédures à suivre pour "accéder aux services consulaires".

L'Ukraine interdit aux hommes en âge de combattre de voyager à l'étranger à quelques exceptions près.

Déserteurs 

Mais, selon des estimations de médias, des dizaines de milliers d'hommes ont fui le pays illégalement pour éviter d'aller au front.

Des centaines de milliers d'Ukrainiens vivaient en outre à l'étranger avant l'invasion.

La déclaration du ministre intervient alors qu'un influent site d'information ukrainien ZN.UA a publié lundi soir ce qu'il affirme être une lettre officielle signée par un adjoint de M. Kouleba et préconisant aux consulats ukrainiens de suspendre à partir de mardi tout service consulaire pour les hommes âgés de 18 à 60 ans.

Selon des médias ukrainiens, plusieurs consulats ukrainiens ont cessé d'accepter ces dossiers.

La compagnie d'Etat Dokument qui facilite la délivrance de documents ukrainiens a annoncé mardi sur son site qu'elle "suspendait" les procédures à l'étranger pour des "raisons techniques".

L'Ukraine, dont l'armée est en difficulté face aux troupes russes, a adopté une loi sur la mobilisation visant à durcir les punitions pour les récalcitrants.

Elle a aussi baissé l'âge de mobilisation de 27 à 25 ans.


Début des discussions entre Washington et Niamey sur le retrait des troupes américaines du Niger

Les manifestants réagissent alors qu'un homme brandit une pancarte exigeant que les soldats de l'armée américaine quittent le Niger sans négociation lors d'une manifestation à Niamey, le 13 avril 2024. (AFP)
Les manifestants réagissent alors qu'un homme brandit une pancarte exigeant que les soldats de l'armée américaine quittent le Niger sans négociation lors d'une manifestation à Niamey, le 13 avril 2024. (AFP)
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  • Le gouvernement du Niger, issu d'un coup d'Etat en juillet dernier, avait dénoncé en mars l'accord de coopération militaire en vigueur avec les Etats-Unis
  • Washington a accepté de retirer du pays ses plus de 1 000 soldats et annoncé envoyer une délégation à Niamey pour s'accorder sur les détails de ce retrait

WASHINGTON: Washington a entamé les discussions avec Niamey sur le retrait du Niger des troupes américaines qui y étaient déployées dans le cadre de la lutte antidjihadiste au Sahel, a déclaré lundi le Pentagone.

Le gouvernement du Niger, issu d'un coup d'Etat en juillet dernier, avait dénoncé en mars l'accord de coopération militaire en vigueur avec les Etats-Unis, estimant que la présence américaine était désormais "illégale".

Washington a finalement accepté la semaine dernière de retirer du pays ses plus de 1 000 soldats et annoncé envoyer une délégation à Niamey pour s'accorder sur les détails de ce retrait.

"Nous pouvons confirmer le début des discussions entre les Etats-Unis et le Niger sur le retrait ordonné des forces américaines du pays", a déclaré le porte-parole du Pentagone Pat Ryder.

Une "petite délégation du Pentagone et du commandement militaire américain pour l'Afrique" participe aux discussions, a-t-il précisé.

Les Etats-Unis vont "continuer à explorer les options possibles afin d'assurer que nous soyons toujours en mesure de faire face aux potentielles menaces terroristes", a-t-il encore dit.

A Niamey, le ministre nigérien des Affaires étrangères, Bakari Yaou Sangaré, a indiqué dans un communiqué avoir eu lundi "des discussions" avec l’ambassadrice des États-Unis à Niamey, Kathleen Fitzgibbon, portant "sur la question du départ des troupes militaires américaines du Niger".

L’entretien s’est déroulé en présence de Maria Barron, directrice de l'Agence américaine pour le développement international (USAID) à Niamey, qui a assuré que l'agence allait "poursuivre sa coopération bilatérale" avec le Niger, annonçant "un nouvel accord devant remplacer celui en cours qui expire en septembre 2024", selon le communiqué.

Au Niger, les Etats-Unis disposent notamment d'une base de drone importante près d'Agadez, construite pour environ 100 millions de dollars.

Après le coup d'Etat qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum fin juillet, le nouveau régime militaire a rapidement exigé le départ des soldats de l'ancienne puissance coloniale française et s'est rapproché de la Russie, comme le Mali et le Burkina Faso voisins, également dirigés par des régimes militaires et confrontés à la violence de groupes jihadistes.


L'Ukraine s'attend à une détérioration sur le front vers la mi-mai

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo, AFP).
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo, AFP).
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  • L'armée ukrainienne traverse une période délicate, confronté à une pénurie de nouvelles recrues et de munitions en raison de retards importants de livraisons d'aide occidentale, notamment américaine
  • La Russie, qui est à l'initiative depuis l'automne 2023, a revendiqué lundi la conquête d'un village de l'Est ukrainien situé non loin de Vougledar

KIEV: La situation sur le front ukrainien va empirer autour de la mi-mai et début juin, qui sera une "période difficile", a prévenu lundi le chef du renseignement militaire ukrainien Kyrylo Boudanov, sur fond de craintes d'une nouvelle offensive russe.

La Russie, qui est à l'initiative depuis l'automne 2023, a revendiqué lundi la conquête d'un village de l'Est ukrainien situé non loin de Vougledar, localité à la jonction des fronts Est et Sud, dont elle cherche à s'emparer depuis deux ans.

"N'allons pas trop dans les détails, mais il y aura une période difficile, à la mi-mai et début juin", a prévenu M. Boudanov, interrogé sur l'état du front, dans une interview au service ukrainien de la BBC.

L'armée russe "mène une opération complexe", a-t-il dit.

"Nous pensons qu'une situation plutôt difficile nous attend dans un futur proche. Mais il faut comprendre que ce ne sera pas catastrophique", a estimé Kyrylo Boudanov.

"Armageddon ne se produira pas, contrairement à ce que beaucoup disent en ce moment. Mais il y aura des problèmes à partir de la mi-mai", a-t-il ajouté.

L'armée ukrainienne traverse une période délicate, confronté à une pénurie de nouvelles recrues et de munitions en raison de retards importants de livraisons d'aide occidentale, notamment américaine.

En face, les troupes russes, bien plus nombreuses et mieux armées, ne cessent de pousser à l'Est et revendiquent régulièrement la prise de petits villages dans le Donbass.

En février, Moscou s'est emparé d'Avdiïvka, une ville forteresse, et vise désormais la cité  stratégique de Tchassiv Iar.

Cette cité, perchée sur une hauteur, s'étend à moins de 30 kilomètres au sud-est de Kramatorsk, la principale ville de la région sous contrôle ukrainien, qui est un important nœud ferroviaire et logistique pour l'armée ukrainienne.

Offensive estivale? 

Lundi, le ministère russe de la Défense a affirmé avoir "libéré" Novomykhaïlivka, à une trentaine de kilomètres de Donetsk.

Ce village est proche de Vougledar, une cité minière à la jonction des fronts Sud et Est. Début 2023, l'Ukraine était parvenue à y repousser un assaut de l'armée russe, infligeant des pertes humaines importantes.

Kiev craint désormais une offensive estivale russe encore plus puissante.

Fin mars, le commandant des forces terrestres ukrainiennes Oleksandre Pavliouk avait jugé "possible" un tel scénario, impliquant un groupe de 100.000 soldats russes.

Le commandant en chef des forces ukrainiennes, Oleksandre Syrsky, a déjà admis mi-avril que la situation sur le front Est s'était "considérablement détériorée" récemment.

Il a affirmé voir une "intensification significative" de l'offensive russe depuis mars, aboutissant à des "succès tactiques".

La grande contre-offensive ukrainienne de l'été 2023 s'était heurtée à de puissantes lignes de défense russes qui ont épuisé les ressources de l'armée ukrainienne, sans permettre de libérer les régions occupées par la Russie.

L'Ukraine fait désormais face aux hésitations de ses alliés occidentaux, même si une aide militaire américaine de 61 milliards, longtemps bloquée, a finalement été votée par la Chambre des représentants des Etats-Unis samedi. Le texte doit encore être adopté par le Sénat puis promulgué par le président Joe Biden.

Kiev espère désormais que l'aide des Etats-Unis pourra atteindre le front très rapidement. Le Kremlin a, lui, jugé que qu'elle ne changerait "rien"