Marlène Schiappa : «Les musulmans sont les premières victimes de l’islam radical»

Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'Intérieur, en charge de la citoyenneté (Photo, fournie).
Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'Intérieur, en charge de la citoyenneté (Photo, fournie).
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Publié le Vendredi 07 mai 2021

Marlène Schiappa : «Les musulmans sont les premières victimes de l’islam radical»

  • «On ne peut pas cautionner le fait d’insulter des millions de citoyens qui n’ont rien demandé, et qui n’ont aucun problème avec la République, en France, en 2021»
  • «Nous sommes pleinement mobilisés, avec Gérald Darmanin, en particulier, pour assurer la sécurité des lieux de culte»

PARIS: Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'Intérieur, en charge de la citoyenneté, a été Secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations (2017-2020). Sollicitée par Arab News en français, la ministre répond à nos questions.

Madame la ministre, vous vous êtes rendue le 12 avril à la Grande Mosquée de Paris. Quel a été votre message pour le recteur et les musulmans de France?

Je suis venue à la Grande Mosquée de Paris à la rencontre du recteur, Chems-Eddine Hafiz, à la veille du ramadan. Il était important pour moi d’adresser un message de paix et de solidarité à tous les Français de confession musulmane, notamment après les tags ignobles antimusulmans inscrits sur un centre culturel à Rennes. Nous sommes pleinement mobilisés, avec Gérald Darmanin, en particulier, pour assurer la sécurité des lieux de culte.

Le 11 avril dernier, les murs du centre culturel islamique Avicenne à Rennes ont été recouverts de tags d’insultes contre les musulmans. Comment réagissez-vous face aux actes islamophobes commis ces derniers temps en France?

Comme l’a dit le ministre de l’Intérieur, c’est une insulte à la France! On ne peut pas cautionner le fait d’insulter des millions de citoyens qui n’ont rien demandé, et qui n’ont aucun problème avec la République, en France, en 2021. Ce n’est pas ma vision de la France. Je les condamne très fermement, et j’ai été très choquée par ces tags immondes.

Marlène Schiappa en déplacement dans la Nièvre (Photo, fournie).

Quel bilan faites-vous à ce jour de la lutte contre l’islam radical en France? Quels sont les axes sur lesquels le gouvernement doit encore travailler: prévention, éducation…?

Nous agissons sur le terrain depuis trois ans, grâce à l’action des cellules de lutte contre l’islamisme et le repli communautaire (Clir). Depuis 2018, nous avons fait fermer 559 établissements et plus de 22 000 contrôles ont été diligentés dans les territoires dans le cadre des Clir. C’est aussi une action qui permet, via la CAF ou l’Urssaf, de récupérer de l’argent: près de 43 millions d’euros depuis 2018. Pas un euro d’argent public, de l’argent des Français, aux ennemis de la République! Nous devons nous doter d’outils sur le terrain pour venir en aide aux élus locaux notamment, c’est l’utilité du projet de loi confortant les principes pour la République.

Notre objectif, c’est de combattre l’islam radical en dotant notamment les élus locaux d’outils concrets pour mieux contrôler les financements étrangers et les subventions aux associations, et ainsi contrer les foyers de séparatisme…

Le «projet de loi contre le séparatisme» a tendance à effrayer la population musulmane de France. Que répondez-vous à ceux qui émettent des réserves sur ce projet de loi ou le critiquent? Quels sont, selon vous, les apports d’un tel texte?

Je veux déjà dire que beaucoup de choses fausses sont dites: non, le voile ne sera pas interdit dans l’espace public! Il est faux de dire que le gouvernement porte une telle position, qui n’est celle que de quelques sénateurs, et je vois des choses passer à ce sujet notamment sur les réseaux sociaux. Ensuite, notre objectif, c’est de combattre l’islam radical en dotant notamment les élus locaux d’outils concrets pour mieux contrôler les financements étrangers et les subventions aux associations, et ainsi contrer les foyers de séparatisme… Il s’agit aussi d’empêcher des jeunes de se radicaliser tout seuls dans leur chambre, et de tomber dans la propagande de Daech. C’est justement pour la paix des musulmans – et de tous les Français – que nous portons ce projet de loi avec Gérald Darmanin! L’islam radical a pour premières victimes dans le monde les musulmans; il est une insulte aux Français de religion musulmane, qui pratiquent leur foi en paix, dans le respect des lois de la République, et dont on dévoie les principes au nom d’une idéologie radicale et dangereuse, qui conduit des jeunes à une mort certaine.

Vous avez déclaré: «Je ne suis pas favorable à l’interdiction du voile pour les accompagnants scolaires.» Pouvez-vous nous expliquer votre position?

Ma position a toujours été la même. Je ne suis pas favorable à l’interdiction du voile dans le cadre des sorties scolaires, j’ai grandi dans une cité où la plupart des mamans en sortie scolaire portaient le voile, un boubou… Si on interdit cela, on exclut de fait un certain nombre de femmes des parents d’élèves de l’école de la République. Ce n’est pas mon objectif. Le principe de laïcité s’applique à l’État et aux services publics, mais pas à la société, c’est pourquoi la laïcité est un principe de neutralité pour les services publics, et une liberté pour les citoyens.

Je perçois toutes les avancées d’un très bon œil, l’égalité entre les femmes et les hommes est une valeur fondamentale – d’ailleurs inscrite dans la charte des principes de l’islam de France.

Vous avez été secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les hommes et les femmes et de la Lutte contre les discriminations. Vous êtes engagée sur ces sujets. Comment voyez-vous les avancées de la cause féminine dans le monde arabe?

Je perçois toutes les avancées d’un très bon œil, l’égalité entre les femmes et les hommes est une valeur fondamentale – d’ailleurs inscrite dans la charte des principes de l’islam de France. Il faut continuer !

Marlène Schiappa a été Secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations de 2017 à 2020 (Photo, fournie).

Lors de votre visite à la Grande Mosquée de Paris, vous avez rencontré des femmes engagées et solidaires en ces temps de pandémie. Que vous inspirent leurs actions?

De l’espoir! J’ai eu le plaisir de rencontrer des femmes engagées et qui, notamment, se battent contre les violences conjugales, sexistes et sexuelles et soutiennent les citoyennes et les citoyens dans cette période difficile pour nous tous. 

Arab News en français a commandé une enquête sur l’intégration des Français d’origine arabe auprès de l’institut de sondage YouGov. L’enquête révèle que la majorité d’entre eux se considèrent intégrés dans la société française. L’étude conclut cependant que, en matière de perception, une certaine forme de stigmatisation subsiste. Qu’en pensez-vous?

Il est rassurant de constater que la majorité des jeunes se sentent intégrés dans la société française. C’est ça la République. Nous devons combattre le racisme et les préjugés, véhiculés notamment par l’extrême droite en France, et toujours avoir à l’esprit que la République, c’est l’égalité entre tous les citoyens, la liberté, la fraternité. La laïcité, c’est croire ou ne pas croire, sans être inquiété pour cela et donc c’est elle qui nous protège.

En conclusion, en cette période de ramadan, que souhaitez-vous dire aux musulmans de France?

Je leur souhaite un bon ramadan! Je veux aussi leur faire passer le message que nous les protégeons comme n’importe quel citoyen en France.


Un soutien mais pas inconditionnel, la délicate diplomatie de Paris vis-à-vis d'Israël

Le chef de l'armée, le général de corps d'armée Herzi Halevi (C), participe à une évaluation de la situation avec les membres du Forum de l'état-major général sur la base militaire de Kirya le 14 avril 2024(AFP)
Le chef de l'armée, le général de corps d'armée Herzi Halevi (C), participe à une évaluation de la situation avec les membres du Forum de l'état-major général sur la base militaire de Kirya le 14 avril 2024(AFP)
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  • En restant vague sur l'ampleur de son soutien à Israël contre l'Iran, la France a signalé sa volonté de ne pas apparaître comme un allié inconditionnel d'Israël, à la fois pour peser au Proche-Orient et ménager son opinion publique, décryptent des analyst
  • Le président Emmanuel Macron a, lui, confirmé lundi que la France avait procédé à "des interceptions" de missiles et drones iraniens, justifiant cette intervention par la présence d'une base aérienne française en Jordanie

PARIS : En restant vague sur l'ampleur de son soutien à Israël contre l'Iran, la France a signalé sa volonté de ne pas apparaître comme un allié inconditionnel d'Israël, à la fois pour peser au Proche-Orient et ménager son opinion publique, décryptent des analystes.

C'est le porte-parole de l'armée israélienne qui, dès dimanche, a fait savoir que la France était parmi les alliés d'Israël ayant contribué à neutraliser l'attaque iranienne survenue dans la nuit de samedi à dimanche. Ce que Londres et Washington ont rapidement reconnu.

Le président Emmanuel Macron a, lui, confirmé lundi que la France avait procédé à "des interceptions" de missiles et drones iraniens, justifiant cette intervention par la présence d'une base aérienne française en Jordanie dont l'espace aérien a été violé par les tirs iraniens.

Questionné dimanche sur le fait que les militaires français avaient bien défendu Israël, et sur un éventuel soutien de Paris à ce pays s'il ripostait contre l'Iran, le ministre des Affaires étrangères Stéphane Séjourné avait, lui, botté en touche, insistant sur la volonté française de "désescalade".

Car la France, critiquée par moult pays arabes pour son soutien jugé trop appuyé à Israël après les attentats du 7 octobre - le président Macron avait notamment appelé à former une coalition internationale contre le Hamas -  s'efforce, depuis, d'apparaître équilibrée afin de maintenir ses aspirations à jouer un rôle de garant de la stabilité au Proche-Orient, affirment des analystes à l'AFP.

Paris fut ainsi le premier pays occidental à envoyer un bateau hôpital pour soigner des civils gazaouis au large de l'Egypte. La France procéda également très tôt, dès début janvier, à des largages d'aide sur Gaza.

- 'Gages' -

Elle n'a toutefois jamais condamné la frappe attribuée à Israël contre un consulat iranien en Syrie le 1er avril, qui a motivé l'attaque iranienne sur le sol israélien en réponse.

"Au fond, la position de la France est de soutenir Israël tout en donnant des gages aux pays arabes (...) pour essayer de maintenir ses liens avec la région", résume Agnès Levallois de l'Institut de recherche et d'études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient.

Le 8 avril, Emmanuel Macron publiait une tribune commune avec son homologue égyptien Abdel Fattah al-Sissi et le roi de Jordanie Abdallah II appelant à un cessez-le feu "immédiat" et une libération de "tous les otages" à Gaza, mettant aussi en garde Israël contre les "conséquences dangereuses" d'une offensive à Rafah.

Accusée "par les pays arabes et par certains politiques en France de soutenir Israël", "le souci du président Macron est de maintenir une position qu'il estime équilibrée", souligne Denis Bauchard, ancien directeur pour l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient au ministère français des Affaires étrangères.

- 'Nuance' -

Emmanuel Macron "ne possède pas une approche constante en matière de politique étrangère", estime de son côté Hasni Abidi, du Centre d'études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen, à Genève, pour qui la position du chef de l'Etat français est "évolutive", "en fonction des circonstances".

Cette fois, le président a adopté une approche en deux temps.

Il a d'abord affirmé son soutien à Israël, se rangeant dans le camp occidental et mettant en avant une France disposée à défendre ses alliés avec en toile de fond "un message adressé aux États du Golfe, la Jordanie et l'Egypte, clients (en matière d'armements) traditionnels de la France", explique Hasni Abidi.

Puis il a fait montre de "nuance" et de "recul" pour aussi "se ménager une marge de manœuvre utile à la perception de son opinion interne et aux intérêts particuliers de la France", poursuit-il.

Car la diplomatie française au Proche-Orient est devenue particulièrement clivante depuis l'attaque sanglante du groupe islamiste palestinien Hamas en Israël le 7 octobre et la guerre d'Israël à Gaza qui a provoqué une situation humanitaire catastrophique.

Le 5 avril, une centaine de parlementaires de gauche avaient écrit à Emmanuel Macron pour lui demander "d'arrêter immédiatement toutes ventes d'armes (...) au gouvernement d'extrême droite de Netanyahu".

Lundi, des députés français de gauche radicale ont adressé un courrier au ministre des Armées Sébastien Lecornu pour lui demander des éclaircissements sur "le bien-fondé" de Paris à intercepter les missiles et drones iraniens.


Mayotte: nouvelle opération contre l'insécurité et l'immigration irrégulière

Un gendarme monte la garde lors d'une opération de sécurité dans le bidonville de Koungou, sur l'île de Mayotte, le 16 février 2024. (AFP)
Un gendarme monte la garde lors d'une opération de sécurité dans le bidonville de Koungou, sur l'île de Mayotte, le 16 février 2024. (AFP)
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  • Quelque 1 700 gendarmes, policiers et militaires doivent être engagés pour cette opération, baptisée «Mayotte place nette» et qui doit durer 11 semaines
  • Une enveloppe de cinq millions d'euros a été débloquée pour l'hébergement d’urgence des migrants interpellés dans le cadre de l'opération

PARIS: Une nouvelle opération contre l'insécurité, l'immigration irrégulière et l'habitat insalubre a été lancée mardi à Mayotte, archipel français de l'océan Indien, un an après le début d'une première intervention baptisée "Wuambushu", a annoncé le ministère français des Outre-mer.

Quelque 1.700 gendarmes, policiers et militaires doivent être engagés pour cette opération, baptisée "Mayotte place nette" et qui doit durer 11 semaines.

Dans le 101e département français -et le plus pauvre- une "centaine de renforts spécialisés (…), notamment des policiers aux frontières et des officiers de police judiciaire (...) vont nous aider à mener ce travail de précision", a souligné le ministère à l'AFP.

"On a 60 individus particulièrement recherchés et un objectif de 1.300 bangas (cases) à détruire, soit deux fois plus que ce qu’a permis de faire Wuambushu 1", a-t-il ajouté.

Une enveloppe de cinq millions d'euros a été débloquée pour l'hébergement d’urgence des migrants interpellés dans le cadre de l'opération.

En temps normal, 1.600 gendarmes et policiers sont déjà en poste sur ce territoire de 350.000 habitants, selon le ministère.

"Mayotte Place Nette" prend la suite de l’opération Wuambushu lancée au printemps 2023, qui visait déjà à lutter contre l'immigration illégale -largement venue des Comores voisines-, la délinquance et à détruire les cases insalubres organisées en bidonvilles, de plus en plus nombreux sur l’île.

Handicapée par des débuts chaotiques, Wuambushu n’avait pas eu les résultats escomptés.

Ces derniers jours ont été marqués par une recrudescence des violences à Mayotte, où les caillassages des automobilistes sont quotidiens, tout comme les affrontements entre bandes de jeunes de villages rivaux.

L'entreprise gestionnaire du réseau de transport scolaire a notamment évoqué un "record" de caillassages la semaine dernière.


« L'égale de l'homme »: il y a 80 ans, les femmes obtiennent le droit de vote

La France a attendu la moitié du XXe siècle pour garantir les mêmes droits politiques aux femmes qu'aux hommes, bien après d'autres pays: l'Australie en 1901, la Finlande en 1906, la Norvège en 1913. (AFP).
La France a attendu la moitié du XXe siècle pour garantir les mêmes droits politiques aux femmes qu'aux hommes, bien après d'autres pays: l'Australie en 1901, la Finlande en 1906, la Norvège en 1913. (AFP).
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  • "On est devenue l'égale de l'homme. A partir de ce jour-là, on a aussi été capables d'avoir des opinions politiques". Marcelle Abadie, 104 ans, se souvient de cet "événement", il y a 80 ans: le droit de vote accordé aux Françaises
  • Bien droite dans son fauteuil, à Paris, Jacqueline Didier, 101 ans, se plonge dans ses souvenirs: "J’étais étudiante en histoire à Toulouse mais j’étais inscrite sur les listes électorales de Gourdon, chez moi dans le Lot"

PARIS: "On est devenue l'égale de l'homme. A partir de ce jour-là, on a aussi été capables d'avoir des opinions politiques". Marcelle Abadie, 104 ans, se souvient de cet "événement", il y a 80 ans: le droit de vote accordé aux Françaises.

C’était le 21 avril 1944. Grâce à une ordonnance du Gouvernement provisoire du général de Gaulle à Alger, les femmes devenaient électrices et éligibles.

Un an plus tard, le 29 avril 1945, elles déposaient pour la première fois leur bulletin dans l’urne pour élire leur maire.

Bien droite dans son fauteuil, à Paris, Jacqueline Didier, 101 ans, se plonge dans ses souvenirs: "J’étais étudiante en histoire à Toulouse mais j’étais inscrite sur les listes électorales de Gourdon, chez moi dans le Lot". C'est accompagnée de son père que la jeune femme s'est rendue à la mairie. "Le jour du vote, il m’a expliqué comment ça fonctionnait: +tu prends le papier-là et ensuite tu le mets-là+".

Les chiffres de participation des femmes à ce premier scrutin, municipal, en 1945, ne sont pas disponibles. Un peu plus de 26 millions de Français étaient alors inscrits sur les listes électorales, mais au moment du vote, de nombreux hommes étaient encore prisonniers de guerre ou déportés.

"On sait que les femmes sont allées voter, même si beaucoup d'entre elles ne s'intéressaient pas forcément à la politique", rappelle Anne-Sarah Bouglé-Moalic, docteure en histoire à l'Université de Caen-Normandie et spécialiste de la question du vote des femmes en France. "Il faut comprendre qu'elles avaient grandi en entendant que, de toute façon, la politique, ce n'était pas pour elles: c'était l'affaire du mari ou du père".

« Il faut aller voter! »

Autre critère important: le milieu social et culturel. Les voisines de Marcelle Abadie, à Pantin, banlieue nord-est de Paris, étaient femmes au foyer pour la plupart et ne sont pas toutes allées voter. "Je leur ai dit: +vous avez tort! On l'a demandé ce droit, maintenant qu'on l'a, il faut aller voter!+".

La France a attendu la moitié du XXe siècle pour garantir les mêmes droits politiques aux femmes qu'aux hommes, bien après d'autres pays: l'Australie en 1901, la Finlande en 1906, la Norvège en 1913, le Danemark en 1915, l'Allemagne en 1918, les Etats-Unis en 1920, le Royaume Uni en 1928...

Chez Madeleine Charrière à Limoges, aujourd'hui décédée, la question d'aller ou non déposer son bulletin ne s'est pas posée. "Maman était très fière d'aller voter. Elle se sentait investie d'un pouvoir", raconte sa fille aînée, Brigitte, 10 ans en 1945, qui se souvient très bien des discussions politiques entre sa mère et son grand-père avocat, alors que son père était toujours prisonnier en Allemagne.

Un sentiment de fierté, c'est aussi ce qu'a ressenti Marcelle Abadie. Elle avait alors 25 ans, travaillait dans une compagnie d'assurance à Paris et n'entendait pas se faire dicter ses choix. "Je travaillais, je gagnais de l'argent et je faisais ce que je voulais", insiste-t-elle, précisant n'avoir jamais voté comme son mari, fonctionnaire de police.

Quelques mois après les élections municipales, les femmes ont à nouveau exercé leur devoir civique. Le 21 octobre 1945 ont eu lieu les premières élections législatives de l'après-guerre.

"Trente-trois femmes ont été élues à l'Assemblée, soit un peu plus de 5%", indique l'historienne Anne-Sarah Bouglé-Moalic, dont Madeleine Braun, ancienne résistante, devenue en 1946 la première femme vice-présidente de l'Assemblée nationale.

Depuis ce premier vote, Jacqueline Didier et Marcelle Abadie n'ont jamais manqué une élection. Et Marcelle en est persuadée: "un jour, il y aura une femme présidente en France".