« L'Europe ou la mort »: des migrants d'Afrique de l'Ouest décidés à quitter la Tunisie

Aminata Traoure, une réfugiée de 28 ans de Côte d'Ivoire qui a survécu à un naufrage au début de mars en essayant d'atteindre l'Europe / AFP
Aminata Traoure, une réfugiée de 28 ans de Côte d'Ivoire qui a survécu à un naufrage au début de mars en essayant d'atteindre l'Europe / AFP
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Publié le Lundi 03 mai 2021

« L'Europe ou la mort »: des migrants d'Afrique de l'Ouest décidés à quitter la Tunisie

  • La hausse des départs de Tunisie a atteint en 2020 un pic inédit depuis 2011, et se poursuit. Et la majorité des candidats à l'exil ne sont plus des Tunisiens
  • Des passeurs font miroiter logement et travail facile en Europe, selon l'organisation Caritas, et les étrangers prennent plus souvent la mer quand c'est moins coûteux, en hiver

SFAX : Aminata Traouré a perdu son bébé, sa soeur et sa nièce dans un naufrage. Mais cette Ivoirienne qui travaillait en Tunisie veut malgré tout tenter à nouveau la traversée clandestine vers l'Europe, seule perspective d'avenir d'après elle.

La hausse des départs de Tunisie a atteint en 2020 un pic inédit depuis 2011, et se poursuit. Et la majorité des candidats à l'exil ne sont plus des Tunisiens.

Les étrangers, essentiellement des ressortissants d'Afrique subsaharienne, constituent 53% des migrants arrivés de Tunisie en Italie au premier trimestre 2021, selon l'ONG Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES).

En deux mois, une série de naufrages au large de Sfax (centre-est de la Tunisie), principal point de départ selon l'ONU, ont fait une centaine de morts, des Ivoiriens, des Guinéens ou des Burkinabés.

Lorsque l'embarcation d'Aminata Traouré et une autre ont chaviré le 9 mars, elle s'est retrouvée à l'eau avec environ 200 migrants: 39 morts y compris sa fille de 15 mois.

"Quitter la Tunisie pourrait atténuer ma douleur", confie cette femme âgée de 28 ans, le regard perdu.

Elle aimerait rentrer en Côte d'Ivoire mais le prix du billet et de la pénalité à payer pour être restée trois ans illégalement en Tunisie, est plus élevé qu'une traversée clandestine.

"Je serai obligée de retenter le coup."

« Kahlouch ! »

"Malgré les naufrages, nous restons prêts à risquer notre vie", abonde à ses côtés Prista Koné, une Ivoirienne de 28 ans dont l'embarcation a été interceptée en 2020.

Quand cette jeune diplômée en gestion commerciale et ressources humaines, est arrivée en Tunisie en 2014, elle comptait continuer ses études, objectif abandonné faute de moyens. 

Prista Koné y a alors travaillé comme femme de ménage et découvert "l'ampleur du racisme". "Ma patronne me demandait de ne pas toucher ses enfants parce que je suis noire! Dans la rue, des gens m'appelaient +Kahlouch+ ('noiraude', NDLR) ou singe, et me jetaient des pierres."

Son récit ravive la colère de ses compatriotes entassés dans une petite chambre de Chichma, quartier populaire à Sfax, où ils partagent une soupe à base de carcasse de dinde périmée et de riz.

"Si ces candidats survivaient à un naufrage à midi, ils seraient prêts à une autre traversée à 13H00. Pour eux c'est l'Europe ou la mort!", souligne Oumar Coulibaly, président de l'Association des Ivoiriens, basée à Sfax. Il évalue à 20.000 le nombre de ressortissants d'Afrique subsaharienne en Tunisie dont 60% d'Ivoiriens.

Pour beaucoup, ces migrants "représentent l'espoir de leur famille", explique-t-il. "Certains sont venus pour continuer leurs études, pour travailler", "on leur a promis des salaires énormes mais on leur a menti".

Il détaille la quasi impossibilité d'obtenir des cartes de séjour, l'obligation de travailler au noir avec des salaires très bas, les arrestations "arbitraires", abus et discriminations divers.

Selon Alaa Talbi, président du FTDES, les départs augmentent parmi les étrangers venus travailler en Tunisie car "ni le cadre légal ni le cadre culturel ne favorisent l'intégration", et tout espoir s'envole à la perte d'un emploi.

Or, aux difficultés chroniques se sont ajoutées depuis 2019 des crises politique et sociale puis les restrictions sanitaires qui ont frappé de plein fouet les emplois précaires du tourisme ou de la restauration. Des perspectives d'avenir obscurcies qui poussent aussi de plus en plus les Tunisiens à partir.

« Ca passe ou ça casse! »

Des passeurs font miroiter logement et travail facile en Europe, selon l'organisation Caritas, et les étrangers prennent plus souvent la mer quand c'est moins coûteux, en hiver.

Pour Alaa Talbi, le nombre d'étrangers émigrant depuis la Tunisie a également augmenté en raison "des conventions entre l'Italie et des milices libyennes, qui ont compliqué les départs depuis la Libye" voisine ces deux dernières années.

Certains se reportent ainsi vers la Tunisie où les migrants en transit, venus dans le but d'atteindre l'Europe, sont de plus en plus nombreux. 

Pour Sozo Ange, une Ivoirienne de 22 ans, rester en Tunisie signifie au mieux "travailler comme femme de ménage", partager un studio avec au moins cinq personnes et manger de maigres repas.

"Je partirai d'ici avec ma famille, ça passe ou ça casse!", dit-elle, en allaitant son fils.

Son mari, Inao Steave, 34 ans, est employé dans une boulangerie, où il doit travailler davantage que ses collègues tunisiens.

"Je ne peux pas laisser mon enfant grandir dans ces conditions. Nous sommes conscients des risques mais nous n'avons pas le choix, c'est mourir ou vivre en Europe!."


Israël intensifie ses opérations près de Gaza-ville, réunion à la Maison Blanche

L'ONU estime à près d'un million de personnes la population actuelle du gouvernorat de Gaza qui comprend Gaza-ville et ses environs. (AFP)
L'ONU estime à près d'un million de personnes la population actuelle du gouvernorat de Gaza qui comprend Gaza-ville et ses environs. (AFP)
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  • Mercredi, l'armée israélienne qui contrôle environ 75% du territoire, a affirmé que ses troupes "opéraient à la périphérie de Gaza-ville pour localiser et démanteler les sites d'infrastructures terroristes en surface et souterrains"
  • Des habitants du quartier de Zeitoun à Gaza-ville ont fait état de tirs de drones et d'intenses bombardements nocturnes, alors que la Défense civile et des sources hospitalières ont annoncé quatre morts par des tirs israéliens dans le sud

GAZA: L'armée israélienne a intensifié mercredi ses opérations autour de la ville de Gaza, quelques heures avant une réunion à la Maison Blanche sous la présidence de Donald Trump consacrée à des plans d'après-guerre pour le territoire palestinien dévasté.

Elle a jugé "inévitable" l'évacuation de la population de cette ville, qu'elle présente comme le dernier grand bastion du mouvement islamiste palestinien Hamas dans la bande de Gaza assiégée et d'où des milliers d'habitants ont déjà fui.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu est sous pression croissante, tant en Israël qu'à l'étranger, pour mettre fin à son offensive à Gaza, lancée en riposte à une attaque sans précédent du Hamas sur le sol israélien le 7 octobre 2023.

Son cabinet de sécurité a approuvé début août un plan pour s'emparer de Gaza-ville, située dans le nord du territoire palestinien où les quelque deux millions d'habitants ont été déplacés plusieurs fois par la guerre.

Mercredi, l'armée israélienne qui contrôle environ 75% du territoire, a affirmé que ses troupes "opéraient à la périphérie de Gaza-ville pour localiser et démanteler les sites d'infrastructures terroristes en surface et souterrains".

Des habitants du quartier de Zeitoun à Gaza-ville ont fait état de tirs de drones et d'intenses bombardements nocturnes, alors que la Défense civile et des sources hospitalières ont annoncé quatre morts par des tirs israéliens dans le sud du territoire palestinien frappé par la famine selon l'ONU.

"Les avions ont bombardé à plusieurs reprises et des drones ont tiré toute la nuit", a déclaré Tala al-Khatib, 29 ans, au téléphone à l'AFP. "Plusieurs maisons ont été détruites. Nous sommes toujours chez nous, certains voisins ont fui, d'autres sont restés. Mais où que vous fuyiez, la mort vous suit!"

"Ca suffit" 

Abdelhamid al-Sayfi, 62 ans, n'est pas sorti de chez lui à Zeitoun depuis mardi. "Nous n'avons ni nourriture ni eau. Quiconque sort est pris pour cible par les drones."

L'ONU estime à près d'un million de personnes la population actuelle du gouvernorat de Gaza qui comprend Gaza-ville et ses environs.

Le ministre de la Défense Israël Katz a menacé de détruire Gaza-ville si le Hamas n'acceptait pas d'être désarmé, de libérer tous les otages et de mettre fin à la guerre selon les conditions d'Israël.

Mardi, des dizaines de milliers d'Israéliens sont descendus dans la rue pour réclamer un accord pour libérer les otages et arrêter la guerre, au moment où était réuni le cabinet de sécurité.

"Ca suffit!", a hurlé Silvia Cunio dont les deux fils, Ariel et David, enlevés durant l'attaque du 7-Octobre, sont encore retenus à Gaza.

Après la réunion du cabinet, M. Netanyahu a affirmé: "(...) Nous ne laisserons pas ces monstres (le Hamas, ndlr) là-bas, nous libérerons tous nos otages et nous veillerons à ce que Gaza ne représente plus jamais une menace pour Israël".

Le 10 août, il a énuméré les objectifs d'Israël: "premièrement, désarmer le Hamas. Deuxièmement, tous les otages sont libérés. Troisièmement, Gaza est démilitarisée. Quatrièmement, Israël exerce un contrôle de sécurité prépondérant. Et cinquièmement, une administration civile pacifique non israélienne".

Alors qu'Israël poursuit son offensive à Gaza, Steve Witkoff, l'émissaire de Donald Trump, a annoncé "une grande réunion à la Maison Blanche" mercredi, sous la direction du président, sur l'après-guerre.

"Jour d'après" 

"Nous élaborons un plan très complet sur le jour d'après" dans le territoire palestinien, a dit M. Witkoff sans plus de détails.

Donald Trump avait créé la surprise en début d'année en suggérant que les Etats-Unis prennent le contrôle de la bande de Gaza, en évacuent ses habitants et y construisent des complexes immobiliers.

M. Netanyahu avait salué cette proposition, rejetée par plusieurs pays européens et arabes.

La semaine dernière, le Premier ministre israélien avait ordonné l'ouverture immédiate de pourparlers visant à obtenir la libération des otages, tout en persistant sur ses plans pour prendre Gaza-ville.

Il n'avait pas répondu explicitement à une nouvelle proposition de trêve des médiateurs, acceptée par le Hamas, qui prévoit la libération échelonnée des otages sur une période initiale de 60 jours en échange de prisonniers palestiniens.

L'attaque du Hamas du 7-Octobre a entraîné la mort de 1.219 personnes côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles. Sur les 251 personnes enlevées ce jour-là, 49 sont encore retenues dans Gaza dont au moins 27 sont décédées selon l'armée.

L'offensive de représailles israélienne a fait au moins 62.819 morts à Gaza, en majorité des civils, selon les chiffres du ministère de la Santé du gouvernement du gouvernement du Hamas à Gaza, jugés fiables par l'ONU.


Liban: polémique après les propos de Barrack en conférence de presse

"S'il vous plaît, calmez-vous un peu (...) Dès que la situation devient chaotique, presque animale, on quitte la salle", avait-t-il lancé avant d'aborder le plan de désarmement du Hezbollah, appelant les journalistes à se comporter de "manière civilisée". (AFP)
"S'il vous plaît, calmez-vous un peu (...) Dès que la situation devient chaotique, presque animale, on quitte la salle", avait-t-il lancé avant d'aborder le plan de désarmement du Hezbollah, appelant les journalistes à se comporter de "manière civilisée". (AFP)
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  • "S'il vous plaît, calmez-vous un peu (...) Dès que la situation devient chaotique, presque animale, on quitte la salle", avait-t-il lancé avant d'aborder le plan de désarmement du Hezbollah, appelant les journalistes à se comporter de "manière civilisée"
  • La présidence libanaise a exprimé sur X ses "regrets pour des propos tenus par inadvertance par l'un de ses invités", réaffirmant son "respect absolu de la dignité humaine" et sa "considération particulière pour les journalistes

BEYROUTH: Des déclarations de l'émissaire américain Tom Barrack adressées à des journalistes au palais présidentiel de Beyrouth ont suscité une vive polémique mardi au Liban, qualifiées d'"insulte" par les syndicats de la presse.

"S'il vous plaît, calmez-vous un peu (...) Dès que la situation devient chaotique, presque animale, on quitte la salle", avait-t-il lancé avant d'aborder le plan de désarmement du Hezbollah, appelant les journalistes à se comporter de "manière civilisée".

La présidence libanaise a exprimé sur X ses "regrets pour des propos tenus par inadvertance par l'un de ses invités", réaffirmant son "respect absolu de la dignité humaine" et sa "considération particulière pour les journalistes et correspondants accrédités".

Le ministre de l'Information, Paul Morcos, a également "regretté" ces propos et souligné son "attachement à la dignité" des journalistes.

Le syndicat des photographes de presse a dénoncé une "insulte directe" aux journalistes et photographes présents et un "précédent dangereux et totalement inacceptable", réclamant des "excuses immédiates et publiques".

Le syndicat des rédacteurs a lui aussi réclamé "des excuses publiques", agitant la menace d'un "boycott de ses visites et de ses rencontres".

L'Union des journalistes du Liban a jugé que ces déclarations "traduisent une arrogance inacceptable et un mépris implicite pour la mission journalistique".

Le président de la commission de l'Information au Parlement, député du Hezbollah, Ibrahim Moussaoui, a appelé les autorités à "convoquer immédiatement l'ambassadrice américaine, la réprimander et protester contre l'insulte caractérisée infligée au Liban et aux Libanais".


Cisjordanie: la police israélienne saisit près de 400.000 euros, accusés de financer le «terrorisme»

La police israélienne a annoncé mercredi avoir confisqué "environ 1,5 million de shekels", plus de 385.000 euros, une somme qu'elle estime liée au "terrorisme", au cours d'une opération en Cisjordanie occupée.  "Les forces de police des frontières en Cisjordanie (Magav) et l'armée israélienne ont confisqué environ 1,5 million de shekels provenant du financement du terrorisme", a déclaré la police dans un communiqué. (AFP)
La police israélienne a annoncé mercredi avoir confisqué "environ 1,5 million de shekels", plus de 385.000 euros, une somme qu'elle estime liée au "terrorisme", au cours d'une opération en Cisjordanie occupée. "Les forces de police des frontières en Cisjordanie (Magav) et l'armée israélienne ont confisqué environ 1,5 million de shekels provenant du financement du terrorisme", a déclaré la police dans un communiqué. (AFP)
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  • Si l'armée israélienne opère souvent en Cisjordanie, territoire occupé par Israël depuis 1967, il est relativement rare qu'elle intervienne au coeur des villes, à fortiori à Ramallah, où siège l'Autorité palestinienne
  • Mardi, l'armée israélienne avait mené une opération dans le centre-ville de Ramallah, en Cisjordanie occupée, ciblant notamment un bureau de change, au cours de laquelle des dizaines de Palestiniens ont été blessés selon le Croissant-Rouge

JERUSALEM: La police israélienne a annoncé mercredi avoir confisqué "environ 1,5 million de shekels", plus de 385.000 euros, une somme qu'elle estime liée au "terrorisme", au cours d'une opération en Cisjordanie occupée.

"Les forces de police des frontières en Cisjordanie (Magav) et l'armée israélienne ont confisqué environ 1,5 million de shekels provenant du financement du terrorisme", a déclaré la police dans un communiqué.

Elle a précisé qu'une partie de la somme avait été saisie en devises étrangères, notamment des dollars américains et des dinars jordaniens.

Mardi, l'armée israélienne avait mené une opération dans le centre-ville de Ramallah, en Cisjordanie occupée, ciblant notamment un bureau de change, au cours de laquelle des dizaines de Palestiniens ont été blessés selon le Croissant-Rouge.

L'armée avait alors expliqué viser "une entreprise de change qui transférait des fonds destinés aux terroristes du Hamas afin de financer des activités terroristes contre l'Etat d'Israël et ses civils".

Si l'armée israélienne opère souvent en Cisjordanie, territoire occupé par Israël depuis 1967, il est relativement rare qu'elle intervienne au coeur des villes, à fortiori à Ramallah, où siège l'Autorité palestinienne.

Elle était déjà intervenue dans des bureaux de change palestiniens ces dernières années, au printemps 2025 ou encore en décembre 2023.

Les violences en Cisjordanie se sont intensifiées depuis le début de la guerre à Gaza, déclenchée par une attaque sans précédent du mouvement islamiste palestinien Hamas en Israël le 7 octobre 2023.

Selon un décompte de l'AFP établi à partir de données de l'Autorité palestinienne, au moins 972 Palestiniens, dont de nombreux combattants mais aussi beaucoup de civils, ont été tués par des soldats ou des colons israéliens en Cisjordanie depuis cette date.

Au moins 36 Israéliens, parmi lesquels des civils et des soldats y ont été tués dans des attaques palestiniennes ou lors d'opérations militaires israéliennes, selon les données officielles israéliennes.