Au Maroc, le dur labeur des cueilleuses de roses

Une travailleuse répand des pétales de rose à l'extérieur d'une maison dans la ville de Kelaat Mgouna (ou Tighremt Nimgunen) dans la province centrale de Tinghir au Maroc dans les montagnes de l'Atlas / AFP
Une travailleuse répand des pétales de rose à l'extérieur d'une maison dans la ville de Kelaat Mgouna (ou Tighremt Nimgunen) dans la province centrale de Tinghir au Maroc dans les montagnes de l'Atlas / AFP
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Publié le Mercredi 05 mai 2021

Au Maroc, le dur labeur des cueilleuses de roses

  • La récolte commence à l'aube, il faut environ six heures pour remplir les gros sacs que les femmes transportent sur leur tête jusqu'à la pesée
  • Le gramme d'huile essentielle enchâssé dans une boîte minuscule coûte 170 dh, soit environ 15.000 euros pour un kilo, qui nécessite 4 à 5 tonnes de fleurs

KELAAT MGOUNA : Izza, comme les cueilleuses de son équipe, gagne 3 dirhams (30 centimes d'euro) pour chaque kilo de roses ramassées à la main, avant la distillation en eau florale ou en huile essentielle, précieux extrait vendu au Maroc jusqu'à 15.000 euros le kilo.

"On gagne juste de quoi vivre", souffle-t-elle, mains gantées contre les épines, tête couverte contre le chaud soleil printanier de la "Vallée des roses", dans le sud du royaume.

La récolte commence à l'aube, il faut environ six heures pour remplir les gros sacs que les femmes transportent sur leur tête jusqu'à la pesée.

Izza Ait Ammi Mouh, une Berbère âgée d'"environ 40 ans" --elle ignore son âge exact et ne sait pas épeler son nom-- ne se plaint pas. Ce travail saisonnier lui permet de "nourrir sa famille de cinq personnes", grâce aux vingt kilos récoltés par jour pendant la floraison d'environ un mois.

Au printemps, l'odeur entêtante de la Rosa Damascena --rose de Damas, variété apportée selon certains par des voyageurs au temps du commerce caravanier-- embaume la vallée, irriguée par deux oueds, entre les montagnes de l'Atlas et le désert du Sahara.

Tout tourne autour de cette fleur: le nom des hôtels, la couleur des taxis, les produits cosmétiques des innombrables boutiques, les colliers proposés par des enfants le long des routes, la sculpture monumentale ornant le rond-point de Kelaat Mgouna et son festival annuel qui attirait des milliers de visiteurs avant la pandémie de coronavirus.

 

rose
Une travailleuse récolte des roses dans un champ par la ville de Kelaat Mgouna (ou Tighremt NImgunen) dans la province centrale de Tinghir au Maroc dans l'Atlas / AFP

Label bio

"La rose, c'est le seul moyen de travailler dans la vallée", résume Najad Hassad, 35 ans. Elle se félicite d'avoir quitté son emploi dans une usine d'emballage pour devenir gérante de la coopérative Rosamgoun, distillerie créée par deux soeurs cultivatrices.

La paie est bien meilleure, 2.500 dh/mois --environ 230 euros, soit presque le salaire minimum au Maroc-- contre 400 dh/mois à l'usine. Et "elle se sent en famille" dans cette unité de cinq salariés.

La distillation permet de produire eau florale et huile essentielle, vendues dans la boutique avec leurs dérivés cosmétiques.

Le gramme d'huile essentielle enchâssé dans une boîte minuscule coûte 170 dh --soit environ 15.000 euros pour un kilo, qui nécessite 4 à 5 tonnes de fleurs.

Rochdi Bouker, président de la Fédération interprofessionnelle des cultivateurs et transformateurs marocains (Fimarose), voit la rose comme "un moteur du développement local", en misant sur la vogue mondiale pour des matières premières naturelles et le bio.

Son objectif: obtenir un label bio pour l'ensemble de la vallée, afin de valoriser ses roses sur un marché dominé par la Bulgarie et la Turquie, premiers producteurs de roses à parfum.

"On a de la chance d'être pauvres, on ne traite pas ou très peu, notre vallée n'est pas imprégnée de pesticides ou d'insecticides", affirme-t-il.

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Une travailleuse trie des roses dans une maison de la ville de Kelaat Mgouna (ou Tighremt NImgunen) dans la province centrale de Tinghir au Maroc dans les montagnes de l'Atlas / AFP

 

« Plus d'investisseurs »

Selon lui, il faut soutenir la distillation en coopérative "pour améliorer les conditions de vie et lutter contre l'exode rural".

Et pour augmenter les revenus, il faut "développer les dérivés qui rapportent le plus": l'huile essentielle et la concrète, un extrait obtenu par solvant qui, une fois filtré, donne "l'absolu" de rose, très prisé par la parfumerie de luxe.

Les exportations se résument pour l'essentiel à l'eau florale et aux fleurs séchées. Le reste est confidentiel: environ 50 kg par an pour l'huile essentielle, 500 kg pour la concrète, loin des volumes industriels bulgares et turcs, selon Fimarose.

"Les premiers acheteurs sont les touristes (...) Malheureusement, le Covid-19 bloque tout", explique Mohamed Kaci. Ce quadragénaire a débuté avec un alambic, il emploie aujourd'hui trente salariés dans son entreprise spécialisée dans les cosmétiques. 

 

Rose
Une travailleuse répand des pétales de rose à l'extérieur d'une maison dans la ville de Kelaat Mgouna (ou Tighremt NImgunen) dans la province centrale de Tinghir au Maroc dans les montagnes de l'Atlas / AFP

Avec la crise sanitaire, le prix des fleurs fraîches a baissé d'environ 30% depuis la dernière saison, après un épisode de hausse lié aux efforts du ministère marocain de l'Agriculture pour développer la filière, attirer les investisseurs et augmenter les rendements --3.600 tonnes de fleurs en 2020, sur environ 950 hectares, selon les chiffres de la fédération.

Mais Hafsa Chakibi reste optimiste. Cette Franco-Marocaine de 30 ans a créé sa société en 2016 après un diplôme universitaire en chimie, en tablant sur le bio, les petits volumes et la distillation "traditionnelle" en alambic de cuivre.

Son eau florale "pure et naturelle" a très vite trouvé des clients "qui cherchaient un plus" au Canada, en Chine, au Royaume-Uni, en France et aux Pays-Bas et elle espère se lancer "bientôt" dans la concrète bio, à plus forte valeur ajoutée.


Soudan: l'ONU alerte sur un «nouveau front» au Darfour

Une femme et son bébé dans le camp de déplacés de Zamzam, près d'El Fasher au Darfour du Nord, au Soudan. (Reuters)
Une femme et son bébé dans le camp de déplacés de Zamzam, près d'El Fasher au Darfour du Nord, au Soudan. (Reuters)
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  • Le pays vit «une crise gigantesque, entièrement créée par l'Homme», a dénoncé la sous-secrétaire générale de l'ONU pour les Affaires politiques Rosemary DiCarlo
  • «Des combats à el-Facher pourraient entraîner un conflit intercommunautaire sanglant à travers le Darfour» et freiner encore plus la distribution de l'aide humanitaire dans une région «déjà au bord de la famine», a-t-elle renchéri

NATIONS UNIES : De hauts responsables de l'ONU ont alerté vendredi devant le Conseil de sécurité sur les risques d'un nouveau front au Soudan, autour du contrôle de la ville d'el-Facher, au Darfour, où la population est déjà au bord de la famine.

Après un an de guerre entre les forces armées (FAS) du général Abdel Fattah al-Burhane et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), sous le commandement du général Mohamed Hamdane Daglo, le pays vit «une crise gigantesque, entièrement créée par l'Homme», a dénoncé la sous-secrétaire générale de l'ONU pour les Affaires politiques Rosemary DiCarlo.

«Les parties en conflit ont ignoré de façon répétée les appels à cesser les hostilités, y compris de ce Conseil. A la place, ils ont accéléré leurs préparatifs pour plus de combats, les FAS et les FSR continuant tous les deux leurs campagnes pour recruter des civils», a-t-elle déploré.

Elle s'est en particulier inquiétée des informations sur une possible attaque «imminente» des FSR contre el-Facher, seule capitale des cinq Etats du Darfour qu'elles ne contrôlent pas, «soulevant le spectre d'un nouveau front dans le conflit».

El-Facher fait office de hub humanitaire pour le Darfour, région où vivent environ un quart des 48 millions d'habitants du Soudan. La ville avait jusque là été relativement épargnée par les combats, accueillant de nombreux réfugiés.

Mais depuis mi-avril, des bombardements et des affrontements ont été rapportés dans les villages environnants.

«Depuis, il y a des informations continues sur des combats dans les parties Est et Nord de la ville, provoquant le déplacement de plus de 36.000 personnes», a indiqué Edem Wosornu, directrice des opérations pour le Bureau des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha), notant que Médecins sans frontières a traité plus de 100 victimes à el-Facher ces derniers jours.

«Le nombre total de victimes civiles est probablement beaucoup plus élevé».

«Ces violences posent un danger extrême et immédiat pour les 800.000 civils vivant à el-Facher. Cela risque de déclencher plus de violences dans d'autres parties du Darfour», a-t-elle mis en garde.

«Des combats à el-Facher pourraient entraîner un conflit intercommunautaire sanglant à travers le Darfour» et freiner encore plus la distribution de l'aide humanitaire dans une région «déjà au bord de la famine», a renchéri Rosemary DiCarlo.

La région a déjà été ravagée il y a plus de 20 ans par la politique de la terre brûlée menée par les Janjawids --les miliciens arabes depuis enrôlés dans les FSR- pour le président de l'époque Omar el-Béchir.

Le nouveau conflit au Soudan, qui a débuté le 15 avril 2023 a déjà fait des milliers morts et provoqué le déplacement de plus de 8,5 millions de personnes, selon l'ONU.


Des mercenaires d'Europe de l'Est soupçonnés d'avoir attaqué le journaliste iranien Pouria Zeraati

Le chargé d'affaires iranien, Seyed Mehdi Hosseini Matin, a nié toute implication du gouvernement dans l'attaque contre Zeraati. (X/File)
Le chargé d'affaires iranien, Seyed Mehdi Hosseini Matin, a nié toute implication du gouvernement dans l'attaque contre Zeraati. (X/File)
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  • Les services de sécurité britanniques pensent que des criminels liés à Téhéran ont perpétré l'attentat au couteau de Londres
  • La police suit des pistes en Albanie dans le cadre de son enquête.

LONDRES : La police a déclaré vendredi qu'un groupe de mercenaires d'Europe de l'Est est soupçonné d'avoir perpétré l'attaque au couteau contre le journaliste iranien Pouria Zeraati à la fin du mois de mars.

M. Zeraati a été poignardé à plusieurs reprises par trois hommes lors d'une attaque devant son domicile dans le sud de Londres.

Le présentateur d'Iran International a perdu beaucoup de sang et a été hospitalisé pendant plusieurs jours. Il a depuis repris le travail, mais vit désormais dans un lieu sécurisé.

Iran International et son personnel ont fait l'objet de menaces répétées, qui seraient liées au régime iranien, lequel a désigné la chaîne comme organisation terroriste pour sa couverture des manifestations de 2022.

Le chargé d'affaires iranien, Seyed Mehdi Hosseini Matin, a nié toute implication du gouvernement dans l'attaque contre Zeraati.

Les enquêteurs ont révélé que les suspects avaient fui le Royaume-Uni immédiatement après l'incident, les rapports suggérant qu'ils s'étaient rendus à l'aéroport d'Heathrow avant d'embarquer sur des vols commerciaux vers différentes destinations.

La police suit des pistes en Albanie dans le cadre de son enquête.

Les unités antiterroristes et les services de sécurité britanniques qui mènent l'enquête estiment que cet attentat est un nouvel exemple de l'utilisation par le régime iranien d'intermédiaires criminels pour cibler ses détracteurs sur le sol étranger.

Cette méthode permet à Téhéran de maintenir un déni plausible et d'éviter d'éveiller les soupçons lorsque les suspects entrent dans le pays.

M. Zeraati a été attaqué le 29 mars alors qu'il quittait son domicile pour se rendre à son travail. Son émission hebdomadaire est une source d'informations impartiales et non censurées pour de nombreux Iraniens, dans leur pays et à l'étranger.

Dans une interview accordée cette semaine à l'émission "Today" de la BBC Radio 4, M. Zeraati a déclaré qu'il allait physiquement "beaucoup mieux", mais que son rétablissement mental après l'agression "prendrait du temps".

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com

 


Le chef du Hamas Haniyeh à Istanbul pour rencontrer Erdogan

Ismail Haniyeh (à gauche), chef du bureau politique du mouvement islamiste palestinien Hamas basé à Doha, s'adresse à la presse après une réunion avec le ministre iranien des Affaires étrangères Hossein Amir-Abdollahian (à droite) à Téhéran le 26 mars 2024. (Photo par AFP)
Ismail Haniyeh (à gauche), chef du bureau politique du mouvement islamiste palestinien Hamas basé à Doha, s'adresse à la presse après une réunion avec le ministre iranien des Affaires étrangères Hossein Amir-Abdollahian (à droite) à Téhéran le 26 mars 2024. (Photo par AFP)
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  • M. Erdogan a confirmé vendredi ce premier tête-à-tête depuis juillet 2023, tout en restant extrêmement discret sur son objet: «Gardons l'ordre du jour pour nous et M. Haniyeh» a-t-il glissé aux journalistes
  • M. Haniyeh est arrivé en soirée à la tête d'une délégation de son mouvement dans la mégapole turque, l'un de ses lieux de résidence depuis 2011, mais où il ne s'est rendu officiellement qu'une seule fois, en janvier, depuis le début de la guerre à Gaza

ISTANBUL, Turquie : Le chef du Hamas Ismaïl Haniyeh est reçu samedi à Istanbul par l'un de ses plus fervents soutiens, le président turc Recep Tayyip Erdogan, qui tentera d'imposer sa médiation entre Israël et le mouvement palestinien.

Pour cette première rencontre officielle depuis le début de la guerre le 7 octobre, les deux hommes se retrouveront au palais de Dolmabahce sur le Bosphore à 14H00 (1100 GMT), a indiqué une source officielle à l'AFP.

M. Erdogan a confirmé vendredi ce premier tête-à-tête depuis juillet 2023, tout en restant extrêmement discret sur son objet: «Gardons l'ordre du jour pour nous et M. Haniyeh» a-t-il glissé aux journalistes.

Le Hamas a pour sa part simplement indiqué que la guerre dans la bande de Gaza serait au menu des entretiens, dans un communiqué diffusé vendredi soir à l'arrivée de son chef.

M. Haniyeh est arrivé en soirée à la tête d'une délégation de son mouvement dans la mégapole turque, l'un de ses lieux de résidence depuis 2011, mais où il ne s'est rendu officiellement qu'une seule fois, en janvier, depuis le début de la guerre à Gaza.

Il avait alors rencontré le ministre turc des Affaires étrangères Hakan Fidan, avec lequel il s'est longuement entretenu mercredi à Doha.

M. Fidan recevait pour sa part samedi matin le ministre égyptien des affaires étrangères, Sameh Choukri et les deux responsables devaient s'exprimer à la mi-journée devant la presse.

- Frontières de 67 -

Lors de sa visite à Doha, a spécifié M. Fidan mercredi, les représentants du Hamas lui «ont répété qu'ils acceptent la création d'un État palestinien dans les frontières de 1967» donc, implicitement l'existence de l'Etat d'Israël, «et de renoncer à la lutte armée après la création de l'État palestinien».

«Le Hamas n'aura alors plus besoin d'avoir une branche armée et continuera d'exister en tant que parti politique», avait détaillé M. Fidan qui s'était dit «heureux de recevoir un tel message».

Le ministre turc disait également s'être fait l'écho auprès de ses interlocuteurs des «inquiétudes des Occidentaux» pour qui le Hamas est un mouvement terroriste «qu'ils comparent à Daech», acronyme arabe désignant le groupe Etat islamique.

La Turquie, qui se veut le fer de lance du soutien à la cause palestinienne, apporte un appui solide et constant aux responsables du Hamas, mais elle s'est trouvée écartée de la médiation entre Israël et le mouvement palestinien.

Cette visite de M. Haniyeh intervient au moment où le Qatar, qui assume un rôle pivot dans les négociations entre Israël et le Hamas, a dit vouloir «réévaluer» son rôle et alors que les négociations pour arracher une trêve et la libération des otages israéliens piétine.

Les négociateurs qataris ont été particulièrement froissés par les critiques israéliennes et celles de certains démocrates américains.

La Turquie pourrait donc en profiter pour tenter de reprendre la médiation au nom de ses bonnes relations avec le Hamas.

Cependant, Sinan Ciddi, chercheur associé à la Fondation pour la défense des démocraties (FDD), basée à Washington, se montre circonspect et ne prédit à M. Erdogan qu'un rôle «très limité», au côté d'autres médiateurs, en raison du rejet qu'il suscite de la part d'Israël.

M. Erdogan a encore estimé cette semaine que les Israéliens «ont surpassé Hitler» dans la bande de Gaza.

«Erdogan ne sera pas le bienvenu» affirme Sinan Ciddi en rappelant que le président turc a comparé Benjamin Netanyahu à «un nazi» et qualifié Israël «d'Etat terroriste»: «Tout au plus pourrait-il être appelé à passer des messages entre les négociateurs palestiniens et Israël», estime-t-il.

L'attaque du 7 octobre a entraîné la mort de 1.170 personnes en Israël et plus de 250 personnes ont été enlevées dont 139 se trouvent toujours dans la bande de Gaza. Depuis, les représailles israéliennes ont tué près de 34.000 personnes à Gaza, selon le ministère de la Santé du Hamas.