Après la traversée du Rio Grande, les migrants face à la dure réalité des sans-papiers

Valeriano, 34 ans, un agriculteur guatémaltèque sans papiers qui est entré illégalement aux États-Unis fin mars 2021 après avoir été expulsé à la suite de sa première tentative, est assis avec son fils, Arnold, devant sa sœur (D), dans leur maison en sous-sol à Hartford, Connecticut, le 29 avril 2021. (Ed JONES / AFP)
Valeriano, 34 ans, un agriculteur guatémaltèque sans papiers qui est entré illégalement aux États-Unis fin mars 2021 après avoir été expulsé à la suite de sa première tentative, est assis avec son fils, Arnold, devant sa sœur (D), dans leur maison en sous-sol à Hartford, Connecticut, le 29 avril 2021. (Ed JONES / AFP)
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Publié le Dimanche 09 mai 2021

Après la traversée du Rio Grande, les migrants face à la dure réalité des sans-papiers

  • Valeriano, arrivé du Guatemala, a trouvé un emploi de débroussailleur pour 14,5 dollars de l'heure, à Hartford, dans le Connecticut, où il a retrouvé sa soeur
  • Valeriano et son fils avaient déjà été expulsés des Etats-Unis en février, en vertu d'un ordre d'expulsion immédiate appliqué alors à tous les migrants, demandeurs d'asile compris, datant du gouvernement Trump

HARTFORD : Des milliers de migrants sont arrivés ces dernières semaines aux Etats-Unis, après avoir traversé le Rio Grande sans papiers, souvent avec des enfants en bas âge.

Si certains ont, sans parler l'anglais, trouvé un travail précaire, tous sont désormais confrontés au risque d'une expulsion et à une montagne de difficultés, qu'ils n'imaginaient pas pour la plupart.

Valeriano, arrivé du Guatemala, a trouvé un emploi de débroussailleur pour 14,5 dollars de l'heure, à Hartford, dans le Connecticut, où il a retrouvé sa soeur. Mais il doit maintenant rembourser les 10.000 dollars empruntés pour payer les passeurs qui lui ont fait franchir la frontière, une fortune pour ce paysan de 34 ans.

Il avait d'abord émigré au Belize avec sa famille, pour échapper au cartel de drogue qui a assassiné son frère. Mais le cartel l'y avait suivi et le menaçait de mort. Il a donc rallié les Etats-Unis pour demander l'asile, emmenant avec lui un de ses quatre enfants, Arnold, 7 ans.

"Martyre"

Quand il évoque sa femme et ses enfants restés au Belize, les larmes coulent. Il est conscient qu'il ne les reverra peut-être jamais. 

"Je me demande pourquoi je suis venu mais, en même temps, ils auraient pu me tuer et ç'aurait été encore plus difficile pour eux." Quand il pense à sa famille, la nuit, il souffre le "martyre", dit-il. 

Il estime qu'il lui faudra un an pour régler ses dettes, tout en envoyant de l'argent à sa famille et en contribuant à payer le logement en sous-sol que son fils et lui partagent avec sa soeur, son beau-frère et leur fille, sans-papiers aux Etats-Unis depuis deux ans. Les cinq se partagent deux lits, séparés par un drap.

Valeriano et son fils avaient déjà été expulsés des Etats-Unis en février, en vertu d'un ordre d'expulsion immédiate appliqué alors à tous les migrants, demandeurs d'asile compris, datant du gouvernement Trump.

L'administration de Joe Biden, arrivé fin janvier à la Maison Blanche, a maintenu cette consigne contestée par les associations mais l'applique moins strictement: les parents accompagnés d'enfants de sept ans et moins, ou les mineurs arrivant seuls, ne sont plus systématiquement refoulés.

Séparation traumatisante

Jhowell, 11 ans, Hondurien, est l'un de ces enfants isolés.

En mars, il avait traversé la frontière mexico-américaine sans papiers avec ses parents et ses frères, âgés de 1 an et 4 ans. Il s'était fracturé le pied dans le désert du Nouveau-Mexique et après de longues heures de marche, toute la famille avait été arrêtée et expulsée, raconte sa mère Ivania, 29 ans.

Ils ont refait une tentative à la frontière avec le Texas, où ils avaient entendu que les familles avec enfants de moins de sept ans n'étaient pas refoulées.

Comme Jhowell avait 11 ans, sa mère a estimé que la seule solution était de lui faire traverser la frontière seul, sans le reste de la famille.

La séparation fut traumatisante. Jhowell, détenu plus d'un mois dans une installation fédérale après sa traversée, appelait en pleurs sa mère Ivania, qui s'était installée à Brooklyn avec sa soeur et sa famille. "Il était désespéré", raconte-t-elle à l'AFP.

Finalement, le ministère américain de la Santé, qui gère les centres d'accueil pour mineurs, a organisé et payé l'avion permettant à Jhowell de rejoindre sa famille à New York.

En voyant sa mère à l'aéroport LaGuardia, Jhowell s'est précipité pour l'embrasser. Tous deux étaient en pleurs. "Je voulais être avec elle", a expliqué l'enfant, très ému.

Ivania n'a pas encore trouvé de gagne-pain, mais son mari travaille occasionnellement, à décharger des caisses.

"Sans travail, tu n'as rien"

Fatima, mère célibataire de 29 ans qui avait perdu son emploi dans un magasin de tortillas au Honduras avec la pandémie, a traversé le fleuve Rio Grande fin mars avec son bébé de cinq mois, sans aucun bagage.

"Je suis venue pour travailler pour mes enfants," avait-elle indiqué à l'AFP en débarquant sur les rives américaines. "Je ne veux pas qu'ils vivent ce que j'ai vécu, je veux travailler pour qu'ils aient un avenir, qu'ils fassent des études."

Un mois plus tard, elle vit dans une chambre minuscule de Plainfield, dans le New Jersey, où elle dort par terre avec sa soeur et d'autres migrants. 

"Sans travail, tu n'as rien", dit-elle. "J'ai deux autres enfants au Honduras, je dois vite trouver un emploi car ils dépendent de moi".

Elle croyait pouvoir obtenir un permis de travail. Mais lors de son premier rendez-vous à la police migratoire ICE - rendez-vous obligatoire au risque d'être expulsable immédiatement - les agents lui ont confisqué sa carte d'identité hondurienne et lancé une procédure d'expulsion.

En sortant, elle confie sa tristesse: être clandestin, c'est être "angoissé tous les jours car on ne sait pas ce qui se passera le lendemain", dit-elle.

Elle doit y retourner fin août, en attendant de comparaître devant un juge migratoire. L'asile n'étant accordée qu'aux personnes pouvant attester de persécutions, elle risque d'être ensuite expulsable. Sauf à basculer dans la clandestinité complète, ce qui impliquerait de déménager et d'ignorer la convocation du juge.

"La faim et la pauvreté ne comptent pas, et l'extorsion quasiment pas" pour la loi américaine sur l'asile, très limitée, explique Anne Pilsbury, avocate pour l'association d'aide aux migrants Central American Legal Aid (CALA).

"Si vous êtes venus à cause de ça, et que vous vous retrouvez sous le coup d'une procédure d'expulsion, vous ne pouvez pas rester", dit-elle. "C'est dur à comprendre, mais c'est la dure réalité".


Naufrage au large de Djibouti: au moins 21 migrants morts et 23 disparus, selon l'ONU

Une embarcation de migrants qui a coulé au large de Djibouti. Photo d'archives. (AFP).
Une embarcation de migrants qui a coulé au large de Djibouti. Photo d'archives. (AFP).
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  • La bateau transportait des Ethiopiens venant du Yémen, a indiqué sur X l'ambassadeur éthiopien à Djibouti, Berhanu Tsegaye, en précisant que l'accident a eu lieu dans la nuit de lundi à mardi au large de Godoria (nord-est de Djibouti)
  • Sur les 77 migrants à bord de l'embarcation, 23 sont toujours portés disparus et 21 corps ont été retrouvés, dont ceux d'enfants

NAIROBI: Au moins 21 migrants, dont des enfants, ont été tués et 23 autres sont portés disparus dans le naufrage de leur embarcation au large de Djibouti, a annoncé mardi l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).

La bateau transportait des Ethiopiens venant du Yémen, a indiqué sur X l'ambassadeur éthiopien à Djibouti, Berhanu Tsegaye, en précisant que l'accident a eu lieu dans la nuit de lundi à mardi au large de Godoria (nord-est de Djibouti).

"Les opérations de recherche et sauvetage par les autorités locales et l'OIM sont en cours", a affirmé l'OIM sur X.

Sur les 77 migrants à bord de l'embarcation, 23 sont toujours portés disparus et 21 corps ont été retrouvés, dont ceux d'enfants, selon le chef de mission de l'OIM à Djibouti, Tanja Pacifico.

Le bateau était en route vers la côte djiboutienne après avoir quitté le Yémen lundi vers 19H30 (16H30 GMT), a-t-elle indiqué.

L'ambassadeur éthiopien à Djibouti a confirmé que 33 personnes, dont une femme, avaient survécu, exprimé sa "peine profonde (...) devant la succession d'horribles désastres", et réclamé l'adoption de "mesures légales" contre "les trafiquants d'êtres humains qui mettent les vies de nos citoyens en danger".

Il s'agit du deuxième naufrage rapporté par l'OIM au large de Djibouti en quelques semaines, après un autre le 8 avril dans lequel au moins 38 migrants, dont des enfants, ont péri.

« Route dangereuse »

La "route de l'Est", empruntée par les migrants venant de la Corne de l'Afrique pour rejoindre l'Arabie saoudite via le Yémen en guerre, est considérée par l'OIM comme "l'une des routes migratoires les plus dangereuses et les plus complexes d'Afrique et du monde".

Malgré les risques, "le nombre de personnes qui tentent de traverser est en constante augmentation", a affirmé Mme Ndege.

Le 8 avril, l'OIM estimait qu'au moins 698 personnes avaient péri le long de la "route de l'Est" en 2023. Mais "ce chiffre pourrait être plus élevé car certaines tragédies passent souvent inaperçues", ajoutait l'agence onusienne.

En novembre 2023, 64 migrants avaient disparu, présumés morts en mer, lors d'un naufrage au large des côtes du Yémen.

Outre les naufrages, les migrants sont confrontés le long du chemin à "la famine, aux risques sanitaires, aux trafiquants et autres criminels" et manquent "de soins médicaux, de nourriture, d'eaux, d'un abri", souligne l'organisation.

Selon l'OIM, les Éthiopiens représentent 79% des quelque 100.000 migrants arrivés au Yémen en 2023 depuis les côtes de Djibouti ou de Somalie, le reste étant des Somaliens.

La plupart d'entre eux évoquent des motifs économiques à leur départ, mais une partie met aussi en avant les violences ou les catastrophes climatiques dans leur pays.

Deuxième pays le plus peuplé d'Afrique, l'Ethiopie est déchirée par de nombreux conflits et plusieurs régions ont souffert ces dernières années d'une importante sécheresse. L'inflation est galopante et plus de 15% des 120 millions d'habitants dépendent de l'aide alimentaire.


L'Ukraine va annoncer des mesures pour faire rentrer ses hommes de l'étranger

Des habitants locaux se tiennent devant une affiche de recrutement de la troisième brigade d'assaut ukrainienne alors qu'ils se réfugient dans une station de métro souterraine lors d'une alerte de raid aérien à Kiev le 23 avril 2024 (Photo, AFP).
Des habitants locaux se tiennent devant une affiche de recrutement de la troisième brigade d'assaut ukrainienne alors qu'ils se réfugient dans une station de métro souterraine lors d'une alerte de raid aérien à Kiev le 23 avril 2024 (Photo, AFP).
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  • Selon des estimations de médias, des dizaines de milliers d'hommes ont fui le pays illégalement pour éviter d'aller au front
  • Des centaines de milliers d'Ukrainiens vivaient en outre à l'étranger avant l'invasion

KIEV: Le chef de la diplomatie ukrainienne a indiqué mardi des "mesures" imminentes visant à faire rentrer en Ukraine les hommes en l'âge de combattre se trouvant à l'étranger.

L'Ukraine, qui combat depuis deux ans l'invasion russe, a cruellement besoin de soldats, d'autant que Kiev s'attend à ce que la Russie lance une nouvelle offensive dans les semaines ou mois à venir.

"Le fait de séjourner à l'étranger ne dispense pas un citoyen de ses devoirs envers sa patrie", a déclaré Dmytro Kouleba sur X, annonçant avoir ordonné des "mesures pour rétablir l'équité entre les hommes en âge d'être mobilisés en Ukraine et ceux à l'étranger".

Il n'a pas précisé la nature de ces mesures se bornant à dire que le ministère allait "prochainement fournir des éclaircissements" sur de nouvelles procédures à suivre pour "accéder aux services consulaires".

L'Ukraine interdit aux hommes en âge de combattre de voyager à l'étranger à quelques exceptions près.

Déserteurs 

Mais, selon des estimations de médias, des dizaines de milliers d'hommes ont fui le pays illégalement pour éviter d'aller au front.

Des centaines de milliers d'Ukrainiens vivaient en outre à l'étranger avant l'invasion.

La déclaration du ministre intervient alors qu'un influent site d'information ukrainien ZN.UA a publié lundi soir ce qu'il affirme être une lettre officielle signée par un adjoint de M. Kouleba et préconisant aux consulats ukrainiens de suspendre à partir de mardi tout service consulaire pour les hommes âgés de 18 à 60 ans.

Selon des médias ukrainiens, plusieurs consulats ukrainiens ont cessé d'accepter ces dossiers.

La compagnie d'Etat Dokument qui facilite la délivrance de documents ukrainiens a annoncé mardi sur son site qu'elle "suspendait" les procédures à l'étranger pour des "raisons techniques".

L'Ukraine, dont l'armée est en difficulté face aux troupes russes, a adopté une loi sur la mobilisation visant à durcir les punitions pour les récalcitrants.

Elle a aussi baissé l'âge de mobilisation de 27 à 25 ans.


Début des discussions entre Washington et Niamey sur le retrait des troupes américaines du Niger

Les manifestants réagissent alors qu'un homme brandit une pancarte exigeant que les soldats de l'armée américaine quittent le Niger sans négociation lors d'une manifestation à Niamey, le 13 avril 2024. (AFP)
Les manifestants réagissent alors qu'un homme brandit une pancarte exigeant que les soldats de l'armée américaine quittent le Niger sans négociation lors d'une manifestation à Niamey, le 13 avril 2024. (AFP)
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  • Le gouvernement du Niger, issu d'un coup d'Etat en juillet dernier, avait dénoncé en mars l'accord de coopération militaire en vigueur avec les Etats-Unis
  • Washington a accepté de retirer du pays ses plus de 1 000 soldats et annoncé envoyer une délégation à Niamey pour s'accorder sur les détails de ce retrait

WASHINGTON: Washington a entamé les discussions avec Niamey sur le retrait du Niger des troupes américaines qui y étaient déployées dans le cadre de la lutte antidjihadiste au Sahel, a déclaré lundi le Pentagone.

Le gouvernement du Niger, issu d'un coup d'Etat en juillet dernier, avait dénoncé en mars l'accord de coopération militaire en vigueur avec les Etats-Unis, estimant que la présence américaine était désormais "illégale".

Washington a finalement accepté la semaine dernière de retirer du pays ses plus de 1 000 soldats et annoncé envoyer une délégation à Niamey pour s'accorder sur les détails de ce retrait.

"Nous pouvons confirmer le début des discussions entre les Etats-Unis et le Niger sur le retrait ordonné des forces américaines du pays", a déclaré le porte-parole du Pentagone Pat Ryder.

Une "petite délégation du Pentagone et du commandement militaire américain pour l'Afrique" participe aux discussions, a-t-il précisé.

Les Etats-Unis vont "continuer à explorer les options possibles afin d'assurer que nous soyons toujours en mesure de faire face aux potentielles menaces terroristes", a-t-il encore dit.

A Niamey, le ministre nigérien des Affaires étrangères, Bakari Yaou Sangaré, a indiqué dans un communiqué avoir eu lundi "des discussions" avec l’ambassadrice des États-Unis à Niamey, Kathleen Fitzgibbon, portant "sur la question du départ des troupes militaires américaines du Niger".

L’entretien s’est déroulé en présence de Maria Barron, directrice de l'Agence américaine pour le développement international (USAID) à Niamey, qui a assuré que l'agence allait "poursuivre sa coopération bilatérale" avec le Niger, annonçant "un nouvel accord devant remplacer celui en cours qui expire en septembre 2024", selon le communiqué.

Au Niger, les Etats-Unis disposent notamment d'une base de drone importante près d'Agadez, construite pour environ 100 millions de dollars.

Après le coup d'Etat qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum fin juillet, le nouveau régime militaire a rapidement exigé le départ des soldats de l'ancienne puissance coloniale française et s'est rapproché de la Russie, comme le Mali et le Burkina Faso voisins, également dirigés par des régimes militaires et confrontés à la violence de groupes jihadistes.