L’épouse d’un membre de la famille royale qatarie emprisonné s'exprime sur son combat pour la justice

Cheikh Talal Al-Thani est emprisonné en violation de ses droits fondamentaux par les autorités qataries depuis février 2013 et a rarement vu ses enfants depuis. (Photo Fournie)
Cheikh Talal Al-Thani est emprisonné en violation de ses droits fondamentaux par les autorités qataries depuis février 2013 et a rarement vu ses enfants depuis. (Photo Fournie)
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Publié le Lundi 24 août 2020

L’épouse d’un membre de la famille royale qatarie emprisonné s'exprime sur son combat pour la justice

  • Asma Arian raconte la terrible expérience de son mari emprisonné, le Cheikh Talal al-Thani
  • Le HCDH a interjeté appel au CDH en son nom dans le cadre de l’examen annuel des obligations et du rapport sur les droits du Qatar

RIYAD: Cheikh Talal al-Thani, membre éminent de la famille royale qatarie, est emprisonné en violation de ses droits fondamentaux par les autorités qataries depuis février 2013. Durant cette période, il n’a été autorisé à voir sa femme et ses quatre enfants — actuellement en exil en Allemagne — que deux fois.

Cheikh Talal est le petit-fils de l’émir qatari défunt, Cheikh Ahmad ben Ali al-Thani, dont le règne s’est étendu de 1960 à 1972. Le Cheikh Ahmad a été déposé par son cousin Cheikh Khalifa ben Hamad, grand-père de l’actuel émir du Qatar Tamim ben Hamad, et père de l’ancien émir Hamad ben Khalifa.

Les tensions entre les membres de la famille sont montées d’un cran à la suite du décès de l’un des fondateurs du Qatar, Cheikh Abdel Aziz ben Ahmed, après son exil en Arabie saoudite en 2008. Peu de temps après, les avoirs de Cheikh Talal ont été gelés et l’héritage qu’il devait recevoir après la mort de son père a été bloqué.

Depuis son arrestation, qui a eu lieu sans ordonnance du tribunal, Cheikh Talal s’est souvent vu refuser une représentation juridique, des visites familiales et des soins médicaux.

En mai 2018, Cheikh Talal a été condamné par un tribunal qatari à plus de vingt-deux ans de prison. Cette peine est en contradiction avec l’obligation fondamentale du Qatar envers le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. De plus, en violation des droits fondamentaux de Cheikh Talal, son dossier n’a pas été examiné par un tribunal indépendant.

À cause des mauvaises conditions dans lesquelles il est gardé, Cheikh Talal souffre aujourd’hui de diabète, de problèmes dentaires, d’hypertension, de maux de dos et d’articulations, et de mobilité réduite.

Il devrait être transféré à l'hôpital mais il se trouve dans une prison sans accès à des soins médicaux. La situation est aggravée par le refus du Qatar de tester les prisonniers pour la Covid-19, même si l’affirmation officielle dit que « les détenus bénéficient de soins de santé gratuits en prison ».

Asma Arian, qui a épousé Cheikh Talal en 2007, s’est entretenue depuis l’Allemagne avec Arab News, à propos de son rude combat pour que justice soit faite

Est-il vrai que votre appel au Conseil des droits de l'Homme de l’ONU a été accepté ?

Oui, c’est vrai. Nous avons jusqu’à présent interjeté appel quatre fois au CDH. Toutefois, en raison de la pandémie de coronavirus, nos demandes d’appel ont été bloquées pour un certain temps, alors le Bureau du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'Homme (HCDH) a interjeté appel en mon nom, dans le cadre de l’examen annuel des obligations et du rapport sur les droits du Qatar.

Le Qatar prétend souvent qu’il respecte ses engagements envers les droits de l’Homme. L’ONU a approuvé quatre appels de ma part. Le premier est en mon nom et au nom de mes enfants, au plus haut niveau possible. Les trois autres appels ont été présentés à des comités spéciaux, pour la torture, la détention arbitraire de mon mari, et la corruption du système judiciaire.

Les organes de l’ONU doivent prendre une décision et nous sommes en contact actif avec eux. Ils nous ont assuré qu’ils avaient accepté l’appel et que, d’ici le 21 septembre, les questions relatives à cette affaire seraient clarifiées.

Cheikh Talal souffre de problèmes de santé et de mobilité réduite à cause des mauvaises conditions dans lesquelles il est gardé.
Cheikh Talal souffre de problèmes de santé et de mobilité réduite à cause des mauvaises conditions dans lesquelles il est gardé. (Photo Fournie)

Quelles sont vos attentes concernant la prise en charge du procès par le CDH ?

Depuis le début de nos correspondances, le CDH est convaincu que le procès et les documents que j’ai fournis prouvent la violation des droits de l’Homme par le Qatar dans différents domaines. Ces derniers comprennent les violations de la charte des « Principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus »: la torture de Cheikh Talal Al-Thani, l’interdiction de contacter son avocat, sa détention sans raison valable, ainsi que la violation des droits de l’enfant (en empêchant les enfants de Cheikh Talal d’entrer en contact avec leur père) et la violation des droits de la femme en m’empêchant d’entrer en contact avec lui.

Au début, nous nous sommes adressés au gouvernement qatari de façon courtoise lorsque nous avons demandé que Cheikh Talal soit libéré, puisque les documents prouvent qu’il a été arrêté injustement. Nous avons communiqué avec les prisons qataries afin de découvrir les raisons de sa détention. Mais nous n’avons reçu aucune réponse de la part des autorités.

Après avoir intensifié la pression sur les autorités qataries, ces dernières ont relâché Cheikh Talal, avant de l’arrêter une semaine plus tard dans l'attente d'un gel ou d'une renonciation de ma part aux procès et appels. La brève libération était une sorte de « ruse » de la part des autorités qataries.

Quant à mes attentes concernant le CDH, je pense qu’ils ont certainement divers mécanismes adéquats, et à ce stade le procès a pris de l’importance au niveau de l’ONU. Il est possible de le gagner car c’est une question humanitaire, et non politique, ayant de multiples dimensions — droits des enfants, des femmes, droits des prisonniers et torture en prison — qui dénoncent la violation par le Qatar des traités relatifs aux droits de l’Homme en général.

Aujourd’hui, le Qatar viole ces traités. Nos enfants n’ont pas le droit de communiquer avec leur père, et il m’a été interdit de contacter l’avocat qui défend mon mari depuis que nous avons interjeté appel auprès de l’ONU. J’ai dit au CDH que le Qatar ne respectant même pas ses propres lois, nous ne pouvons pas nous attendre à ce qu’il respecte les lois internationales.

 

Lettre du Département des réformes et des institutions pénales du ministère de l’Intérieur du Qatar indiquant que « le Qatari Talal ben Abdelaziz Ahmed al-Thani » a été condamné à plus de vingt-deux ans de prison. (Fournie)
Lettre du Département des réformes et des institutions pénales du ministère de l’Intérieur du Qatar indiquant que « le Qatari Talal ben Abdelaziz Ahmed al-Thani » a été condamné à plus de vingt-deux ans de prison. (Photo Fournie)

Pourquoi Cheikh Talal a-t-il été libéré durant une courte période puis de nouveau emprisonné ?

C’est ainsi que le Qatar se comporte: on ne peut pas lui faire confiance. Nous ne savons ni pourquoi il est retourné en prison après avoir été relâché, ni où ils l’ont emmené après avoir assiégé la maison où il était détenu. On ne peut jamais être à l'abri de ce genre de comportement officiel de la part du Qatar.

Il a été libéré et assigné à résidence, et quand ils ont décidé qu’il retournerait en prison, ils ont assiégé la maison durant huit heures. Ils surveillaient déjà la maison, alors à quoi bon l’assiéger aussi longtemps ? La maltraitance psychologique et l'intimidation que subit Cheikh Talal depuis son arrestation ne sont-ils pas suffisants ? Attendent-ils que je renonce à mon mari et aux droits de mes enfants ? Je n’abandonnerai pas, car ils n’ont pas respecté le droit le plus fondamental du détenu: lui permettre de communiquer avec son avocat. Comment puis-je même accepter de leur adresser la parole ?

Les autorités qataries vous ont-elles demandé d’abandonner votre campagne et vos appels aux organisations internationales ?

Cela se fait par le biais de messages envoyés aux membres de la famille de Cheikh Talal ou à moi directement afin que nous cessions nos revendications. Mais à quoi sert le silence ? D’autant que la question ne se limite pas à sa condition. Quatre enfants sont affectés par cette affaire et ne connaissent leur père qu'à travers des photos.

Combien Cheikh Talal a-t-il d’enfants ?

Quatre enfants: Alanoud, Aljawharah, Abdallah et Ahmed. Ils souffrent du fait de leur déplacement hors de leur pays et du fait d’être loin de leur père. Ahmed est né alors que Cheikh Talal était en prison. De plus, ses enfants souffrent aussi d’être privés de leurs droits et de voir leur père privé des siens.

Toute cette souffrance a été causée par Cheikh Hamad ben Khalifa al-Thani, l’ancien émir du Qatar. Tant que cette personne est à Doha, Cheikh Talal est en danger, c’est ce que j’ai précisé au CDH. Il est possible que je gagne le procès à l’ONU et que le Qatar soit inculpé. Cependant, tant que Cheikh Hamad est au Qatar, je ne m’attends pas à ce que Cheikh Talal soit libéré.

Combien de fois les enfants de Cheikh Talal ont-ils pu lui rendre visite ?

Sa fille Alanoud est la seule qui ait vu son père deux fois en sept ans. Ses autres enfants ne connaissent leur père qu’à travers les photos.

 

Ahmed, fils de Cheikh Talal, a développé une allergie en raison du manque de climatisation dans son logement. (Fournie)
Ahmed, fils de Cheikh Talal, a développé une allergie en raison du manque de climatisation dans son logement. (Photo Fournie)

Le procès contre Cheikh Talal est de nature financière… Cette allégation est-elle vraie ? Quelle est la véritable raison de sa détention ?

Le Qatar a intenté une action en justice contre Cheikh Talal à cause de dettes résultant de chèques de sécurité liés à ses propres sociétés. Le procès comprenait 1 600 documents uniquement en rapport à l’affaire financière.

L’ONU se demandait pourquoi Cheikh Talal serait emprisonné pour un problème financier. Je leur ai répondu qu’il n’était ni un tueur, ni un violeur, qu’il n’avait commis aucun crime méritant une peine de vingt-deux ans. Il mourra sans avoir eu la chance de revoir ses enfants.

Par conséquent, le procès n’est pas de nature financière. Peut-être y a-t-il une rancune contre Cheikh Talal, car, avant son emprisonnement, il avait revendiqué ses droits et son héritage. Le droit qatari et le droit international ne disent pas qu'une personne endettée doit être mise en prison pendant vingt-deux ans. Pire encore, il a été incarcéré sans avoir le droit de contacter un avocat.

Le juge m’a même demandé si j’avais assez d’argent pour rembourser la dette. Je lui ai alors présenté un titre de propriété foncière appartenant à Cheikh Talal et je lui ai expliqué que la valeur de ce terrain pouvait rembourser la dette, et même plus… Le juge a alors levé son doigt et a dit : « Ce sont les personnes les plus haut placées qui décideront s’il sera libéré ou non. »

Nous savons que ce n’est pas un procès financier que nous pouvons rembourser. Cependant, nous répondons à leurs allégations. L’État a maintenant confisqué les propriétés de Cheikh Talal, et les entreprises de l’État les utilisent sans son autorisation.

J’ai appelé la police à intervenir contre ces dernières, car elles détiennent ses propriétés et privent ses enfants de gains financiers et d’allocations, et s’introduisent dans ses propriétés sans permission et sans paiement  en échange de leur utilisation.

Ont-ils essayé de régler le procès financier avec vous ?

Oui. J’ai intenté quatre procès liés à l’héritage de Cheikh Aziz al-Thani, le père de Cheikh Talal, qui est décédé loin du Qatar. Ces procès prouvent que Cheikh Abdel Aziz laissait un héritage important et de nombreuses propriétés, et que la part de Cheikh Talal était substantielle.

J’ai demandé au juge de prendre toutes les fermes et de relâcher Cheikh Talal. J’ai même déclaré durant notre dernière conversation: « Prenez tout, et si Cheikh Hamad veut les fermes, qu’il les prenne, s’il veut tout prendre, qu’il le fasse. Mais vous n’avez pas le droit de priver mon époux d’une vie normale, d’empêcher ses enfants de le voir, de les torturer et de les déplacer. »

Depuis quand Cheikh Talal est-il en prison ?

Depuis 2013, à la fin du règne de Cheikh Hamad, avant qu’il n’abdique en faveur de son fils, Cheikh Tamim. De plus, le verdict contre Cheikh Talal et son emprisonnement ont également eu lieu durant le règne de Cheikh Hamad. Il a été emprisonné à cause d’un chèque qui n’était pas valide. Un juge égyptien, Mohammed El-Minshawi, avait ordonné que Cheikh Talal soit libéré, mais sa décision n’a pas été appliquée. Je ne sais pas si ce juge est toujours au Qatar.

 

La demande faite par Cheikh Hassan ben Khalid Al-Thani pour fournir de l’eau et de l’électricité à l’une des propriétés enregistrées pour abriter les enfants de Cheikh Talal Al-Thani et leur mère à Al-Wakrah. (Fournie)
La demande faite par Cheikh Hassan ben Khalid Al-Thani pour fournir de l’eau et de l’électricité à l’une des propriétés enregistrées pour abriter les enfants de Cheikh Talal Al-Thani et leur mère à Al-Wakrah. (Photo Fournie)

Comment se porte Cheikh Talal ?

Son état est mauvais, psychologiquement et physiquement. J’ai pu le prendre en photo avant qu’il ne retourne en prison. Il semblait avoir perdu beaucoup de poids. Je n’aurais pas voulu que cette photo soit publiée si ce n’était pour prouver son mauvais état de santé.

Il souffre de diabète à un moment où le Qatar connaît un nombre élevé de cas de coronavirus, en particulier dans les prisons. J'ai peur pour sa vie [larmes dans les yeux]. Je lui ai demandé : « T’affament-ils ? » « Oui, ils m’affament », m’a-t-il répondu.

Je n’aurais jamais imaginé que cela puisse se produire au Qatar, mais après avoir vu la photo, je l’ai cru. Je me demande comment les prisonniers sont nourris, surtout un homme qui souffre de diabète et qui a déjà été opéré deux fois en prison, la première fois pour un problème à l’œil et la seconde à la jambe.

Vous attendez-vous à ce que Cheikh Talal soit libéré si le Qatar est accusé de violation des droits de l’Homme dans les procès liés à lui et ses enfants ?

Je m’attends à ce que le Qatar soit inculpé, mais pas à ce que Cheikh Talal sorte de prison. Cependant, je suis convaincue que je peux prouver au monde les violations des droits de l’Homme commises par les autorités qataries. La pression internationale qu’elles ressentent est le résultat de ces violations de droits. Cheikh Talal a été lésé de manière inimaginable.

Avez-vous l’intention de prendre de nouvelles à l’ONU et au CDH ?

Je poursuivrai toute procédure légale qui servira à protéger Cheikh Talal et ses enfants de cette injustice. J'ai l'intention de déposer plainte contre le Qatar devant la justice allemande. C'est très important pour moi, et j'ai commencé à prendre des mesures à cet égard. Cependant, en raison de la pandémie de Covid-19, j'ai dû arrêter. Maintenant que nous sommes de retour à la normale, je vais continuer le procès, d’autant plus que j'ai subi des dommages après qu'ils m'ont poursuivie à Genève. Ils ont même percuté ma voiture ! Je suis actuellement sous la protection de la police allemande car j'ai accusé le Qatar et ses médias de nombreuses violations.

Avez-vous reçu des menaces explicites de la part du Qatar ?

J’ai reçu des menaces lorsque j’étais au Club suisse de la Presse à Genève. Ils m’attendaient à l’extérieur et ont envoyé des gens pour me menacer et m’accuser d’espionnage. La dernière menace que j’ai reçue date de la semaine dernière, quand ils ont sorti Cheikh Talal de prison.

Ils m’ont prévenue que si je ne restais pas silencieuse, ils le remettraient en prison, et c’est ce qui s’est passé. J’ai vraiment peur de ces menaces. Vous ne pouvez pas imaginer mon état psychologique lorsque j’ai décidé de continuer à défendre les droits de mon mari et de mes enfants. Je craignais que mon mari ne soit éliminé. J’en aurais été la cause…

Quel message voulez-vous faire passer aux organisations internationales des droits de l’Homme via Arab News ?

Je voudrais leur demander de prendre le procès au sérieux et de se souvenir que le Qatar n’est pas au-dessus des lois. Si le Qatar respectait les droits internationaux de l’Homme, il aurait respecté la charte des droits des détenus. Si le Qatar prétend qu’il respecte les droits de l’Homme, alors il doit respecter les droits des enfants et permettre à ceux de Cheikh Talal d’être en contact avec lui, au moins par téléphone, deux ou trois fois par semaine. Je demande de même aux organisations internationales d’intervenir et de mobiliser leurs mécanismes.

Le Qatar n’est pas au-dessus des lois, et c’est le bon moment pour se mobiliser afin de restaurer les droits du prisonnier, de l'enfant et de la femme. J'espère que des pressions seront exercées sur le Qatar afin que Cheikh Talal soit libéré.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com 


Syrie: neuf morts dans des affrontements entre forces de sécurité et combattants druzes près de Damas

Mardi matin, quelques commerces ont ouvert leurs portes mais les rues de Jaramana, au sud-est de Damas, à majorité druze mais compte également des familles chrétiennes, étaient quasiment désertes, ont rapporté des habitants. (AFP)
Mardi matin, quelques commerces ont ouvert leurs portes mais les rues de Jaramana, au sud-est de Damas, à majorité druze mais compte également des familles chrétiennes, étaient quasiment désertes, ont rapporté des habitants. (AFP)
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  • Dans un communiqué, les autorités religieuses druzes locales ont "vivement dénoncé l'attaque armée injustifiée contre Jaramana (...) qui a visé les civils innocents", faisant assumer aux autorités syriennes "l'entière responsabilité "
  • "La protection de la vie, de la dignité et des biens des citoyens est l'une des responsabilités les plus fondamentales de l'Etat et des organismes de sécurité", a ajouté le communiqué

DAMAS: Neuf personnes ont été tuées dans des affrontements entre les forces de sécurité syriennes et des combattants de la minorité druze à Jaramana, dans la banlieue de Damas, sur fond de tension confessionnelle, selon un nouveau bilan mardi d'une ONG.

Ces violences interviennent un mois après des massacres qui ont visé la minorité alaouite, faisant des centaines de morts, dans le pays où la coalition islamiste qui a pris le pouvoir en décembre est scrutée par la communauté internationale.

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), "les forces de sécurité ont lancé un assaut" contre la banlieue à majorité druze de Jaramana, après la publication sur les réseaux sociaux d'un message vocal attribué à un druze et jugé blasphématoire envers l'islam.

L'OSDH, basée au Royaume-Uni mais qui dispose d'un solide réseau de sources en Syrie, a précisé que six combattants locaux de Jaramana et trois "assaillants" avaient été tués.

Plusieurs habitants de Jaramana joints au téléphone par l'AFP ont indiqué avoir entendu des échanges de tirs dans la nuit.

"Nous ne savons pas ce qui se passe, nous avons peur que Jaramana devienne un théâtre de guerre", a affirmé Riham Waqaf, une employée d'une ONG terrée à la maison avec son mari et ses enfants.

"On devait emmener ma mère à l'hôpital pour un traitement, mais nous n'avons pas pu" sortir, a ajouté cette femme de 33 ans.

Des combattants locaux se sont déployés dans les rues et aux entrées de la localité, demandant aux habitants de rester chez eux, a dit à l'AFP l'un de ces hommes armés, Jamal, qui n'a pas donné son nom de famille.

"Jaramana n'a rien connu de tel depuis des années". La ville est d'habitude bondée, mais elle est morte aujourd'hui, tout le monde est à la maison", a-t-il ajouté.

Mardi matin, quelques commerces ont ouvert leurs portes mais les rues de Jaramana, au sud-est de Damas, à majorité druze mais compte également des familles chrétiennes, étaient quasiment désertes, ont rapporté des habitants.

 "Respecter l'ordre public" 

Dans un communiqué, les autorités religieuses druzes locales ont "vivement dénoncé l'attaque armée injustifiée contre Jaramana (...) qui a visé les civils innocents", faisant assumer aux autorités syriennes "l'entière responsabilité de ce qui s'est produit et de toute aggravation de la situation".

"La protection de la vie, de la dignité et des biens des citoyens est l'une des responsabilités les plus fondamentales de l'Etat et des organismes de sécurité", a ajouté le communiqué.

Il a dénoncé dans le même temps "toute atteinte au prophète Mahomet" et assuré que le message vocal était fabriqué "pour provoquer la sédition".

Le ministère de l'Intérieur a souligné mardi "l'importance de respecter l'ordre public et de ne pas se laisser entraîner dans des actions qui perturberaient l'ordre public".

Il a ajouté qu'il enquêtait sur le message "blasphématoire à l'égard du prophète" Mahomet pour identifier l'auteur et le traduire en justice.

Les druzes, une minorité ésotérique issue de l'islam, sont répartis notamment entre le Liban, la Syrie et Israël.

Dès la chute du pouvoir de Bachar al-Assad le 8 décembre en Syrie, après plus de 13 ans de guerre civile, Israël multiplié les gestes d'ouverture envers cette communauté.

Début mars, à la suite d'escarmouches à Jaramana, Israël avait menacé d'une intervention militaire si les nouvelles autorités syriennes s'en prenaient aux druzes.

Ces propos ont été immédiatement rejetés par les dignitaires druzes, qui ont réaffirmé leur attachement à l'unité de la Syrie. Leurs représentants sont en négociation avec le pouvoir central à Damas pour parvenir à un accord qui permettrait l'intégration de leurs groupes armés dans la future armée nationale.

Depuis que la coalition islamiste dirigée par Ahmad al-Chareh, qui a été proclamé président intérimaire, a pris le pouvoir, la communauté internationale multiplie les appels à protéger les minorités.

Début mars, les régions du littoral dans l'ouest de la Syrie ont été le théâtre de massacres qui ont fait plus de 1.700 tués civils, en grande majorité des alaouites, selon l'OSDH.


Gaza 2025: 15 journalistes tués, selon le Syndicat des journalistes palestiniens

 Les violences contre les journalistes interviennent dans le cadre d'une nouvelle campagne militaire israélienne à Gaza, à la suite de l'échec d'un accord de cessez-le-feu avec le Hamas. (AFP)
Les violences contre les journalistes interviennent dans le cadre d'une nouvelle campagne militaire israélienne à Gaza, à la suite de l'échec d'un accord de cessez-le-feu avec le Hamas. (AFP)
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  • Le dernier rapport du syndicat fait état d'une augmentation des arrestations, des menaces et du harcèlement des journalistes par les Israéliens
  • Le syndicat a également enregistré 49 menaces de mort proférées à l'encontre de journalistes

LONDRES: Au moins 15 professionnels des médias ont été tués à Gaza depuis le début de l'année 2025, selon un nouveau rapport publié par le Syndicat des journalistes palestiniens.

Le rapport, publié ce week-end par le comité des libertés du syndicat chargé de surveiller les violations commises par Israël à l’encontre des journalistes, souligne la persistance du ciblage direct des professionnels des médias.

Sept journalistes ont été tués en janvier et huit en mars, selon le rapport.

Par ailleurs, les familles de 17 journalistes ont été endeuillées, tandis que les habitations de 12 autres ont été détruites par des tirs de roquettes et d’obus. De plus, 11 personnes ont été blessées au cours de ces attaques.

Le rapport note que la violence à l'encontre des équipes de journalistes ne se limite pas aux attaques mortelles. Il fait état de l'arrestation de 15 journalistes, à leur domicile ou alors qu'ils étaient en mission. Certains ont été libérés quelques heures ou quelques jours plus tard, tandis que d'autres sont toujours en détention.

Le syndicat a également enregistré 49 menaces de mort proférées à l'encontre de journalistes, dont beaucoup ont été avertis d'évacuer les zones qu'ils couvraient.

Le rapport relève également une intensification du harcèlement judiciaire, avec plus d’une dizaine de cas où des journalistes – en majorité issus du quotidien Al-Quds, basé en Cisjordanie – ont été convoqués pour interrogatoire et se sont vu interdire de couvrir des événements aux abords de la mosquée Al-Aqsa et dans la vieille ville de Jérusalem.

En Cisjordanie occupée, environ 117 journalistes ont été victimes d'agressions physiques, de répression ou d'interdictions de reportage, en particulier à Jénine et à Jérusalem. La commission a également recensé 16 cas de confiscation ou de destruction de matériel de travail.

Les violences à l'encontre des journalistes surviennent dans le cadre d'une nouvelle campagne militaire israélienne à Gaza, à la suite de l'échec d'un accord de cessez-le-feu avec le Hamas. Les forces israéliennes ont intensifié leur offensive, coupant les approvisionnements vitaux des 2,3 millions d'habitants de Gaza, laissant l'enclave au bord de la famine.

Les actions d'Israël font désormais l'objet d'audiences à la Cour internationale de justice de La Haye, où Tel-Aviv est accusé de violer le droit international en restreignant l'aide humanitaire à Gaza.

Le bilan humanitaire est catastrophique.

Selon le ministère de la santé de Gaza, plus de 61 700 personnes ont été tuées à Gaza depuis qu'Israël a lancé son offensive le 7 octobre 2023. Plus de 14 000 autres sont portées disparues et présumées mortes, les civils constituant la grande majorité des victimes.

Le Comité pour la protection des journalistes, organisme de surveillance de la liberté de la presse basé à Washington, a également lancé un signal d’alarme face au nombre élevé de journalistes tués, indiquant qu’au moins 176 d’entre eux – en grande majorité des Palestiniens – ont perdu la vie depuis le début de l’offensive israélienne sur les territoires occupés.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


L'armée israélienne a frappé plus de 50 «cibles terroristes» au Liban au cours du dernier mois

Un homme prend des photos après des frappes israéliennes suite aux ordres d'évacuation, dans la banlieue sud de Beyrouth, le 27 avril 2025. (AFP)
Un homme prend des photos après des frappes israéliennes suite aux ordres d'évacuation, dans la banlieue sud de Beyrouth, le 27 avril 2025. (AFP)
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  • Dimanche, Israël a frappé le sud de Beyrouth pour la troisième fois depuis l'entrée en vigueur du fragile cessez-le-feu du 27 novembre
  • Le Premier ministre israélien Netanyahu a promis d'empêcher le Hezbollah d'utiliser la banlieue sud de Beyrouth comme "refuge"

JERUSALEM : L'armée israélienne a déclaré lundi qu'elle avait frappé plus de 50 "cibles terroristes" au Liban au cours du mois dernier, malgré le cessez-le-feu de novembre qui a mis fin à la guerre entre Israël et les militants du Hezbollah.
Dimanche, Israël a frappé le sud de Beyrouth pour la troisième fois depuis l'entrée en vigueur du fragile cessez-le-feu du 27 novembre, ce qui a incité le président libanais Joseph Aoun à demander à la France et aux États-Unis, qui en sont les garants, d'y mettre fin.
"Au cours du mois dernier, les forces de défense israéliennes ont frappé plus de 50 cibles terroristes au Liban. Ces frappes ont été menées à la suite de violations du cessez-le-feu et des accords entre Israël et le Liban, qui constituaient une menace pour l'État d'Israël et ses citoyens", a déclaré l'armée dans un communiqué.
Le bureau du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a déclaré que la frappe de dimanche visait un bâtiment utilisé par le Hezbollah pour stocker des "missiles guidés avec précision" et a promis d'empêcher le groupe militant soutenu par l'Iran d'utiliser la banlieue sud de Beyrouth comme "refuge".
Le chef du Hezbollah, Naim Qassem, a déclaré dans un discours lundi que l'attaque "n'a aucune justification" et l'a qualifiée d'"attaque politique visant à changer les règles par la force".
Israël a continué à mener des frappes régulières au Liban malgré la trêve, qui visait à mettre fin à plus d'un an d'hostilités avec le Hezbollah, lesquelles ont culminé avec une campagne de bombardements israéliens intensifs et une incursion terrestre.
En vertu de cet accord, le Hezbollah devait retirer ses combattants au nord du fleuve Litani, à une trentaine de kilomètres de la frontière israélienne, et démanteler toute infrastructure militaire restante au sud.
Israël devait retirer toutes ses forces du Sud-Liban, mais des troupes restent sur cinq positions jugées "stratégiques".