Le «dos d’âne» de l’inflation effraye les marchés boursiers

Un négociant en devises regarde les écrans dans la salle des marchés des changes du siège de la KEB Hana Bank à Séoul, en Corée du Sud, le jeudi 13 mai 2021. (AP)
Un négociant en devises regarde les écrans dans la salle des marchés des changes du siège de la KEB Hana Bank à Séoul, en Corée du Sud, le jeudi 13 mai 2021. (AP)
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Publié le Vendredi 14 mai 2021

Le «dos d’âne» de l’inflation effraye les marchés boursiers

Le «dos d’âne» de l’inflation effraye les marchés boursiers
  • Tous les produits de base se sont envolés depuis que les premiers signes d'une reprise économique imminente sont apparus, augmentant directement les coûts de fabrication et de consommation
  • L'Arabie saoudite et d'autres économies du Golfe sont, dans une certaine mesure, des spectateurs en marge du grand débat sur l'inflation

Les marchés boursiers mondiaux  – y compris le Tadawul saoudien – ont subi une vague de panique la semaine dernière en raison de la crainte d'une inflation plus élevée.

Les principaux indices américains, le S&P 500 et le Nasdaq, ont perdu quelques points de pourcentage, le premier enregistrant sa pire performance en une journée depuis février. L'indice de Riyad a continué d'afficher la même faiblesse depuis le milieu du mois dernier, en dépit d’une une année précédente très forte.

Je me suis exprimé ici il y a quelques semaines sur le fait que l'inflation est une menace tronquée, certainement pas un spectre affolant tel qu'il a été perçu dans le passé.

Malgré les récentes fluctuations du marché, je suis enclin à m'en tenir à ce point de vue. Un peu d'inflation est une bonne chose à la suite de l'effondrement économique que nous avons vu l'année dernière, et à prévoir seulement à mesure que la reprise s'accélère.

Néanmoins, le chiffre annoncé pour l'inflation des prix à la consommation aux États-Unis en avril – un bond de 4,2% par rapport au même mois de l'année dernière – est suffisant pour aggraver la tension du marché.

Mais il faut mettre cela en perspective. En avril 2020, les prix ont chuté partout dans le monde avec l'impact de la pandémie. Tous les prix des matières premières étaient en chute libre, notamment les prix mondiaux du pétrole, qui sont devenus remarquablement négatifs au cours du mois.

Un an plus tard, le paysage est, heureusement, très différent, et pas seulement dans le secteur du pétrole, où le Brent a doublé depuis les niveaux d'avril – une contribution directe aux statistiques d'inflation.

Tous les produits de base se sont envolés depuis que les premiers signes d'une reprise économique imminente sont apparus, augmentant directement les coûts de fabrication et de consommation.

Par exemple, le prix du bois – le bois à l’ancienne – a augmenté de plus de 400% depuis les pics de la crise de l’année dernière, alors que l’industrie de la construction se prépare à la croissance.

 

L'Arabie saoudite et d'autres économies du Golfe sont, dans une certaine mesure, des spectateurs en marge du grand débat sur l'inflation.

Frank Kane

Ainsi, une hausse de l'inflation en avril était à prévoir, un point bien étayé par les responsables de la Réserve fédérale américaine, qui ont exhorté à la patience et la prudence sur les marchés mondiaux, indiquant que la courbe d'inflation s’aplanirait à mesure que la croissance s'accélérerait. Telle est l'attente confiante.

Le fait que les marchés financiers aient en effet décidé d'ignorer ces paroles sages et de se livrer à une vente mineure de toute façon en dit long sur la psychologie de ces marchés autant que sur les craintes d'inflation.

Les actions mondiales – en particulier les grandes valeurs technologiques américaines – ont grimpé en flèche pendant la majeure partie de l'année écoulée, stimulées par les plans de relance monétaire et budgétaire lancés par Donald Trump et développés par le président Joe Biden.

On pourrait dire qu'une petite correction était de toute façon nécessaire depuis longtemps, et que les investisseurs souhaiteraient faire une pause, et quelques bénéfices, avant la prochaine étape du décollage postpandémique.

C’est la Fed elle-même qui menace cette vision salutaire. Si les décideurs américains deviennent suffisamment nerveux face aux menaces d'inflation perçues, il pourrait y avoir une tentation d'augmenter les taux d'intérêt pour éviter la «surchauffe» de l'économie, comme a récemment mis en garde la secrétaire au Trésor, Janet Yellen. Pour une économie désormais habituée à vivre avec un coût d'emprunt historiquement bas, une hausse des taux d'intérêt serait probablement plus préjudiciable qu'une inflation plus élevée.

L'Arabie saoudite et d'autres économies du Golfe sont, dans une certaine mesure, des spectateurs en marge du grand débat sur l'inflation. Avec des liasses de dollars, les décisions relatives aux taux d’intérêt échappent largement au contrôle des décideurs régionaux, tandis que l’inflation semble bien maîtrisée.

En fait, certaines parties de l'économie régionale – les prix de l'immobilier à Dubaï, par exemple – pourraient probablement faire l'objet de relance après le marasme des dernières années.

Le point de vue optimiste, et probablement aussi réaliste, est que la poussée inflationniste d'avril ne sera probablement qu'un «dos d’âne sur la route» vers la reprise économique, comme l'a dit la Fed.

Mais, dans la mesure où elle suscitera une réponse de la part des décideurs politiques et des marchés, la prochaine série de chiffres méritera une attention particulière.

Frank Kane est un journaliste d'affaires primé basé à Dubaï.

Twitter: @frankkanedubai

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com