Le Golfe, un havre de paix face à la flambée de l'inflation et à la hausse des taux d'intérêt

Un employé dans une installation pétrolière de Saudi Aramco à Abqaiq, en Arabie saoudite. (Reuters)
Un employé dans une installation pétrolière de Saudi Aramco à Abqaiq, en Arabie saoudite. (Reuters)
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Publié le Samedi 12 février 2022

Le Golfe, un havre de paix face à la flambée de l'inflation et à la hausse des taux d'intérêt

Le Golfe, un havre de paix face à la flambée de l'inflation et à la hausse des taux d'intérêt
  • Au Moyen-Orient, même si les taux augmentent moins rapidement qu’en Occident, l'effet sur les prix reste non négligeable
  • Bien que la sortie de crise ait été assez rapide, les banques centrales n'ont jamais fermé le robinet. Nous nous sommes tous habitués à vivre avec des emprunts bon marché et faciles

Le spectre de l'inflation plane une fois de plus sur l'économie mondiale. La perspective d'une forte hausse des prix des produits et des services menace de remettre en question les calculs minutieux des décideurs économiques et de rendre la reprise faisant suite à la récession due à la pandémie imprévisible et aléatoire.

Mais l'inflation n'est pas seulement une question obscure pour les théoriciens ou les gouverneurs de banques centrales. Le monde semble garder à l’esprit les effets désastreux de la hausse des prix, remontant au moins aux années 1930, avec des images de travailleurs européens emportant leur salaire dans des brouettes qui hantent toujours la mémoire collective.

Personne ne pense que les choses descendront à de tels niveaux au début du XXIe siècle. Les économistes comprennent beaucoup mieux aujourd'hui le phénomène de la hausse des prix et disposent de nombreuses armes — principalement à travers la politique des taux d'intérêt — pour les combattre. Mais la peur demeure, plus marquée dans certaines parties du monde que dans d'autres.

Aux États-Unis, l'indice du coût de la vie augmente plus rapidement qu'à n'importe quel moment des quatre dernières décennies. Certaines grandes économies européennes connaissent une rapide hausse des prix similaire.

Au Moyen-Orient, même si les taux augmentent moins rapidement, l'effet sur les prix reste non négligeable. Les autorités financières saoudiennes affirment que les prix ont augmenté de plus de 3% l'année dernière, bien qu'elles s'attendent à ce que ce taux baisse en 2022.

Cela est dû aux effets à long terme de la crise financière mondiale que le monde a subie en 2008-2009. Ensuite, la valeur des actifs, telle que mesurée par les indices boursiers, les prix de l'immobilier et la plupart des autres critères de référence, a fortement chuté et, pendant un certain temps, a menacé d’appauvrir tout le monde.

La réaction des décideurs politiques, dirigée par la Réserve fédérale américaine mais reflétée dans le monde entier, a été de réduire les taux d'intérêt à près de zéro, tout en injectant simultanément de l'argent dans l'économie mondiale sous la forme de mesures de relance financière.

Bien que la sortie de crise ait été en fait assez rapide, les banques centrales n'ont jamais fermé le robinet. Nous nous sommes tous habitués à vivre avec des emprunts bon marché et faciles.

Lorsque la pandémie a frappé, les décideurs politiques ont été contraints de redoubler d'efforts. Alors que le monde assiste à la pire récession depuis près d'un siècle et que de nombreux ménages sont confrontés à la grave menace du chômage et de la misère, il n'y avait aucune chance que les subventions et les stimulations soient supprimées.

De plus, les personnes confinées ne pouvaient pas dépenser d'argent comme elles le faisaient auparavant, ce qui a entraîné une forte augmentation de l'épargne, en particulier dans l'Occident riche mais aussi dans une Chine plus prudente. Maintenant que nous sortons de la pandémie, une grande partie de cet argent thésaurisé est dépensée à la hâte par des personnes qui ont soudainement abandonné la prudence. Juste une anecdote: Rolls-Royce, le constructeur de voitures de luxe, a fait état d'une augmentation de 50% de ses ventes l'an dernier auprès de riches clients qui, selon le patron de l'entreprise, ont pris conscience du fait que «la vie peut être courte».

Parallèlement, la pandémie a provoqué des entraves dans la chaîne d'approvisionnement mondiale et un manque des matières premières des puces électroniques au bois utilisées dans la construction, ce qui a provoqué des pénuries dans le monde entier. Jeff Currie, le gourou des prix des matières premières de Goldman Sachs, une des banques d'investissement américaines les plus importantes, a déclaré cette semaine: «C'est une crise des molécules. Nous sommes à court de tout. Qu’il s’agisse du pétrole, du gaz, du charbon, du cuivre, de l'aluminium… qu’importe ce que c’est, nous n’en avons plus.»

«Les économies exportatrices de matières premières comme l'Arabie saoudite et d'autres producteurs de pétrole sont beaucoup plus protégées que les autres.»

Frank Kane

Le principal risque réside actuellement dans le fait que les décideurs politiques, qui ont insisté l'année dernière sur l’idée que l'inflation était un phénomène «transitoire», agissent maintenant dans la direction opposée en augmentant trop rapidement les taux d'intérêt, provoquant une nouvelle crise financière mondiale. Même la menace d'une hausse des taux d'intérêt a déjà fait perdre des centaines de milliards de dollars de valeur à certaines des plus grandes entreprises du monde, comme Meta, propriétaire de Facebook.

Dans ce scénario, il y a un véritable point d'interrogation sur les marchés financiers mondiaux, qui pourrait nous toucher tous, y compris au Moyen-Orient.

Cependant, les économies exportatrices de matières premières comme l'Arabie saoudite et d'autres producteurs de pétrole sont beaucoup plus protégées que d'autres. Certes, une hausse des taux d'intérêt américains obligerait les responsables de la politique financière du Royaume à leur emboîter le pas en raison de l’indexation entre le riyal et le dollar. Mais la flambée des prix mondiaux des matières premières a de nombreux effets bénéfiques pour les économies du Golfe, principalement en raison de l'augmentation des trésoreries nationales due à la hausse des revenus pétroliers.

Dans un contexte financier mondial incertain, le Golfe semble être le lieu adéquat pour s’abriter.

 

Frank Kane est un journaliste spécialisé dans le domaine des affaires, ayant remporté de nombreux prix. Il est basé à Dubaï.  Twitter: @frankkanedubai

Clause de non-responsabilité: Les opinions exprimées dans cette rubrique sont personnelles et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com