Sous pression, Total change de nom et tente de convaincre qu'il en fait assez pour le climat

Patrick Pouyanne, PDG de Total, s'adresse à une conférence de presse à l'aéroport de Roissy le 18 mai 2021 avant le décollage du premier avion long-courrier à réaction d'Air France alimenté au carburant durable (SAF) produit par le groupe Total. (Photo, AFP)
Patrick Pouyanne, PDG de Total, s'adresse à une conférence de presse à l'aéroport de Roissy le 18 mai 2021 avant le décollage du premier avion long-courrier à réaction d'Air France alimenté au carburant durable (SAF) produit par le groupe Total. (Photo, AFP)
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Publié le Vendredi 21 mai 2021

Sous pression, Total change de nom et tente de convaincre qu'il en fait assez pour le climat

  • «Le groupe affirme sa volonté de se transformer en une compagnie multi-énergies pour répondre au double défi de la transition énergétique: plus d'énergie, moins d'émissions»
  • Soucieux de montrer qu'il ne reste pas inactif sur ces problématiques, le conseil d'administration de Total présente cette année une résolution climat

PARIS: Total, l'une des cinq «supermajors» mondiales, s'apprête à se renommer TotalEnergies pour symboliser sa diversification dans les énergies plus propres mais peine à convaincre les investisseurs qu'il en fait assez pour le climat, face à une pression grandissante.

Le géant pétrolier et gazier, qui investit désormais aussi dans l'éolien ou le solaire, tient son assemblée générale annuelle vendredi 28.

Les actionnaires devront se prononcer sur une résolution très symbolique: le changement d'identité de l'entreprise, fondée en 1924 sous le nom de Compagnie française des pétroles, en TotalEnergies.

«Le groupe affirme sa volonté de se transformer en une compagnie multi-énergies pour répondre au double défi de la transition énergétique: plus d'énergie, moins d'émissions», a expliqué le PDG Patrick Pouyanné, dont le mandat doit aussi être renouvelé pour trois ans à l'AG.

Comme ses pairs européens, et à la différence des géants américains, Total se développe dans les renouvelables et veut accélérer. L'entreprise allouera ainsi en 2021 plus de 20% de ses investissements nets dans les renouvelables et l'électricité. 

Mais le groupe se trouve sous une pression croissante des défenseurs de l'environnement, ainsi que des investisseurs désormais, afin de faire plus pour lutter contre le changement climatique.

Cela alors que l'Agence internationale de l'énergie (AIE) vient de presser le monde d'oublier dès «maintenant» tout nouveau projet d'exploration pétrolière ou gazière pour garder le réchauffement sous contrôle.

Soucieux de montrer qu'il ne reste pas inactif sur ces problématiques, le conseil d'administration de Total présente cette année une résolution climat.

L'an dernier, c'étaient onze investisseurs (La Banque Postale Asset Management, Crédit Mutuel, Meeschaert...) qui avaient proposé une résolution pour contraindre Total à des objectifs climatiques plus ambitieux.

Combattue par la direction, elle avait été rejetée par les actionnaires mais avait tout de même engrangé 16,8% de votes favorables.

Chez Shell, une résolution en faveur d'objectifs plus ambitieux - et non soutenue par la direction - vient d'obtenir un peu plus de 30% des votes.

Nouveau projet en Ouganda

Cette fois-ci, Total a donc pris les devants en promouvant des objectifs pour 2030 sur le chemin de la neutralité carbone visée en 2050.

S'agissant des produits énergétiques utilisés par ses clients (comme l'essence brûlée dans les voitures), sur un périmètre dit «scope 3», Total s'engage par exemple à ce que les émissions aient reculé dans le monde d'ici 2030 par rapport à 2015.

Critiquant la résolution de la direction, les ONG Greenpeace et Reclaim Finance ont dénoncé une «stratégie de diversion» et une «énième tentative de Total pour contrer une possible résolution d'actionnaires sur le climat».

«On n'est pas du tout en face d'une entreprise en transition», critique Lucie Pinson, fondatrice de Reclaim Finance, citant ses nouveaux projets de production d'hydrocarbures.

Total a par exemple récemment signé des accords pour un gros projet pétrolier en Ouganda. Il vient aussi de relancer un gros projet gazier en Papouasie.

Elle déplore aussi des objectifs et des moyens peu détaillés: «non seulement c'est risqué pour le climat mais c'est aussi risqué pour le portefeuille des actionnaires puisqu'ils sont incapables d'évaluer les risques liés à leurs investissements».

Plusieurs investisseurs – qui pèsent peu au capital mais influents pour certains – ont d'ailleurs annoncé qu'ils voteraient contre la résolution portée par la direction ou s'abstiendraient: OFI Asset Management et la société de gestion Meeschaert AM, qui a demandé «l'arrêt de l'exploration de nouveaux gisements pétroliers et gaziers».

«Je pense qu'on est quand même beaucoup d'actionnaires à être d'accord sur le fond du sujet et à avoir comme objectif les marges de progression qui sont encore nécessaires pour pouvoir être aligné avec les Accords de Paris», juge Aurélie Baudhuin, directrice de la recherche ISR chez Meeschaert AM.

Le Crédit Mutuel a pour sa part choisi l'abstention, qui «vaut exigence pour la suite», avec en vue «la réduction de la production de pétrole et l'arrêt de l'activité d'exploration de nouveaux champs pétroliers».


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".


La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, alerte le Secours populaire

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
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  • "La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire
  • "La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg

PARIS: La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, touchant tous les aspects de la vie des plus fragiles, alerte jeudi le Secours Populaire, qui publie un baromètre témoignant de cette situation jugée préoccupante.

"La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire.

L'association publie un baromètre qui indique qu'un tiers des Français (31%) rencontrent des difficultés financières pour se procurer une alimentation saine permettant de faire trois repas par jour. De même 39% ont du mal à payer leurs dépenses d'électricité et 49% à partir en vacances au moins une fois par an, selon ce sondage réalisé par l'Institut Ipsos, auprès d'un échantillon de 1.000 personnes, représentatif de la population nationale âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

"La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg.

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier.

Malgré un "léger mieux" constaté sur certains indicateurs lié au "ralentissement de l'inflation", ce baromètre révèle "une situation sociale toujours très préoccupante", selon le Secours populaire.

En début de semaine, la déléguée interministérielle à la prévention et la lutte contre la pauvreté, Anne Rubinstein, a évoqué des "difficultés" rencontrées par l'Etat pour résorber un taux de pauvreté qui a atteint un niveau record en 2023 en France métropolitaine.

Face à cette situation, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a appelé mardi à une "mobilisation collective" pour "débloquer la lutte contre la précarité".

Au niveau européen, 28% de la population déclare se trouver en situation précaire, également selon ce baromètre du Secours Populaire, qui s'appuie aussi sur des échantillons de 1.000 personnes représentatifs de neuf autres pays (Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Moldavie, Portugal, Roumanie, Serbie).

La part des personnes se considérant comme précaires demeure à un niveau "très alarmant" en Grèce (46%) et en Moldavie (45%), pointe le baromètre.

En 2024, le Secours populaire a soutenu 3,7 millions de personnes en France. L'association fournit notamment de l'aide alimentaire et organise des activités pour différents publics pour rompre l'isolement.


Face à l'explosion des dépenses militaires, l'ONU appelle à «repenser les priorités»

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté. (AFP)
Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté. (AFP)
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  • "Aujourd'hui, nous publions un rapport qui révèle une réalité saisissante: le monde dépense bien plus à faire la guerre qu'à construire la paix", a-t-il déclaré Antonio Guterres
  • Selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les dépenses militaires mondiales ont atteint en 2024 près de 2.700 milliards de dollars, en hausse de plus de 9% sur un an

NATIONS-UNIES: Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté.

"Aujourd'hui, nous publions un rapport qui révèle une réalité saisissante: le monde dépense bien plus à faire la guerre qu'à construire la paix", a-t-il déclaré Antonio Guterres.

Selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les dépenses militaires mondiales ont atteint en 2024 près de 2.700 milliards de dollars, en hausse de plus de 9% sur un an.

C'est "l'équivalent de 334 dollars par habitant de la planète", "près de 13 fois le montant de l'aide publique au développement des pays les plus riches et 750 fois le budget ordinaire de l'ONU", a noté Antonio Guterres.

Et en parallèle, la majorité des Objectifs de développement durables (ODD) visant à améliorer le sort de l'humanité d'ici 2030 (éradication de l'extrême pauvreté, égalité hommes-femmes, éducation...) ne sont pas sur la bonne voie.

Pourtant, mettre un terme à la faim dans le monde d'ici 2030 nécessiterait seulement 93 milliards de dollars par an, soit 4% des dépenses militaires de 2024, et faire en sorte que chaque enfant soit totalement vacciné coûterait entre 100 et 285 milliards par an, note le rapport demandé par les Etats membres.

Au total, l'ONU estime aujourd'hui à 4.000 milliards de dollars les investissements supplémentaires nécessaires chaque année pour atteindre l'ensemble des ODD, un montant qui pourrait grimper à 6.400 milliards dans les prochaines années.

Alors le secrétaire général de l'ONU a lancé un "appel à l'action, un appel à repenser les priorités, un appel à rééquilibrer les investissements mondiaux vers la sécurité dont le monde a vraiment besoin".

"Des dépenses militaires excessives ne garantissent pas la paix, souvent elles la sapent, encourageant la course aux armements, renforçant la méfiance et détournant des ressources de ce qui représentent les bases de la stabilité", a-t-il ajouté. "Un monde plus sûr commence par investir au moins autant pour lutter contre la pauvreté que nous le faisons pour faire la guerre".

"Rediriger même une fraction des dépenses militaires actuelles pourraient combler des écarts vitaux, envoyer des enfants à l'école, renforcer les soins de santé de base, développer les énergies propres et des infrastructures résistantes, et protéger les plus vulnérables", a-t-il plaidé.