Les États-Unis et Israël : la nouvelle donne

Le président des Etats-Unis Joe Biden (Photo, AFP).
Le président des Etats-Unis Joe Biden (Photo, AFP).
Short Url
Publié le Lundi 24 mai 2021

Les États-Unis et Israël : la nouvelle donne

Les États-Unis et Israël : la nouvelle donne
  • Le nouveau président Biden, qui incarne la continuité de la politique traditionnelle pro- israélienne du parti, a du mal aujourd'hui à dicter une ligne de conduite consensuelle à ses partenaires politiques
  • Les chiffres issus des derniers sondages d'opinion prouvent la tendance nette chez les démocrates au désengagement de la position d'appui inconditionnel d'Israël

Lors de la dernière guerre de Gaza, le président américain Joe Biden a dû affronter les critiques et objections de l'aile progressiste de son parti qui a déployé un grand effort pour infléchir la politique officielle de soutien systématique à Israël.

Le quotidien américain The Washington Post dans son numéro du 18 mars 2021, a amplement analysé "the Middle-East dilemma" qui est en train de secouer le parti démocrate.

Ce parti, qui est toujours la formation politique favorite de la communauté juive américaine dépassant en nombre les juifs citoyens d'Israël, est traversé actuellement par des dissensions profondes, par rapport à la question moyen-orientale.

Le nouveau président Biden, qui incarne la continuité de la politique traditionnelle pro-israélienne du parti, a du mal aujourd'hui à dicter une ligne de conduite consensuelle à ses partenaires politiques, largement divisés vis-à-vis du conflit israélo-palestinien.

Les chiffres issus des derniers sondages d'opinion, publiés par le journal,  prouvent la tendance nette  chez les démocrates au désengagement de la position d'appui inconditionnel d'Israël, y compris au sein de l'électorat juif du parti.

La vision négative de "l'État hébreu" s'élève actuellement au niveau de 35% des adeptes du parti démocrate ; 38% des sondés sont même favorables au mouvement nationaliste palestinien et une majorité des partisans de Biden est pour des mesures de pression  appropriées menant à la solution de deux Etats dans la grande Palestine.

Le chef de file du courant progressiste, le sénateur du Vermont, Bernie Sanders, issu d'une famille d'immigrés juifs polonais, s'est distingué durant la dernière guerre de Gaza par son ton réprobateur de la politique belliqueuse israélienne, allant jusqu'à tenter de bloquer la vente d'armes à Israël.

Jon Ossoff, le  jeune sénateur juif de Géorgie lui a emboîté le pas, en exigeant un cessez-le-feu rapide dans les territoires occupés et un arrêt inconditionnel des frappes israéliennes.

La nouvelle tendance gauchiste représentée par Alexandria Ocasio-Cortez, Rashida Tlaib , Ayanna  Pressley  ...proche de la sénatrice Elizabeth Warren, pousse cette logique à son terme, en stipulant qu'Israël agit contre les intérêts américains, et ses déboires sont devenus un lourd fardeau pour les États-Unis.

Cette nouvelle donne a deux effets cruciaux : le divorce  perceptible entre la classe dirigeante israélienne et la communauté juive américaine dont l'aile libérale est en rapide ascension, et la montée fulgurante de la gauche socialiste tiers-mondiste dans les rangs du parti démocrate.

Le virage tiers-mondiste du parti démocrate américain a été souligné ces dernières années par plusieurs analystes et politologues, dont l'historien et philosophe Mark lilla qui a fustigé dans son livre " The once and futur liberal " la transformation du parti de la classe moyenne américaine à une large coalition des minorités qui se détermine à gauche et revendique même l'étiquette socialiste.

Pour Lilla,  la ligne d' " identity light", résurgence directe du mouvement des droits civiques qui a uni par le passé les antiracistes noirs et les juifs libéraux, s'orienterait actuellement vers un gauchisme radical qui risquerait d'isoler les élites démocrates issues essentiellement des villes côtières riches et mondialisées.

Cependant, l'élection de Biden a été le fruit d'une alliance réussie entre la vieille garde libérale traditionnelle et les tendances montantes qui reflètent le nouveau visage multiculturel et multiethnique de la société américaine.

Le président Biden, récemment élu après une période trouble et tourmentée qui a secoué l'Amérique et son environnement géopolitique, n'avait nullement envisagé de s'immiscer dans la question moyen-orientale, qui lui paraissait délicate et glissante. Son intérêt a été axé, depuis son élection, sur les dossiers internes et la restauration des réseaux d'alliance stratégiques transatlantiques mis en cause par son prédécesseur.

Les derniers rebondissements du conflit du Proche - Orient ont eu un impact décisif sur les orientations diplomatiques du président Biden, rattrapé par le dossier palestinien brûlant, impérativement réintroduit sur la scène internationale par les événements de Gaza.

La nouvelle administration américaine réalisera, après ses hésitations et ses réactions timorées, que la clé de stabilité du Moyen-Orient est la résolution juste et définitive du problème palestinien selon les principes et règlements du droit international et en fonction des droits inaliénables des peuples colonisés à la liberté et à l'indépendance.

Seyid Ould Abah est professeur de philosophie et sciences sociales à l’université de Nouakchott, Mauritanie, et chroniqueur dans plusieurs médias. Il est l’auteur de plusieurs livres de philosophie et pensée politique et stratégique.

Twitter: @seyidbah

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français