Putsch au Mali: vague de condamnations et menace de sanctions internationales

Le conseiller spécial de l'homme fort du pouvoir malien, le colonel Assimi Goïta, lit une déclaration accusant le président et vice-président du pays de tentative de « sabotage » de la transition (Photo, AFP)
Le conseiller spécial de l'homme fort du pouvoir malien, le colonel Assimi Goïta, lit une déclaration accusant le président et vice-président du pays de tentative de « sabotage » de la transition (Photo, AFP)
Short Url

Putsch au Mali: vague de condamnations et menace de sanctions internationales

  • Le colonel Goïta dit s'être vu «dans l'obligation d'agir» et de «placer hors de leurs prérogatives le président et le Premier ministre ainsi que toutes les personnes impliquées dans la situation»
  • Les militaires, accueillis initialement avec un a priori favorable par une population exaspérée par l'insécurité et la corruption, se sont exposés au reproche d'avoir pris goût au pouvoir

BAMAKO: L'homme fort du pouvoir malien, le colonel Assimi Goïta, a indiqué mardi avoir déchargé le président et le Premier ministre de transition de leurs prérogatives, dans ce qui s'apparente à un deuxième putsch en neuf mois, suscitant une vaste réprobation internationale et la menace de premières sanctions.  

L'arrestation des deux dirigeants et de plusieurs hauts personnages de l'Etat dans ce pays crucial pour la stabilité du Sahel en proie à la propagation jihadiste a provoqué depuis lundi une multitude de condamnations à l'égard des militaires.  

Le président français Emmanuel Macron, dont le pays engage plus de 5 000 soldats contre les jihadistes au Sahel, a parlé de « coup d'État dans le coup d'Etat inacceptable ». Assimi Goïta et d'autres colonels maliens avaient déjà renversé le président élu Ibrahim Boubacar Keïta le 18 août 2020 avant d'installer des autorités de transition demeurées sous leur contrôle.  

Les dirigeants de l'Union européenne sont « prêts, dans les prochaines heures, si la situation n'était pas clarifiée, à prendre des sanctions ciblées » contre les protagonistes, a affirmé M. Macron lors d'une conférence de presse à l'issue d'un sommet européen.  

La France a demandé une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU.  

Les appels à la libération immédiate et inconditionnelle des personnes arrêtées et à un retour à la transition politique devant ramener les civils au pouvoir se sont succédé de la part de la mission de l'Onu au Mali (Minusma), de la Communauté des Etats ouest-africains (Cédéao), de l'Union africaine (UA), des Etats-Unis, du Royaume-Uni ou encore de l'Allemagne.  

Le médiateur de la Cédéao, Goodluck Jonathan , est arrivé mardi après-midi à Bamako à un nouveau moment critique.  

Quelques heures auparavant, le colonel Assimi Goïta a rompu son silence dans une déclaration de reprise en main lue par un collaborateur en uniforme sur la télévision nationale, elle-même sortie de la grève pour la circonstance.  

Le colonel Goïta reproche au président Bah Ndaw et au Premier ministre Moctar Ouane d'avoir formé un nouveau gouvernement sans le consulter, bien qu'il soit vice-président en charge de la défense et de la sécurité, domaine cruciaux dans le pays en pleine tourmente.  

Une telle démarche témoigne de leur part « d'une intention avérée de sabotage de la transition », dit-il. Il dit s'être vu « dans l'obligation d'agir » et de « placer hors de leurs prérogatives le président et le Premier ministre ainsi que toutes les personnes impliquées dans la situation ».  

L'ambiguïté de la formulation suscite des interrogations sur l'éventualité que le vice-président aurait démis de leurs fonctions le président et le Premier ministre faute d'avoir obtenu leur démission sous la contrainte. 

 

Le Mali depuis le coup d'Etat d'août 2020

Rappel des événements au Mali, du putsch qui a renversé en août 2020 le président Ibrahim Boubacar Keïta.  

Coup d'Etat  

Le 18 août 2020, le président Ibrahim Boubacar Keïta est renversé par un putsch après plusieurs mois de manifestations antigouvernementales, l'accusant de corruption et d'impuissance face à l'insécurité.  

Le 19, le colonel Assimi Goïta se présente comme le nouvel homme fort du pays.  

La communauté internationale condamne le coup d'Etat et réclame le retour à l'ordre constitutionnel.  

La Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) prend des sanctions contre le Mali.  

Président de transition  

Le 12 septembre, la junte, sous pression internationale, s'engage à une transition vers un pouvoir civil dans un délai de 18 mois.  

Le 21, l'ex-ministre de la Défense Bah Ndaw est désigné président de transition et le colonel Goïta vice-président de transition.  

Le 27, l'ancien ministre des Affaires étrangères Moctar Ouane est désigné pour former un gouvernement, constitué le 5 octobre, avec des militaires aux postes clés.  

Elections fixées  

Le 15 avril 2021, les autorités de transition fixent des dates en février et mars 2022 pour les élections présidentielle et législatives, devant aboutir au transfert du pouvoir à des dirigeants civils.  

Démission du gouvernement  

Le 14 mai, le Premier ministre Moctar Ouane présente la démission de son gouvernement, confronté à une contestation grandissante. Immédiatement reconduit, il est chargé de former un nouveau cabinet de « large ouverture ».  

Nouveau gouvernement  

Le 24 mai, la présidence annonce la formation d'un nouveau gouvernement intérimaire. Les militaires y conservent des postes clés, mais deux figures de l'ancienne junte sont écartées des portefeuilles primordiaux de la Défense et de la Sécurité.  

Le président et le Premier ministre arrêtés  

Le même jour, les militaires, mécontents de la composition de ce gouvernement, arrêtent le président et le Premier ministre, conduits sous la contrainte au camp militaire de Kati, à quelques kilomètres de Bamako. 

Dans un communiqué commun, la mission de l'ONU au Mali, la Communauté des Etats ouest-africains (Cédéao), l'Union africaine, la France, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Union européenne condamnent « la tentative de coup de force » et exigent la « libération immédiate » de MM. Ndaw et Ouane. 

Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, appelle « au calme » et à la « libération inconditionnelle » des dirigeants civils. 

« Coup d'Etat dans le coup d'Etat » 

Le 25, le colonel Assimi Goïta dit avoir déchargé le président et le Premier ministre de leurs prérogatives, accusant les deux hommes de tentative de « sabotage » de la transition. Il assure que cette transition « suivra son cours normal et que les élections prévues se tiendront courant 2022 ». 

« Ce qui a été conduit par les militaires putschistes est un coup d'État dans le coup d'Etat inacceptable, qui appelle notre condamnation immédiate », dénonce le président français Emmanuel Macron à l'issue d'un sommet européen.  

Alors que Londres et Berlin réitèrent leur appel à la libération immédiate des deux dirigeants maliens, Paris demande une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU. 

Elections « courant 2022 »   

Les évènements soulèvent aussi des questions sur le respect du calendrier de retour au pouvoir des civils.  

Les autorités de transition avaient annoncé l'organisation en février-mars 2022 d'élections présidentielle et législatives. Le colonel Goïta, plus vague, dit que la transition suivra « son cours normal et que les élections prévues se tiendront courant 2022 ».  

Le colonel Goïta avait conduit en 2020 le putsch contre le président Keïta après des mois de contestation populaire. La junte avait ensuite installé des autorités de transition, dont Bah Ndaw, militaire à la retraite, et Moctar Ouane, diplomate.  

Les militaires s'étaient engagés, sous pression internationale, à rendre le pouvoir à des civils élus au bout de 18 mois. Ils conservaient cependant la main sur les leviers du pouvoir.  

Lundi, les militaires ont fait arrêter le président, le Premier ministre, le nouveau ministre de la Défense et de hauts collaborateurs, quelques heures à peine après la présentation d'un nouveau gouvernement à la suite de la démission du précédent, confronté à une contestation grandissante.  

Ils les ont fait conduire de force au camp de Kati, haut lieu de l'appareil de Défense à quelques kilomètres de Bamako, où l'ancien président Keïta avait dû annoncer sa démission.  

Ils sont « sains et saufs. Ils ont passé la nuit dans de bonnes conditions. Le président a vu son médecin », a indiqué un haut responsable militaire s'exprimant sous le couvert de l'anonymat.  

« Conséquence logique »   

Les colonels ont mal pris que deux des leurs aient été écartés des portefeuilles stratégiques de la Défense et de la Sécurité dans le nouveau gouvernement, qui maintenait pourtant la prépondérance des militaires, disent les analystes.   

Bien que prévisible, cet énième soubresaut a plongé les Maliens dans la consternation d'un inquiétant déjà-vu.  

Malgré la prolifération du hashtag #wuli (« debout » en bambara) sur les réseaux sociaux, des appels à se rassembler à Bamako pour protester n'ont guère trouvé d'écho.  

Les militaires, accueillis initialement avec un a priori favorable par une population exaspérée par l'insécurité, la corruption et la pauvreté, s'exposent néanmoins au reproche d'avoir pris goût au pouvoir.  

Le sociologue Bréma Ely Dicko voyait dans les évènements récents le prolongement prévisible du putsch de 2020. « Ce qu’on est en train de vivre aujourd'hui est une conséquence logique des tares du début de la transition », quand les colonels ont tenu à l'écart les partis et les organisations de la société civile qui avaient mené pendant des mois la contestation contre l'ancien pouvoir. 

 

Cinq choses à savoir sur le Mali

Extrême pauvreté  

Le Mali, largement désertique, enclavé et frontalier de sept pays, est traversé par le fleuve Niger. Sa population de plus de 19 millions d'habitants est composée d'une vingtaine d'ethnies, dont certaines s'affrontent dans des conflits intercommunautaires.  

Cette ancienne colonie française est un des pays les plus pauvres au monde, classé 184e sur 189 par le Pnud pour son indice de développement humain.   

L'année dernière, sous le double effet du coup d'Etat d'août et de la pandémie de coronavirus, le PIB du Mali s'est contracté de 2%, après une hausse de 5,1% en 2019, selon la Banque africaine de développement (BAD).  

Sa forte croissance démographique et le changement climatique menacent l'agriculture et la sécurité alimentaire, souligne la Banque mondiale.  

La chute de la production de coton et la faible performance de la filière agricole constituent des facteurs d'aggravation de la pauvreté, selon l'institution.  

Instabilité politique  

Indépendant depuis 1960, le Mali est dirigé par Modibo Keïta jusqu'en 1968, année du coup d'Etat militaire de Moussa Traoré, renversé à son tour en 1991.  

En 1992, Alpha Oumar Konaré est le premier président démocratiquement élu.   

Ibrahim Boubacar Keïta, dit « IBK », élu en 2013 puis réélu en 2018, est renversé par un putsch militaire le 18 août 2020.  

Sous pression internationale, les militaires ont accepté de nommer un président de transition et de rendre le pouvoir aux civils dans un délai de 18 mois. Mais dimanche, ils ont arrêté le président et le Premier ministre après la nomination d'un nouveau gouvernement de transition qui les a mécontentés.   

Rébellions touareg et offensive djihadiste  

Depuis l'indépendance, le Mali a connu plusieurs rébellions des Touareg, peuple nomade du Sahara d'origine berbère entré en révolte contre la domination des populations sédentaires noires du Sud.  

La rébellion de 1990-1994 fait plus d'un millier de morts. En 2006, plusieurs centaines d'ex-rebelles retournent dans le maquis. De nombreuses attaques, offensives et prises d'otages ont lieu jusqu'en 2009, entrecoupées d'accords de paix.  

En 2012, le nord du Mali tombe sous la coupe de groupes djihadistes liés à Al-Qaïda qui commettent de nombreuses exactions.  

Opérations militaires étrangères  

Les djihadistes ont été partiellement chassés par l'opération « Serval » lancée par la France en 2013 et remplacée en 2014 par l'opération antidjihadiste au Sahel « Barkhane ».  

La Minusma, engagée aussi depuis 2013, est une des plus importantes missions de l'ONU.  

Egalement présente depuis fin 2017, la force antidjihadiste du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Niger, Burkina Faso et Tchad), est soutenue par la France. Paris pilote également depuis mars 2020 la force européenne Takuba.  

L'armée française et celles des pays du G5 Sahel ont multiplié les offensives antidjihadistes, notamment dans la zone dite des « trois frontières » entre Mali, Niger et Burkina Faso.  

Mais en dépit des interventions étrangères, les violences djihadistes se poursuivent et se sont étendues au centre du Mali et aux pays voisins, Burkina Faso et Niger.  

Le centre du Mali est pris dans un tourbillon de violences depuis l'apparition en 2015 d'un groupe djihadiste mené par le prédicateur peul Amadou Koufa, affilié à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), qui a largement recruté dans cette communauté.  

Les violences ont provoqué des milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés.  

Rayonnement culturel   

La cité de Tombouctou (nord-ouest), célèbre pour ses dizaines de milliers de manuscrits, a été un grand centre intellectuel de l'islam.   

Les mausolées de saints musulmans de Tombouctou, considérés par la population comme des protecteurs, ont été partiellement détruits par les djihadistes, puis reconstruits grâce à l'Unesco, et classés au patrimoine mondial de l'humanité.   

De nombreuses légendes de la musique africaine proviennent du Mali, comme Salif Keïta, Rokia Traoré, le duo Amadou et Mariam ou Ali Farka Touré, ainsi que des photographes mondialement connus comme Seydou Keïta ou Malick Sidibé. 


CIJ: l'impartialité de l'UNRWA suscite de «sérieux doutes» selon les Etats-Unis

En décembre, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ de rendre un avis consultatif "à titre prioritaire et de toute urgence". (AFP)
En décembre, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ de rendre un avis consultatif "à titre prioritaire et de toute urgence". (AFP)
Short Url
  • La CIJ, située à La Haye (Pays-Bas), a ouvert lundi sa semaine d'audiences plus de 50 jours après l'instauration d'un blocus total sur l'aide entrant dans la bande de Gaza ravagée par la guerre
  • Israël, qui ne participe pas à ces audiences, a dénoncé lundi une "persécution systématique" de la CIJ

LA HAYE: Un représentant des Etats-Unis a fait part mercredi à la Cour internationale de Justice de "sérieux doutes" concernant l'impartialité de l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) lors d'audiences consacrées aux obligations humanitaires d'Israël envers les Palestiniens.

"L'impartialité de l'UNRWA suscite de sérieux doutes, du fait d'informations selon lesquelles le Hamas a utilisé les installations de l'UNRWA et que le personnel de l'UNRWA a participé à l'attentat terroriste du 7 octobre contre Israël", a déclaré Josh Simmons, de l'équipe juridique du département d'État américain.

La CIJ, située à La Haye (Pays-Bas), a ouvert lundi sa semaine d'audiences plus de 50 jours après l'instauration d'un blocus total sur l'aide entrant dans la bande de Gaza ravagée par la guerre.

Israël, qui ne participe pas à ces audiences, a dénoncé lundi une "persécution systématique" de la CIJ.

M. Simmons a déclaré aux juges qu'Israël avait "de nombreuses raisons" de mettre en doute l'impartialité de l'UNRWA.

"Il est clair qu'Israël n'a aucune obligation d'autoriser l'UNRWA à fournir une assistance humanitaire", a-t-il déclaré.

Israël a promulgué une loi interdisant à l'UNRWA, d'opérer sur le sol israélien, après avoir accusé certains membres du personnel d'avoir participé aux attaques du Hamas le 7 octobre 2023, qui a déclenché le conflit.

Une série d'enquêtes, dont l'une menée par l'ancienne ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna, a révélé des "problèmes de neutralité" à l'UNRWA, mais a souligné qu'Israël n'avait pas fourni de preuves de son allégation principale.

Philippe Lazzarini, directeur de l'UNRWA, a déclaré mardi que plus de 50 membres de son personnel à Gaza avaient été maltraités et utilisés comme boucliers humains alors qu'ils étaient détenus par l'armée israélienne.

Lors de sa déposition face à la Cour, Diégo Colas, représentant la France, a appelé Israël à lever "sans délai" son blocage de l'aide vers la bande de Gaza".

"L'ensemble des points de passage doivent être ouverts, le travail des acteurs humanitaires doit être facilité, et le personnel doit être protégé conformément aux droits internationaux", a-t-il déclaré .

"Conséquences mortelles" 

Israël contrôle tous les flux d'aide internationale, vitale pour les 2,4 millions de Palestiniens de la bande de Gaza frappés par une crise humanitaire sans précédent, et les a interrompus le 2 mars dernier, quelques jours avant l'effondrement d'un fragile cessez-le-feu après 15 mois de combats incessants.

"L'interdiction totale de l'aide et des fournitures humanitaires décrétée par les autorités israéliennes depuis le 2 mars a des conséquences mortelles pour les civils de Gaza", a déclaré dans un communiqué Claire Nicolet, responsable de la réponse d'urgence de l'ONG Médecins sans Frontières dans la bande de Gaza.

"Les autorités israéliennes utilisent l'aide non seulement comme une monnaie d'échange, mais aussi comme une arme de guerre et un moyen de punition collective pour plus de 2 millions de personnes vivant dans la bande de Gaza," a-t-elle ajouté.

En décembre, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ de rendre un avis consultatif "à titre prioritaire et de toute urgence".

La résolution demande à la CIJ de clarifier les obligations d'Israël concernant la présence de l'ONU, de ses agences, d'organisations internationales ou d'États tiers pour "assurer et faciliter l'acheminement sans entrave des fournitures urgentes essentielles à la survie de la population civile palestinienne".

Les avis consultatifs de la CIJ ne sont pas juridiquement contraignants, mais celui-ci devrait accroître la pression diplomatique sur Israël.

En juillet dernier, la CIJ avait aussi rendu un avis consultatif jugeant "illégale" l'occupation israélienne des Territoires palestiniens, exigeant qu'elle cesse dès que possible.


Après la panne géante, les énergies renouvelables sur le banc des accusés en Espagne

Des passagers attendent avant de monter dans leur train à la gare de Sants à Barcelone, le 29 avril 2025, au lendemain d'une panne d'électricité massive qui a touché toute la péninsule ibérique et le sud de la France. (Photo par Josep LAGO / AFP)
Des passagers attendent avant de monter dans leur train à la gare de Sants à Barcelone, le 29 avril 2025, au lendemain d'une panne d'électricité massive qui a touché toute la péninsule ibérique et le sud de la France. (Photo par Josep LAGO / AFP)
Short Url
  • Deux jours après la panne géante qui a touché la péninsule, la nature du mix énergétique ibérique est au cœur de vifs débats mercredi en Espagne.
  • Dans le viseur de ces deux quotidiens, mais aussi des partis d'opposition, se trouve la politique énergétique mise en place depuis plusieurs années par le gouvernement du Premier ministre socialiste Pedro Sánchez.

MADRID : L'essor des énergies renouvelables a-t-il fragilisé le réseau électrique espagnol ? Deux jours après la panne géante qui a touché la péninsule, la nature du mix énergétique ibérique est au cœur de vifs débats mercredi en Espagne, malgré les messages rassurants des autorités.

« Le manque de centrales nucléaires et la multiplication par dix des énergies renouvelables ont mis à terre le réseau électrique », assure en une le quotidien conservateur ABC mercredi matin. « Les alertes sur les renouvelables depuis cinq ans » ont été « ignorées », regrette de son côté El Mundo, également classé à droite.

Dans le viseur de ces deux quotidiens, mais aussi des partis d'opposition, se trouve la politique énergétique mise en place depuis plusieurs années par le gouvernement du Premier ministre socialiste Pedro Sánchez, qui a fait de l'Espagne l'un des champions européens de la transition verte.

Selon le gestionnaire du réseau électrique espagnol REE, le solaire et l'éolien ont représenté en 2024 près de 40 % du mix électrique espagnol. C'est près de deux fois plus qu'en 2014, et près du double également de la part du nucléaire, tombée l'an dernier à 20 %. 

Cette évolution est défendue par l'exécutif, qui s'est engagé à fermer toutes les centrales nucléaires d'ici dix ans, mais elle est source de tensions dans le pays, plusieurs rapports ayant pointé ces derniers mois de possibles risques en l'absence de mesures fortes pour adapter le réseau.

- Une énergie « sûre » ?

Dans son document financier annuel publié fin février, Redeia, la maison-mère de REE, avait ainsi mis en garde contre « la forte pénétration de la production renouvelable sans les capacités techniques nécessaires à un comportement adéquat face aux perturbations ».

Cela pourrait « provoquer des coupures de production », qui « pourraient devenir sévères, allant jusqu'à entraîner un déséquilibre entre la production et la demande, ce qui affecterait significativement l'approvisionnement en électricité » de l'Espagne, avait-elle écrit. 

Un message relayé par l'organisme espagnol de la concurrence (CNMC) dans un rapport de janvier. « À certains moments, les tensions du réseau de transport d'électricité ont atteint des valeurs maximales proches des seuils autorisés, dépassant même ces seuils à certains moments », avait écrit l'organisme.

Après la coupure de lundi, certains experts du secteur se sont interrogés sur un éventuel déséquilibre entre production et demande (difficile à corriger dans un réseau où l'éolien et le solaire ont une place prépondérante) qui aurait pu contribuer à l'effondrement du système électrique espagnol.

Dans un entretien accordé mercredi matin à la radio Cadena Ser, Beatriz Corredor, la présidente de Redeia et REE (l'ex-députée socialiste) a cependant assuré que la production d'énergies renouvelables était « sûre ».

« Relier l'incident si grave de lundi à une pénétration des énergies renouvelables n'est pas vrai, ce n'est pas correct », a-t-elle insisté, en assurant que le rapport de février ne faisait que dresser la liste de risques potentiels, comme l'y oblige la législation. 

- « Ignorance » -

Mardi déjà, Pedro Sánchez avait lui aussi défendu le modèle énergétique mis en œuvre par son gouvernement, rappelant que la cause précise de la panne qui a provoqué le chaos au Portugal et en Espagne durant de longues heures lundi n'était toujours pas connue à ce stade.

« Ceux qui lient cet incident au manque de nucléaire mentent franchement ou démontrent leur ignorance », a assuré le dirigeant socialiste.

« Les centrales nucléaires, loin d'être une solution, ont été un problème » durant la panne, car « il a été nécessaire de rediriger vers elles de grandes quantités d'énergie pour maintenir leurs réacteurs stables », a insisté le chef du gouvernement. 

Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer la panne depuis deux jours, dont celle d'une cyberattaque. Mardi, la justice espagnole a ouvert une enquête pour déterminer si la panne avait été provoquée par un « sabotage informatique » susceptible d'être qualifié de « délit terroriste ».

REE estime cependant que cette hypothèse est peu crédible. « Au vu des analyses que nous avons pu réaliser avec l'aide notamment du Centre national du renseignement espagnol (CNI), nous pouvons écarter un incident de cybersécurité », a ainsi assuré le gestionnaire.

D'après REE, l'équivalent de 60 % de la consommation électrique de l'Espagne, soit 15 gigawatts, a disparu en l'espace de cinq secondes seulement lors de la panne survenue lundi à 12 h 33 (11 h 33 GMT), un phénomène qualifié d'« inédit » et « totalement extraordinaire ».


Des rapports internes concluent à un climat antisémite et anti-musulman à Harvard

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
Short Url
  • Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël
  • Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants

NEW YORK: Deux rapports distincts sur Harvard publiés mardi par l'université ont établi qu'un climat antisémite et anti-musulman s'était installé sur le campus de la prestigieuse université américaine, dans le viseur de Donald Trump, et la pressent d'agir pour y remédier.

Ces deux rapports de plusieurs centaines de pages, construits notamment à partir de questionnaires et de centaines de témoignages d'étudiants et d'encadrants menés depuis janvier 2024, sont rendus au moment où l'université implantée près de Boston (nord-est) s'est attiré les foudres de Donald Trump, qui l'a dernièrement dépeinte en "institution antisémite d'extrême gauche", "foutoir progressiste" et "menace pour la démocratie".

Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël après l'attaque du Hamas le 7 octobre 2023.

Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants, a établi que les deux phénomènes "ont été alimentés, pratiqués et tolérés, non seulement à Harvard, mais aussi plus largement dans le monde universitaire".

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël".

Un autre groupe de travail distinct, lui consacré aux positions anti-musulmans, anti-arabes et anti-Palestiniens, a conclu à "un sentiment profondément ancré de peur parmi les étudiants, les enseignants et le personnel". Les personnes interrogées décrivent "un sentiment de précarité, d'abandon, de menace et d'isolement, ainsi qu'un climat d'intolérance omniprésent", écrivent ses auteurs.

"Harvard ne peut pas - et ne va pas - tolérer l'intolérance. Nous continuerons à protéger tous les membres de notre communauté et à les préserver du harcèlement", s'engage dans une lettre accompagnant les deux rapports le président de Harvard, Alan Garber, à l'initiative des deux rapports, en promettant de "superviser la mise en oeuvre des recommandations" préconisées.

Harvard, l'université la plus ancienne des Etats-Unis et une des mieux classées au monde, s'est distinguée en étant la première à attaquer en justice l'administration Trump contre un gel de plus de deux milliards de dollars de subventions fédérales, décidé après que la célèbre institution a refusé de se plier à une série d'exigences du président.

Donald Trump, qui reproche aux universités d'être des foyers de contestation progressiste, veut avoir un droit de regard sur les procédures d'admission des étudiants, les embauches d'enseignants ou encore les programmes.

L'accusation d'antisémitisme est fréquemment employée par son administration pour justifier ses mesures contre les établissements d'enseignement supérieur, ainsi que contre certains étudiants étrangers liés aux manifestations contre la guerre à Gaza.