Putsch au Mali: vague de condamnations et menace de sanctions internationales

Le conseiller spécial de l'homme fort du pouvoir malien, le colonel Assimi Goïta, lit une déclaration accusant le président et vice-président du pays de tentative de « sabotage » de la transition (Photo, AFP)
Le conseiller spécial de l'homme fort du pouvoir malien, le colonel Assimi Goïta, lit une déclaration accusant le président et vice-président du pays de tentative de « sabotage » de la transition (Photo, AFP)
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Putsch au Mali: vague de condamnations et menace de sanctions internationales

  • Le colonel Goïta dit s'être vu «dans l'obligation d'agir» et de «placer hors de leurs prérogatives le président et le Premier ministre ainsi que toutes les personnes impliquées dans la situation»
  • Les militaires, accueillis initialement avec un a priori favorable par une population exaspérée par l'insécurité et la corruption, se sont exposés au reproche d'avoir pris goût au pouvoir

BAMAKO: L'homme fort du pouvoir malien, le colonel Assimi Goïta, a indiqué mardi avoir déchargé le président et le Premier ministre de transition de leurs prérogatives, dans ce qui s'apparente à un deuxième putsch en neuf mois, suscitant une vaste réprobation internationale et la menace de premières sanctions.  

L'arrestation des deux dirigeants et de plusieurs hauts personnages de l'Etat dans ce pays crucial pour la stabilité du Sahel en proie à la propagation jihadiste a provoqué depuis lundi une multitude de condamnations à l'égard des militaires.  

Le président français Emmanuel Macron, dont le pays engage plus de 5 000 soldats contre les jihadistes au Sahel, a parlé de « coup d'État dans le coup d'Etat inacceptable ». Assimi Goïta et d'autres colonels maliens avaient déjà renversé le président élu Ibrahim Boubacar Keïta le 18 août 2020 avant d'installer des autorités de transition demeurées sous leur contrôle.  

Les dirigeants de l'Union européenne sont « prêts, dans les prochaines heures, si la situation n'était pas clarifiée, à prendre des sanctions ciblées » contre les protagonistes, a affirmé M. Macron lors d'une conférence de presse à l'issue d'un sommet européen.  

La France a demandé une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU.  

Les appels à la libération immédiate et inconditionnelle des personnes arrêtées et à un retour à la transition politique devant ramener les civils au pouvoir se sont succédé de la part de la mission de l'Onu au Mali (Minusma), de la Communauté des Etats ouest-africains (Cédéao), de l'Union africaine (UA), des Etats-Unis, du Royaume-Uni ou encore de l'Allemagne.  

Le médiateur de la Cédéao, Goodluck Jonathan , est arrivé mardi après-midi à Bamako à un nouveau moment critique.  

Quelques heures auparavant, le colonel Assimi Goïta a rompu son silence dans une déclaration de reprise en main lue par un collaborateur en uniforme sur la télévision nationale, elle-même sortie de la grève pour la circonstance.  

Le colonel Goïta reproche au président Bah Ndaw et au Premier ministre Moctar Ouane d'avoir formé un nouveau gouvernement sans le consulter, bien qu'il soit vice-président en charge de la défense et de la sécurité, domaine cruciaux dans le pays en pleine tourmente.  

Une telle démarche témoigne de leur part « d'une intention avérée de sabotage de la transition », dit-il. Il dit s'être vu « dans l'obligation d'agir » et de « placer hors de leurs prérogatives le président et le Premier ministre ainsi que toutes les personnes impliquées dans la situation ».  

L'ambiguïté de la formulation suscite des interrogations sur l'éventualité que le vice-président aurait démis de leurs fonctions le président et le Premier ministre faute d'avoir obtenu leur démission sous la contrainte. 

 

Le Mali depuis le coup d'Etat d'août 2020

Rappel des événements au Mali, du putsch qui a renversé en août 2020 le président Ibrahim Boubacar Keïta.  

Coup d'Etat  

Le 18 août 2020, le président Ibrahim Boubacar Keïta est renversé par un putsch après plusieurs mois de manifestations antigouvernementales, l'accusant de corruption et d'impuissance face à l'insécurité.  

Le 19, le colonel Assimi Goïta se présente comme le nouvel homme fort du pays.  

La communauté internationale condamne le coup d'Etat et réclame le retour à l'ordre constitutionnel.  

La Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) prend des sanctions contre le Mali.  

Président de transition  

Le 12 septembre, la junte, sous pression internationale, s'engage à une transition vers un pouvoir civil dans un délai de 18 mois.  

Le 21, l'ex-ministre de la Défense Bah Ndaw est désigné président de transition et le colonel Goïta vice-président de transition.  

Le 27, l'ancien ministre des Affaires étrangères Moctar Ouane est désigné pour former un gouvernement, constitué le 5 octobre, avec des militaires aux postes clés.  

Elections fixées  

Le 15 avril 2021, les autorités de transition fixent des dates en février et mars 2022 pour les élections présidentielle et législatives, devant aboutir au transfert du pouvoir à des dirigeants civils.  

Démission du gouvernement  

Le 14 mai, le Premier ministre Moctar Ouane présente la démission de son gouvernement, confronté à une contestation grandissante. Immédiatement reconduit, il est chargé de former un nouveau cabinet de « large ouverture ».  

Nouveau gouvernement  

Le 24 mai, la présidence annonce la formation d'un nouveau gouvernement intérimaire. Les militaires y conservent des postes clés, mais deux figures de l'ancienne junte sont écartées des portefeuilles primordiaux de la Défense et de la Sécurité.  

Le président et le Premier ministre arrêtés  

Le même jour, les militaires, mécontents de la composition de ce gouvernement, arrêtent le président et le Premier ministre, conduits sous la contrainte au camp militaire de Kati, à quelques kilomètres de Bamako. 

Dans un communiqué commun, la mission de l'ONU au Mali, la Communauté des Etats ouest-africains (Cédéao), l'Union africaine, la France, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Union européenne condamnent « la tentative de coup de force » et exigent la « libération immédiate » de MM. Ndaw et Ouane. 

Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, appelle « au calme » et à la « libération inconditionnelle » des dirigeants civils. 

« Coup d'Etat dans le coup d'Etat » 

Le 25, le colonel Assimi Goïta dit avoir déchargé le président et le Premier ministre de leurs prérogatives, accusant les deux hommes de tentative de « sabotage » de la transition. Il assure que cette transition « suivra son cours normal et que les élections prévues se tiendront courant 2022 ». 

« Ce qui a été conduit par les militaires putschistes est un coup d'État dans le coup d'Etat inacceptable, qui appelle notre condamnation immédiate », dénonce le président français Emmanuel Macron à l'issue d'un sommet européen.  

Alors que Londres et Berlin réitèrent leur appel à la libération immédiate des deux dirigeants maliens, Paris demande une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU. 

Elections « courant 2022 »   

Les évènements soulèvent aussi des questions sur le respect du calendrier de retour au pouvoir des civils.  

Les autorités de transition avaient annoncé l'organisation en février-mars 2022 d'élections présidentielle et législatives. Le colonel Goïta, plus vague, dit que la transition suivra « son cours normal et que les élections prévues se tiendront courant 2022 ».  

Le colonel Goïta avait conduit en 2020 le putsch contre le président Keïta après des mois de contestation populaire. La junte avait ensuite installé des autorités de transition, dont Bah Ndaw, militaire à la retraite, et Moctar Ouane, diplomate.  

Les militaires s'étaient engagés, sous pression internationale, à rendre le pouvoir à des civils élus au bout de 18 mois. Ils conservaient cependant la main sur les leviers du pouvoir.  

Lundi, les militaires ont fait arrêter le président, le Premier ministre, le nouveau ministre de la Défense et de hauts collaborateurs, quelques heures à peine après la présentation d'un nouveau gouvernement à la suite de la démission du précédent, confronté à une contestation grandissante.  

Ils les ont fait conduire de force au camp de Kati, haut lieu de l'appareil de Défense à quelques kilomètres de Bamako, où l'ancien président Keïta avait dû annoncer sa démission.  

Ils sont « sains et saufs. Ils ont passé la nuit dans de bonnes conditions. Le président a vu son médecin », a indiqué un haut responsable militaire s'exprimant sous le couvert de l'anonymat.  

« Conséquence logique »   

Les colonels ont mal pris que deux des leurs aient été écartés des portefeuilles stratégiques de la Défense et de la Sécurité dans le nouveau gouvernement, qui maintenait pourtant la prépondérance des militaires, disent les analystes.   

Bien que prévisible, cet énième soubresaut a plongé les Maliens dans la consternation d'un inquiétant déjà-vu.  

Malgré la prolifération du hashtag #wuli (« debout » en bambara) sur les réseaux sociaux, des appels à se rassembler à Bamako pour protester n'ont guère trouvé d'écho.  

Les militaires, accueillis initialement avec un a priori favorable par une population exaspérée par l'insécurité, la corruption et la pauvreté, s'exposent néanmoins au reproche d'avoir pris goût au pouvoir.  

Le sociologue Bréma Ely Dicko voyait dans les évènements récents le prolongement prévisible du putsch de 2020. « Ce qu’on est en train de vivre aujourd'hui est une conséquence logique des tares du début de la transition », quand les colonels ont tenu à l'écart les partis et les organisations de la société civile qui avaient mené pendant des mois la contestation contre l'ancien pouvoir. 

 

Cinq choses à savoir sur le Mali

Extrême pauvreté  

Le Mali, largement désertique, enclavé et frontalier de sept pays, est traversé par le fleuve Niger. Sa population de plus de 19 millions d'habitants est composée d'une vingtaine d'ethnies, dont certaines s'affrontent dans des conflits intercommunautaires.  

Cette ancienne colonie française est un des pays les plus pauvres au monde, classé 184e sur 189 par le Pnud pour son indice de développement humain.   

L'année dernière, sous le double effet du coup d'Etat d'août et de la pandémie de coronavirus, le PIB du Mali s'est contracté de 2%, après une hausse de 5,1% en 2019, selon la Banque africaine de développement (BAD).  

Sa forte croissance démographique et le changement climatique menacent l'agriculture et la sécurité alimentaire, souligne la Banque mondiale.  

La chute de la production de coton et la faible performance de la filière agricole constituent des facteurs d'aggravation de la pauvreté, selon l'institution.  

Instabilité politique  

Indépendant depuis 1960, le Mali est dirigé par Modibo Keïta jusqu'en 1968, année du coup d'Etat militaire de Moussa Traoré, renversé à son tour en 1991.  

En 1992, Alpha Oumar Konaré est le premier président démocratiquement élu.   

Ibrahim Boubacar Keïta, dit « IBK », élu en 2013 puis réélu en 2018, est renversé par un putsch militaire le 18 août 2020.  

Sous pression internationale, les militaires ont accepté de nommer un président de transition et de rendre le pouvoir aux civils dans un délai de 18 mois. Mais dimanche, ils ont arrêté le président et le Premier ministre après la nomination d'un nouveau gouvernement de transition qui les a mécontentés.   

Rébellions touareg et offensive djihadiste  

Depuis l'indépendance, le Mali a connu plusieurs rébellions des Touareg, peuple nomade du Sahara d'origine berbère entré en révolte contre la domination des populations sédentaires noires du Sud.  

La rébellion de 1990-1994 fait plus d'un millier de morts. En 2006, plusieurs centaines d'ex-rebelles retournent dans le maquis. De nombreuses attaques, offensives et prises d'otages ont lieu jusqu'en 2009, entrecoupées d'accords de paix.  

En 2012, le nord du Mali tombe sous la coupe de groupes djihadistes liés à Al-Qaïda qui commettent de nombreuses exactions.  

Opérations militaires étrangères  

Les djihadistes ont été partiellement chassés par l'opération « Serval » lancée par la France en 2013 et remplacée en 2014 par l'opération antidjihadiste au Sahel « Barkhane ».  

La Minusma, engagée aussi depuis 2013, est une des plus importantes missions de l'ONU.  

Egalement présente depuis fin 2017, la force antidjihadiste du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Niger, Burkina Faso et Tchad), est soutenue par la France. Paris pilote également depuis mars 2020 la force européenne Takuba.  

L'armée française et celles des pays du G5 Sahel ont multiplié les offensives antidjihadistes, notamment dans la zone dite des « trois frontières » entre Mali, Niger et Burkina Faso.  

Mais en dépit des interventions étrangères, les violences djihadistes se poursuivent et se sont étendues au centre du Mali et aux pays voisins, Burkina Faso et Niger.  

Le centre du Mali est pris dans un tourbillon de violences depuis l'apparition en 2015 d'un groupe djihadiste mené par le prédicateur peul Amadou Koufa, affilié à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), qui a largement recruté dans cette communauté.  

Les violences ont provoqué des milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés.  

Rayonnement culturel   

La cité de Tombouctou (nord-ouest), célèbre pour ses dizaines de milliers de manuscrits, a été un grand centre intellectuel de l'islam.   

Les mausolées de saints musulmans de Tombouctou, considérés par la population comme des protecteurs, ont été partiellement détruits par les djihadistes, puis reconstruits grâce à l'Unesco, et classés au patrimoine mondial de l'humanité.   

De nombreuses légendes de la musique africaine proviennent du Mali, comme Salif Keïta, Rokia Traoré, le duo Amadou et Mariam ou Ali Farka Touré, ainsi que des photographes mondialement connus comme Seydou Keïta ou Malick Sidibé. 


Trump impose des restrictions d'entrée à sept autres pays et aux Palestiniens

Des personnes arrivent à l'aéroport international John F. Kennedy de New York, le 9 juin 2025. (AFP)
Des personnes arrivent à l'aéroport international John F. Kennedy de New York, le 9 juin 2025. (AFP)
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  • Donald Trump élargit les interdictions d’entrée aux États-Unis à sept pays supplémentaires, dont la Syrie, et inclut les Palestiniens munis de documents de l’Autorité palestinienne
  • La Maison Blanche invoque la sécurité nationale, tout en prévoyant des exceptions limitées, dans le cadre d’un durcissement général de la politique migratoire

WASHINGTON: Donald Trump a étendu mardi les interdictions d'entrée aux Etats-Unis aux ressortissants de sept pays, dont la Syrie, ainsi qu'aux Palestiniens.

Le président américain a signé une proclamation "restreignant et limitant davantage l'entrée des ressortissants étrangers afin de protéger la sécurité des Etats-Unis", a indiqué la Maison Blanche.

Les nouveaux pays concernés par cette mesure sont le Burkina Faso, le Niger, le Mali, le Soudan du Sud et la Syrie, tandis que le Laos et la Sierra Leone passent de restrictions partielles à totales.

Les Palestiniens disposant de documents de voyage émis par l'Autorité palestinienne sont également visés.

L'administration Trump avait déjà imposé des restrictions totales visant les ressortissants de douze pays et des dizaines d'autres pays se sont vus imposer des restrictions partielles.

S'agissant de la Syrie, la mesure intervient quelques jours après une attaque meurtrière contre des soldats américains dans le centre de ce pays.

L'administration Trump dit avoir identifié des pays où les vérifications sont "tellement insuffisantes qu'elles justifiaient une suspension totale ou partielle de l'admission des ressortissants de ces pays".

La proclamation prévoit cependant des exceptions pour les résidents permanents légaux, les titulaires de visas existants, certaines catégories de visas comme les athlètes et les diplomates, et les personnes dont "l'entrée sert les intérêts nationaux des Etats-Unis".

Depuis son retour au pouvoir en janvier, Donald Trump mène une vaste campagne contre l'immigration illégale et a considérablement durci les conditions d'entrée aux Etats-Unis et l'octroi de visas, arguant de la protection de la sécurité nationale.

Ces mesures visent ainsi à interdire l'entrée sur le territoire américain aux étrangers qui "ont l'intention de menacer" les Américains, selon la Maison Blanche.

De même, pour les étrangers qui "pourraient nuire à la culture, au gouvernement, aux institutions ou aux principes fondateurs" des Etats-Unis.

Le président américain s'en est récemment pris avec virulence aux Somaliens, disant qu'il "ne voulait pas d'eux chez nous".

En juin, il avait annoncé des interdictions d'entrée sur le territoire américain aux ressortissants de douze pays, principalement en Afrique et au Moyen-Orient (Afghanistan, Birmanie, Tchad, Congo-Brazzaville, Guinée équatoriale, Erythrée, Haïti, Iran, Libye, Somalie, Soudan, Yémen).

En revanche, le Turkménistan, pays qui figure parmi les plus reclus au monde, se voit accorder un satisfécit, la Maison Blanche évoquant mardi des "progrès significatifs" dans cet Etat d'Asie centrale.

Du coup, les ressortissants de ce pays pourront à nouveau obtenir des visas américains, mais uniquement en tant que non-immigrants.

Lors de son premier mandat (2017-2021), Donald Trump s'en était pris de façon similaire à certains pays, ciblant principalement des pays musulmans.


Australie: la communauté juive, bouleversée et en colère, enterre «le Rabbin de Bondi»

Dans un pays considéré depuis longtemps comme un refuge, et qui abrite environ 2.500 survivants de la Shoah, le massacre de dimanche a instillé le doute quant à la politique de Canberra contre l'antisémitisme. (AFP)
Dans un pays considéré depuis longtemps comme un refuge, et qui abrite environ 2.500 survivants de la Shoah, le massacre de dimanche a instillé le doute quant à la politique de Canberra contre l'antisémitisme. (AFP)
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  • Celui qui était connu sous le nom de "Rabbin de Bondi" a été abattu dimanche sur la plage du même nom, lors de l'attentat le plus meurtrier en Australie depuis des décennies
  • Les proches et les membres de la communauté ont laissé échapper des sanglots quand le corbillard transportant le corps de M. Schlanger, 41 ans, est arrivé et que son cercueil, recouvert d'un velours noir orné de l'étoile de David, a été déposé

SYDNEY: Dans une synagogue bondée, emplie de cris et de larmes, la communauté juive de Sydney traumatisée a rendu hommage mercredi au rabbin Eli Schlanger, première victime de l'attentat antisémite de la plage de Bondi a être mise en terre.

Celui qui était connu sous le nom de "Rabbin de Bondi" a été abattu dimanche sur la plage du même nom, lors de l'attentat le plus meurtrier en Australie depuis des décennies.

Les proches et les membres de la communauté ont laissé échapper des sanglots quand le corbillard transportant le corps de M. Schlanger, 41 ans, est arrivé et que son cercueil, recouvert d'un velours noir orné de l'étoile de David, a été déposé.

David Deitz, homme d'affaires de 69 ans, qui connaissait M. Schlanger "depuis très, très longtemps", explique à l'AFP que le rabbin a eu "une influence positive sur beaucoup de gens".

"C'est un choc pour l'Australie de voir un tel événement se produire ici. Ce n'est pas dans la nature des Australiens", poursuit-il.

Une forte présence sécuritaire a été mobilisée lors des obsèques, avec des policiers alignés dans la rue fermée au public.

Dans un pays considéré depuis longtemps comme un refuge, et qui abrite environ 2.500 survivants de la Shoah, le massacre de dimanche a instillé le doute quant à la politique de Canberra contre l'antisémitisme.

En 2021, le nombre de juifs australiens était estimé à 117.000.

"Ils auraient pu nous écouter" 

Jillian Segal, la responsable de la lutte contre l'antisémitisme en Australie, a fustigé cette semaine des préjugés antijuifs "qui s’insinuent dans la société depuis de nombreuses années et contre lesquels nous ne nous sommes pas suffisamment élevés".

Mme Segal a été la première nommée à ce poste après une série d'attaques antisémites à Melbourne et à Sydney, au début de la guerre d'Israël dans la bande de Gaza.

Au cours des 12 mois suivant l’attaque du Hamas en Israel du 7 octobre 2023 qui a déclenché cette guerre, les incidents de nature antisémite en Australie ont augmenté de 316%, dépassant les 2.000, dit-elle.

"Nous devrions pouvoir être qui nous sommes sans avoir peur", a déclaré Brett Ackerman, un analyste de données âgé de 37 ans.

La colère gagne certains membres de la communauté qui estiment que leur cri d'alarme face à la montée de l'antisémitisme depuis le 7-Octobre n'a pas été pris en compte.

"Ils auraient pu nous écouter" se désole M. Ackerman. Pour lui, l'attaque n'était "pas une surprise".

A côté de lui, le rabbin Yossi Friedman acquiesce. "Le message était clair depuis un peu plus de deux ans", soutient-il. "Est-ce que nous nous sentons en sécurité? Pour être honnête, pas vraiment."

"Nous pensions être en sécurité. Nos grands-parents et arrière-grands-parents étaient des survivants de la Shoah, et beaucoup d’entre eux sont venus ici pour échapper à la haine et au sang versé, aux pogroms, à la persécution (...) et c'est ce qu'on retrouve ici", observe-t-il.

"Problème de société"

Le Premier ministre Anthony Albanese a dénoncé l'attaque de Bondi comme un acte terroriste antisémite de "pure méchanceté" perpétré par des hommes inspirés par l’idéologie jihadiste du groupe État islamique.

Mais il a rejeté les critiques selon lesquelles son gouvernement n'avait pas réagi suffisamment à l'appel de Mme Segal.

Le Premier ministre a souligné que son gouvernement avait pénalisé les discours de haine et interdit le salut nazi et les symboles haineux, entre autres.

Depuis la fusillade, M. Albanese mène une initiative conjointe entre le gouvernement central et les Etats d'Australie en faveur d’un contrôle plus strict des armes à feu. L'assaillant le plus âgé possédait six armes dûment enregistrées.

Mais pour l'écrivain Danny Gingef, 66 ans, "la réforme des armes à feu est une diversion totale par rapport au vrai problème, qui est la haine, il faut identifier la haine là où elle commence".

Au départ du cercueil, les spectateurs ont entonné des chants en hébreu. Submergés par l’émotion, certains se sont effondrés dans les bras de leurs proches, à peine capables de tenir debout.

"Je sens que ces dernières années, les Juifs ont été en état d’alerte maximale", dit M. Gingef. Il se sent triste et en colère, et fait référence aux "marches de la haine" où il a vu des manifestants porter des drapeaux du Hezbollah.

Pour lui, il n’y a pas "beaucoup plus que nous puissions faire" sans le soutien des autorités et d’autres groupes.

"L’antisémitisme n’est pas un problème que les Juifs doivent résoudre, c’est un problème de société".

lec-oho/mjw/lgo/alh/pt

 


La BBC va "se défendre" face à la plainte en diffamation à 10 milliards de dollars de Trump

Des personnes empruntent l'entrée des bureaux de la chaîne britannique BBC à Londres en fin d'après-midi, le 11 novembre 2025. (AFP)
Des personnes empruntent l'entrée des bureaux de la chaîne britannique BBC à Londres en fin d'après-midi, le 11 novembre 2025. (AFP)
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  • Donald Trump poursuit la BBC pour diffamation et pratiques trompeuses, réclamant jusqu’à 10 milliards $ après un montage contesté de son discours du 6 janvier 2021
  • L’affaire secoue l’audiovisuel public britannique : démissions à la tête de la BBC, lettre d’excuses envoyée à Trump, et réexamen annoncé de la charte royale

LONDRES: La BBC a assuré mardi qu'elle allait "se défendre" contre la plainte en diffamation du président américain Donald Trump, qui réclame 10 milliards de dollars au groupe audiovisuel public britannique pour un montage vidéo contesté de l'un de ses discours.

La plainte, déposée lundi devant un tribunal fédéral à Miami par le président américain et consultée par l'AFP, demande "des dommages et intérêts d'un montant minimum de 5 milliards de dollars" pour chacun des deux chefs d'accusation: diffamation et violation d'une loi de Floride sur les pratiques commerciales trompeuses et déloyales.

"Ils ont littéralement mis des mots dans ma bouche", s'est plaint le milliardaire de 79 ans, lundi devant la presse.

"Nous allons nous défendre dans cette affaire", a répondu un porte-parole de la BBC mardi matin, sans faire davantage de commentaire sur la procédure.

Le groupe audiovisuel britannique, dont l'audience et la réputation dépassent les frontières du Royaume-Uni, est dans la tourmente depuis des révélations sur son magazine phare d'information "Panorama".

Ce dernier a diffusé, juste avant la présidentielle américaine de 2024, des extraits distincts d'un discours de Donald Trump du 6 janvier 2021, montés de telle façon que le républicain semble appeler explicitement ses partisans à attaquer le Capitole à Washington.

Des centaines de ses partisans, chauffés à blanc par ses accusations sans fondement de fraude électorale, avaient pris d'assaut ce jour-là le sanctuaire de la démocratie américaine, pour tenter d'y empêcher la certification de la victoire de son adversaire démocrate Joe Biden.

"La BBC, autrefois respectée et aujourd'hui discréditée, a diffamé le président Trump en modifiant intentionnellement, malicieusement et de manière trompeuse son discours dans le but flagrant d'interférer dans l'élection présidentielle de 2024", a dénoncé lundi un porte-parole des avocats du républicain contacté par l'AFP.

"La BBC a depuis longtemps l'habitude de tromper son public dans sa couverture du président Trump, au service de son programme politique de gauche", a-t-il ajouté.

- Lettre d'excuses -

Au Royaume-Uni, la controverse a relancé le brûlant débat sur le fonctionnement de l'audiovisuel public et son impartialité, alors que le groupe a déjà été bousculé ces dernières années par plusieurs polémiques et scandales.

L'affaire a poussé à la démission son directeur général Tim Davie et la patronne de BBC News Deborah Turness.

Le président de la BBC Samir Shah a pour sa part envoyé une lettre d'excuses à Donald Trump et la BBC a indiqué "regretter sincèrement la façon dont les images ont été montées" mais contesté "fermement qu'il y ait une base légale pour une plainte en diffamation".

Le groupe audiovisuel a "été très clair sur le fait qu'il n'y a pas matière à répondre à l'accusation de M. Trump en ce qui concerne la diffamation. Je pense qu'il est juste que la BBC reste ferme sur ce point", a soutenu mardi matin le secrétaire d'Etat britannique à la Santé Stephen Kinnock, sur Sky News.

Le gouvernement a également annoncé mardi le début du réexamen de la charte royale de la BBC, un processus qui a lieu tous les dix ans, pour éventuellement faire évoluer sa gouvernance, son financement ou ses obligations envers le public britannique.

La plainte de Donald Trump estime que, malgré ses excuses, la BBC "n'a manifesté ni véritables remords pour ses agissements ni entrepris de réformes institutionnelles significatives afin d'empêcher de futurs abus journalistiques".

Le président américain a lancé ou menacé de lancer des plaintes contre plusieurs groupes de médias aux Etats-Unis, dont certains ont dû verser d'importantes sommes pour mettre fin aux poursuites.

Depuis son retour au pouvoir, il a fait entrer à la Maison Blanche de nombreux créateurs de contenus et influenceurs qui lui sont favorables, tout en multipliant les insultes contre des journalistes issus de médias traditionnels.

L'un de ces nouveaux venus invités par le gouvernement Trump est la chaîne conservatrice britannique GB News, proche du chef du parti anti-immigration Reform UK, Nigel Farage.