Israël-Palestine: La guerre sans fin

Des enfants palestiniens tiennent des bougies alors qu'ils visitent les ruines d'un bâtiment détruit lors de récentes frappes aériennes israéliennes, à Beit Lahia, dans le nord de la bande de Gaza, le 25 mai 2021. (Photo / AFP)
Des enfants palestiniens tiennent des bougies alors qu'ils visitent les ruines d'un bâtiment détruit lors de récentes frappes aériennes israéliennes, à Beit Lahia, dans le nord de la bande de Gaza, le 25 mai 2021. (Photo / AFP)
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Publié le Mercredi 26 mai 2021

Israël-Palestine: La guerre sans fin

Israël-Palestine: La guerre sans fin
  • La vérité, c’est que la question palestinienne n’a pas disparu comme par enchantement, mais qu’elle n’a pas de solution
  • Des deux côtés, il n’y a pratiquement plus personne pour parler d’un projet de paix

La crise particulièrement violente qui a éclaté entre Israël et les Palestiniens en ce mois de mai 2021 a pris fin sur l’insistance conjointe du président américain et du président égyptien, sans que l’on puisse dire qui a gagné et qui a perdu dans cette nouvelle étape d’une guerre sans fin qui a commencé en 1948, il y a soixante-treize ans. Mais, après la fin des combats, plusieurs constats s’imposent.

Elie Barnavi, ancien ambassadeur d’Israël à Paris, a déclaré au journal français Libération: «Netanyahou a vendu le mythe d’un problème palestinien liquidé.» Et, de fait, les accords dits «d’Abraham» étaient fondés implicitement sur l’idée que la question palestinienne ne faisait plus obstacle à l’ouverture de relations diplomatiques officielles entre Israël et les États arabes. C’était évidemment une vue de l’esprit qui ne s’appuyait sur rien d’avéré.

La vérité, c’est que la question palestinienne n’a pas disparu comme par enchantement, mais qu’elle n’a pas de solution. Ce n’est pas du tout la même chose. Les faits sont là dans leur brutalité: l’implantation de 660 000 Israéliens en Cisjordanie rend le projet d’un État palestinien définitivement obsolète, tandis que l’idée de réunir les Juifs et les Arabes dans un seul État laïc unifiant toute la Palestine, avec des droits égaux pour tous, est hautement invraisemblable. Il n’y a donc plus de solution. Place à la guerre perpétuelle. Voilà pourquoi le gouvernement israélien et le Hamas ont cessé les combats sans conclure le moindre arrangement, parce que pour eux il n’y a rien à négocier. Constat effrayant!

Mais il y a encore deux autres constats à faire. Le premier, c’est que, des deux côtés, il n’y a pratiquement plus personne pour parler d’un projet de paix. Du côté israélien, ce qu’on appelait jadis «le camp de la paix» a disparu. Les partis de gauche qui le constituaient se sont effondrés. Dans le paysage politique israélien d’aujourd’hui, Netanyahou et ses opposants se disputent pour conserver ou pour conquérir le pouvoir, mais s’agissant de la Palestine ils partagent une doctrine que l’on peut résumer en quatre piliers: continuer à coloniser la Cisjordanie, contrôler Gaza par tous les moyens, se protéger des Palestiniens par des murs, limiter les droits des Arabes vivant en Israël pour les tenir sous le boisseau. 

Mais côté palestinien ce n’est pas mieux. Le Fatah qui, vaille que vaille, du temps d’Arafat, négociait dans le cadre du processus de paix, est désormais totalement déconsidéré. Depuis que Mahmoud Abbas et ses proches ont renoncé à organiser des élections, on ne voit pas ce qui pourrait rendre à l’OLP la moindre légitimité. Qu’on le veuille ou non, la force qui monte, c’est le Hamas, surarmé et disposant de moyens militaires de plus en plus sophistiqués, alimenté à la même source que le Hezbollah libanais, l’Iran des Gardiens de la révolution. Et ce n’est pas fini. Lentement mais sûrement, la pression militaire s’accroît dangereusement sur Israël.

Le dernier constat est peut-être le plus troublant: c’est l’irruption de la Chine dans la paysage moyen-oriental. Comme toujours, elle a fait ses premiers pas sur la pointe des pieds, avec une discrétion très étudiée, en privilégiant le terrain économique. Des fonds chinois, présumés privés, investissent dans des start-up high-tech israéliennes à la recherche de financement, tandis que les géants chinois du BTP s’intéressent aux grands marchés d’équipement publics, par exemple l’extension du port de Haïfa. 

La Chine mise sur Israël. Elle vient de manœuvrer habilement au Conseil de sécurité de l’ONU pour obtenir le vote d’une résolution appelant au cessez-le-feu conjointement avec la Tunisie et la Norvège. Sans tapage inutile, c’est une grande première. Les Français qui avaient échoué la veille devant le blocage américain, habituel quand il s’agit d’Israël, se consolent en disant que c’est plus ou moins la reprise de leur texte. Mais les Chinois sont au mieux avec les dirigeants israéliens et ils ont une carte maîtresse dans la main: un traité aux vastes ambitions avec l’Iran signé il y a quelques semaines. C’est comme si s’ouvrait ainsi un nouveau canal de médiation entre Israël et ses turbulents voisins. En tout cas, dans la région, la Chine entre en scène au moment où les États-Unis s’apprêtent à la quitter.

Hervé de Charette est ancien ministre des Affaires étrangères et ancien ministre du Logement. Il a aussi été maire de Saint-Florent-le-Vieil et député de Maine-et-Loire. 

TWITTER : @HdeCharette

NDLR: L’opinion exprimée dans cette section est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d'Arab News en français.