«L'horreur»: les Bélarusses qui fuient leur pays à travers la forêt

Un biélorusse de 19 ans arrêté par le service des gardes-frontières après avoir traversé la frontière biélorusse-lituanienne le 5 avril 2021 dans le district de Varena, en Lituanie. (Photo, AFP)
Un biélorusse de 19 ans arrêté par le service des gardes-frontières après avoir traversé la frontière biélorusse-lituanienne le 5 avril 2021 dans le district de Varena, en Lituanie. (Photo, AFP)
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Publié le Mercredi 26 mai 2021

«L'horreur»: les Bélarusses qui fuient leur pays à travers la forêt

  • A cause d'un problème de boussole il a «failli retourner au Bélarus par deux fois»
  • La Lituanie a aussi accueilli des centaines d'autres Bélarusses en vertu d'un «couloir humanitaire» en leur accordant des visas de six mois

VILNIUS: Avec juste un sac à dos, un Bélarusse de 19 ans recherché dans son pays pour avoir participé à des manifestations pro-démocratie, vient de fuir en Lituanie, à pied, à travers la forêt qui recouvre la frontière entre les deux pays.

Le jeune homme fait partie des dizaines de ses compatriotes qui passent illégalement cette frontière de l'Union européenne, à la suite d'une vague de répression sanglante au Bélarus, depuis une élection contestée d'août 2020.

"Je suis extrêmement soulagé ... J'ai quitté l'horreur", déclare le jeune homme, quelques minutes après avoir atteint le sol lituanien, dans la nuit, et juste avant l'arrivée d'une patrouille des garde-frontières lituaniens. 

L'homme, qui préfère garder l'anonymat, a trouvé sa traversée relativement facile même si effrayante. 

Il ne lui a fallu que 40 minutes pour rejoindre la Lituanie après avoir été déposé en voiture du côté bélarusse de la frontière marquée par un fossé. 

En cours de route, il a dû éviter des patrouilles bélarusses et se battre avec son genou défaillant depuis un passage à tabac subi lors d'une arrestation récente. 

A cause d'un problème de boussole il a "failli retourner au Bélarus par deux fois".

Arrêté quatre fois en une année

Les garde-frontières lituaniens évoquent 37 passages illégaux de ressortissants bélarusses, détectés entre le 1er août 2020 et le 1er mai 2021 - certains concernant des passeurs.

Pendant ce temps, le gouvernement a reçu 142 demandes d'asile de la part de Bélarusses qui ont traversé la frontière, légalement ou illégalement. Douze ont été approuvées jusqu'à présent. 

La Lituanie a aussi accueilli des centaines d'autres Bélarusses en vertu d'un "couloir humanitaire", en leur accordant des visas de six mois leur permettant de régulariser leur statut dans ce pays.

L'histoire du fugitif est typique pour beaucoup de jeunes, victimes de la répression déclenchée par le président Alexandre Loukachenko qui, soutenu par Moscou, dirige le Bélarus depuis 1994. 

Le jeune homme déclare avoir été arrêté pour la première fois l'année dernière, avant même le scrutin présidentiel truqué, selon l'opposition, en faveur de M. Loukachenko.

Depuis, il a assisté régulièrement à des manifestations, a été interpellé encore à trois reprises et a connu de brefs passages en prison. "Cela m'a révélé l'iniquité (régnant) dans ce pays", a-t-il déclaré. 

Lors d'une arrestation, un agent promet qu'"ils n'arrêteront pas de me harceler", se rappelle le fugitif.

Selon des groupes de défense des droits de l'Homme, il y a actuellement plus de 300 prisonniers politiques au Bélarus.

«On essaiera de les aider»

Après son arrestation, le jeune homme dit avoir tenté de fuir en Ukraine mais s'est fait interpeller et a entendu qu'il ne pourrait quitter son pays qu'après avoir fait son service militaire.

Incapables de quitter le pays légalement, à cause de poursuites judiciaires, d'enquêtes et du prétexte du service militaire, les Bélarusses, à l'instar du jeune homme de 19 ans, sont aidés par un réseau discret d'organisations leur facilitant des passages illégaux.

"S'ils décident de traverser la frontière illégalement, on essaiera de les aider", déclare à l'AFP un militant en Lituanie, qui, lui aussi, refuse de donner son nom en raison de son engagement. Mais "ils doivent comprendre qu'il y a un risque... ils doivent être responsables de leurs actes", insiste-t-il. 

L'assistance comprend des conseils sur ce qu'il faut emporter avec eux, l'itinéraire et les points de repère le long du chemin.

«Les gens ici sont libres»

Guerman Snejkov, 53 ans, est l'un de ceux qui ont traversé la frontière illégalement, poursuivi au Bélarus pour avoir participé à des manifestations. "C'était par une nuit froide d'hiver. J'ai dû traverser un canal, l'eau montait aux genoux", se souvient-il.

À un moment, il s'est figé à la vue d'un projecteur des garde-frontières bélarusses. "Mais je savais qu'il n'y avait pas de retour en arrière. Seulement vers l'avant. J'ai confié mon sort à Dieu et j'ai continué à marcher", raconte M. Snejkov.

Trois mois après, lui et sa famille ont tous obtenu l'asile politique, un cours de langue gratuit et une aide à la recherche d'un emploi.

"Quand j'ai débarqué dans cet autre pays j'ai vu une société complètement différente. J'ai senti que les gens ici sont libres", déclare-t-il.

Même les gardes-frontières lituaniens étaient gentils: ils "m'ont laissé enlever mes chaussures pour les faire sécher. Cela comptait beaucoup pour moi", sourit-il.

«Tout va bien se passer»

A la frontière, deux garde-frontières arrivent en voiture. Le jeune fugitif de 19 ans met son masque anti-Covid.

"D'où venez-vous?", demande un des agents, en russe. "Du Bélarus. Je demande l'asile politique", répond l'homme. 

L'agent demande son passeport, le fouille et lui tend des gants en latex. Nerveux, le jeune homme a du mal à les enfiler. Mais le garde-frontière le rassure: "Ne t'inquiète pas. Tout va bien se passer".


Turquie: nouveau coup judiciaire contre le principal parti d'opposition

Un tribunal turc a révoqué mardi la direction d'Istanbul du principal parti de l'opposition, le CHP, pour des irrégularités présumées lors de son congrès en 2023. Une décision dénoncée comme "un coup d'Etat judiciaire" par le parti qui va faire appel. (AFP)
Un tribunal turc a révoqué mardi la direction d'Istanbul du principal parti de l'opposition, le CHP, pour des irrégularités présumées lors de son congrès en 2023. Une décision dénoncée comme "un coup d'Etat judiciaire" par le parti qui va faire appel. (AFP)
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  • Le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate) a remporté une large victoire face à l'AKP du président Recep Tayyip Erdogan lors des élections municipales de 2024 et progresse dans les sondages
  • Le tribunal annule les résultats du congrès provincial du CHP, excluant son chef à Istanbul, Özgür Celik, ainsi que 195 membres de la direction et délégués de ce parti

ISTANBUL: Un tribunal turc a révoqué mardi la direction d'Istanbul du principal parti de l'opposition, le CHP, pour des irrégularités présumées lors de son congrès en 2023. Une décision dénoncée comme "un coup d'Etat judiciaire" par le parti qui va faire appel.

Cette mesure apparaît comme un nouvel épisode de la guerre que livrent les autorités turques au premier parti d'opposition et surtout à ses figures populaires, dont le maire d'Istanbul emprisonné, Ekrem Imamoglu.

Le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate) a remporté une large victoire face à l'AKP du président Recep Tayyip Erdogan lors des élections municipales de 2024 et progresse dans les sondages.

Dans son jugement, dont l'AFP a pu consulter une copie, le tribunal annule les résultats du congrès provincial du CHP, excluant son chef à Istanbul, Özgür Celik, ainsi que 195 membres de la direction et délégués de ce parti.

Par ces procédures, l'objectif est d'évincer l'actuel président du parti, Özgür Özel, en faisant annuler le résultat du congrès national du CHP.

S'exprimant mardi soir à l'issue d'une réunion d'urgence des instances du parti à Ankara, M.Özel a juré de "ne pas capituler" et dénoncé une "décision politiquement et légalement nulle et non avenue".

"Nous sommes confrontés à un coup d'Etat judiciaire", a-t-il enchainé lors d'un entretien à la chaine de télévision privée Halk TV, accusant les autorités de vouloir "modifier les résultats électoraux par voie de justice".

"Ils menacent de me retirer la direction du parti. Je vais me battre en retour". a-t-il promis.

Pression judiciaire croissante 

Le CHP subit une pression judiciaire croissante via un grand nombre d'enquêtes et d'interpellations visant ses élus, accusés de corruption, comme au sein de la municipalité d'Istanbul, la plus riche et la plus importante ville de Turquie, dont le maire est depuis mars derrière les barreaux.

L'arrestation de l'édile, Ekrem Imamoglu, figure populaire de l'opposition et principal adversaire potentiel du président Recep Tayyip Erdogan à la prochaine échéance présidentielle, avait déclenché un mouvement de contestation inédit dans ce pays depuis douze ans.

Sont de fait suspendues mardi "toutes les décisions prises au cours du congrès provincial d'Istanbul" du CHP qui avait eu lieu le 8 octobre 2023, d'après le jugement rendu.

La mesure suppose également "la réintégration temporaire" des personnes élues lors du précédent congrès ou la nomination d'un comité provisoire qui serait jugé approprié par le tribunal.

Au congrès d'octobre 2023, Özgür Celik, élu à la direction du parti à Istanbul avec le soutien d'Ekrem Imamoglu, l'avait emporté face à son concurrent, Cemal Canpolat, un proche de l'ancien président du CHP, Kemal Kilicdaroglu.

Ce dernier avait été le candidat malheureux de l'opposition à la présidentielle de 2023.

Le parquet a ouvert une enquête contre M. Celik et neuf autres responsables du parti pour des allégations de "fraude électorale", ce qui peut leur valoir jusqu'à trois ans de prison.

Pour l'analyste politique Berk Esen joint par l'AFP, la décision de mardi contre la direction d'Istanbul est une "répétition" avant une nouvelle procédure judiciaire contre le CHP lui-même, afin de l'affaiblir en tant que force d'opposition dans la perspectives des prochaines élections.

M. Esen y voit le signe d'une "évolution vers une autocratie totale (qui) signale la fin du multipartisme dans le pays tel que nous le connaissons".

"Le gouvernement prend des mesures calculées pour éliminer Ekrem Imamoglu, qu'il considère comme la seule véritable menace électorale, et pour réduire le CHP à une opposition sous contrôle", assure-t-il.

 


Les «doubles standards» occidentaux sur Gaza et l'Ukraine sont un «échec» : Premier ministre espagnol

 Le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez s'adresse aux journalistes après une réunion avec le roi Felipe VI d'Espagne au Palais Marivent à Palma de Majorque, le 29 juillet 2025. (AFP)
Le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez s'adresse aux journalistes après une réunion avec le roi Felipe VI d'Espagne au Palais Marivent à Palma de Majorque, le 29 juillet 2025. (AFP)
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  • Pedro Sanchez : Gaza représente "l'un des épisodes les plus sombres des relations internationales" de ce siècle
  • Son pays encourage l'Europe à prendre des mesures plus sévères à l'encontre d'Israël

LONDRES : La politique de deux poids deux mesures de l'Occident sur l'Ukraine et Gaza menace sa position mondiale, a déclaré le premier ministre espagnol au Guardian.

Pedro Sanchez, qui a accusé Israël de commettre un génocide à Gaza, s'exprimait avant de s'entretenir avec son homologue britannique Keir Starmer à Londres mercredi.

M. Sanchez s'est réjoui que d'autres pays européens suivent l'Espagne dans la reconnaissance d'un État palestinien, mais il a critiqué la réaction générale du continent à la guerre.

"C'est un échec", a-t-il déclaré. "C'est un échec. La réalité, c'est aussi qu'au sein de l'UE, certains pays sont divisés sur la manière d'influencer Israël.

"Mais à mon avis, ce n'est pas acceptable et nous ne pouvons pas durer plus longtemps si nous voulons accroître notre crédibilité face à d'autres crises, comme celle à laquelle nous sommes confrontés en Ukraine.

Il a ajouté : "Les racines de ces guerres sont complètement différentes mais, en fin de compte, le monde regarde l'UE et la société occidentale et demande : "Pourquoi faites-vous deux poids deux mesures quand il s'agit de l'Ukraine et quand il s'agit de Gaza ?"

M. Sanchez a déclaré qu'il encourageait l'Europe à prendre des mesures plus sévères à l'encontre d'Israël, y compris sur le plan financier.

"Ce à quoi nous assistons actuellement à Gaza est peut-être l'un des épisodes les plus sombres des relations internationales du 21ème siècle, et à cet égard, je dois dire que l'Espagne a été très active au sein de l'UE et de la communauté internationale", a-t-il ajouté.

"Au sein de l'UE, ce que nous avons fait jusqu'à présent, c'est préconiser la suspension du partenariat stratégique que l'UE entretient avec Israël.


L'UE met l'accord avec le Mercosur sur la table, suspense à Paris

Des agriculteurs et des membres de la Fédération nationale bovine manifestent près de l'ambassade du Brésil à Paris, le 9 juillet 2025, pour montrer leur opposition à un éventuel accord de libre-échange entre l'Union européenne (UE) et le Marché commun du Sud (MERCOSUR). (AFP)
Des agriculteurs et des membres de la Fédération nationale bovine manifestent près de l'ambassade du Brésil à Paris, le 9 juillet 2025, pour montrer leur opposition à un éventuel accord de libre-échange entre l'Union européenne (UE) et le Marché commun du Sud (MERCOSUR). (AFP)
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  • La Commission européenne s’apprête à approuver l’accord de libre-échange UE-Mercosur, en y ajoutant des clauses de sauvegarde pour apaiser les inquiétudes françaises sur l’impact pour l’agriculture
  • La France, en pleine instabilité politique, reste prudente mais divisée, entre intérêts économiques et critiques de l’opposition

BRUXELLES: La France donnera-t-elle son feu vert? La Commission européenne s'apprête à approuver mercredi l'accord commercial avec les pays latino-américains du Mercosur, avec un geste pour tenter de convaincre Paris et rassurer les agriculteurs.

L'adoption par les commissaires européens est la première étape avant de soumettre ce traité de libre-échange aux Etats membres et aux eurodéputés dans les mois qui viennent.

L'exécutif européen remet ce dossier sensible sur la table au moment où la France est de nouveau plongée dans une tempête politique. Le gouvernement pourrait tomber lundi lors d'un vote de confiance très mal engagé pour le Premier ministre François Bayrou.

Selon une source européenne, Bruxelles veut aller vite et espère un accord des Vingt-Sept avant la fin 2025, tant que le Brésilien Lula occupe la présidence tournante du Mercosur.

Cet accord doit notamment permettre à l'Union européenne d'exporter davantage de voitures, de machines et de spiritueux en Argentine, au Brésil, en Uruguay et au Paraguay.

En retour, il faciliterait l'entrée de viande, sucre, riz, miel ou soja sud-américains, au risque de fragiliser certaines filières agricoles européennes.

Pour la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, "c'est un accord gagnant-gagnant avec des avantages significatifs pour les consommateurs et les entreprises" des deux continents.

Mais depuis la conclusion des négociations en décembre dernier, les syndicats des agriculteurs européens sont vent debout.

"Le combat se poursuit", a prévenu lundi le premier syndicat agricole français, la FNSEA, en en appelant au chef de l'Etat Emmanuel Macron.

La France, qui a mené la fronde au sein des Vingt-Sept, voyait jusqu'ici le projet d'accord comme une menace pour des filières comme le bœuf, la volaille, le sucre et l'éthanol et réclamait des mesures de sauvegarde supplémentaires.

- "Trahison" -

Pour rassurer le gouvernement français, la Commission pourrait annoncer mercredi un geste, fruit de plusieurs semaines de négociations: des clauses de sauvegarde renforcées pour les "produits agricoles sensibles".

L'exécutif européen s'engagerait à intervenir en cas d'impacts négatifs de l'accord sur certaines filières, selon une source européenne.

Juridiquement, cet ajout ne nécessite pas de renégociation avec les pays du Mercosur, mais les Européens devront tout de même expliquer à leurs partenaires latino-américains pourquoi ils ont procédé ainsi.

Cette modification suffira-t-elle à la France ?

Sollicités par l'AFP, le gouvernement et l'Elysée n'ont pas souhaité réagir à ce stade.

Mais "la France estime, sous réserve d'une analyse approfondie" que cela "va dans le bon sens", assure une source diplomatique. "Il faudra bien sûr s'assurer de l’efficacité de ce dispositif" de sauvegarde, ajoute-t-elle.

Dans l'opposition, le RN dénonce déjà une "trahison" d'Emmanuel Macron si la France change de pied tandis que LFI appelle à la "mobilisation générale" contre ce "passage en force".

Au Parlement européen, le centriste Pascal Canfin promet de son côté une initiative transpartisane pour tenter de "suspendre l'adoption" de l'accord, "en l'absence de transparence et de garanties claires".

Mais l'accord avec le Mercosur compte aussi de nombreux partisans en Europe, à commencer par l'Allemagne qui veut offrir de nouveaux débouchés à ses entreprises industrielles. Plus encore depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche et la mise en place de taxes douanières sur les produits européens qui entrent aux Etats-Unis.

L'Union européenne a besoin "très rapidement" de nouveaux partenaires commerciaux, ne cesse de répéter le chancelier allemand Friedrich Merz.

Selon Bruxelles, l'accord avec le Mercosur permettrait aux exportateurs européens d'économiser plus de 4 milliards d'euros de droits de douane par an en Amérique latine.

Si la France maintient son opposition à l'accord, elle ne pourrait le faire capoter à elle seule. Il lui faudrait réunir une "minorité de blocage", soit au moins quatre Etats représentant plus de 35% de la population de l'Union européenne.