La tactique «dure» de Téhéran renforce les enjeux des négociations sur le nucléaire iranien à Vienne

Certains experts craignent qu’un retour au JCPOA ne finisse par offrir à l’Iran la possibilité de développer des armes nucléaires. (AFP)
Certains experts craignent qu’un retour au JCPOA ne finisse par offrir à l’Iran la possibilité de développer des armes nucléaires. (AFP)
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Publié le Jeudi 27 mai 2021

La tactique «dure» de Téhéran renforce les enjeux des négociations sur le nucléaire iranien à Vienne

  • L’île de Périm est sous le contrôle de la coalition pour soutenir les forces de la côte ouest contre la milice houthie
  • L’effort émirati actuel se concentre, avec les forces de la coalition, dans les airs, pour faire face aux milices houthies dans la défense de Marib

WASHINGTON: La discussion en cours à Vienne entre l’Iran et cinq signataires de l’accord nucléaire de 2015 a commencé à ressembler à une épreuve de force. Téhéran n’a aucune raison impérieuse de céder à l’exigence de respecter les limites fixées par l’accord, également connu sous le nom de Plan d’action global conjoint (JCPOA). Les Iraniens gagnent du temps pendant que les autres tentent d’éviter l’humiliation le plus longtemps possible.

Mais, selon les analystes, le pari de Téhéran peut également lui coûter cher, à force de s’accrocher à la levée des sanctions imposées par l’administration Trump.

Ainsi, il peut apparaître logique que le président du Parlement, Mohammad Bagher Ghalibaf, exprime son opposition au renouvellement de l’accord, qui autorise l’inspection des sites nucléaires iraniens, mais jusqu’à présent on n’a pas constaté que cette tactique fonctionnait dans la négociation.

Cela dit, Téhéran doit être satisfait d’entendre l’avertissement qui vient d’être lancé par Rafael Grossi, directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), pour qui le programme d’enrichissement d’uranium de l’Iran est «très préoccupant», car le métal radioactif utilisé pour alimenter les réacteurs nucléaires est transformé à des niveaux de pureté que «seuls les pays qui fabriquent des bombes atteignent».

«L’Iran joue souvent le jeu dur dans les négociations, et je le soupçonne de tester les limites pour voir ce qu’il peut faire», déclare à Arab News Matthew Kroenig, professeur au Département du gouvernement et à Edmund A. Walsh School of Foreign Service de l’Université de Georgetown

«En fin de compte, cependant, je pense que nous verrons un retour à l’accord sur le nucléaire avec les conditions telles que formulées en 2015. L’Iran a besoin de l’allègement des sanctions, et l’administration Biden veut pouvoir afficher (c’est ainsi qu’elle le présentera) une victoire diplomatique précoce.»

Mais certains experts craignent qu’un retour au JCPOA – dont les États-Unis se sont retirés unilatéralement en mai 2019 – finisse par offrir à l’Iran la possibilité de développer des armes nucléaires. Et ils ajoutent que si les Iraniens sont autorisés à continuer de violer les garanties de l’AIEA, un dangereux précédent serait créé.

«Téhéran pourrait exagérer sur une question que Washington et ses alliés européens considèrent comme distincte du JCPOA – l’enquête en cours de l’AIEA sur les garanties», déclare Andrea Stricker, chercheur à la Fondation pour la défense des démocraties, à Arab News.

«L’Iran a imposé sa volonté à l’AIEA de trois façons depuis février. Premièrement, Téhéran a forcé l’agence à négocier un accord de surveillance, ce qu’elle ne devrait jamais faire avec aucun État.»

La position ferme de l’Iran sur les inspections de l’AIEA s’est accompagnée d’une collaboration continue avec des groupes militants régionaux, selon des experts. (AFP)
La position ferme de l’Iran sur les inspections de l’AIEA s’est accompagnée d’une collaboration continue avec des groupes militants régionaux, selon des experts. (AFP)

En tant que membres du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, les États signent un accord de garanties généralisées de l’AIEA et peuvent ajouter un protocole supplémentaire, mais ils n’ont pas la possibilité de choisir les éléments de ces accords auxquels ils se conformeront. En laissant l’Iran le faire, l’AIEA a créé un précédent très dangereux dont pourraient profiter d’autres États proliférants.

L’une des conditions les plus controversées du JCPOA était de mettre un terme à toute nouvelle révélation et inspection publiques des recherches et essais militaires iraniens liés aux armes nucléaires. Six ans plus tard, on a plutôt l’impression que les révélations d’un raid d’une agence d’espionnage israélienne en 2018 – qui a récolté des tonnes de documents iraniens classifiés détaillant divers travaux restés secrets dans le domaine des armes nucléaires – devraient inciter une enquête approfondie de l’AIEA sur les dimensions militaires du programme nucléaire de Téhéran.

«Il y a une incompatibilité fondamentale avec la façon dont le JCPOA a été utilisé de 2015 à 2018 pour suspendre l’enquête de l’AIEA, et le fait que de nouvelles informations sur les activités nucléaires de l’Iran ont depuis été révélées», déclare Stricker.

«Cela montre que l’AIEA ne peut pas clôturer de manière superficielle une enquête ouverte sur les garanties. Il doit d’abord déterminer méthodiquement si le programme nucléaire iranien a des dimensions militaires et chercher à faire en sorte que de telles activités prennent fin.» 

«De 2002 à 2015, l’AIEA a étudié les dimensions militaires possibles du programme nucléaire iranien. Cependant, le JCPOA et la résolution 2231 du Conseil de sécurité de l’ONU ont poussé l’AIEA a un autre compromis dévastateur: clôturer son enquête et publier un rapport final incomplet.» 

L’une des conditions les plus controversées du JCPOA était de mettre un terme à toute nouvelle révélation et inspection publiques des recherches et essais militaires iraniens liés aux armes nucléaires. (AFP)
L’une des conditions les plus controversées du JCPOA était de mettre un terme à toute nouvelle révélation et inspection publiques des recherches et essais militaires iraniens liés aux armes nucléaires. (AFP)

Jason Brodsky, analyste du Moyen-Orient et rédacteur en chef chez Iran International, affirme que Téhéran n’a pas encore été tenu responsable par le P4 + 1 (Royaume-Uni, France, Russie et Chine plus l’Allemagne) pour son escalade et son stockage de l’uranium enrichi, en raison de la détermination de ces pays à préserver le JCPOA, dans l’espoir, peut-être calculé, que la résistance mènera à encore plus de concessions. 

«Il convient de noter que la communauté internationale s’est plutôt contentée de discours tout en continuant à négocier après l’annonce de l’Iran en avril selon laquelle il enrichissait de l’uranium jusqu’à 60%», dit-il à Arab News.

«Cependant, si l’Iran adopte une telle position sur l’accord de surveillance de l’AIEA, il risque de s’isoler davantage.»

Alors qu’il fait consensus chez les analystes que la ligne dure de Téhéran vise à obtenir des concessions des États-Unis et des autres signataires du JCPOA tout en sacrifiant peu en retour, la lutte de pouvoir qui se déroule à l’approche de l’élection présidentielle iranienne en juin est un facteur à prendre en considération.

«Certes, c’est le chef suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, à qui revient la décision finale sur ces questions, mais le Conseil suprême de sécurité nationale (SNSC) a un rôle à jouer. Et la dynamique interne du SNSC a changé depuis la signature de l’accord nucléaire initial en 2015», déclare Brodsky.

«Le président Hassan Rohani fait face à la concurrence de Ghalibaf et du juge en chef Ebrahim Raisi, qui ont tous deux rejoint le SNSC après la création du JCPOA. Ce qui a encore compliqué les choses, c’est la décision de Raisi de se présenter à la présidence. C’est en partie la raison pour laquelle nous voyons des messages contradictoires de Téhéran sur l’accord de surveillance de l’AIEA.»

Les groupes de défense opposés à l’accord nucléaire de 2015 ont également averti qu’un nouvel accord serait incomplet s’il n’abordait pas les liens de l’Iran avec un certain nombre de groupes terroristes répertoriés et son accueil des dirigeants d’Al-Qaïda.

Certains experts craignent qu’un retour au JCPOA ne finisse par offrir à l’Iran la possibilité de développer des armes nucléaires. (AFP)

Bryan E. Leib, directeur exécutif d’Iranian Americans for Liberty, ne mâche pas ses mots: «L’administration Biden joue un jeu dangereux avec l’État sponsor du terrorisme le plus notoire au monde, qui met en fin de compte en danger les alliés américains et les troupes américaines dans la région qui font face à ce régime agressif», souligne-t-il.

Les préoccupations de Leib sont partagées par de nombreux anciens responsables de l’administration Trump qui ont appliqué le principe de «pression maximale», qui a relancé et étendu les sanctions contre le réseau de recherche et de développement nucléaire iranien, ainsi que contre les individus et les organisations liés au terrorisme. Leur inquiétude est que la stratégie de négociation de Washington mettrait non seulement la sécurité des États-Unis en danger, mais également celle du Moyen-Orient.

Ils affirment que la position ferme de l’Iran sur les inspections de l’AIEA, sa demande d’allègement des sanctions et l’intensification de son activité nucléaire se sont accompagnées d’une collaboration continue avec des groupes militants régionaux.

«En raison de sa volonté (de l’administration Biden) de mettre un terme à la pression et de faire des concessions sans précédent au régime iranien, je pense que l’Iran a le sentiment qu’il détient toutes les cartes des négociations nucléaires», précise Simone Ledeen, ancienne responsable du Pentagone de Trump, à Arab News.

«En fait, début mai, un haut responsable de l’administration a déclaré aux journalistes que “le succès ou l’échec dépend désormais de l’Iran”. C’est l’indication la plus frappante et la plus troublante que l’administration américaine reste insensible aux nombreux signaux indiquant que l’Iran ne fera aucune concession.»

L’opinion de Ledeen est appuyée par Len Khodorkovsky, un ancien haut responsable du département d’État, qui déclare: «L’étonnante générosité de l’administration Biden à Vienne a sans aucun doute motivé le régime iranien à repousser encore les limites. La grande préoccupation est que l’administration Biden, comme l’administration Obama, est prête à tout sacrifier sur l’autel d’un accord, même un mauvais accord qui nuit à la sécurité nationale américaine et à celle de nos alliés régionaux.» 

En dernière analyse, Téhéran n’est pas plus près d’atteindre son objectif de faire en sorte que le président Joe Biden trouve un moyen de revenir dans le JCPOA que lorsque celui-ci est entré officiellement à la Maison Blanche en janvier. En effet, à son rythme actuel d’enrichissement d’uranium déclaré, l’Iran pourrait très bien se retrouver avec les moyens de faire exploser un engin nucléaire, mais par là même ne pas obtenir l’allègement des sanctions dont il a désespérément besoin.

D’un autre côté, comme le chef de l’AIEA Grossi le souligne diplomatiquement dans l’interview qu’il a accordée au Financial Times, «face à un programme avec le degré d’ambition et de sophistication que mène l’Iran, il faut un système de vérification très robuste, très solide… sinon le résultat devient très fragile».

Empêcher l’Iran d’acquérir la capacité de fabriquer des armes nucléaires nécessitera, au moins, des mesures contraignantes appuyées par une surveillance stricte de toutes les installations souterraines de l’Iran, y compris celles qu’il n’aurait pas divulguées.

 


Liban: quatre morts dans un raid israélien, riposte du Hezbollah et des factions alliées

Cette photo prise depuis le kibboutz de Malkia, au nord d'Israël, le long de la frontière avec le sud du Liban, montre de la fumée s'échappant du village libanais de Mays al-Jabal lors des bombardements israéliens le 5 mai 2024 (Photo, AFP).
Cette photo prise depuis le kibboutz de Malkia, au nord d'Israël, le long de la frontière avec le sud du Liban, montre de la fumée s'échappant du village libanais de Mays al-Jabal lors des bombardements israéliens le 5 mai 2024 (Photo, AFP).
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  • Les blessés ont été transportés vers des hôpitaux de la région
  • En près de sept mois de violences transfrontalières, au moins 389 personnes parmi lesquelles 255 combattants du Hezbollah et plus de 70 civils ont été tuées au Liban

BEYROUTH: «Quatre personnes d'une même famille» ont été tuées dans un «raid de l'armée israélienne» sur le village de Mays al-Jabal, a déclaré l'agence officielle d'information libanaise (ANI), actualisant un précédent bilan faisant état de trois victimes.

Il s'agit d'un homme, d'une femme et de leurs enfants âgés de 12 et 21 ans, d'après l'ANI, qui a précisé que deux autres personnes ont été blessées.

Depuis le début de la guerre à Gaza, le Hezbollah libanais, un allié du Hamas palestinien, échange quasi-quotidiennement avec l'armée israélienne des tirs à la frontière libano-israélienne. Des factions palestiniennes et autres groupes alliés ont aussi revendiqué des attaques depuis le Liban contre Israël.

Blessés transportés 

Selon ANI, des habitants du village inspectaient leurs maisons et magasins endommagés dans de précédents bombardements au moment du raid.

Les blessés ont été transportés vers des hôpitaux de la région.

Samedi soir, le Hezbollah a revendiqué des tirs sur des positions militaires dans le nord d'Israël.

Le Hezbollah a déclaré dans un communiqué avoir tiré « des dizaines de roquettes de types Katioucha et Falaq » sur Kiryat Shmona, dans le nord d'Israël, «en réponse au crime horrible que l'ennemi israélien a commis à Mays al-Jabal », qui, selon lui, a tué et blessé des civils.

En près de sept mois de violences transfrontalières, au moins 389 personnes parmi lesquelles 255 combattants du Hezbollah et plus de 70 civils ont été tuées au Liban, selon un décompte de l'AFP. Au moins 11 combattants du Hamas ont été tués selon ce même décompte.

Côté israélien, 11 soldats et neuf civils ont été tués, selon un bilan officiel.


Le forum de Riyad examine le rôle de la traduction dans la promotion de l'identité saoudienne

L'Université Princesse Noura bent Abdelrahman accueillera le 15 mai une conférence intitulée « Traduire l'identité saoudienne à travers d'autres langues et cultures ». (SPA)
L'Université Princesse Noura bent Abdelrahman accueillera le 15 mai une conférence intitulée « Traduire l'identité saoudienne à travers d'autres langues et cultures ». (SPA)
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  • La conférence vise à contribuer à un objectif clé de la Vision 2030 du Royaume, à savoir la promotion des valeurs islamiques et de l'identité nationale, en encourageant les Saoudiens à traduire ces concepts dans d'autres langues et cultures
  • Le rôle de la traduction dans la promotion d'une image positive du Royaume sera également discuté, ainsi que la promotion de la reconnaissance internationale et la mise en évidence de l'impact culturel du Royaume

RIYAD : Le Collège des langues de l'Université Princesse Noura bent Abdelrahman de Riyad accueillera le 15 mai une conférence intitulée « Traduire l'identité saoudienne à travers d'autres langues et cultures ».

L'événement, dont le slogan est « Nous traduisons notre identité », aura lieu au département des conférences et des séminaires et est parrainé par le ministre saoudien de l'Éducation, Yousef Al-Benyan.

Il se concentrera sur le partage du patrimoine culturel, historique, littéraire et intellectuel du Royaume avec un public mondial, a rapporté l'agence de presse saoudienne.


L'interminable attente des proches de jeunes migrants tunisiens perdus en mer

El Hencha fait actuellement face à un exode de jeunes en quête de mieux comme en Europe. (X : @ClimateActionG1)
El Hencha fait actuellement face à un exode de jeunes en quête de mieux comme en Europe. (X : @ClimateActionG1)
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  • Les occupants du bateau étaient surtout des jeunes de 17 à 30 ans, originaires d'El Hencha, bourgade agricole de 6.000 habitants
  • Inès Lafi n'avait aucune idée des intentions de son frère Mohamed, presque 30 ans

EL HENCHA: La plupart avaient gardé le secret: une quarantaine de migrants tunisiens, très jeunes, ont embarqué clandestinement en janvier en quête du "paradis européen" et depuis plus de quatre mois, leurs proches désespèrent de recevoir des nouvelles des disparus.

Ils sont partis vraisemblablement de Sfax (centre), épicentre en Tunisie de l'émigration irrégulière vers l'Italie, la nuit du 10 au 11 janvier sur une mer démontée, selon les familles.

Les occupants du bateau étaient surtout des jeunes de 17 à 30 ans, originaires d'El Hencha, bourgade agricole de 6.000 habitants à 40 kilomètres au nord de Sfax. Une mère et son bébé de quatre mois étaient aussi du voyage.

Inès Lafi n'avait aucune idée des intentions de son frère Mohamed, presque 30 ans, qui gagnait sa vie en conduisant la camionnette familiale de "louage" (taxi collectif).

"Il est sorti vers 22H00 avec son téléphone, sans rien dire à mes parents, sans vêtements de rechange ni sac, comme s'il allait retrouver ses amis", raconte à l'AFP cette ouvrière de 42 ans, qui souffre d'insomnies depuis.

Yousri, 22 ans, est aussi parti en cachette. "La majorité des jeunes n'ont pas informé leur famille, ils se sont débrouillés pour avoir un peu d'argent", confirme M. Henchi, son oncle instituteur.

Meftah Jalloul, poissonnier de 62 ans, savait lui "depuis un certain temps" que son fils Mohamed, 17 ans, "voulait migrer en Europe" et le lui avait déconseillé "mais c'est devenu une idée fixe".

La nuit fatidique, il a tenté d'empêcher son unique garçon de sortir, l'implorant d'attendre une meilleure météo, mais "il m'a embrassé sur la tête et il est parti", relate M. Jalloul.

«Désespérance»

Le commerçant culpabilise: "chaque jour, il créait des problèmes à la maison, il voulait de l'argent pour migrer. C'est moi qui lui ai donné l'argent, donc je suis responsable".

Les Tunisiens ont représenté la deuxième nationalité des migrants illégaux arrivés en Italie (17.304) en 2023, après les Guinéens, selon des statistiques officielles.

"Cette immigration irrégulière ne s'explique pas seulement par des motifs économiques et sociaux", analyse Romdhane Ben Amor, porte-parole de l'ONG FTDES. Il y a aussi "le facteur politique (le coup de force du président Kais Saied à l'été 2021, NDLR) et le sentiment de désespérance des Tunisiens qui ne croient pas dans l'avenir du pays".

Les disparus d'El Hencha, issus de la classe moyenne, pas particulièrement pauvres, partageaient cette "sensation d'horizon bouché".

Le frère d'Inès avait un travail mais "avec 20 dinars par jour (trois euros environ), une fois payé ses cigarettes, il disait qu'il ne pouvait pas faire de projets, ni construire une maison, ni se marier".

Mohamed l'instituteur pointe du doigt "les jeunes déjà en Italie qui publient sur les réseaux sociaux (...) leur quotidien". Les autres "voient ça et veulent changer leur avenir. Ils imaginent l'Europe comme un paradis", souligne-t-il. C'était, pense-t-il, le cas de Yousri qui travaillait dans un café internet pour 10/15 dinars par jour après avoir quitté le lycée avant le bac.

Meftah Jalloul était lui d'accord pour que son fils, également décrocheur scolaire, émigre, mais légalement et seulement après avoir fait une formation. "Il pouvait apprendre un métier: plombier, menuisier, mécanicien", souligne le père de famille.

Aujourd'hui, M. Jalloul lutte pour garder espoir.

«Temps très mauvais»

"Quatre mois se sont écoulés et je pleure mon fils. Ma famille et moi, nous sommes épuisés", dit-il en fondant en larmes.

Lui et d'autres familles se raccrochent à l'idée que l'embarcation aurait pu dériver vers la Libye voisine. Des contacts ont été pris, des recherches menées, en vain.

Inès Lafi et Mohamed Henchi redoutent le pire. Plus de 1.300 migrants sont morts ou ont disparu dans des naufrages l'an passé près des côtes tunisiennes, selon le FTDES.

"Le temps était très mauvais. Même les pêcheurs qui connaissent la mer sont rentrés, lui est sorti", explique Inès, furieuse contre le passeur, connu de tous pour son activité clandestine, qui n'est pas non plus revenu de cette dernière traversée.

Aux autorités, les familles demandent la poursuite des recherches et davantage d'opportunités à El Hencha.

"Il faut enrichir la zone industrielle avec d'autres unités de production, fournir des emplois aux jeunes", estime M. Henchi.

Il faudrait aussi, dit l'instituteur, "construire un état d'esprit différent" avec des programmes éducatifs pour donner envie de bâtir son avenir en Tunisie. Sinon les jeunes "se contentent d'un tour au café, d'un peu de ping-pong ou volley-ball".