Nayla Tuéni: «Même lorsqu’on a perdu espoir, agir reste un devoir»

«Pour le moment, en tant que journalistes, nous ne sommes pas inquiétés directement. Nous faisons face à certaines formes de pression, mais celles-ci sont en général rapidement résolues par le dialogue» affirme Nayla Tuéni à Arab News en français. (Photo fournie).
«Pour le moment, en tant que journalistes, nous ne sommes pas inquiétés directement. Nous faisons face à certaines formes de pression, mais celles-ci sont en général rapidement résolues par le dialogue» affirme Nayla Tuéni à Arab News en français. (Photo fournie).
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Publié le Mercredi 25 mai 2022

Nayla Tuéni: «Même lorsqu’on a perdu espoir, agir reste un devoir»

  • Le quotidien Annahar a lancé une campagne pour l’indépendance du pouvoir judiciaire
  • Une atmosphère délétère, un État de droit à la dérive. C'est contre tout cela que le quotidien libanais à grand tirage Annahar a voulu se battre par le biais de sa campagne dite du «Serment des juges»

ATHENES: Il devient presque redondant à Beyrouth de parler de descente aux enfers, tant la spirale infernale dans laquelle le pays est plongé semble entraîner dans son sillage la structure de l’État dans son ensemble.

Un pouvoir exécutif sclérosé, un pouvoir législatif qui a perdu sa légitimité et un pouvoir judiciaire qui perd un peu plus chaque jour de son essence et de sa raison d’être.

Une atmosphère délétère, un État de droit à la dérive. C'est contre tout cela que le quotidien libanais à grand tirage Annahar a voulu se battre par le biais de sa campagne dite du «Serment des juges», pour réclamer l’indépendance du pouvoir judiciaire.

«C’est lorsqu’on a vu ce qui se passait avec Ghada Aoun et ses agissements que l’idée a jailli. Mais on ne prend pas parti», lance d’emblée la rédactrice en chef d’Annahar, Nayla Tuéni.

Un sondage a alors été lancé par le quotidien sur Twitter. Penchaient-ils plus pour la personnalité de la juge et procureure du Mont-Liban, Ghada Aoun – dont les actions entreprises se rapprochaient plus d’une justice spectacle sous des dehors de partialité –, ou pour celle de Ghassan Oueidate, procureur général, ou encore pour «le Serment des juges»? Ce choix n’était pas anodin, affirme Nayla Tuéni à Arab News en français, l’idée étant de démontrer que les gens ont soif de justice et ne se satisfont pas d’un ersatz de partialité. La majorité des répondants ont voté pour le «Serment des juges».

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Le texte de la prestation de Serment des juges, en langue arabe. (Photo Annahar).

 

Le but, c’est qu’Annahar essaie de protéger ce qui reste au Liban en matière de droits, de culture et de liberté de la presse.

Nayla Tuéni

Au Liban, ce mot-clé a ainsi été parmi les plus trending sur la Toile dès le début de la campagne. En parallèle, le quotidien a préparé et publié un dossier spécial sur des questions relatives au pouvoir judiciaire. «Nous avons également mis en place un filtre Instagram et demandé aux internautes de répéter le serment prêté par les juges lorsqu’ils prennent leurs fonctions. “C’est à vous de juger” ou encore “indépendance du pouvoir judiciaire”», raconte Nayla Tuéni qui reconnaît que cette initiative a pour source le sens du devoir, et cette sensation qu’il faut agir, même lorsque la tentation de baisser les bras est plus grande.

«Le but, c’est qu’Annahar essaie de protéger ce qui reste au Liban en matière de droits, de culture et de liberté de la presse», martèle la jeune femme qui ajoute: «On a encore des juges propres au Liban.»

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Nayla Tuéni recevant les proches des victimes dans les bureaux d'Annahar. (Photo Annahar).

«Cette campagne est ouverte», note Mme Tuéni. «Il ne faut pas que ce soit momentané, les proches des victimes du port (l’explosion du 4 août 2020 au port de Beyrouth a fait des centaines de victimes – NDLR) ont beaucoup d’espoir en la justice. Je ne partage pas leur optimisme, malheureusement. Mais c’est aussi pour eux qu’il faut continuer à lutter. Ils vivent la douleur de la perte au quotidien.»

Devant la déliquescence de l’État, comment remplir sa mission journalistique sans perdre en objectivité? Nayla Tuéni affirme que son équipe tente de «couvrir ce qui se passe, ce que font les juges et les responsables, en toute objectivité, tout en se faisant le porte-voix des victimes». En début de semaine, ces derniers se sont rendus devant le bâtiment emblématique d’Annahar dans le centre-ville de Beyrouth pour réciter le serment des juges. Et Mme Tuéni de souligner: «Même lorsqu’on a perdu espoir, agir reste un devoir.»

«Il faut que les juges puissent se libérer de la mainmise des politiciens, du clientélisme, des intérêts confessionnels, de l’appropriation communautaire, de leurs amitiés trop pesantes.»

Melhem Khalaf

Pour le bâtonnier de l’Ordre des avocats, Melhem Khalaf, cette campagne initiée par Annahar est capitale. «Il faut créer l’espérance. En aucune manière je ne peux admettre qu’il y ait un désarroi», affirme-t-il à Arab News en français.

khalaf
Le bâtonnier de l’Ordre des avocats, Melhem Khalaf. (Photo fournie).

Et de poursuivre: «Le pouvoir judiciaire est la pierre angulaire d’un nouveau Liban, d’un nouveau visage du Liban. Cela ne peut être réalisé qu’à travers la justice que l’on doit aider à se ressaisir.»

Lorsqu’il aborde cette problématique, Me Khalaf ne peut s’empêcher de dénoncer sans détour la «mafia» qui s’est emparée du pouvoir judiciaire au Liban et parle de «libération» des juges.

«Il faut que les juges puissent se libérer de la mainmise des politiciens, du clientélisme, des intérêts confessionnels, de l’appropriation communautaire, de leurs amitiés trop pesantes», pour qu’ils puissent réintégrer leur obligation de réserve et revivre pleinement leur serment.

Et d’enchaîner: «Il faut replacer les juges devant leur conscience afin de pouvoir faire revivre l’espoir. S’ils n’ont pas confiance en eux-mêmes, les gens ne pourront pas leur faire confiance.» D’où la nécessité de cette campagne devant «le démembrement de l’État auquel on assiste». «Faisons le choix du sauvetage de l’État», martèle Melhem Khalaf. «Nous ne sommes pas près de lâcher. Ils ne savent pas sur qui ils sont tombés», dit-il à l’adresse des responsables politiques. «Nous avons le souffle long, c’est un combat moral, car le Liban souffre tout simplement d’une crise de valeurs. Ce n’est ni une crise financière, ni un problème social: il s’agit bien d’une crise de valeur.» Il ajoute qu’il n’est plus réaliste de la part d’un pays totalement «abandonné» par la communauté internationale de compter sur tout autre que lui-même.

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Les proches des victimes réunis au pied de l'immeuble d'Annahar à Beyrouth, devant une gigantesque affiche du Serment des juges. (Photo Annahar).

Depuis le début de ce qu’au Liban on appelle la «révolution» en octobre 2019, les autorités surveillent de près les réseaux sociaux et tentent de museler toute voix discordante. Des autorités certainement conscientes de la portée de ce type de médias sur le plus grand nombre. «Cela nous rappelle le temps d’avant, sous l’occupation syrienne, lorsque les gens se faisaient interpeller pour un rien. Ont-ils peur, veulent-ils museler les gens?», s’interroge de son côté Nayla Tuéni. «Pour le moment, en tant que journalistes, nous ne sommes pas inquiétés directement. Nous faisons face à certaines formes de pression, mais celles-ci sont en général rapidement résolues par le dialogue.» Et de poursuivre: «Depuis quinze ans, nous nous sentons investis d’une mission. Nous allons continuer malgré le manque d’espoir. Nous ne lâcherons pas. Nous avons cette responsabilité en tant que journal arabe, et nous bénéficions d’une certaine indépendance, que d’autres médias de ce pays n’ont pas. Tout devient difficile au Liban. Mais grâce aux journalistes d’Annahar, nous tiendrons.»


Israël a rendu à Gaza 30 corps de Palestiniens en échange de deux dépouilles d'otages 

Israël a rendu vendredi à l'hôpital Nasser les corps de 30 Palestiniens en échange de deux dépouilles d'otages israéliens restituées la veille par le mouvement islamiste palestinien Hamas, a indiqué à l'AFP cet établissement du sud de la bande de Gaza. (AFP)
Israël a rendu vendredi à l'hôpital Nasser les corps de 30 Palestiniens en échange de deux dépouilles d'otages israéliens restituées la veille par le mouvement islamiste palestinien Hamas, a indiqué à l'AFP cet établissement du sud de la bande de Gaza. (AFP)
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  • "Les corps de 30 prisonniers palestiniens ont été reçus de la partie israélienne dans le cadre de l'accord d'échange", a précisé l'hôpital, situé à Khan Younès
  • Au total, en échange de 15 dépouilles d'Israéliens, 225 dépouilles de Palestiniens ont été rendues conformément aux termes de l'accord de cessez-le feu en vigueur depuis le 10 octobre

GAZA: Israël a rendu vendredi à l'hôpital Nasser les corps de 30 Palestiniens en échange de deux dépouilles d'otages israéliens restituées la veille par le mouvement islamiste palestinien Hamas, a indiqué à l'AFP cet établissement du sud de la bande de Gaza.

"Les corps de 30 prisonniers palestiniens ont été reçus de la partie israélienne dans le cadre de l'accord d'échange", a précisé l'hôpital, situé à Khan Younès.

Les otages avaient été enlevés lors de l'attaque sans précédent du Hamas en Israël le 7 octobre 2023, qui avait déclenché la guerre dans la bande Gaza.

Au total, en échange de 15 dépouilles d'Israéliens, 225 dépouilles de Palestiniens ont été rendues conformément aux termes de l'accord de cessez-le feu en vigueur depuis le 10 octobre.

Depuis cette date, le Hamas a également rendu deux dépouilles d'otages non-israéliens, un Thaïlandais et un Népalais.

Le mouvement islamiste a jusqu'à présent restitué les restes de 17 des 28 corps qui se trouvaient encore à Gaza et auraient dû être rendus au début de la trêve, assurant que localiser les autres dépouilles est "complexe" dans le territoire dévasté par deux ans de guerre.

Des équipes égyptiennes autorisées à entrer dans le territoire palestinien par Israël participent aux recherches avec des engins de chantiers.

Lundi soir, le Hamas avait rendu à Israël les restes d'un otage, identifié comme étant ceux d'Ofir Tzarfati, dont une partie de la dépouille avait déjà été récupérée en deux fois.

Les retards successifs dans la remise des corps des otages ont provoqué la colère du gouvernement israélien, qui a accusé le Hamas de violer l'accord de trêve. Et les familles des otages ont exigé des mesures plus sévères pour contraindre le groupe palestinien à se conformer à l'accord.

Dix corps d'otages du 7-Octobre seraient encore à Gaza, ainsi que celui d'un soldat mort durant une guerre en 2014. Tous sont israéliens sauf un Tanzanien et un Thaïlandais.

Par ailleurs, à deux reprises depuis le 10 octobre, Israël a mené des bombardements massifs sur Gaza en représailles à des tirs qui ont tué trois de ses soldats. Le 19 octobre, les bombardements israéliens avaient fait au moins 45 morts et mardi 104.

Le Hamas, qui dément avoir tiré sur les soldats israéliens, a accusé Israël de violer le cessez-le-feu.


Frappe israélienne sur le sud du Liban: un mort 

Une frappe israélienne a tué vendredi un homme qui circulait à moto dans le sud du Liban, a annoncé le ministère de la Santé, ce qui porte à au moins 25 le nombre de morts dans des raids israéliens au cours du mois d'octobre. (AFP)
Une frappe israélienne a tué vendredi un homme qui circulait à moto dans le sud du Liban, a annoncé le ministère de la Santé, ce qui porte à au moins 25 le nombre de morts dans des raids israéliens au cours du mois d'octobre. (AFP)
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  • Vendredi, un drone a visé un homme à moto dans le village de Kounine, selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle). Le ministère de la Santé a fait état d'un mort et d'un blessé
  • Cette frappe intervient au lendemain de l'incursion d'une unité israélienne dans le village frontalier de Blida, où les soldats ont tué un employé municipal

BEYROUTH: Une frappe israélienne a tué vendredi un homme qui circulait à moto dans le sud du Liban, a annoncé le ministère de la Santé, ce qui porte à au moins 25 le nombre de morts dans des raids israéliens au cours du mois d'octobre.

Malgré le cessez-le-feu ayant mis fin en novembre 2024 à la guerre entre le Hezbollah et Israël, ce dernier continue de mener des frappes régulières au Liban, affirmer viser la formation pro-iranienne.

Vendredi, un drone a visé un homme à moto dans le village de Kounine, selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle). Le ministère de la Santé a fait état d'un mort et d'un blessé.

Israël n'a pas réagi dans l'immédiat.

Cette frappe intervient au lendemain de l'incursion d'une unité israélienne dans le village frontalier de Blida, où les soldats ont tué un employé municipal.

Le président Joseph Aoun a demandé à l'armée de "faire face" à toute nouvelle incursion israélienne en territoire libanais.

Ces derniers jours, l'aviation israélienne a intensifié ses frappes au Liban, affirmant viser des membres ou des infrastructures du Hezbollah.

Selon un bilan compilé par l'AFP à partir des données du ministère de la Santé, au moins 25 personnes, dont un Syrien, ont été tuées depuis le début du mois.

L'ONU avait indiqué mardi que 111 civils avaient été tués au Liban par les forces israéliennes depuis la fin de la guerre.

Lors d'un entretien vendredi avec son homologue allemand Johann Wadephul, en visite à Beyrouth, le ministre libanais des Affaires étrangères Youssef Rajji lui a demandé "d'aider à faire pression sur Israël pour qu'il cesse ses agressions".

"Seule une solution diplomatique, et non militaire, peut assurer la stabilité et garantir le calme dans le sud", a assuré le ministre libanais, selon ses propos rapportés par l'Ani.

Il a assuré que "le gouvernement libanais poursuit la mise en œuvre progressive de sa décision de placer toutes les armes sous son contrôle".

Le Hezbollah est sorti très affaibli du conflit et les Etats-Unis exercent une intense pression sur le gouvernement libanais pour que le mouvement chiite livre ses armes à l'armée nationale, ce qu'il refuse jusqu'à présent.

 


Liban: le chef de l'Etat demande à l'armée de «s'opposer à toute incursion israélienne»

Le président libanais Joseph Aoun a demandé jeudi à l'armée de "s'opposer à toute incursion israélienne", après la mort d'un employé municipal d'un village du sud du Liban où une unité israélienne a pénétré pendant la nuit. (AFP)
Le président libanais Joseph Aoun a demandé jeudi à l'armée de "s'opposer à toute incursion israélienne", après la mort d'un employé municipal d'un village du sud du Liban où une unité israélienne a pénétré pendant la nuit. (AFP)
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  • Dans un communiqué, le chef de l'Etat a condamné cette opération et "demandé à l'armée de faire face à toute incursion israélienne (...) pour défendre le territoire libanais et la sécurité des citoyens"
  • Selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle), "dans une agression grave et sans précédent", une unité israélienne "appuyée par des véhicules a effectué une incursion dans le village de Blida, à plus d'un kilomètre de la frontière"

BERYROUTH: Le président libanais Joseph Aoun a demandé jeudi à l'armée de "s'opposer à toute incursion israélienne", après la mort d'un employé municipal d'un village du sud du Liban où une unité israélienne a pénétré pendant la nuit.

Dans un communiqué, le chef de l'Etat a condamné cette opération et "demandé à l'armée de faire face à toute incursion israélienne (...) pour défendre le territoire libanais et la sécurité des citoyens".

Selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle), "dans une agression grave et sans précédent", une unité israélienne "appuyée par des véhicules a effectué une incursion dans le village de Blida, à plus d'un kilomètre de la frontière".

Cette unité "a investi le bâtiment de la municipalité du village, où dormait Ibrahim Salamé, un employé municipal, qui a été tué par les soldats de l'ennemi", a ajouté l'Ani.

Le ministère de la Santé a confirmé la mort de l'employé municipal.

Des villageois cités par l'Ani ont indiqué que l'incursion avait duré plusieurs heures et que les forces israéliennes s'étaient retirées à l'aube.

Sur X, le Premier ministre libanais Nawaf Salam a dénoncé "une agression flagrante contre les institutions de l'Etat libanais et sa souveraineté".