Rwanda: la France a fait «un grand pas, nous devons l'accepter»

Sur ce sujet «très complexe», «il n'y a pas de réponse entièrement satisfaisante», a expliqué le président rwandais Paul Kagame: «Mais c'est un grand pas. Nous devons le reconnaître, l'accepter et travailler vers d'autres étapes». (Photo, AFP)
Sur ce sujet «très complexe», «il n'y a pas de réponse entièrement satisfaisante», a expliqué le président rwandais Paul Kagame: «Mais c'est un grand pas. Nous devons le reconnaître, l'accepter et travailler vers d'autres étapes». (Photo, AFP)
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Publié le Samedi 29 mai 2021

Rwanda: la France a fait «un grand pas, nous devons l'accepter»

  • Le président Kagame a, lui, salué les paroles de son homologue qui ont «plus de valeur que des excuses»
  • Homme fort du pays depuis 1994, président depuis 2000, Paul Kagame a fait modifier la Constitution en 2015, ce qui lui permet théoriquement de rester au pouvoir jusqu'en 2034

KIGALI: "C'est un grand pas, nous devons l'accepter": le président rwandais Paul Kagame explique avoir choisi de reconnaître le travail de la France sur son rôle dans le génocide de 1994, même s'il n'a pas abouti à des excuses.

Le président français Emmanuel Macron s'est rendu jeudi dans la capitale rwandaise Kigali pour "reconnaître (les) responsabilités" de la France dans cette tragédie, qui a fait au moins 800 000 morts, essentiellement dans la minorité tutsi. Mais elle n'a "pas été complice", a souligné le dirigeant français. 

Les excuses ou la demande de pardon attendues par les survivants et familles de victimes n'ont pas eu lieu.

Ancien chef de la rébellion tutsi qui a régulièrement accusé la France de complicité dans le génocide du printemps 1994, le président Kagame a, lui, salué les paroles de son homologue qui ont "plus de valeur que des excuses".

Sur ce sujet "très complexe", "il n'y a pas de réponse entièrement satisfaisante", a-t-il expliqué dans un entretien accordé vendredi soir à l'AFP et France Inter: "Mais c'est un grand pas. Nous devons le reconnaître, l'accepter et travailler vers d'autres étapes".

"Quelqu'un peut venir et dire "je suis désolé, je m'excuse", il y aura toujours des gens pour dire "ce n'est pas assez". Et c'est leur droit (...) Je ne crois pas qu'il y ait de solution miracle, quelque chose qui viendra tout régler", estime-t-il. 

"Est-ce que ça répond à toutes les questions que les gens se posent ? Je ne pense pas. Est-ce que les survivants ont le droit de contester ? Ils ont le droit". 

"Je n'ai jamais prétendu être le juge, l'arbitre final de ce qui doit être dit ou fait", affirme-t-il, mais "nous ne devons pas laisser l'acrimonie ou les malentendus autour de la vérité se poursuivre, nous devons être capables d'être sensibles aux sentiments et aux opinions des survivants directement, spécifiquement et aussi à l'avenir que chacun doit vivre".

«Faits établis»

Au-delà de la visite et des mots du discours d'Emmanuel Macron, le dirigeant rwandais dit reconnaître la démarche qu'il a menée ces dernières années, avec notamment l'instauration d'une commission d'historiens, dirigée par Vincent Duclert.

Dans un rapport remis fin mars, celle-ci a conclu aux "responsabilités lourdes et accablantes" de la France et à l'"aveuglement" du président socialiste de l'époque François Mitterrand et de son entourage face à la dérive raciste et génocidaire du gouvernement hutu que soutenait alors Paris.

Un rapport rwandais publié quelques semaines plus tard affirme que "l'Etat français porte une lourde responsabilité pour avoir rendu possible un génocide prévisible".

Ces deux commissions ont "établi des faits" et "disent quasiment la même chose mais de manière différente", estime M. Kagame. 

Le président rwandais place Emmanuel Macron devant son engagement, pris jeudi, à ce "qu'aucune personne soupçonnée de crimes de génocide ne puisse échapper au travail des juges".

Il ne demande pas d'extradition. "Si la justice est rendue en France contre ces gens, j'en serai heureux. Je n'ai pas à dire +ce ne sera justice que si vous me les donnez et que nous les jugeons devant nos tribunaux+. La justice est la justice."

"Je ne suis pas spécifique sur la forme, mais spécifique sur le fait que ces gens ont de graves crimes retenus contre eux, dont ils doivent être tenus pour responsables", affirme-t-il.

Il se refuse toutefois à commenter la demande de non-lieu du parquet de Paris sur le massacre de Bisesero, où des associations accusent l'armée française de "complicité de génocide". "Ce n'est pas à moi de décider", déclare-t-il.

«Mensonges par centaines»

L'étape de jeudi, aussi imparfaite soit-elle, pose les fondations d'une "relation meilleure et plus profonde entre le Rwanda et la France", selon lui.

Certains détracteurs du régime estiment cependant que cette réconciliation se fait aux dépens des droits de l'homme, accusant la France de rester silencieuse sur les atteintes dénoncées par des activistes et des ONG (liberté de la presse bafouée, opposition muselée, morts en détention...). 

"Je ne vois rien de mal, que l'on qualifierait de mal, qui se passe ici et qui ne se produit pas là d'où vous venez", rétorque-t-il aux journalistes français: "Quand ça se passe chez les autres, personne ne s'en mêle. Quand c'est ici, nos problèmes doivent être traités par l'extérieur, ou ils sont créés par l'extérieur". 

"Chaque jour, on nous tire dessus. Beaucoup de mensonges, par centaines", assène-t-il.

Homme fort du pays depuis 1994, président depuis 2000, Paul Kagame a fait modifier la Constitution en 2015, ce qui lui permet théoriquement de rester au pouvoir jusqu'en 2034. 

La prochaine élection, en 2024, est encore loin, assure-t-il, affirmant se consacrer actuellement aux problèmes de son pays et du continent: "Je n’y pense pas beaucoup, je ne m'en préoccupe pas".


Paris salue la conférence de New York et poursuit l’initiative avec Riyad

Le président français Emmanuel Macron s'adresse aux médias lors d'une visite des entrepôts du Croissant-Rouge égyptien où est stockée l'aide destinée à Gaza, dans la ville frontalière égyptienne d'El-Arish, en Égypte, le 8 avril 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron s'adresse aux médias lors d'une visite des entrepôts du Croissant-Rouge égyptien où est stockée l'aide destinée à Gaza, dans la ville frontalière égyptienne d'El-Arish, en Égypte, le 8 avril 2025. (AFP)
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  • Paris et Riyad poussent pour une reconnaissance collective de l’État palestinien
  • La France appelle à un cessez-le-feu, la levée du blocus et le désarmement du Hamas

PARIS: Sur fond de crise humanitaire d’une cruauté inqualifiable dans la bande de Gaza, le président Emmanuel Macron a annoncé une opération de largage de vivres conduite par la France, avec le soutien de la Jordanie, des Émirats arabes unis et de l’Allemagne.

« Face à l’urgence absolue, nous venons de conduire une opération de largage de vivres à Gaza », a déclaré le chef de l’État sur X, en remerciant les partenaires impliqués et saluant l’engagement des forces armées françaises.

Mais, de son point de vue, ces largages restent insuffisants : « Il faut qu’Israël ouvre un plein accès humanitaire », a-t-il insisté, réitérant l’exigence française d’une levée immédiate du blocus des aides.

Au-delà de la réponse d’urgence, Paris entend porter une initiative diplomatique structurante : la conférence internationale co-présidée à New York par la France et l’Arabie saoudite a marqué un tournant en posant un cadre politique ambitieux.

Cette conférence, tenue en l’absence des États-Unis et d’Israël, a réuni plus de 40 ministres et 120 participants, aboutissant à l’adoption d’un plan d’action en 42 points.

Malgré les réticences et le scepticisme ambiants, elle a permis l’émergence d’une dynamique inédite vers la reconnaissance de l’État palestinien et un processus de paix régional.

Le plan d’action validé à New York constitue désormais un socle politique partagé entre acteurs européens, puissances arabes, Union européenne et Ligue arabe.

Ce texte appelle à un cessez-le-feu immédiat à Gaza, à la libération de tous les otages, à l’acheminement massif de l’aide humanitaire, mais surtout à la mise en œuvre concrète de la solution à deux États.

Il prévoit notamment un processus progressif de désarmement du Hamas, condition indispensable à la stabilisation durable de la région.

Pour la France, ce texte marque une rupture avec l’impasse diplomatique des dernières décennies et propose pour la première fois un mécanisme concerté de démilitarisation et de réintégration de Gaza dans le giron de l’Autorité palestinienne.

Le document évoque même la possibilité de confier les armes du Hamas à une tierce partie sous supervision internationale, afin de garantir qu’elles ne soient plus utilisées.

Ce volet, essentiel pour Israël, est aussi le fruit d’un consensus entre les États arabes partenaires, y compris ceux perçus comme proches du Hamas.

Sur le front politique, Paris se réjouit de l’effet de levier de la conférence : peu après, plusieurs pays — Portugal, Royaume‑Uni, Canada — ont annoncé leur volonté de reconnaître l’État palestinien, à l’occasion de l’Assemblée générale des Nations unies en septembre.

Une coalition de volontaires est en train de se constituer : quinze États, aux côtés de la Ligue arabe et de l’Union européenne, ont d’ores et déjà signé une déclaration commune en ce sens.

La France espère ensuite entraîner d’autres partenaires européens, notamment l’Allemagne. « Nous continuons à travailler en E3 avec nos partenaires allemands et britanniques », indique une source haut placée.

Si Berlin reste prudent, des signes d’évolution apparaissent dans les récentes déclarations de sa ministre des Affaires étrangères. Paris entend maintenir ces échanges diplomatiques jusqu’à septembre.

Contrairement aux critiques israéliennes et américaines, la France affirme que cette dynamique de reconnaissance ne constitue pas un obstacle à la paix, mais un levier pour la relancer.

Le président Macron estime que cette reconnaissance, inscrite dans un cadre politique exigeant — avec une gouvernance palestinienne réformée et un désarmement du Hamas — peut rebâtir les conditions d’une solution durable.

Les ruptures des négociations avec le Hamas sont antérieures aux annonces de Paris, souligne-t-on à l’Élysée, et ne peuvent donc pas lui être imputées.

La reconnaissance collective envisagée en septembre serait également un signal fort en direction des modérés palestiniens, en particulier l’Autorité palestinienne, qui s’est engagée début juin à respecter une série d’exigences posées par la communauté internationale en matière de gouvernance et de lutte contre la corruption.

Un des apports majeurs de la conférence de New York est l’introduction formelle de la question du désarmement du Hamas dans un cadre diplomatique multilatéral.

Jusqu’ici marginalisée ou qualifiée d’irréaliste, cette exigence est clairement codifiée dans le plan d’action. Des discussions sont en cours, y compris sur l’exil éventuel de certains cadres du mouvement auprès d’États tiers.

Le Hamas n’a pas accepté ces conditions, mais le message politique est clair : son isolement au sein du monde arabe s’accentue et sa marge de manœuvre se rétrécit.

Face à cette dynamique, Israël et l’administration américaine ont haussé le ton, estimant qu’une reconnaissance unilatérale de la Palestine constituerait une « insulte » aux victimes israéliennes du 7 octobre.

Le président américain Donald Trump a même imposé des sanctions ciblées contre certains membres de l’Autorité palestinienne et de l’OLP, en contradiction avec les efforts en cours pour renforcer cette autorité.

La position américaine révèle un décalage croissant avec une partie de la communauté internationale, y compris des alliés traditionnels, en raison de son soutien inconditionnel à Israël, malgré l’ampleur des pertes civiles à Gaza et la persistance de la colonisation en Cisjordanie.

Cet état de fait suscite déjà des interrogations en Europe, où des pays comme la Suède exigent, par exemple, le gel de la partie commerciale de l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël.

La France, de son côté, entend poursuivre cette dynamique au-delà de la conférence de New York. Un sommet est prévu les 21 et 22 septembre, juste avant l’Assemblée générale de l’ONU, pour réunir les États prêts à reconnaître collectivement la Palestine et à faire vivre ce nouveau cadre politique.

« Il s’agit d’une coalition inédite, qui repose sur un équilibre entre exigences sécuritaires et reconnaissance des droits politiques du peuple palestinien », souligne-t-on à Paris.

En réaffirmant l’exigence d’un cessez-le-feu immédiat, la levée du blocus humanitaire, la libération des otages, mais aussi le désarmement du Hamas et la mise en place d’un État palestinien souverain, la France, de concert avec l’Arabie saoudite, tente de reconstruire une architecture de paix.


La défiance à l'égard de Macron et de Bayrou au plus haut, selon un sondage Paris, France

Le Premier ministre français François Bayrou et le président français Emmanuel Macron assistent à une réunion avec les élus de Nouvelle-Calédonie et les représentants de l'État au palais de l'Élysée, à Paris, le 12 juillet 2025. (AFP)
Le Premier ministre français François Bayrou et le président français Emmanuel Macron assistent à une réunion avec les élus de Nouvelle-Calédonie et les représentants de l'État au palais de l'Élysée, à Paris, le 12 juillet 2025. (AFP)
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  • La défiance à l'égard du président Emmanuel Macron s'est accrue en juillet pour atteindre le niveau le plus élevé de son second quinquennat
  • Le Premier ministre François Bayrou a établi un nouveau record d'impopularité, selon un sondage Elabe pour Les Echos publié jeudi

PARIS: La défiance à l'égard du président Emmanuel Macron s'est accrue en juillet pour atteindre le niveau le plus élevé de son second quinquennat, tandis que le Premier ministre François Bayrou a établi un nouveau record d'impopularité, selon un sondage Elabe pour Les Echos publié jeudi.

Près des trois quarts des Français interrogés (73%) affirment ne pas faire confiance au chef de l'Etat et la moitié (49%) va jusqu'à "ne pas lui faire du tout confiance", le niveau le plus élevé atteint de son second mandat, qu'il n'a dépassé qu'une seule fois depuis son arrivée à l'Elysée en 2017 au plus fort de la crise des gilets jaunes en décembre 2018.

Selon le sondage, seuls 21% des Français font confiance à Emmanuel Macron, soit un point de moins qu'en juin et 6 de perdus par rapport à mars.

Pour François Bayrou, qui a présenté à la mi-juillet les mesures d'économie prévues par le gouvernement dans son projet de budget pour l'année prochaine, la chute se poursuit avec seulement 12% des Français qui disent lui faire confiance, soit un nouveau record d'impopularité (-2 points).

La défiance à l'égard du chef du gouvernement a progressé, avec 80% des Français (+5 points en un mois) qui disent ne pas lui faire confiance et 56% qui affirment ne pas lui faire "du tout" confiance, soit un bond de 9 points depuis juin.

Au classement des personnalités, le RN Jordan Bardella conserve la première place avec 39% des Français (+3 points) qui ont une image positive de lui, devant l'ancien Premier ministre Edouard Philippe (37%) et Marine Le Pen (35%).

A gauche, le mieux classé est l'ancien président François Hollande qui s'installe en huitième position grâce à un bond de 6 points en un mois.

Sondage réalisé par internet les 29 et 30 juillet auprès d'un échantillon de 1.000 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas. Marge d'erreur entre 1,4 et 3,1 points.


Accord EU-USA: Bayrou juge que la France a été "un peu seule"

Le Premier ministre français, François Bayrou, s'adresse à la presse après une visite au siège de Tracfin, le service de lutte contre le blanchiment d'argent du ministère des Finances, à Montreuil, près de Paris, le 31 juillet 2025. (AFP)
Le Premier ministre français, François Bayrou, s'adresse à la presse après une visite au siège de Tracfin, le service de lutte contre le blanchiment d'argent du ministère des Finances, à Montreuil, près de Paris, le 31 juillet 2025. (AFP)
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  • Le Premier ministre, François Bayrou, a jugé jeudi que la France avait été "un peu seule" dans la bataille commerciale face aux Etats-unis
  • Le chef du gouvernement, qui avait vivement critiqué lundi l'accord commercial conclu entre l'Union européenne et les Etats-Unis, déplorant une "soumission" de l'Europe, a estimé que ce n'était "pas la fin de l'histoire"

PARIS: Le Premier ministre, François Bayrou, a jugé jeudi que la France avait été "un peu seule" dans la bataille commerciale face aux Etats-unis, en marge d'un déplacement dans les locaux de Tracfin, organisme de lutte contre la criminalité financière, à Montreuil (93).

Le chef du gouvernement, qui avait vivement critiqué lundi l'accord commercial conclu entre l'Union européenne et les Etats-Unis, déplorant une "soumission" de l'Europe, a estimé que ce n'était "pas la fin de l'histoire", et qu'il fallait "un processus encore pas totalement élucidé de ratification" de cet accord.

"Il y a à vérifier quelle est la portée exacte de ces accords, et les Etats auront d'une manière ou d'une autre leur mot à dire", a-t-il ajouté.

"Je sais que toutes les autorités françaises, et en particulier le président de la République (Emmanuel Macron), ont été ceux qui se sont battus le plus contre des concessions qu'on considérait comme excessives", a-t-il affirmé avant de s'interroger: "Est-ce que nous avons été un peu seuls? Oui".

"Est-ce qu'on a le sentiment qu'à l'intérieur de l'Union européenne, des forces politiques et économiques étaient plutôt sur une ligne de trouver des accommodements? Oui", a-t-il ajouté, en estimant que de son point de vue, "la voie pour l'Europe est une voie d'affirmation et de résistance quand il faut et de fierté le plus souvent possible".

La classe politique française a été unanime à dénoncer l'accord conclu entre le président américain, Donald Trump, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui prévoit notamment une hausse de 15% des droits de douane sur les exportations européennes.

Le président Emmanuel Macron a déploré mercredi en Conseil des ministres que l'Union européenne n'ait pas été assez "crainte" dans ses négociations commerciales avec les Etats-Unis, affirmant que la France continuerait de faire montre "d'exigence et de fermeté" dans la suite des discussions.