La livre turque chute à un niveau record suite à l'appel d'Erdogan à une réduction des taux

Des billets de banque de livres turques photographiées dans un bureau de change à Istanbul, le 13 août 2018. (Reuters)
Des billets de banque de livres turques photographiées dans un bureau de change à Istanbul, le 13 août 2018. (Reuters)
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Publié le Jeudi 03 juin 2021

La livre turque chute à un niveau record suite à l'appel d'Erdogan à une réduction des taux

  • La livre turque a perdu 0,6% de sa valeur et atteint un creux de 8,88 livres pour un dollar américain
  • La baisse est alarmante dans un pays qui fait déjà face à d'importantes tensions financières dues en partie à la pandémie du coronavirus

ANKARA : La livre turque a de nouveau chuté à un niveau plus bas mercredi matin, perdant 0,6% de sa valeur et atteignant le taux bas de 8,88 livres pour un dollar américain, après que le président Recep Tayyip Erdogan a annoncé sa volonté de réduire les taux d'intérêt le 1er juin.

La baisse est alarmante dans un pays qui fait déjà face à d'importantes tensions financières dues en partie à la pandémie du coronavirus, la crédibilité de la lire étant affaiblie et la Turquie exposée aux chocs externes.

Faisant part de ses inquiétudes quant à l'autonomie de la Banque centrale turque (CBRT), Erdogan a déclaré qu'il avait parlé de la réduction des taux au gouverneur de la CBRT nouvellement nommé. «Ainsi, ce sera aux alentours de juillet et août que les taux pourront commencer à baisser», a-t-il précisé.

Au cours de ces deux ou trois dernières années, Erdogan a changé quatre gouverneurs de la CBRT. Naci Agbal, une figure respectée et un gouverneur favorable au marché, a été évincé en mars dernier après avoir augmenté les taux d'intérêt en réaction aux marchés mondiaux. Le 25 mai, Erdogan a également révoqué l'un des quatre vice-gouverneurs de la CBRT.

Le gouverneur actuel, Sahap Kavcioglu, a maintenu les taux d'intérêt stables à 19% et a résisté aux pressions d'Erdogan visant à les baisser.

«Nous avons déjà vu tout cela. Les investisseurs ne veulent pas voir une nouvelle baisse prématurée des taux, surtout lorsque l'inflation est obstinément élevée, mais la plupart n'auraient pas été surpris par les commentaires d'Erdogan», a déclaré à Arab News Wolfango Piccoli, co-président de Teneo Intelligence à Londres.

Le changement soudain des taux de change de la livre, qui reste l'une des devises des marchés émergents les moins performantes, a été une réaction directe aux dernières remarques d'Erdogan, qui estime que toute réduction des taux diminuera les coûts de production et baissera les prix à la consommation.

Jeudi, les autorités turques annonceront une mise à jour des données d'inflation, qui sont actuellement de 17%.

Les autorités de la CBRT ont eu mercredi des appels avec des investisseurs et quelques experts étrangers pour donner de la crédibilité aux perspectives économiques du pays.

«Erdogan a soutenu l'argument selon lequel les taux élevés contribuaient à l'inflation, même si la théorie économique conventionnelle dit que le contraire est vrai. Les responsables successifs de la banque centrale ont dû faire face à cela, et ont eu dans la majorité des cas à se plier à la volonté d'Erdogan», a déclaré Piccoli.

Les commentaires incessants du président sur les taux d'intérêt reflètent également la dégradation institutionnelle à laquelle la Turquie est confrontée depuis des années. La CBRT est l'une des principales victimes de ce processus, a affirmé Piccoli.

Selon les dernières statistiques officielles, le nombre de personnes effectuant des emprunts auprès des banques a atteint 34,5 millions, tandis qu'environ 2,3 millions de personnes ont contracté des prêts pour la première fois cette année, en particulier des prêts à la consommation, et des dépenses par carte de crédit, avec une augmentation importante des taux de suicide dans un contexte de pression financière.

Daron Acemoglu, économiste au Massachusetts Institute of Technology (MIT), a récemment exhorté le gouvernement turc à laisser les mains libres à la CBRT, et a souligné l'importance de l'indépendance de la politique monétaire.

«Il est admis partout dans le monde que la CBRT a besoin d'autonomie. Il ne devrait pas y avoir de politique monétaire basée sur des instructions venant du premier ministre ou du président. Lorsque vous agissez de la sorte, les capitaux étrangers ne viennent plus», a soutenu Acemoglu.

Il a également fait part de ses inquiétudes quant à l'aggravation potentielle de la crise économique actuelle en Turquie.

Nikolay Markov, principal économiste auprès de Pictet Asset Management en Suisse, a déclaré qu'Erdogan se concentrait sur les taux d'intérêt parce que les coûts actuels des emprunts dans l'économie turque sont trop élevés et ont commencé à limiter la demande intérieure, qui est l'un des principaux piliers de la croissance.

«L'économie a indéniablement besoin de taux plus bas pour que son modèle basé sur le crédit fonctionne correctement et stimule la croissance du PIB, ce qui n'est actuellement pas possible en raison de l'inflation globale et de l’inflation de base encore très élevées ainsi que des prévisions d'inflation élevées», a-t-il déclaré à Arab News.

Markov pense que la CBRT s'est à nouveau engagée à assurer la stabilité des prix, et que malgré les récents commentaires du président elle ne réduira pas les taux à très court terme, en l’occurrence pas avant la mise en place du processus de désinflation, donc pas avant l'été.

«Kavcioglu essaie de redonner à la CBRT une certaine crédibilité perdue après le limogeage du gouverneur Agbal au mois de mars dernier. La conséquence pour les investisseurs est toujours compliquée car les investisseurs offshore ne sont toujours pas convaincus de l'engagement total de la CBRT en faveur de la stabilité des prix, du fait qu’ils pensent toujours que la CBRT est dépendante de la pression politique v du président», a-t-il précisé.

Selon Markov, cela continuera à provoquer une instabilité du marché et de la livre au cours de la période à venir.

« Néanmoins, j'ai l'impression que Kavcioglu est fondamentalement un faucon et qu'il va essayer de retarder le plus possible le début des réductions des taux sans offenser le président. Globalement, je pense que la date la plus proche possible pour une réduction des taux est en juillet. Une baisse des taux en juin n'est pas envisageable», a-t-il affirmé.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".


La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, alerte le Secours populaire

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
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  • "La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire
  • "La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg

PARIS: La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, touchant tous les aspects de la vie des plus fragiles, alerte jeudi le Secours Populaire, qui publie un baromètre témoignant de cette situation jugée préoccupante.

"La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire.

L'association publie un baromètre qui indique qu'un tiers des Français (31%) rencontrent des difficultés financières pour se procurer une alimentation saine permettant de faire trois repas par jour. De même 39% ont du mal à payer leurs dépenses d'électricité et 49% à partir en vacances au moins une fois par an, selon ce sondage réalisé par l'Institut Ipsos, auprès d'un échantillon de 1.000 personnes, représentatif de la population nationale âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

"La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg.

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier.

Malgré un "léger mieux" constaté sur certains indicateurs lié au "ralentissement de l'inflation", ce baromètre révèle "une situation sociale toujours très préoccupante", selon le Secours populaire.

En début de semaine, la déléguée interministérielle à la prévention et la lutte contre la pauvreté, Anne Rubinstein, a évoqué des "difficultés" rencontrées par l'Etat pour résorber un taux de pauvreté qui a atteint un niveau record en 2023 en France métropolitaine.

Face à cette situation, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a appelé mardi à une "mobilisation collective" pour "débloquer la lutte contre la précarité".

Au niveau européen, 28% de la population déclare se trouver en situation précaire, également selon ce baromètre du Secours Populaire, qui s'appuie aussi sur des échantillons de 1.000 personnes représentatifs de neuf autres pays (Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Moldavie, Portugal, Roumanie, Serbie).

La part des personnes se considérant comme précaires demeure à un niveau "très alarmant" en Grèce (46%) et en Moldavie (45%), pointe le baromètre.

En 2024, le Secours populaire a soutenu 3,7 millions de personnes en France. L'association fournit notamment de l'aide alimentaire et organise des activités pour différents publics pour rompre l'isolement.