Erdogan limoge le gouverneur de la Banque centrale, la livre turque en chute libre

Des billets turcs, le 6 janvier 2020. (Reuters/Dado Ruvic/Illustration//File Photo)
Des billets turcs, le 6 janvier 2020. (Reuters/Dado Ruvic/Illustration//File Photo)
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Publié le Lundi 22 mars 2021

Erdogan limoge le gouverneur de la Banque centrale, la livre turque en chute libre

  • Erdogan a brusquement limogé l'ancien directeur de la banque centrale de Turquie, Naci Agbal, samedi
  • Le nouveau directeur de la banque centrale de Turquie a critiqué ouvertement la politique de rigueur

ISTANBUL : La livre turque a chuté de 15% pour frôler le niveau le plus bas de son histoire lorsque les marchés ont ouvert à la suite de la décision soudaine du président Tayyip Erdogan, ce week-end, de limoger le gouverneur de la banque centrale de Turquie.

M. Agbal a été remplacé par Sahap Kavcioglu, économiste et ancien député du parti au pouvoir, une nomination qui inquiète les investisseurs et jette le doute sur l'indépendance future de la Banque centrale.

La nomination de Sahap Kavcioglu, samedi matin, marque le troisième renvoi brusque par Erdogan d'un directeur de banque centrale depuis le milieu de l'année 2019.

Pour apaiser les inquiétudes suscitées par la chute brutale des actifs turcs et le passage d'une hausse à une baisse des taux de change, Sahap Kavcioglu a expliqué dimanche aux PDG des banques qu'il ne prévoyait pas de modifier la politique dans un avenir proche, lors d'un appel téléphonique qui duré une heure trente, a rapporté une source à Reuters.

La livre turque a chuté à 8, 4850 contre le dollar, alors qu’elle a enregistré 7,2185 vendredi, revenant ainsi aux niveaux atteints au début de novembre, lorsqu'elle avait franchi un pic intrajournalier de 8,58. Le dernier taux de change s'est établi à 8,0749.

«Les investisseurs font chuter la livre truque car ils craignent que le garant de sa valeur ne partage pas leurs espoirs de disposer d'une monnaie stable, étayée par des taux d'intérêt réels positifs», a déclaré Sean Callow, stratège principal en matière de devises chez Westpac, ajoutant que la livre n'a peut-être pas encore atteint son niveau le plus bas.

«Le véritable test, ce sera lorsque les volumes arriveront en Europe», a-t-il précisé.

Goldman Sachs et d'autres analystes s'attendaient à un effondrement de la livre et des actifs turcs, compte tenu de l'attitude défavorable, voire peu orthodoxe, du nouveau gouverneur et de ce qui a été considéré comme la dernière atteinte à la crédibilité de la banque, dans un contexte d'ingérence politique qui pèse depuis des années sur la principale économie de marché émergente.

Les analystes estiment que la refonte intervenue ce week-end pourrait rapidement inverser les mesures expansionnistes prises par l'ancien gouverneur, Naci Agbal, et entraîner la Turquie dans une crise de la balance des paiements, étant donné que ses réserves de change sont épuisées.

Un des scénarios possibles consisterait à une fluctuation de la livre de 15% dans les deux sens, alors que «la livre turque entame un parcours en dents de scie, alimenté par la fuite des capitaux, les interventions des banques centrales et les chasseurs de bonnes affaires», a écrit le groupe financier SEB dans une note aux clients.

Erdogan a limogé Agbal deux jours après une hausse brutale des taux d'intérêt qui était censée freiner l'inflation de près de 16% et prévenir la chute de la livre.

En moins de cinq mois, Naci Agbal a relevé de manière agressive le principal taux directeur du pays, de 875 points de base pour le porter à 19%, et a rétabli une certaine crédibilité de la politique monétaire, alors que la livre se redressait après avoir atteint son niveau le plus bas. Cependant, la monnaie a perdu la plus grande partie de ces gains en moins de dix minutes au moment où les échanges ont commencé en ce début de semaine.

«La journée de lundi s'annonce longue et obscure», a déclaré un gestionnaire de fonds turc. Cristian Maggio, stratège chez TD Securities, a prévu une dépréciation de 10 à 15% de la livre dans les prochains jours.

La refonte «témoigne de la nature imprévisible des décisions politiques en Turquie, notamment en matière de politique monétaire. La situation risque désormais de déboucher sur des politiques plus souples, peu orthodoxes et surtout favorables à la croissance», a-t-il déclaré.

Lors d'une conférence téléphonique avec des banquiers turcs, M. Kavcioglu aurait déclaré que tout changement de politique dépendrait de la réduction de l'inflation, qui constitue pour lui l'objectif principal, selon une source informée.

Selon cette même source, M. Kavcioglu aurait affirmé que l'approche politique en vigueur serait maintenue. La banque centrale s'est abstenue de faire des commentaires à ce sujet.

M. Kavcioglu a fait savoir dimanche que la banque accorde une attention particulière à la réduction permanente de l'inflation, qui est restée à deux chiffres la plupart du temps au cours des quatre dernières années.

Ancien député du parti AKP d'Erdogan, M. Kavcioglu a fait siennes les opinions peu orthodoxes du président. Le mois dernier, il a écrit dans une colonne de journal que les taux élevés «entraînent indirectement une hausse de l’inflation».

 

Week-end de questions

Après qu'Erdogan a évincé Agbal, les investisseurs ont déclaré à Reuters qu'ils avaient travaillé tout le week-end pour prédire à quelle vitesse Kavcioglu pourrait réduire les taux – et à quel point la devise reculerait.

Les responsables de certains bureaux de trésorerie locaux avaient estimé les offres jusqu'à 8,00 lundi. Au Grand Bazar d’Istanbul, samedi, un commerçant a déclaré qu’un dollar achetait 7,80 à 7,90 de la monnaie locale.

Goldman a déclaré à ses clients que la banque de Wall Street examinait les recommandations d'investissement et prédit une baisse «discontinue» de la livre et un cycle de réduction des taux «concentré en début de période».

La refonte signifiait que des sorties de capitaux semblaient probables, et un ajustement rapide du compte courant pourrait être nécessaire car les marchés hésiteraient à financer les déficits chroniques de la Turquie, a-t-il déclaré.

Les inquiétudes concernant l’indépendance de la banque centrale ont exacerbé l’économie de la Turquie en plein essor et une dollarisation record, et ont incité l’année dernière une politique peu orthodoxe et coûteuse d’interventions de change, selon les économistes.

La livre a perdu la moitié de sa valeur depuis la crise monétaire de 2018.

Kavcioglu a déclaré dans le communiqué que les réunions politiques resteraient sur un calendrier mensuel, suggérant que toute réduction de taux pourrait attendre la prochaine réunion prévue le 15 avril.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur ArabNews.com


Automobile: les équipementiers français pressent Bruxelles d'imposer un contenu local

 Trois des plus gros équipementiers automobiles français ont demandé à Bruxelles d'imposer l'obligation d'un contenu local dans les véhicules, lors des annonces attendues mardi sur la révision de l'interdiction de vendre des voitures neuves autres que tout électriques, selon une lettre consultée lundi. (AFP)
Trois des plus gros équipementiers automobiles français ont demandé à Bruxelles d'imposer l'obligation d'un contenu local dans les véhicules, lors des annonces attendues mardi sur la révision de l'interdiction de vendre des voitures neuves autres que tout électriques, selon une lettre consultée lundi. (AFP)
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  • Les équipementiers européens "contribuent pour 75% à la valeur d'un véhicule et représentent 1,7 million d'emplois" en Europe
  • Mais "les surcapacités mondiales, les importations subventionnées (par le pays exportateur, NDLR) et un déséquilibre commercial accru érodent les fondations de notre industrie"

PARIS: Trois des plus gros équipementiers automobiles français ont demandé à Bruxelles d'imposer l'obligation d'un contenu local dans les véhicules, lors des annonces attendues mardi sur la révision de l'interdiction de vendre des voitures neuves autres que tout électriques, selon une lettre consultée lundi.

Dans cette missive adressée à la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et datée du 12 décembre, les dirigeants des équipementiers Valeo, Forvia et OPmobility demandent à la Commission "des mesures claires sur le contenu local lors des annonces du 16 décembre".

Les équipementiers européens "contribuent pour 75% à la valeur d'un véhicule et représentent 1,7 million d'emplois" en Europe, mais "les surcapacités mondiales, les importations subventionnées (par le pays exportateur, NDLR) et un déséquilibre commercial accru érodent les fondations de notre industrie", écrivent Christophe Périllat (Valeo), Martin Fisher (Forvia) et Félicie Burelle (OPmobility).

"Les perspectives actuelles indiquent que 350.000 emplois et 23% de la valeur ajoutée des automobiles dans l'UE sont en danger d'ici 2030 si des mesures fortes ne sont pas prises de manière urgente", ajoutent-ils.

Ces équipementiers soutiennent "la position des ministres français en faveur de +flexibilités ciblées+ dans la réglementation sur (les émissions de) CO2 si elle est assortie de conditions de critères de contenu local, dans l'intérêt des emplois, du savoir-faire dans l'automobile" et de "l'empreinte carbone" en Europe.

Les constructeurs automobiles européens et l'Allemagne notamment réclament depuis des semaines de nets assouplissements dans l'interdiction de vendre des voitures neuves thermiques ou hybrides prévue à partir de 2035.

Les annonces de la Commission sont attendues mardi après-midi.

La semaine dernière, plusieurs ministres français avaient envoyé une lettre aux commissaires européens pour dire qu'ils acceptaient des "flexibilités ciblées", à condition qu'elles s'accompagnent d'une règlementation incitative à la production en Europe.

"On est prêt à faire preuve de flexibilité", avait ensuite expliqué Roland Lescure, ministre français de l'Economie. "Si vous voulez vendre encore un peu de moteurs thermiques en 2035 très bien, mais il faut qu’ils soient faits en Europe", avec "au moins 75% de la valeur ajoutée faite en Europe", avait-il ajouté.


Espagne: amende de 64 millions d'euros contre Airbnb pour avoir publié des annonces de logements interdits

Le gouvernement espagnol a annoncé lundi avoir infligé une amende de 64 millions d'euros à la plateforme Airbnb pour avoir notamment publié des annonces de logements interdits, une infraction qualifiée de "grave", en pleine crise du logement dans le pays. (AFP)
Le gouvernement espagnol a annoncé lundi avoir infligé une amende de 64 millions d'euros à la plateforme Airbnb pour avoir notamment publié des annonces de logements interdits, une infraction qualifiée de "grave", en pleine crise du logement dans le pays. (AFP)
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  • L'amende qui vise Airbnb et atteint précisément 64.055.311 euros est "définitive", a précisé dans un communiqué le ministère de la Consommation
  • "Des milliers de familles vivent dans la précarité à cause de la crise du logement, tandis que quelques-uns s'enrichissent grâce à des modèles économiques qui expulsent les gens de chez eux"

MADRID: Le gouvernement espagnol a annoncé lundi avoir infligé une amende de 64 millions d'euros à la plateforme Airbnb pour avoir notamment publié des annonces de logements interdits, une infraction qualifiée de "grave", en pleine crise du logement dans le pays.

En Espagne, les plateformes de location de courte durée suscitent un vif débat, surtout dans les grandes villes touristiques, où de nombreux habitants leur reprochent de contribuer à la flambée des loyers.

L'amende qui vise Airbnb et atteint précisément 64.055.311 euros est "définitive", a précisé dans un communiqué le ministère de la Consommation, ajoutant que la plateforme basée aux Etats-Unis devait désormais "corriger les manquements constatés en supprimant les contenus illégaux".

"Des milliers de familles vivent dans la précarité à cause de la crise du logement, tandis que quelques-uns s'enrichissent grâce à des modèles économiques qui expulsent les gens de chez eux", a critiqué le ministre de la Consommation, Pablo Bustinduy, cité dans le communiqué.

"Aucune entreprise en Espagne, aussi grande ou puissante soit-elle, n'est au-dessus des lois", a-t-il poursuivi.

L'Espagne a accueilli en 2024 un nombre record de 94 millions de visiteurs, ce qui en fait la deuxième destination touristique dans le monde derrière la France. Ce chiffre pourrait être battu cette année.

Mais si le tourisme est un moteur de l'économie, de nombreux Espagnols dénoncent la congestion des infrastructures, la disparition des commerces traditionnels, remplacés par des boutiques touristiques, et surtout la flambée des loyers, les propriétaires de logements se tournant vers la location touristique, y compris sur Airbnb, nettement plus rentable.

Face à cette poussée de colère, plusieurs régions et municipalités ont annoncé des mesures ces derniers mois, à l'image de la mairie de Barcelone (nord-est), qui a promis de ne pas renouveler les licences de quelque 10.000 appartements touristiques, qui expireront en novembre 2028.

 


La RATP se cherche un ou une présidente

Cette photographie montre le logo de la société française de transports publics RATP, sur un bâtiment à Paris, le 3 mars 2025. (AFP)
Cette photographie montre le logo de la société française de transports publics RATP, sur un bâtiment à Paris, le 3 mars 2025. (AFP)
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  • Après le départ de Jean Castex à la SNCF, l’Élysée s’apprête à nommer rapidement le nouveau président ou la nouvelle présidente de la RATP
  • Plusieurs profils circulent, tandis que la régie fait face à d’importants défis

PARIS: Après le départ de Jean Castex à la SNCF, la RATP se cherche un ou une présidente, dont la nomination pourrait intervenir "rapidement", selon des sources concordantes.

L'annonce se fera par communiqué de l'Elysée en vertu de l'article 13 de la Constitution qui prévoit que le président de la République nomme aux emplois civils et militaires de l'Etat.

Suivront, deux semaines plus tard, deux auditions de l'impétrant devant les sénateurs, puis devant les députés. Les parlementaires ont la possibilité de s'opposer au candidat d'Emmanuel Macron s'ils réunissent trois cinquième de leurs votes cumulés contre le nom choisi par l'Elysée.

En revanche, si le candidat est adoubé par le Parlement, son nom est proposé en conseil d'administration comme nouvel administrateur, puis confirmé dans la foulée par un décret suivant le conseil des ministres.

Depuis l'arrivée de l'ancien Premier ministre Jean Castex à la tête de la SNCF début novembre, les rumeurs se multiplient sur le nom de celui ou celle qui sera chargé de lui succéder aux commandes de la Régie autonome des transports parisiens, vieille dame créée le 21 mars 1948 et désormais plongée dans le grand bain de l'ouverture à la concurrence.

Les articles de presse pèsent les différents "profils" pressentis, politiques ou techniques qui pourraient "faire le job".

Les noms qui reviennent le plus souvent sont ceux de Xavier Piechaczyk, président du directoire du distributeur d'électricité RTE et ex-conseiller énergie-transport de Jean-Marc Ayrault et François Hollande, Alain Krakovitch, actuel directeur des TGV et Intercités à SNCF Voyageurs, Jean-François Monteils, président du directoire de la Société des grands projets (SGP) et selon la Tribune, Valérie Vesque-Jeancard, présidente de Vinci Airways et directrice déléguée de Vinci Airports.

"Si le nom sort de l'Elysée avant la fin de l'année, cela permettrait au PDG de prendre ses fonctions fin janvier-début février" souligne un fin connaisseur des milieux ferroviaires qui requiert l'anonymat.

- "Aller vite" -

"Une entreprise industrielle comme la RATP ne peut pas rester sans pilote très longtemps" souligne une autre source, proche du dossier, qui requiert aussi l'anonymat, avant d'ajouter "il faut aller vite, car c'est aussi une boite politique, la RATP".

Une entreprise aux enjeux d'autant plus complexes, que malgré son ancrage initial parisien, la RATP dépend du financement de la région Ile-de-France pour ses matériels, s'étend de plus en plus loin dans la banlieue, voire en métropole, et gère des réseaux de transports dans 16 pays sur les cinq continents.

En France, elle est notamment pressentie pour gérer les transports ferroviaires régionaux autour de Caen en Normandie à partir de 2027 après avoir répondu - via sa filiale RATP Dev - à des appels d'offre d'ouverture à la concurrence.

A Paris, la RATP est en train d'introduire progressivement de nouveaux matériels sur son réseau. Le nouveau métro MF19 construit par Alstom, ira d'abord sur la ligne 10 puis sept autres lignes (7 bis, 3 bis, 13 d'ici 2027, puis 12, 8, 3 et 7 d'ici 2034).

L'ensemble du processus prendra une dizaine d'années environ de travaux de modernisation sur les lignes concernées: beaucoup d'ingénierie fine à organiser pour réaliser les travaux pendant la nuit sans interrompre le trafic diurne et de désagréments pour les voyageurs.

A échéance plus lointaine, le ou la future patronne devra déterminer la stratégie du groupe dans les nouvelles ouvertures à la concurrence qui se dessinent: les tramway en 2030 puis le métro en 2040.

Sur le réseau de bus francilien, où la RATP a d'ores et déjà perdu son monopole, elle est parvenue à conserver l'exploitation de 70% des lignes d'autobus qu'elle gérait à l'issue des dernières vagues d'appels d'offre de mise en concurrence qui se sont achevées cet automne.

En particulier, elle continue d'exploiter via RATP Dev tous les bus de Paris intra-muros et a engagé un processus de verdissement de sa flotte de bus, financé par Ile-de-France Mobilités (IDFM), l'autorité organisatrice des transports.

Ses concurrents Keolis (filiale de la SNCF), Transdev et l'italien ATM ont pris les rênes le 1er novembre des lignes remportées.