Avec le retrait de l'Otan, l'angoisse des traducteurs afghans

Le commandant de l'US Marine, le capitaine Stephan Karabin (à droite) et son traducteur écoutent un ancien de Trikh Nawar lors d'une réunion avec des dirigeants communautaires dans la banlieue nord-est de Marjah le 20 février 2010. Photo d'archive PATRICK BAZ / AFP
Le commandant de l'US Marine, le capitaine Stephan Karabin (à droite) et son traducteur écoutent un ancien de Trikh Nawar lors d'une réunion avec des dirigeants communautaires dans la banlieue nord-est de Marjah le 20 février 2010. Photo d'archive PATRICK BAZ / AFP
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Publié le Jeudi 03 juin 2021

Avec le retrait de l'Otan, l'angoisse des traducteurs afghans

  • Comme des milliers de traducteurs ayant travaillé pour les forces de l'Otan en Afghanistan, Nazir Ahmad craint pour sa vie au moment où l'alliance transatlantique retire ses troupes
  • Le gouvernement britannique a annoncé lundi accélérer la relocalisation de son personnel afghan, promettant de rapatrier prioritairement au Royaume-Uni tout employé se sentant menacé, qu'il travaille encore pour lui ou non

LONDRES: Comme des milliers de traducteurs ayant travaillé pour les forces de l'Otan en Afghanistan, Nazir Ahmad craint pour sa vie au moment où l'alliance transatlantique retire ses troupes.

"La situation se détériore avec le départ des forces étrangères", prévu pour s'achever d'ici au 11 septembre, explique à l'AFP ce traducteur de 35 ans. "Nous avons peur des insurgés. Ils connaissent nos visages".

Nazir Ahmad, qui habite à Kaboul, a travaillé avec l'armée britannique pendant deux ans dans la province méridionale de Helmand. Il a demandé à être envoyé au Royaume-Uni pour échapper aux menaces qui pèsent désormais sur le personnel local.

"Les insurgés, en particulier les talibans, vont se venger et nous couper la tête", craint-il, expliquant que le groupe islamiste les considère comme des "espions" et "alliés de l'étranger".

Le gouvernement britannique a annoncé lundi accélérer la relocalisation de son personnel afghan, promettant de rapatrier prioritairement au Royaume-Uni tout employé se sentant menacé, qu'il travaille encore pour lui ou non.

Le Royaume-Uni, qui a déjà relocalisé sur son sol 1.358 Afghans au cours des 20 ans qu'a duré le conflit, estime que plus de 3.000 personnes supplémentaires devraient bénéficier de ce programme.

Traités en "infidèles"

Mais celui-ci ne s'applique pas aux salariés licenciés (hors infraction mineure) tels M. Ahmad, remercié en 2012: "Ils m'ont renvoyé parce que j'avais un vieux téléphone Nokia sans appareil photo quand j'étais en patrouille avec les forces britanniques".

"Nous avons mis notre vie en danger. Maintenant, nous sommes considérés comme des infidèles qui cherchent à obtenir la citoyenneté britannique", avertit-il. 

Selon le gouvernement britannique, 1 010 traducteurs ont été licenciés entre 2001 et 2014, soit un tiers de ceux employés à cette période. 

"L'heure tourne", estime le colonel à la retraite Simon Diggins, qui milite aujourd'hui pour l'Alliance Sulha des interprètes afghans. Cet ancien attaché militaire britannique à Kaboul craint que toute le personnel afghan ne puisse pas être relocalisé en si peu de temps et demande "un examen équitable, transparent, urgent et indépendant des cas de toutes les personnes licenciées". 

"Dette"

L'armée française a de son côté employé quelque 770 Afghans (interprètes, chauffeurs, magasiniers...) entre 2001 et 2013. Après le retrait français du pays fin 2012, nombre d’entre eux ont fait état de menaces et demandent depuis des années un visa pour Paris, mais un peu moins de la moitié l’ont obtenu.

Par ailleurs, la France a commencé fin mai à octroyer des visas aux employés de l'ambassade et aux membres des autres services officiels français à Kaboul, culturel notamment, ainsi qu'à des professeurs de français enseignant dans les lycées et universités à Kaboul et en province. 

Une centaine de visas ont été accordés à ce jour sur ces critères "aux personnes qui le souhaitaient et aux membres de leur famille", a précisé mercredi une source officielle à l'AFP.

Du côté des Etats-Unis, les visas accordés à destination des États-Unis se sont eux drastiquement réduits ces dernières années, des responsables américains affirmant que certains extrémistes se faisaient passer pour des traducteurs. 

Selon un porte-parole de l'ambassade américaine à Kaboul, environ 18 000 Afghans attendent toujours que leur demande spéciale de visa soit traitée. Soit autant que le nombre de salariés afghans ayant déjà reçu un visa ces deux dernières décennies, affirmait en avril un rapport de l'université de Brown. 

"On m'a laissé pour compte et ma vie est maintenant en danger", témoigne Omar, qui ne donne que son prénom par peur de représailles. Il a travaillé pour le Trésor américain en Afghanistan de 2002 à 2009, puis au service des visas de l'ambassade entre 2010 et 2012, et attend toujours que sa demande pour émigrer aux États-Unis soit approuvée. 

Contrairement à la plupart de ses collègues de l'époque, déjà installés là-bas, il avait été licencié après avoir échoué à un test au détecteur de mensonge. 

"Je suis inquiet pour ma vie et le sort de mes enfants. S'il m'arrive quelque chose, il n'y aura pas de pension pour ma famille", assure-t-il, caché sous un foulard et un masque. 

Disant reconnaître "la dette (américaine) envers ceux qui mettent leur vie en danger au nom des États-Unis" le chargé d'affaires américain à Kaboul, Ross Wilson a assuré que les autorités accéléraient "aussi rapidement que possible" le processus d'évaluation.

Mais cet effort arrive trop tardivement pour le personnel local en danger, estime Omar. Le traducteur a envisagé de se rendre en Europe par ses propres moyens, mais la pandémie a rendu le voyage impossible. "Je regrette d'avoir travaillé pour les États-Unis en Afghanistan", déclare-t-il. "C'était la plus grosse erreur de ma vie".


La diplomatie française estime qu'Israël doit faire preuve de « la plus grande retenue » au Liban

Le drapeau français flotte sur le lac d'Enghien, à Enghien-les-Bains, dans la banlieue nord de Paris, le 25 avril 2025. (Photo Thibaud MORITZ / AFP)
Le drapeau français flotte sur le lac d'Enghien, à Enghien-les-Bains, dans la banlieue nord de Paris, le 25 avril 2025. (Photo Thibaud MORITZ / AFP)
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  • l'armée israélienne continue de mener des frappes au Liban, affirmant viser des combattants et des infrastructures du mouvement libanais, Hezbollah.
  • Le Liban avait alors demandé à Washington et Paris, garants de l'accord de cessez-le-feu, de « contraindre Israël à cesser immédiatement ses attaques ».

PARIS : La France a exhorté mercredi Israël « à faire preuve de la plus grande retenue » au Liban après la frappe israélienne qui a touché Beyrouth dimanche dernier, et a souligné que le démantèlement des sites militaires du Hezbollah revenait « exclusivement aux forces armées libanaises ».

Malgré un cessez-le-feu entré en vigueur le 27 novembre après plus d'un an de guerre entre Israël et le Hezbollah, l'armée israélienne continue de mener des frappes au Liban, affirmant viser des combattants et des infrastructures du mouvement libanais, très affaibli, qui affirme de son côté respecter l'accord.

Le week-end dernier, Israël a assuré avoir visé un entrepôt de missiles.

Le Liban avait alors demandé à Washington et Paris, garants de l'accord de cessez-le-feu, de « contraindre Israël à cesser immédiatement ses attaques ».

« La France rappelle que le respect du cessez-le-feu s'impose à toutes les parties sans exception afin de garantir la sécurité des populations civiles des deux côtés de la Ligne bleue », la frontière de facto délimitée par les Nations unies, a souligné mercredi Christophe Lemoine, porte-parole du ministère français des Affaires étrangères.

« La France appelle donc Israël à faire preuve de la plus grande retenue et à se retirer au plus vite des cinq points toujours occupés sur le territoire libanais », a-t-il ajouté lors d'un point presse.

Une commission regroupant le Liban, Israël, les États-Unis, la France et l'ONU est chargée de superviser l'application du cessez-le-feu.

Beyrouth presse la communauté internationale de faire pression sur Israël pour qu'il mette fin à ses attaques et se retire des cinq positions frontalières où il s'est maintenu dans le sud du pays, malgré l'accord.


Les services de sécurité des Émirats déjouent un transfert illégal d'armes vers le Soudan

Les autorités ont saisi environ cinq millions de munitions de type Goryunov (7,62 x 54 mm) retrouvées dans l'avion. (AFP)
Les autorités ont saisi environ cinq millions de munitions de type Goryunov (7,62 x 54 mm) retrouvées dans l'avion. (AFP)
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  • Les services de sécurité ont réussi à empêcher le transfert d'une quantité d'équipements militaires aux forces armées soudanaises 
  • Les prévenus ont été arrêtés lors d'une inspection de munitions dans un avion privé dans l'un des aéroports du pays

ABU DHABI: Les services de sécurité des Émirats arabes unis ont déjoué une tentative de transfert illégal d'armes et d'équipements militaires aux forces armées soudanaises, a déclaré mercredi le procureur général des Émirats arabes unis, Hamad Saif al-Chamsi.

M. Al-Chamsi a déclaré que les services de sécurité avaient réussi à empêcher le transfert d'une quantité d'équipements militaires aux forces armées soudanaises après l'arrestation de membres d'une cellule impliquée dans la médiation non autorisée, le courtage et le trafic illicite d'équipements militaires, sans avoir obtenu les licences nécessaires auprès des autorités compétentes.

Les prévenus ont été arrêtés lors d'une inspection de munitions dans un avion privé dans l'un des aéroports du pays.

L'avion transportait environ cinq millions de munitions de type Goryunov (54,7 x 62 mm).

Les autorités ont également saisi une partie du produit financier de la transaction en possession de deux suspects dans leurs chambres d'hôtel.

M. Al-Chamsi a déclaré que l'enquête avait révélé l'implication de membres de la cellule des chefs militaires soudanais, notamment l'ancien chef des services de renseignement Salah Gosh, un ancien officier de l'agence de renseignement, un ancien conseiller du ministre des Finances et une personnalité politique proche du général Abdel Fattah al-Burhan et de son adjoint Yasser al-Atta. Plusieurs hommes d'affaires soudanais ont également été impliqués.

Selon les enquêteurs, les membres de la cellule ont conclu un marché d'équipement militaire portant sur des fusils Kalachnikov, des munitions, des mitrailleuses et des grenades d'une valeur de plusieurs millions de dollars.

Les armes ont été transférées de l'armée soudanaise à une société d'importation des Émirats arabes unis en utilisant la méthode de transfert des HAWALADARS.

La transaction a été facilitée par l'intermédiaire d'une société appartenant à un membre fugitif de la cellule travaillant pour les forces armées soudanaises, en coordination avec le colonel Othman al-Zubair, responsable des opérations financières au sein de l'armée soudanaise.

De faux contrats et de fausses factures commerciales ont été utilisés pour prétendre que les paiements concernaient un contrat d'importation de sucre.

L'enquête a conclu que ces transactions avaient été effectuées à la demande du comité d'armement des forces armées soudanaises, présidé par Al-Burhan et son adjoint Al-Atta, en toute connaissance de cause et avec leur approbation. Les membres de la cellule ont été directement chargés de négocier et de finaliser les transactions par Ahmed Rabie Ahmed al-Sayed, une personnalité politique proche du commandant en chef soudanais et responsable de la délivrance des certificats et des approbations des utilisateurs finaux.

Les enquêteurs ont confirmé que Salah Gosh jouait un rôle central dans la gestion du trafic illégal d'équipements militaires aux Émirats arabes unis, en coordination avec d'autres membres de la cellule.

Le groupe a réalisé une marge bénéficiaire de 2,6 millions de dollars (1 dollar = 0,88 euro) par rapport à la valeur réelle des deux transactions, qu'il s'est répartie entre lui et plusieurs complices. La part de Gosh a été retrouvée en possession du suspect Khalid Youssef Mukhtar Youssef, ancien officier de renseignement et ex-chef de cabinet de Gosh.

La cargaison saisie était arrivée à l'aéroport des Émirats arabes unis à bord d'un avion privé en provenance d'un pays étranger.

L'avion s'était posé pour faire le plein et avait officiellement déclaré qu'il transportait un lot de fournitures médicales.

Cependant, la cargaison militaire a été découverte sous la supervision du ministère public, sur la base de mandats judiciaires émis par le procureur général.

Les autorités ont également saisi des copies des contrats relatifs aux deux transactions, de faux documents d'expédition, ainsi que des enregistrements audio et des messages échangés entre les membres de la cellule.

L'enquête a permis de découvrir plusieurs sociétés appartenant à un homme d'affaires soudano-ukrainien, dont une opérant aux Émirats arabes unis.

Ces sociétés ont fourni à l'armée soudanaise des armes, des munitions, des grenades et des drones, en collaboration avec les membres de la cellule et le responsable financier de l'armée.

L'une des sociétés figure sur la liste des sanctions américaines.

Les enquêtes en cours ont révélé que les intérêts financiers et les profits du groupe sont étroitement liés à la poursuite du conflit interne au Soudan.

Le procureur général a souligné que cet incident représentait une grave atteinte à la sécurité nationale des Émirats arabes unis, en faisant de leur territoire une plateforme pour le trafic illégal d'armes à destination d'un pays en proie à des troubles civils, en plus de constituer des infractions pénales punissables par la loi.

Il a conclu en déclarant que le ministère public poursuivait ses procédures d'enquête en vue de déférer les suspects à une procédure judiciaire d'urgence.

Les résultats définitifs seront annoncés à la fin de l'enquête.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Retailleau engage la procédure de dissolution d'Urgence Palestine

Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau intervient lors d'un débat sur le narcotrafic à l'Assemblée nationale française à Paris, le 29 avril 2025. (Photo Ludovic MARIN / AFP)
Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau intervient lors d'un débat sur le narcotrafic à l'Assemblée nationale française à Paris, le 29 avril 2025. (Photo Ludovic MARIN / AFP)
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  • A la veille du 1er mai, Bruno Retailleau a annoncé  mecredi l'engagement de la procédure de dissolution du groupe Urgence Palestine.
  • Le groupe organise régulièrement des manifestations, qui ont parfois été interdites par les autorités.

PARIS : A la veille du 1er mai, Bruno Retailleau a annoncé  mecredi l'engagement de la procédure de dissolution du groupe Urgence Palestine, ainsi que de Lyon Populaire, qui appartient à l'ultra droite, après avoir lancé mardi celle du groupe antifasciste La Jeune Garde.

Invité de CNews/Europe 1, le ministre de l'Intérieur a justifié la dissolution d'Urgence Palestine en affirmant qu'il fallait « taper sur les islamistes ». « L'islamisme est une idéologie qui essaie d'instrumentaliser une religion. Il y a une défiguration de la foi », a-t-il dit.

« Il ne faut pas défigurer la juste cause des Palestiniens », a poursuivi M. Retailleau, qui a insisté sur le fait que « beaucoup de nos compatriotes musulmans professent une foi parfaitement compatible avec les valeurs de la République ».

Créé au lendemain de l'attaque sans précédent du Hamas dans le sud d'Israël le 7 octobre 2023, qui a déclenché la guerre à Gaza, le collectif Urgence Palestine dit rassembler « des citoyens, des organisations et mouvements associatifs, syndicaux et politiques mobilisés pour l'auto-détermination du peuple palestinien ». 

Le groupe organise régulièrement des manifestations, qui ont parfois été interdites par les autorités.

« À l'heure où le peuple palestinien est confronté au génocide, à la famine, où les Israéliens cherchent à détruire et à anéantir le peuple palestinien, que fait le gouvernement français ? Il veut dissoudre notre collectif, c'est insupportable », a réagi Omar Al Soumi, l'un des militants d'Urgence Palestine.

« C'est la réalité d'une France complice du génocide », a-t-il accusé dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux.

Urgence Palestine a reçu de nombreux messages de soutien de la part d'organisations de l'extrême gauche et de la gauche radicale. 

« Non à la dissolution d'Urgence Palestine », a écrit sur Instagram le Nouveau Parti Anticapitaliste, dénonçant « des prétextes pour faire taire les voix solidaires avec la Palestine ! ».

L'eurodéputée insoumise Rima Hassan a également critiqué les dissolutions engagées contre la Jeune Garde et Urgence Palestine.

« La dérive autoritaire et fasciste de Macron est aussi réelle, tangible et concrète », a-t-elle réagi sur X.

Tsedek!, qui se présente comme un « collectif juif décolonial », a aussi apporté son soutien à ces deux organisations.

« Le gouvernement qui appelle à la dissolution d’Urgence Palestine, c’est la République qui reprend ses droits et réaffirme que l’antisémitisme ne passera pas en France », s'est au contraire félicitée Sarah Aizenman, présidente du collectif « Nous vivrons », auprès de l'AFP. 

« Cette organisation ne défend pas les droits des Palestiniens, elle soutient une organisation terroriste », a accusé Mme Aizenman.

Les annonces de procédures de dissolution contre La Jeune Garde et Urgence Palestine interviennent à la veille des rassemblements du 1er-Mai et pourraient tendre le climat des manifestations, notamment à Paris, selon un haut responsable de la police.

Le ministre de l'Intérieur et le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, ont par avance prévenu qu'aucun débordement ne serait toléré.

Environ 15 000 personnes sont attendues jeudi pour la manifestation parisienne.