La suspension des opérations franco-maliennes commence à se matérialiser

Des soldats français surveillent l'escale d'un convoi militaire entre Gossi et Hombori au Mali, le 26 mars 2019. (Photo, AFP)
Des soldats français surveillent l'escale d'un convoi militaire entre Gossi et Hombori au Mali, le 26 mars 2019. (Photo, AFP)
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Publié le Vendredi 04 juin 2021

La suspension des opérations franco-maliennes commence à se matérialiser

  • Paris a annoncé jeudi soir suspendre les opérations conjointes avec les forces maliennes, avec lesquelles elle coopère depuis des années contre les djihadistes
  • « Les opérations conjointes Barkhane/FAMa sont arrêtées, les Français continuent seuls », a dit un responsable à l'état-major malien, évoquant la force antidjihadiste française et les Forces armées maliennes

BAMAKO: Plusieurs centaines de Maliens ont manifesté vendredi à Bamako leur soutien au mouvement dit du 5-Juin, en passe de devenir l'allié gouvernemental du colonel putschiste Assimi Goïta dont les agissements ont poussé la France à donner un coup d'arrêt à la coopération militaire.

Dix jours après un deuxième putsch en neuf mois qui a fait du colonel Goïta le chef de cet Etat crucial pour la stabilité au Sahel, Paris a annoncé jeudi soir suspendre les opérations conjointes avec les forces maliennes, avec lesquelles elle coopère depuis des années contre les djihadistes.

Cette décision a déjà commencé à se matérialiser sur le terrain. « Les opérations conjointes Barkhane/FAMa sont arrêtées, les Français continuent seuls », a dit un responsable à l'état-major malien, évoquant la force antidjihadiste française et les Forces armées maliennes.

Des centaines de Maliens se sont réunis vendredi à Bamako sur le rond-point autour du monument de l'Indépendance, ont constaté les journalistes de l'AFP. Le rassemblement visait officiellement à commémorer la contestation qui, un an plus tôt, avait ébranlé la présidence d'Ibrahim Boubacar Keïta jusqu'à ce qu'un groupe de colonels, dont Assimi Goïta, le déposent le 18 août.

L'appel à manifester avait été lancé avant l'annonce française, par le mouvement dit du 5-Juin. Mais le coup de semonce donné par l'allié stratégique français était dans bien des esprits.

« Le Mali doit chercher d'autres partenaires, la France n'est pas le seul pays au monde », disait Abdoulaye Cissé, un jeune du M5.

« Le peuple malien doit être reconnaissant envers la France », contrait Kalou Sow, fonctionnaire, en invoquant les dizaines de soldats français morts au Sahel, « mais il faut aussi que la France montre sa bonne foi. Huit ans sans résultat, ce n'est pas facile non plus ».

Le Mouvement du 5-Juin/Rassemblement des forces patriotiques (M5/RFP), collectif hétéroclite, avait pris la tête en 2020 de mois de contestation contre le président Keïta. Il avait ensuite vainement réclamé d'être traité d'égal à égal par les militaires dans la mise en place de la transition censée ramener les civils au pouvoir.

Demandes de « garanties »

Les colonels s'étaient engagés après leur putsch de 2020 et sous la pression internationale à une période de transition limitée à 18 mois et conduite par des civils.

Le 24 mai, le colonel Goïta, resté le véritable homme fort de la transition, a foulé aux pieds cet engagement en faisant arrêter le président et le Premier ministre.

Il s'est depuis fait déclarer président de la transition par la Cour constitutionnelle.

Jeudi soir, la France a tapé du poing sur la table. Les implications paraissent significatives pour une armée malienne notoirement sous-équipée et sous-entraînée. Elle a perdu des centaines de soldats face aux djihadistes.

Barkhane poursuivra son action, avec les autres partenaires régionaux, a indiqué le porte-parole de l'état-major français, le colonel Frédéric Barbry.

Mais les grosses opérations conjointes avec les troupes maliennes, comme Equinoxe, en cours, sont suspendues. Les activités de la force « Takuba » le sont également, tout comme les formations, a-t-il dit.

Initiée par la France et composée d'unités de forces spéciales européennes, Takuba est censée former l'armée malienne au combat.

De facto, Barkhane ne sort plus de ses bases pour des opérations sur le terrain, indique un diplomate occidental sous le couvert de l'anonymat. Mais elle continuera à frapper, si l'occasion s'en présente, les chefs djihadistes, dit-il.

Ces mesures sont « conservatoires et temporaires », a dit le ministère français des Armées. Paris attend des « garanties » que les colonels maliens rendront le pouvoir aux civils après des élections prévues en février 2022.

Aucune réaction publique n'a été obtenue de la junte.

Mais la France et les partenaires du Mali devraient prêter une attention soutenue aux prises de parole et aux développements des prochains jours, à commencer par le rassemblement de vendredi et l'investiture officielle du colonel Goïta lundi.

Cette cérémonie devrait déboucher sur la nomination d'un Premier ministre, dont la France comme une grande partie de la communauté internationale réclame qu'il soit un civil.

Le colonel Goïta a dit son intention de confier le poste au M5, mouvement que lui et les colonels s'étaient employés à marginaliser. Le M5 a choisi pour le poste de Premier ministre un vétéran, Choguel Kokalla Maïga.

Ce choix a suscité des inquiétudes. M. Maïga est connu comme un ardent détracteur de l'accord de paix de 2015 avec l'ex-rébellion du Nord, dont l'application est jugée capitale pour sortir le pays de la tourmente.

Les partenaires du Mali s'interrogent aussi sur la place qui sera faite dans la transition à l'influent imam conservateur Mahmoud Dicko, et les concessions que les dirigeants maliens seraient tentés de faire aux djihadistes.

 


Macron fustige les «bourgeois des centres-villes» qui financent «parfois» le narcotrafic

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  • Emmanuel Macron a également insisté sur "la nécessité d'avoir une approche interministérielle du très local à l'international"
  • La question est au centre du débat public depuis l'assassinat jeudi à Marseille de Mehdi Kessaci, le frère d'un militant engagé contre le narcotrafic

PARIS: Le président Emmanuel Macron a estimé mercredi lors du Conseil des ministres que ce sont "parfois les bourgeois des centres-villes qui financent les narcotrafiquants", selon des propos rapportés par la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon lors de son compte-rendu.

Le chef de l'État a appuyé "l'importance d'une politique de prévention et de sensibilisation puisque, je reprends ses mots, +c'est parfois les bourgeois des centres-villes qui financent les narcotrafiquants+", a précisé Maud Bregeon, ajoutant: "on ne peut pas déplorer d'un côté les morts et de l'autre continuer à consommer le soir en rentrant du travail".

Emmanuel Macron a également insisté sur "la nécessité d'avoir une approche interministérielle du très local à l'international". La question est au centre du débat public depuis l'assassinat jeudi à Marseille de Mehdi Kessaci, le frère d'un militant engagé contre le narcotrafic.

 


Amiante dans les écoles: plus de 50 personnes et sept syndicats portent plainte à Marseille

Classée cancérogène, l'amiante présente des risques pour la santé principalement par inhalation, lorsque les poussières pénètrent le système respiratoire. (AFP)
Classée cancérogène, l'amiante présente des risques pour la santé principalement par inhalation, lorsque les poussières pénètrent le système respiratoire. (AFP)
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  • "La grande majorité des établissements scolaires en France, construits avant son interdiction en 1997, présentent encore à ce jour de l’amiante dans de nombreux éléments du bâti", rappelle dans un communiqué l'avocate Julie Andreu
  • Or, la vétusté de certains d'entre eux aggrave l'exposition à l'amiante et selon l'avocate, "les responsables concernés (collectivités locales) n’ont pas pris les mesures qui s’imposent"

MARSEILLE: Ils sont parents d'élèves, enseignants, agents municipaux: une cinquantaine de personnes, toutes exposées à l'amiante dans des écoles des Bouches-du-Rhône, vont déposer mercredi à Marseille une plainte contre X pour "mise en danger délibérée de la vie d'autrui".

Sept syndicats et trois associations de victimes de l'amiante sont aussi plaignants dans ce dossier, qui concerne 12 établissements scolaires, la plupart à Marseille.

"La grande majorité des établissements scolaires en France, construits avant son interdiction en 1997, présentent encore à ce jour de l’amiante dans de nombreux éléments du bâti", rappelle dans un communiqué l'avocate Julie Andreu, qui représente ces plaignants d'une douzaine d'établissements scolaires et dont la plainte va être déposée à 14h.

Or, la vétusté de certains d'entre eux aggrave l'exposition à l'amiante et selon l'avocate, "les responsables concernés (collectivités locales) n’ont pas pris les mesures qui s’imposent".

Classée cancérogène, l'amiante présente des risques pour la santé principalement par inhalation, lorsque les poussières pénètrent le système respiratoire.

"Une collègue est décédée en avril 2024 des suites d’un cancer lié à l’amiante, reconnu comme maladie professionnelle", a expliqué dans un dossier de presse le collectif stop amiante éducation, dans lequel sont réunis les syndicats et associations plaignants.

Le collectif dénonce "de nombreuses défaillances", notamment une absence d'information sur l'amiante, malgré les obligations réglementaires, ou encore une absence de protection pendant les travaux.

En mars, les syndicats enseignants avaient révélé que plus de 80% des bâtiments scolaires en France étaient potentiellement concernés par la présence d'amiante.

Un rapport du Haut Conseil de la Santé Publique publié en 2014, prévoit que d’ici 2050, 50.000 à 75.000 décès par cancer du poumon dus à l’amiante aient lieu, auxquels s’ajoutent jusqu'à 25.000 décès par mésothéliome (un autre type de cancer).

 


Assassinat de Mehdi Kessaci: «Non, je ne me tairai pas» face au narcotrafic, dit son frère dans une tribune au Monde

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  • "Je dirai et répéterai que mon frère Mehdi est mort pour rien. Je dirai la violence du narcotrafic"
  • "On me parle de crime d’avertissement. Mais un crime n'est jamais un avertissement"

PARIS: "Non, je ne me tairai pas" face au narcotrafic, a déclaré mercredi dans une tribune publiée dans le journal Le Monde Amine Kessaci, le frère de Mehdi, abattu jeudi à Marseille par deux personnes à moto.

"Je dirai et répéterai que mon frère Mehdi est mort pour rien. Je dirai la violence du narcotrafic", a également écrit le militant écologiste de 22 ans, engagé dans la lutte contre le narcobanditisme. En 2020, cette famille de six enfants avait déjà été endeuillée par l'assassinat d'un autre de ses frères, Brahim, 22 ans, dont le corps avait été retrouvé carbonisé dans un véhicule.

"On me parle de crime d’avertissement. Mais un crime n'est jamais un avertissement", a encore déclaré Amine Kessaci, qui a enterré mardi son frère Mehdi. "Voici ce que font les trafiquants : ils tentent d’annihiler toute résistance, de briser toute volonté, de tuer dans l’œuf tout embryon de révolte pour étendre leur pouvoir sur nos vies", a-t-il ajouté.

La protection policière qui lui a été accordée ne l'a pas été à ses proches, a souligné le militant écologiste de 22 ans. "Pourtant, qui ignorait que ma famille avait déjà payé un tribut de sang? Comment ne pas savoir que ma famille pouvait être touchée ?", s'est-il interrogé.

"Face à un tel ennemi, l’Etat doit prendre la mesure de ce qu'il se passe et comprendre qu'une lutte à mort est engagée", a-t-il encore prévenu.

"Il est temps d’agir, par exemple de faire revenir les services publics dans les quartiers, de lutter contre l’échec scolaire qui fournit aux trafiquants une main-d’œuvre soumise, de doter les enquêteurs et les forces de police des moyens dont ils ont besoin, de renforcer, de soutenir réellement les familles de victimes du narcotrafic. Nous comptons nos morts, mais que fait l’Etat ?"

Medhi Kessaci, 20 ans, a été assassiné jeudi à Marseille près d'une salle de concert par deux hommes à moto, activement recherchées, un "crime d'intimidation" et "un assassinat d'avertissement" pour les autorités.