PARIS: L’opération « Chariots de Gédéon » validée il y a presque une semaine par le gouvernement israélien est bel et bien en marche dans Gaza.
L’objectif affiché de l’opération a été précisé par le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou sur la plateforme X.
« Nous avons décidé d’intensifier l’opération à Gaza, selon la recommandation du chef d'État-major pour aller vers la défaite du Hamas » écrit-il.
Détruire le Hamas, n’est pas nouveau puisque cet objectif a été brandi par le premier ministre dès le lendemain du 7 octobre, et l'élément nouveau de cette opération est l’occupation pure et simple de l’enclave.
Netanyahou, aussi bien que son ministre des Finances Bezalel Smotrich, ont clairement affirmé qu’il ne s'agissait plus de rentrer dans Gaza pour en ressortir, et que l’enclave sera à nouveau occupée par Israël.
Des médias israéliens indiquent avec photos à l’appui, qu’un terrain est actuellement déblayé dans le Sud de Gaza pour accueillir les Gazaouis dans un premier temps.
D’autre part, Israël maintient son blocus hermétique qui affame les habitants de la bande, alors que l’armée israélienne s’adonne au quotidien à des bombardements meurtriers.
en bref
Guillaume Ancel, a côtoyé la guerre de très près, tout au long de sa vie de militaire.
Du Rwanda, où il se trouvait pendant le massacre des Tutsis, en passant par Sarajevo et Srebrenica dans les Balkans, il a vu de ses propres yeux les dévastations et la mort.
Ancien officier de l’armée française et éditeur du blog « ne pas subir » dédié aux questions politiques et de défense, répond à Arab News en français. Il confie avoir espéré « ne plus jamais voir, ou avoir à témoigner » sur pareilles horreurs.
Mais le voilà de nouveau face à la guerre de Gaza, qu’il décrit dans un article publié sur son blog comme étant « le champ de la mort », depuis l’attaque du 7 octobre.
Le gouvernement israélien a « franchi une ligne morale et stratégique jusque-là impensable », son intervention militaire à Gaza, assure Ancel, « a dépassé le cadre d’une réponse sécuritaire », elle s’apparente désormais à une entreprise méthodique de destruction ».
D’où son choix de l’expression « champ de la mort », pour parler de Gaza, où les bombardements « ciblent massivement les infrastructures civiles plutôt que les installations militaires » et l’objectif apparent n’est plus la neutralisation du Hamas ou la libération des otages, « mais la dévastation complète du territoire, en vue d’une expulsion forcée de la population palestinienne ».
Ce qui relevait hier du tabou est aujourd’hui assumé ouvertement, affirme Ancel « transformer Gaza en ruines, puis pousser sa population vers l’exil ».
Ce basculement n’est pas isolé, en Cisjordanie également les opérations militaires se multiplient contre les camps de réfugiés, dans un processus d’annexion rampante dissimulée derrière des références bibliques Judée et Samarie .
Cette stratégie globale affirme Ancel, vise à vider les territoires palestiniens pour redessiner un « Grand Israël idéologiquement justifié ».
Malheureusement, face à cette tentative de liquidation de la cause palestinienne, le silence de la communauté internationale est assourdissant, les États européens, pourtant prompts à condamner la Russie pour son invasion de l’Ukraine, adoptent « une posture de tolérance voire de complaisance à l’égard d’Israël ».
Cette attitude révèle selon Ancel, « une forme de double standard moral, où la gravité des crimes dépend de l’identité du pouvoir qui les commet », en cela, la situation des Palestiniens est reléguée au second plan, éclipsée par la guerre en Ukraine ou par les intérêts stratégiques des États-Unis au Moyen-Orient.
Les États-Unis, justement, apparaissent ici comme les soutiens indéfectibles du gouvernement Netanyahou, tant sur le plan diplomatique que militaire.
L’ancien militaire relève que les munitions américaines alimentent les frappes, sans qu’aucune ligne rouge ne soit fixée, « ce soutien est vu comme une clé de l’impunité israélienne, et comme un obstacle majeur à toute solution politique durable ».
Tant que Washington fermera les yeux, « aucun État n’osera s’opposer frontalement à cette politique », poursuit Ancel qui estime pourtant que la relation entre le président américain Donald Trump et Netanyahou « va se dégrader à un certain moment ».
D’ailleurs, une fissure commence à pointer le nez, à la veille de la tournée de Trump dans des pays du Golfe, dont l’Arabie Saoudite, alors que des négociations sont entamées entre les États-Unis et le Hamas, au sujet des otages et d’un possible cessez-le-feu.
La stratégie israélienne a montré ses limites, et loin de contenir la menace, elle nourrit selon Ancel la radicalisation, alors que « l’on prétendait affaiblir le Hamas, celui-ci semble aujourd’hui renforcé numériquement, exploitant le chaos pour s’imposer comme unique force d’opposition ».
La guerre, ainsi prolongée, ne profite qu’aux extrêmes, elle sert les intérêts d’un Netanyahou fragilisé, qui semble vouloir se maintenir au pouvoir en entretenant un état de guerre permanent, quitte à sacrifier ses propres otages.
Dans ce contexte morbide, Ancel estime que la perspective d’un État palestinien, est désormais géographiquement et politiquement irréalisable, faute de territoire viable et de volonté politique.
« Nous ne sommes plus face à un conflit conventionnel », indique-t-il, mais devant « un projet d’épuration territoriale », et tant que la communauté internationale restera passive, « ce processus se poursuivra, laissant derrière lui un peuple sans terre, sans défense, et sans espoir ».