Ecologie et numérique: les députés examinent un texte miné par une polémique

D'autres membres du gouvernement  - la ministre de l'Ecologie, Barbara Pompili, ou le secrétaire d'Etat au Numérique, Cédric O - sont favorables à une exonération. (Photo, AFP)
D'autres membres du gouvernement  - la ministre de l'Ecologie, Barbara Pompili, ou le secrétaire d'Etat au Numérique, Cédric O - sont favorables à une exonération. (Photo, AFP)
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Publié le Mardi 08 juin 2021

Ecologie et numérique: les députés examinent un texte miné par une polémique

  • La proposition de loi sur la «réduction de l'empreinte environnementale du numérique» est soumise aux députés en première lecture
  • Point central de la proposition de loi: limiter le renouvellement des terminaux numériques qui seraient responsables de près de 70% de cet impact du numérique

PARIS: Concilier numérique et environnement: l'Assemblée nationale s'empare jeudi d'un texte à l'ambition a priori consensuelle, mais qu'un bref article sur des droits à appliquer ou non aux téléphones portables reconditionnés transforme en bataille rangée entre mondes de la culture et de l'industrie.

La proposition de loi sur la "réduction de l'empreinte environnementale du numérique", déjà adoptée en janvier par le Sénat dont elle émane, est soumise aux députés en première lecture.

Ce texte transpartisan - 130 sénateurs de tous bords l'ont signé à son origine - comprend une cinquantaine d'articles.

Parallèlement au projet de loi "climat et résilience", objet d'une procédure distincte, il vise à traiter un "angle mort des politiques environnementales et climatiques", selon son rapporteur au Palais Bourbon, Vincent Thiébaut (LREM), qui considère que "la pollution numérique va s'imposer comme une problématique centrale des prochaines années".

Selon les travaux d'une mission d'information sénatoriale, si rien n'est fait, le numérique serait à l'horizon 2040 à l'origine de 24 millions de tonnes équivalent carbone, soit environ 7% des émissions de la France, contre 2% aujourd'hui.

Point central de la proposition de loi: limiter le renouvellement des terminaux numériques (téléphones, tablettes, ordinateurs...) qui seraient responsables de près de 70% de cet impact du numérique.

«Sobriété numérique»

La proposition prévoit aussi d'inciter les jeunes à la "sobriété numérique", et veut également promouvoir des centres de données et réseaux moins énergivores, entre autres dispositifs.

Mais le diable se cache dans les détails, et le court article "14bis B" ajouté en première lecture par des sénateurs LR fait depuis des jours monter la température, sur fond d'intenses pressions des lobbies de la culture et de ce secteur économique.

L'article vise à inscrire dans la loi l'exonération des appareils électroniques reconditionnés (principalement les téléphones) de la "rémunération pour copie privée" (RCP), si elle a déjà été payée lors de l'achat de l'appareil neuf.

Cette exonération existe déjà, mais cet article bloquerait toute tentative de l'instaurer pour ce secteur.

Créée en 1985, cette taxe s'applique aux fabricants d'appareils permettant de copier des oeuvres culturelles, et constitue une source de financement importante pour le monde de la création.

En dispenser définitivement les appareils de deuxième main serait un encouragement pour cette filière en plein développement, acteur-clé pour "verdir" l'industrie numérique.

Mais le monde de la culture est vent debout contre toute perspective d'affaiblir la RCP, qui a généré 273 millions d'euros en 2020 au profit des ayants droit et de projets culturels comme les festivals.

Toucher à la RCP "fragiliserait encore un peu plus le monde culturel, déjà très affecté par la crise sanitaire", ont écrit dans une tribune récente au JDD quelque 1 600 artistes -Jean-Louis Aubert, Nathalie Baye, Benabar, Sandrine Bonnaire, Julien Clerc....

La ministre de la Culture Roselyne Bachelot estime aussi qu'une remise en cause partielle de la "rémunération de copie privée" serait "inconcevable".

«Contresens»

En retour, plus d'un millier de salariés de la filière du reconditionnement ont eux aussi publié une tribune dans le JDD, affirmant qu'appliquer cette taxe menacerait pas moins de 2 500 emplois dans leur filière naissante. "Nos vies comptent au même titre que la leur", répondent-ils aux artistes.

D'autres membres du gouvernement  - la ministre de l'Ecologie, Barbara Pompili, ou le secrétaire d'Etat au Numérique, Cédric O - sont favorables à une exonération.

A l'Assemblée, Virginie Duby-Muller (LR) souligne que ces emplois concernent souvent "des salariés en situation de handicap, qui y trouvent un moyen d'insertion".

"Taxer les produits reconditionnés serait un contresens majeur", fait aussi valoir Jean-Charles Colas-Roy, représentant de l'aile écologiste de LREM.

Le texte pourrait aller finalement dans le sens d'une taxation des appareils d'occasion rénovés, mais moins élevée que pour le neuf.

Un amendement gouvernemental prévoyant une taxation "spécifique et différenciée" de celle du neuf a été déposé pour la séance.


Accord EU-USA: Bayrou juge que la France a été "un peu seule"

Le Premier ministre français, François Bayrou, s'adresse à la presse après une visite au siège de Tracfin, le service de lutte contre le blanchiment d'argent du ministère des Finances, à Montreuil, près de Paris, le 31 juillet 2025. (AFP)
Le Premier ministre français, François Bayrou, s'adresse à la presse après une visite au siège de Tracfin, le service de lutte contre le blanchiment d'argent du ministère des Finances, à Montreuil, près de Paris, le 31 juillet 2025. (AFP)
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  • Le Premier ministre, François Bayrou, a jugé jeudi que la France avait été "un peu seule" dans la bataille commerciale face aux Etats-unis
  • Le chef du gouvernement, qui avait vivement critiqué lundi l'accord commercial conclu entre l'Union européenne et les Etats-Unis, déplorant une "soumission" de l'Europe, a estimé que ce n'était "pas la fin de l'histoire"

PARIS: Le Premier ministre, François Bayrou, a jugé jeudi que la France avait été "un peu seule" dans la bataille commerciale face aux Etats-unis, en marge d'un déplacement dans les locaux de Tracfin, organisme de lutte contre la criminalité financière, à Montreuil (93).

Le chef du gouvernement, qui avait vivement critiqué lundi l'accord commercial conclu entre l'Union européenne et les Etats-Unis, déplorant une "soumission" de l'Europe, a estimé que ce n'était "pas la fin de l'histoire", et qu'il fallait "un processus encore pas totalement élucidé de ratification" de cet accord.

"Il y a à vérifier quelle est la portée exacte de ces accords, et les Etats auront d'une manière ou d'une autre leur mot à dire", a-t-il ajouté.

"Je sais que toutes les autorités françaises, et en particulier le président de la République (Emmanuel Macron), ont été ceux qui se sont battus le plus contre des concessions qu'on considérait comme excessives", a-t-il affirmé avant de s'interroger: "Est-ce que nous avons été un peu seuls? Oui".

"Est-ce qu'on a le sentiment qu'à l'intérieur de l'Union européenne, des forces politiques et économiques étaient plutôt sur une ligne de trouver des accommodements? Oui", a-t-il ajouté, en estimant que de son point de vue, "la voie pour l'Europe est une voie d'affirmation et de résistance quand il faut et de fierté le plus souvent possible".

La classe politique française a été unanime à dénoncer l'accord conclu entre le président américain, Donald Trump, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui prévoit notamment une hausse de 15% des droits de douane sur les exportations européennes.

Le président Emmanuel Macron a déploré mercredi en Conseil des ministres que l'Union européenne n'ait pas été assez "crainte" dans ses négociations commerciales avec les Etats-Unis, affirmant que la France continuerait de faire montre "d'exigence et de fermeté" dans la suite des discussions.


Lille: enquête ouverte après les propos sur internet d'une étudiante gazaouie

L'Institut d'études politiques (IEP) de Sciences Po à Lille. (AFP)
L'Institut d'études politiques (IEP) de Sciences Po à Lille. (AFP)
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  • Le parquet de Lille a annoncé jeudi avoir ouvert une enquête pour apologie du terrorisme et apologie de crime contre l'humanité concernant les publications sur les réseaux sociaux d'une étudiante gazaouie

LILLE: Le parquet de Lille a annoncé jeudi avoir ouvert une enquête pour apologie du terrorisme et apologie de crime contre l'humanité concernant les publications sur les réseaux sociaux d'une étudiante gazaouie, dont Sciences Po Lille a annulé l'inscription mercredi.

"Une enquête a été ouverte pour apologie du terrorisme, apologie de crime contre l'humanité avec utilisation d'un service de communication au public en ligne", a écrit la procureure de la République de Lille, Carole Etienne, à l'AFP.

Des captures d'écran circulant sur les réseaux sociaux montrent qu'un compte, attribué à cette étudiante par des internautes et fermé depuis, a repartagé des messages appelant à tuer des juifs.

Elle a été désinscrite de l'Institut d'études politiques de Lille, où elle devait étudier à partir de septembre, en raison du contenu de certaines de ses publications qui "entre en contradiction frontale avec les valeurs portées par Sciences Po Lille", a indiqué l'établissement mercredi.

"Pourquoi on est passé à travers? Il y a quand même une question, il faut y répondre", a reconnu jeudi sur RMC François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre de l'Intérieur.

"Il y aura des poursuites qui seront engagées et sur la base de ces éléments-là, elle est susceptible d'être renvoyée dans son pays, bien évidemment", a-t-il ajouté.

"Administrativement, semble-t-il, je suis très prudent, il n'y avait pas de difficulté particulière, sauf que sur les réseaux sociaux, voilà, on s'en est rendu compte", a-t-il ajouté, précisant que "les services des titres de séjour relèvent du ministère des Affaires étrangères".

Sollicité par l'AFP, Sciences Po Lille a expliqué avoir "accueilli cette étudiante sur proposition du consulat général de France à Jérusalem".

L'incident a fait largement réagir dans la classe politique, jusqu'au gouvernement.

"Une étudiante gazaouie tenant des propos antisémites n'a rien à faire en France", a réagi sur X le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. Il a indiqué avoir "demandé à ce qu'une enquête interne soit diligentée pour que cela ne puisse en aucun cas se reproduire".

Le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a souligné sur le même réseau social avoir "demandé de faire fermer ce compte haineux", et a martelé que "les propagandistes du Hamas n'ont rien à faire dans notre pays".


Restitutions coloniales: le gouvernement français annonce un projet de loi

La ministre française de la Culture Rachida Dati (G) et la ministre française des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative Marie Barsacq quittent le Palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 30 juillet 2025, après la réunion hebdomadaire du conseil des ministres. (AFP)
La ministre française de la Culture Rachida Dati (G) et la ministre française des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative Marie Barsacq quittent le Palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 30 juillet 2025, après la réunion hebdomadaire du conseil des ministres. (AFP)
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  • Le gouvernement français a présenté mercredi en conseil des ministres un projet de loi-cadre visant à faciliter la restitution à leur pays d'origine de biens culturels pillés pendant la colonisation
  • Ce projet de loi-cadre crée une dérogation au principe d'inaliénabilité pour les œuvres des collections nationales françaises

PARIS: Le gouvernement français a présenté mercredi en conseil des ministres un projet de loi-cadre visant à faciliter la restitution à leur pays d'origine de biens culturels pillés pendant la colonisation.

S'appliquant en priorité aux pays africains mais de "portée géographique universelle", ce texte vise à accélérer le retour dans leur pays d'origine de biens culturels appartenant aux collections nationales françaises.

Ils doivent revenir à des "Etats qui, du fait d'une appropriation illicite, en ont été privés" entre 1815 et 1972, selon le ministère français de la Culture.

Ce projet de loi-cadre crée une dérogation au principe d'inaliénabilité pour les œuvres des collections nationales françaises. Les oeuvres à restituer devront avoir été acquises "dans une situation de vol, de pillage, de cession ou de libéralité obtenue par contrainte ou violence ou d'une personne qui ne pouvait en disposer", a précisé le ministère.

La décision de sortie des collections pour opérer cette restitution ne passera plus par un processus législatif au cas par cas mais pourra intervenir sur seul décret du Conseil d'Etat et après avis, le cas échéant, d'une commission scientifique bilatérale.

Cette commission devra en effet documenter et déterminer, si besoin, le caractère illicite de l'appropriation des oeuvres réclamées à travers un travail qui associerait des experts et historiens français et l'Etat demandeur, selon le ministère.

Concernant la période historique retenue, 1815 correspond à la date d'un règlement des conquêtes napoléoniennes qui est dû à un premier mouvement de restitution d'œuvres à l'échelle européenne. 1972 est celle de l'entrée en application de la convention internationale de l'Unesco protégeant les biens culturels contre le trafic illicite.