Lamia Ziadé pleure son port de Beyrouth

Lamia Ziadé a publié en avril dernier, aux éditions P.O.L, un livre, intitulé Mon Port de Beyrouth. Illustration tirée de Mon Port de Beyrouth.
Lamia Ziadé a publié en avril dernier, aux éditions P.O.L, un livre, intitulé Mon Port de Beyrouth. Illustration tirée de Mon Port de Beyrouth.
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Publié le Samedi 10 juillet 2021

Lamia Ziadé pleure son port de Beyrouth

  • Je ne pleure plus tous les jours, comme durant les six mois au cours desquels j’ai écrit le livre, mais la situation au Liban est de plus en plus dramatique
  • On me dit que le livre est bouleversant car je l’ai fait à chaud

 

PARIS: Le 6 juin dernier, les portraits de Sahar Farès ont de nouveau fleuri sur les réseaux sociaux. Ses longs cheveux noirs, son sourire éclatant, éblouissante dans sa robe du soir. Ce 6 juin, la jeune femme aurait dû se marier, si elle n’avait pas péri dans l’explosion du port de Beyrouth, le 4 août 2020. Appelée avec ses collègues pompiers pour éteindre le feu, elle est morte soufflée par l’explosion, sur le quai du port. Dix mois plus tard, aucun coupable n’a été identifié ni condamné et son fiancé partage photos et dessins sur Instagram, pour se souvenir, tenter de faire revivre Sahar.

Depuis Paris où elle habite depuis qu’elle a 18 ans, Lamia Ziadé a sans doute vu ces images sur l’écran de son téléphone, comme toutes celles qui ont été partagées depuis ce funeste 4 août 2020. L’auteure et illustratrice franco-libanaise a en effet publié en avril dernier, aux éditions P.O.L, un livre, intitulé Mon Port de Beyrouth, dans lequel elle revient sur la tragédie, à la manière d’un journal intime, mêlant textes et dessins tirés de photos partagées sur les réseaux ou dans les médias, souvenirs et instants pris sur le vif.

En janvier dernier, au moment d’y mettre la touche finale, elle n’a pu s’empêcher d’y ajouter un dernier dessin, celui de Sahar Farès, célébrant son dernier anniversaire, à la caserne de pompiers de la Quarantaine: «J’ai terminé ce livre il y a quelques jours. Mais ce matin, une courte vidéo m’a arraché des larmes. Impossible de ne pas ajouter un dernier dessin», écrit-elle sur la dernière page du livre.

Toujours depuis Paris, elle répond aux questions d’Arab News en français.

Lamia Ziadé a publié en avril dernier, aux éditions P.O.L, un livre, intitulé Mon Port de Beyrouth. Photo fournie

Vous commencez Mon Port de Beyrouth, en disant que depuis l’explosion du port de Beyrouth, vous ne vivez plus, vous ne dormez plus, vous sanglotez toutes les heures. Comment allez-vous aujourd’hui, dix mois après l’explosion?

Je ne pleure plus tous les jours, comme durant les six mois au cours desquels j’ai écrit le livre, mais la situation au Liban est de plus en plus dramatique, avec la crise économique, les impasses politiques... Les reconstructions après l’explosion du port de Beyrouth avancent. De ça, on s’en sortira, mais la crise économique et la situation politique sont vraiment très dures. Les gens ont faim, ils se font tirer dessus, et mettre en prison quand ils manifestent. C’est terrible. Je suis toujours les événements tous les matins.

lamia
«Je ne pleure plus tous les jours, comme durant les six mois au cours desquels j’ai écrit le livre, mais la situation au Liban est de plus en plus dramatique, avec la crise économique, les impasses politiques.»

Vous expliquez dans le livre que vous suiviez ce qui se passait au Liban via WhatsApp et Instagram, en notant que chaque Libanais était une agence de presse à lui tout seul. Vous continuez à suivre ce qui se passe sur les réseaux sociaux?

Au moment de l’explosion et juste après, c’était vraiment les choses instantanées qui étaient partagées, sur les victimes, les informations sur le stockage du nitrate d’ammonium. Il y a maintenant des articles de fond, des analyses. Je suis toujours très concernée par la situation et pas très optimiste.

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«Au moment de l’explosion et juste après, c’était vraiment les choses instantanées qui étaient partagées.» Illustration tirée de Mon Port de Beyrouth.

Avez-vous malgré tout un peu d’espoir?

Bien sûr, car si on n’a pas d’espoir, on arrête de vivre, de regarder ce qui se passe. Il y a des gens qui ne veulent plus entendre parler de ce qui se passe. Il y a toujours la possibilité de faire quelque chose.

En même temps, un des derniers dessins de mon livre montre la lumière du soleil couchant sur la façade Ouest des silos, comme un symbole de la fin d’une époque. Il faudrait un miracle.
 

Vous sentez-vous impuissante depuis la France?

Sans doute, mais même en étant là-bas, je crois que les marges de manœuvre sont très limitées, sauf pour faire des choses concrètes, sur le terrain, dans l’humanitaire. Les ONG libanaises sont incroyables, elles assurent.


Après l’explosion, les gens sur place disaient qu’il fallait continuer à parler de Beyrouth, surtout sur la scène internationale. C’était important pour vous de témoigner, à travers votre livre notamment?

Oui. De toute façon, même pour les livres précédents, mon travail est de témoigner de l’Histoire du Liban, que j’ai vécue ou pas, d’ailleurs, pour garder une trace, faire connaître des histoires qui sont mal connues, fouiller un peu dans les archives. Dès mon premier livre, Bye Bye Babylone, ma démarche était de refaire vivre le début de la guerre du Liban, que j’ai vécue, enfant. C’était un témoignage de la vie quotidienne, mes souvenirs de petite fille, mais pas seulement, il y avait aussi un aspect plus politique, j’avais fait des recherches pour parler des événements qui avaient eu lieu. Depuis toujours, ma démarche consiste à témoigner, garder une trace, raconter, mais là, c’était la première fois que je le faisais en direct, à chaud, sur un événement en train de se produire. C’était assez dur de faire ça, car je n’avais pas de recul.

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«Depuis toujours, ma démarche consiste à témoigner, garder une trace, raconter.» Illustration tirée de Mon Port de Beyrouth.

De ce fait, comment avez-vous travaillé sur ce livre? Avez-vous travaillé au jour le jour, comme un journal intime?

J’ai commencé à récolter les informations et les photos que j’allais dessiner, car tous mes dessins sont réalisés d’après photos. En même temps, j’ai commencé à écrire et je continuais à faire des recherches sur des informations plus anciennes, dans les archives de L’Orient-Le Jour notamment, car il y a beaucoup de retours dans le passé dans le livre, ou des recherches plus familiales parce que c’est un livre assez personnel. J’ai mené les trois choses de front, dessins, écriture et recherches, jusqu’à la dernière minute.

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«J’ai mené les trois choses de front, dessins, écriture et recherches, jusqu’à la dernière minute.» Illustration tirée de Mon Port de Beyrouth.

Le dernier jour, alors que je venais de terminer le livre, j’ai vu cette photo de Sahar Farès, la jeune infirmière de la brigade de pompiers, une photo postée sur Instagram le jour de son anniversaire. Je me suis dit que je ne pouvais pas ne pas mettre cette photo, que j’allais prendre un jour de plus pour faire ce dessin. Même une fois le livre fini, il y avait encore des choses qui arrivaient, mais je ne pouvais plus continuer.
 

Sahar Farès revient régulièrement dans votre livre. Est-elle la personne qui vous a le plus marquée dans cette tragédie?

En effet. D’abord, c’est le premier visage de victime qui est apparu sur les réseaux. Elle était tellement belle, pleine de vie, elle avait l’air sympa, elle était bénévole chez les pompiers. C’est un personnage de film, une vraie héroïne de roman. Pendant les six mois durant lesquels j’ai travaillé sur le livre, des photos d’elle continuaient à arriver, des photos de son anniversaire, au ski, de ses fiançailles, de Noël. J’avais l’impression de la connaître. Ce n’était pas le cas pour les autres victimes, dont il n’y a pour la plupart qu’une photo; et leur histoire n’est pas aussi incroyable. C’est quand même elle qui a filmé la dernière vidéo de ce qui se passait juste avant l’explosion au port, la photo des trois hommes en train d’essayer d’ouvrir la porte du hangar. Elle est vraiment au cœur du drame. Je ne vois pas quel autre personnage aurait pu être aussi fort. Cette photo dans le camion de pompier, avec le rouge autour, c’est vraiment très fort.

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«Cette photo dans le camion de pompier, avec le rouge autour, c’est vraiment très fort.» Illustration tirée de Mon Port de Beyrouth.

Ce livre est né d’une commande de M, le magazine du Monde, puis de votre éditeur. Au début vous ne vous sentiez pas capable d’écrire sur le sujet...

Exactement. Je n’avais pas du tout cette intention d’écrire. Je ne pensais pas que je pourrais faire quelque chose à chaud comme ça. J’étais tellement abattue. Puis, je me suis demandé ce que je pouvais faire d’autre, à part ça. Je me suis dit qu’au moins, je ferai quelque chose de concret, pas forcément utile, mais un témoignage qui reste, et un hommage aussi à toutes les victimes et à Beyrouth.

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«Je me suis dit qu’au moins, je ferai quelque chose de concret, pas forcément utile, mais un témoignage qui reste, et un hommage aussi à toutes les victimes et à Beyrouth.» Illustration tirée de Mon Port de Beyrouth.

Concrètement, à quel moment avez-vous pris votre stylo? Votre pinceau?

Le 5 août, Le Monde m’a contactée. Au début, j’ai dit non. Je n’étais pas capable, je n’étais pas bien du tout. Et puis le lendemain, le 6, je me suis dit que 15 pages dans Le Monde, pour parler de Beyrouth, ça ne se refusait pas. J’ai commencé à dessiner. Un mois après, l’article a été publié. Mon éditeur m’a dit qu’il fallait que je pense la chose plus loin, que ça ne pouvait pas rester un article. Alors, j’ai travaillé cinq mois de plus pour en faire un livre.

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«15 pages dans Le Monde, pour parler de Beyrouth, ça ne se refusait pas.» Illustration tirée de Mon Port de Beyrouth.

Du coup, on sent vraiment le côté carnet intime dans le livre...

On me dit que le livre est bouleversant car je l’ai fait à chaud. Si je l’avais fait dans cinq ans, il aurait été certainement beaucoup plus froid. Le fait que je le fasse alors que j’étais moi-même complètement bouleversée, se ressent dans l’écriture. Ce n’était pas évident. Le début, je l’ai commencé tout de suite, en racontant concrètement comment j’avais reçu ces messages sur WhatsApp et comprenant qu’il s’était passé quelque chose. Et puis j’ai vu la vidéo de l’explosion et j’ai raconté ça de manière très simple; le reste en a découlé, et j’ai beaucoup réécrit.

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«Et puis j’ai vu la vidéo de l’explosion et j’ai raconté ça de manière très simple; le reste en a découlé, et j’ai beaucoup réécrit.» Illustration tirée de Mon Port de Beyrouth.

Tous les Libanais ont été plus ou moins traumatisés par cet événement. Écrire vous a-t-il aidée à surmonter ce traumatisme?

Ça m’a aidée de faire quelque chose de concret, certainement. Inversement, j’étais aussi tout le temps plongée uniquement dans ça. Je travaillais non-stop, 24 h/24, 7 j/7. Je n’avais aucune distraction, je n’ai regardé aucun film, je n’ai lu aucun livre, rien qui pouvait un peu me changer les idées. Je n’ai pas pu m’en échapper.

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«Je n’avais aucune distraction, je n’ai regardé aucun film, je n’ai lu aucun livre, rien qui pouvait un peu me changer les idées.» Illustration tirée de Mon Port de Beyrouth.

Continuez-vous à suivre les événements?

Dans mon travail, je suis vraiment passée à autre chose, mais dans la vie, je suis ce qui se passe, bien sûr.

 

Mon Port de Beyrouth : C’est une malédiction, ton pauvre pays!

De Lamia Ziadé

Aux éditions P.O.L


Art Basel Qatar dévoile les détails de sa première édition prévue en 2026

M7 à Doha, où se déroulera une partie de l'événement. (Fourni)
M7 à Doha, où se déroulera une partie de l'événement. (Fourni)
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  • Art Basel Qatar lancera sa première édition en février 2026 à Doha, avec 87 galeries, 84 artistes et neuf commandes monumentales dans l’espace public
  • L’événement mettra fortement l’accent sur la région MENASA, autour du thème « Becoming », explorant transformation, identité et enjeux contemporains

DUBAÏ : Art Basel Qatar a révélé les premiers détails de sa toute première édition, qui se tiendra en février 2026, offrant un aperçu du secteur Galleries et de son programme Special Projects, déployé dans le quartier de Msheireb Downtown Doha.

Aux côtés des présentations de 87 galeries exposant les œuvres de 84 artistes, Art Basel Qatar proposera neuf commandes monumentales et in situ investissant les espaces publics et les lieux culturels de Msheireb. Conçus par le directeur artistique Wael Shawky, en collaboration avec le directeur artistique en chef d’Art Basel Vincenzo de Bellis, ces projets répondent au thème central de la foire : « Becoming » (« Devenir »).

Couvrant la sculpture, l’installation, la performance, le film et l’architecture, ces projets interrogent les notions de transformation — matérielle, sociale et politique — en abordant le changement environnemental, la migration, la mémoire et l’identité. Parmi les artistes participants figurent Abraham Cruzvillegas, Bruce Nauman, Hassan Khan, Khalil Rabah, Nalini Malani, Nour Jaouda, Rayyane Tabet, Sumayya Vally, ainsi que Sweat Variant (Okwui Okpokwasili et Peter Born). Parmi les temps forts annoncés : l’installation vidéo immersive en 3D de Bruce Nauman à M7, la projection monumentale en plein air de Nalini Malani sur la façade de M7, et le majlis évolutif imaginé par Sumayya Vally, conçu comme un espace vivant de rencontre et de dialogue.

Le secteur Galleries réunira des exposants issus de 31 pays et territoires, dont 16 galeries participant pour la première fois à Art Basel. Plus de la moitié des artistes présentés sont originaires de la région MENASA, confirmant l’ancrage régional de la foire. Les présentations iront de figures majeures telles que Etel Adnan, Hassan Sharif et MARWAN à des voix contemporaines comme Ali Cherri, Ahmed Mater, Sophia Al-Maria et Shirin Neshat.

Des galeries de l’ensemble de la région seront représentées, y compris celles disposant d’antennes dans les États du Golfe, notamment au Qatar, aux Émirats arabes unis et en Arabie saoudite.

Le Moyen-Orient élargi et l’Asie seront également présents, avec des galeries venues du Liban, de Turquie, d’Égypte, du Maroc, de Tunisie et d’Inde.

Art Basel Qatar se tiendra du 5 au 7 février 2026, à M7, dans le Doha Design District et dans plusieurs autres lieux de Msheireb Downtown Doha.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Une nouvelle initiative cinématographique à AlUla vise à stimuler le talent créatif saoudien

Le programme propose des cours de formation et des ateliers couvrant toutes les étapes de la production cinématographique, de l'écriture du scénario et de la réalisation à la cinématographie, au montage et à la post-production. (SPA)
Le programme propose des cours de formation et des ateliers couvrant toutes les étapes de la production cinématographique, de l'écriture du scénario et de la réalisation à la cinématographie, au montage et à la post-production. (SPA)
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  • Les efforts visent à soutenir les jeunes talents et à contribuer à la croissance du secteur cinématographique du Royaume
  • Villa Hegra organise également des programmes éducatifs et interactifs pour les enfants afin de développer leurs talents et leurs capacités créatives

ALULA : Villa Hegra, en collaboration avec Film AlUla, a lancé un programme spécialisé dans la réalisation de films pour développer les compétences cinématographiques et soutenir les talents créatifs, a rapporté lundi l'Agence de presse saoudienne.

Cette initiative reflète l'engagement de Villa Hegra à renforcer l'activité culturelle et cinématographique tout en favorisant un environnement inspirant pour les créateurs de contenu et les cinéphiles.

Le programme propose des cours de formation et des ateliers couvrant toutes les étapes de la production cinématographique, de l'écriture du scénario et de la réalisation à la cinématographie, au montage et à la post-production.

Ces efforts visent à soutenir les jeunes talents et à contribuer à la croissance du secteur cinématographique du Royaume, a ajouté la SPA.

Villa Hegra organise également des programmes éducatifs et interactifs pour les enfants afin de développer leurs talents et leurs capacités créatives.

Ces programmes comprennent des ateliers qui simplifient les concepts scientifiques et les intègrent aux pratiques artistiques modernes, créant ainsi un environnement d'apprentissage qui encourage la découverte et l'innovation.

Ils ont suscité une forte participation des élèves dans tout le gouvernorat en raison de leur approche pratique et interactive, qui renforce la réflexion et la créativité des enfants.

Les initiatives sont mises en œuvre en collaboration avec des institutions françaises et saoudiennes, reflétant ainsi la diversité culturelle et les partenariats internationaux tout en améliorant la qualité du contenu éducatif pour les jeunes générations.

Villa Hegra est la première fondation culturelle franco-saoudienne basée à AlUla. Lancée en octobre, elle soutient la scène culturelle de la région en proposant des plateformes éducatives qui développent les compétences des enfants et des jeunes saoudiens, tout en renforçant la présence d'AlUla sur la scène culturelle internationale.


Eurovision: Nemo rend son trophée 2024 pour protester contre la participation d'Israël

Le chanteur suisse Nemo, qui représentait la Suisse avec la chanson « The Code », célèbre sur scène avec son trophée après avoir remporté la finale du 68e Concours Eurovision de la chanson (CEC) 2024, le 11 mai 2024 à la Malmö Arena de Malmö, en Suède. (AFP)
Le chanteur suisse Nemo, qui représentait la Suisse avec la chanson « The Code », célèbre sur scène avec son trophée après avoir remporté la finale du 68e Concours Eurovision de la chanson (CEC) 2024, le 11 mai 2024 à la Malmö Arena de Malmö, en Suède. (AFP)
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  • L’artiste suisse Nemo, vainqueur de l’Eurovision 2024, rend son trophée pour protester contre la participation maintenue d’Israël, dénonçant une contradiction avec les valeurs d’unité et de dignité affichées par l’UER
  • Cinq pays — Islande, Espagne, Pays-Bas, Irlande et Slovénie — ont déjà annoncé leur boycott de l’édition 2026, sur fond de critiques liées à la guerre à Gaza et d’accusations d’irrégularités de vote

GENEVE: L'artiste suisse Nemo, qui a remporté l’Eurovision 2024 en Suède, a annoncé jeudi rendre son trophée pour protester contre le maintien de la participation d'Israël dans la compétition, qui a déjà provoqué le boycott de cinq pays.

"En tant que personne et en tant qu'artiste, aujourd'hui, je ne pense plus que ce trophée ait sa place sur mon étagère", a déclaré dans une vidéo postée sur Instagram Nemo, qui s'était déjà joint aux appels réclamant l'exclusion d'Israël du plus grand événement musical télévisé en direct au monde.

"L'Eurovision prétend défendre l'unité, l'inclusion et la dignité de tous (...) Mais la participation continue d'Israël, alors que la commission d'enquête internationale indépendante (mandatée par) l'ONU a conclu à un génocide, démontre un conflit évident entre ces idéaux et les décisions prises par" l'Union européenne de Radio-Télévision (UER), a déclaré le chanteur de 26 ans.

"Il ne s'agit pas d'individus ou d'artistes. Il s'agit du fait que le concours a été utilisé à maintes reprises pour redorer l'image d'un État accusé de graves atrocités", a ajouté Nemo, devenu en 2024 le premier artiste non binaire à être sacré à l'issue d'une édition déjà marquée par une controverses sur la participation d'Israël en pleine guerre dans la bande de Gaza.

Mercredi, la télévision publique islandaise RUV a annoncé boycotter l'édition 2026 de l'Eurovision après le feu vert donné à la participation d'Israël, devenant le cinquième pays à ne pas participer au prochain concours à Vienne.

Début décembre, la majorité des membres de l'UER avaient estimé qu'il n'était pas nécessaire de voter sur la participation d'Israël avec sa télévision publique KAN.

Cette décision a déclenché instantanément les annonces de boycott des diffuseurs de l'Espagne, des Pays-Bas, de l'Irlande et de la Slovénie, sur fond de critiques de la guerre dans la bande de Gaza mais aussi d'accusations d'irrégularités dans les votes lors des précédentes éditions.

"Quand des pays entiers se retirent, il est évident que quelque chose ne va pas du tout. C'est pourquoi j'ai décidé de renvoyer ce trophée au siège de l'UER à Genève, avec gratitude et un message clair : incarnez vos valeurs", a ajouté Nemo, avant de déposer son trophée dans une boite.