Les élections algériennes, dernier des soucis au sein de la diaspora en France

Le scrutin, prévu samedi en Algérie, s'est ouvert dès jeudi en France, où plus de 700.000 électeurs sont inscrits. Capture d'écran/AFP
Le scrutin, prévu samedi en Algérie, s'est ouvert dès jeudi en France, où plus de 700.000 électeurs sont inscrits. Capture d'écran/AFP
Short Url
Publié le Jeudi 10 juin 2021

Les élections algériennes, dernier des soucis au sein de la diaspora en France

  • Le scrutin, prévu samedi en Algérie, s'est ouvert dès jeudi en France, où plus de 700.000 électeurs sont inscrits
  • Mais pour Lila et Nadia, qui attendent une distribution de fruits et légumes dans le quartier parisien de Belleville, le scrutin est le cadet de leur souci

PARIS: Dégoûtés. Le mot revient comme un leitmotiv chez de nombreux Algériens en France, lassés de se sentir traités comme des "sous-citoyens" par leur pays d'origine. Beaucoup n'iront pas voter aux législatives, une élection qui ne les "concerne pas".

Le scrutin, prévu samedi en Algérie, s'est ouvert dès jeudi en France, où plus de 700.000 électeurs sont inscrits. L'ambassadeur algérien Mohamed-Antar Daoud s'est rendu au consulat parisien pour voter, sous haute sécurité, et a assuré qu'il y avait un "engouement" pour ces élections de "l'Algérie nouvelle".

Mais pour Lila et Nadia, qui attendent une distribution de fruits et légumes dans le quartier parisien de Belleville, le scrutin est le cadet de leur souci. Elles pensent plutôt à l'impossibilité de revenir voir la famille à Alger depuis le début de la pandémie de Covid, aux billets d'avion introuvables ou hors de prix, et à la quarantaine de cinq jours imposée à l'arrivée en Algérie, aux frais du voyageur.

"Ils s'imaginent quoi les généraux? Que nous, les binationaux, on n'a qu'à se baisser pour ramasser de l'argent ? L'Algérie ne m'a rien donné. Ils m'ont dégoûtée. Dégoûtée", lance Lila, une Algéroise de 70 ans, arrivée en France à l'âge de 20 ans. Comme beaucoup d'autres, elle accepte de discuter, mais anonymement, et sans être filmée.

"Les vrais Algériens, ceux qui ont l'amour de leur patrie, je pense qu'ils ne vont pas aller voter. C'est un système corrompu, pour les généraux, les hauts placés, les députés. Ils se servent. Le peuple vient en dernier", poursuit l'ex-animatrice, qui vit désormais d'une pension d'invalidité.

Un son de cloche largement partagé alors que le principal enjeu des législatives pour le pouvoir algérien va être la participation, après deux scrutins en 2019 et 2020 marqués par une abstention historique.

« Comme du bétail »

L'élection ? "Je suis une je-m'en-foutiste", lance une jeune franco-Algérienne de Marseille, Hadjer, venue récupérer un passeport au consulat de la grande ville du sud-est, sans un regard pour les affiches électorales sur les murs du bâtiment.

Ils ne sont pas spécialement politisés, n'ont pas forcément manifesté aux rassemblements régulièrement organisés par la diaspora en France en soutien au Hirak, le mouvement contestataire algérien né en 2019 et laminé par la répression.

Mais la gestion chaotique de la pandémie par le gouvernement du président Abdelmadjid Tebboune, et les mauvaises nouvelles en provenance du "bled" alimentent leur colère.

"Les expatriés algériens lambda commencent à comprendre pourquoi on manifeste et pourquoi on est contre ce pouvoir. Ils réalisent à qui ils ont affaire: un régime qui les traite comme du bétail, des vaches à lait", constate Faïza Menaï, membre du collectif Debout l'Algérie, un regroupement d'associations et de militants qui tente d'entretenir la flamme du Hirak en France.

Dans la communauté algérienne, de nombreuses vidéos de citoyens en colère racontant leur périple pour revenir au pays, leur "humiliation" face aux entraves, sont partagées depuis des semaines.

L'Algérie, un pays dans l'impasse 60 ans après son indépendance

L'Algérie, où des législatives sont prévues le 12 juin, connaît une multicrise à la fois politique, sociale et économique, avec un régime impopulaire confronté au soulèvement populaire du Hirak depuis février 2019 et la chute de la rente pétrolière.

Dépendance aux hydrocarbures

Socialiste jusqu'au début des années 1990, l'économie reste ancrée dans une tradition de forte intervention étatique. Le pays est très dépendant de la rente pétrolière -- plus de 90% de ses recettes extérieures --, qui subventionne notamment carburants, gaz, électricité, eau, santé, logements et produits de base.

Pays membre de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), l'Algérie est le 3e producteur de brut d'Afrique et parmi les dix premiers producteurs mondiaux de gaz.

Mais l'économie subit lourdement et durablement les effets de la pandémie de Covid-19 qui vient s'ajouter à la crise pétrolière.

Et les autorités font face à une multiplication des conflits sociaux, alimentés par un taux de chômage élevé (15%) et une paupérisation de larges franges de la société.

Passé colonial

Colonisée par la France pendant 132 ans, après trois siècles de domination ottomane, l'Algérie proclame son indépendance le 5 juillet 1962 à l'issue d'une guerre de libération sanglante de près de huit ans.

En septembre 1963, Ahmed Ben Bella, secrétaire général du Front de libération nationale (FLN), devient le premier président de l'Algérie indépendante.

En 1965, il est renversé par un coup d'Etat du colonel Houari Boumédiène, puis emprisonné. M. Boumédiène va diriger le pays d'une main de fer jusqu'à son décès fin 1978. Chadli Bendjedid lui succède et est réélu en 1984 et 1988 lors d'une présidentielle où il est le seul candidat.

«Décennie noire»

En octobre 1988, de violentes émeutes secouent Alger où l'état de siège est instauré. L'armée rétablit l'ordre en menant une répression meurtrière, tout en engageant des réformes qui mettent fin au règne du parti unique, le Front de libération nationale (FLN).

L'annulation en janvier 1992 du premier tour des premières législatives multipartites, remporté par le Front islamique du salut (FIS), déclenche une guerre civile, jalonnée de massacres, entre groupes islamistes et forces de sécurité.

Le 15 avril 1999, Abdelaziz Bouteflika, adoubé par l'armée, est élu président en pleine guerre civile.

Deux lois d'amnistie, en 1999 puis en 2005, largement adoptées par référendum, convainquent de nombreux islamistes de quitter le maquis et de déposer les armes. La "décennie noire" a fait officiellement 200 000 morts entre 1992 et 2002.

Hirak

En 2014, M. Bouteflika, candidat du FLN, est réélu pour un 4e mandat (81,49% des voix) malgré un accident vasculaire cérébral survenu l'année précédente qui l'a laissé handicapé et aphasique.

Début 2019, sa candidature à un 5e mandat provoque la colère de la rue qui se sent humiliée.

Un mouvement ("Hirak" en arabe) de protestation d'ampleur inédite naît le 22 février et contraint Abdelaziz Bouteflika, lâché par l'armée et plusieurs de ses alliés, à démissionner le 2 avril.

Le 12 décembre, Abdelmadjid Tebboune, un apparatchik, ex-Premier ministre de Bouteflika, remporte la présidentielle, marquée par un taux d'abstention record, mais il est aussitôt contesté par le Hirak qui continue d'exiger le démantèlement du "système" au pouvoir depuis l'indépendance.

En mars 2021, le président Tebboune, de retour d'Allemagne où il a été longuement soigné du Covid-19, convoque des élections législatives anticipées le 12 juin. 

Ces élections apparaissent comme une tentative du pouvoir de reprendre la main face à la reprise en février du Hirak dans la rue, après un an d'interruption due à la pandémie. 

Déterminé à appliquer sa "feuille de route" électoraliste, le régime -- dont le pilier reste l'armée -- interdit les marches du Hirak.

Plus grand pays d'Afrique

Pays du Maghreb, l'Algérie est le plus grand pays d'Afrique (2 381 741 km2). La majorité du territoire est constituée de régions désertiques.

Plus de 80% de ses 44 millions d'habitants vivent sur le littoral, surtout dans la capitale Alger et sa région. Près de 54% de la population a moins de 30 ans.

Le pays compte quelque 10 millions de berbérophones, la plupart vivant en Kabylie, région montagneuse, réputée frondeuse, à l'est d'Alger.

Langue du colonisateur, le français ne fait pas partie des langues officielles -- arabe et tamazight (berbère) --, mais le pays compte de très nombreux francophones.

Lassitude

"Les Algériens commencent à s'intéresser à la politique alors que le pouvoir a tout fait depuis l'indépendance pour les dépolitiser et les diviser, laïcs contre islamistes, arabes contre kabyles", se félicite Ylias Lahouazi, membre du conseil nation du RCD (Rassemblement pour la culture et la démocratie), qui boycotte le scrutin.

La colère est partagée des deux côtés de la Méditerranée et, ajoutée à la crise économique et sociale qui ronge l'Algérie, constitue un "cocktail explosif", selon le militant Samir Yahiaoui. "Lorsque les gens sont désespérés, il y a un risque d'explosion majeure", met-il en garde.

Mais plus que la politisation ou la "conjonction des luttes sociale et politique" dont rêvent les activistes, c'est un sentiment de lassitude qui domine. 

Comme l'explique le septuagénaire Mohand, ancien professeur de maths algérien, exilé en France depuis 50 ans: "On ne nous voit pas. On ne nous écoute pas. Que j'aille manifester ou pas, voter ou pas, le résultat est le même. C'est toujours les mêmes qui se remplissent le ventre, l'Algérie éternellement corrompue", soupire le vieux monsieur en tirant son caddie de retour du marché de Barbès, un quartier populaire de Paris à forte population algérienne.

Un sentiment d'amour trahi revient aussi en boucle: "J'adore mon pays mais il ne veut pas de nous", s'énerve Soufiane, un chef cuisinier de 30 ans. "C'est un très beau pays, mais ils ne nous aiment pas", renchérit Nadia, l'Algéroise de Belleville.


Un an après la chute d’Assad, les Syriens affichent un fort soutien à al-Chareh

Des citoyens syriens brandissent leurs drapeaux nationaux lors des célébrations marquant le premier anniversaire du renversement de l'ancien président Bachar al-Assad à Damas, lundi. (AP)
Des citoyens syriens brandissent leurs drapeaux nationaux lors des célébrations marquant le premier anniversaire du renversement de l'ancien président Bachar al-Assad à Damas, lundi. (AP)
Short Url
  • Un sondage révèle un optimisme croissant et un large soutien aux progrès du gouvernement après la chute d’Assad
  • L’Arabie saoudite apparaît comme le pays étranger le plus populaire, Trump reçoit également un soutien marqué

LONDRES : Alors que les Syriens ont célébré cette semaine le premier anniversaire de la chute de Bachar Al-Assad, une enquête menée dans le pays révèle un soutien massif au nouveau président et place l’Arabie saoudite comme principal partenaire international apprécié.

L’ancien président avait fui le pays le 8 décembre 2024, après une offensive éclair de l’opposition jusqu’à Damas, mettant fin à 14 ans de guerre civile.

La campagne était menée par Ahmad al-Chareh, aujourd’hui président du pays, qui s’efforce de stabiliser la Syrie et de rétablir des relations avec ses partenaires internationaux.

Ces efforts ont été salués dans un sondage récemment publié, montrant que 81 % des personnes interrogées ont confiance dans le président et 71 % dans le gouvernement national.

Les institutions clés bénéficient également d’un fort soutien : plus de 70 % pour l’armée et 62 % pour les tribunaux et le système judiciaire.

L’enquête a été menée en octobre et novembre par Arab Barometer, un réseau de recherche américain à but non lucratif.

Plus de 1 200 adultes sélectionnés aléatoirement ont été interrogés en personne à travers le pays sur une large gamme de sujets, notamment la performance du gouvernement, l’économie et la sécurité.

Le large soutien exprimé envers al-Chareh atteint un niveau enviable pour de nombreux gouvernements occidentaux, alors même que la Syrie fait face à de profondes difficultés.

Le coût de la reconstruction dépasse les 200 milliards de dollars selon la Banque mondiale, l’économie est dévastée et le pays connaît encore des épisodes de violence sectaire.

Al-Chareh s’efforce de mettre fin à l’isolement international de la Syrie, cherchant l’appui de pays de la région et obtenant un allègement des sanctions américaines.

Un soutien clé est venu d’Arabie saoudite, qui a offert une aide politique et économique. Le sondage place le Royaume comme le pays étranger le plus populaire, avec 90 % d’opinions favorables.

Le Qatar recueille lui aussi une forte popularité (plus de 80 %), suivi de la Turquie (73 %).

La majorité des personnes interrogées — 66 % — expriment également une opinion favorable envers les États-Unis, saluant la décision du président Donald Trump d’assouplir les sanctions et l’impact attendu sur leur vie quotidienne.

Après sa rencontre avec al-Chareh à Washington le mois dernier, Trump a annoncé une suspension partielle des sanctions, après en avoir déjà assoupli plusieurs volets.

Le sondage montre que 61 % des Syriens ont une opinion positive de Trump — un niveau supérieur à celui observé dans une grande partie du Moyen-Orient.

En revanche, l’enthousiasme est bien moindre concernant les efforts américains pour normaliser les relations entre la Syrie et Israël.

Seuls 14 % soutiennent cette démarche, et à peine 4 % disent avoir une opinion favorable d’Israël.

Lors du chaos provoqué par la chute d’Assad, l’armée israélienne a occupé de nouveaux territoires dans le sud de la Syrie et a mené de fréquentes attaques au cours de l’année écoulée.

Plus de 90 % des Syriens considèrent l’occupation israélienne des territoires palestiniens et les frappes contre l’Iran, le Liban et la Syrie comme des menaces critiques pour leur sécurité.

Dans Foreign Policy, Salma Al-Shami et Michael Robbins (Arab Barometer) écrivent que les résultats de l’enquête donnent des raisons d’être optimiste.

« Nous avons constaté que la population est pleine d’espoir, favorable à la démocratie et ouverte à l’aide étrangère », disent-ils. « Elle approuve et fait confiance à son gouvernement actuel. »

Mais ils notent aussi plusieurs sources d’inquiétude, notamment l’état de l’économie et la sécurité interne.

Le soutien au gouvernement chute nettement dans les régions majoritairement alaouites.

La dynastie Assad, au pouvoir pendant plus de 50 ans, était issue de la minorité alaouite, dont les membres occupaient de nombreux postes clés.

L’économie reste la principale préoccupation : seuls 17 % se disent satisfaits de sa performance, et beaucoup s’inquiètent de l’inflation, du chômage et de la pauvreté.

Quelque 86 % déclarent que leurs revenus ne couvrent pas leurs dépenses, et 65 % affirment avoir eu du mal à acheter de la nourriture le mois précédent.

La sécurité préoccupe aussi : 74 % soutiennent les efforts du gouvernement pour collecter les armes des groupes armés et 63 % considèrent l’enlèvement comme une menace critique.

À l’occasion de l’anniversaire de la chute d’Assad, lundi, al-Chareh a affirmé que le gouvernement œuvrait à construire une Syrie forte, à consolider sa stabilité et à préserver sa souveraineté.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Israël mène une série de frappes contre le Hezbollah au Liban

Des soldats libanais debout sur un véhicule militaire à Alma Al-Shaab, près de la frontière avec Israël, dans le sud du Liban. (AFP)
Des soldats libanais debout sur un véhicule militaire à Alma Al-Shaab, près de la frontière avec Israël, dans le sud du Liban. (AFP)
Short Url
  • Israël a frappé vendredi plusieurs sites du Hezbollah au sud et à l’est du Liban, ciblant notamment un camp d’entraînement de sa force d’élite al-Radwan, malgré le cessez-le-feu conclu en novembre 2024
  • Ces raids interviennent alors que l’armée libanaise doit achever le démantèlement des infrastructures militaires du Hezbollah le long de la frontière israélienne d’ici le 31 décembre

BEYROUTH: Israël a mené une série de frappes aériennes contre le sud et l'est du Liban vendredi matin, selon les médias officiels, l'armée israélienne affirmant viser des objectifs du Hezbollah pro-iranien dont un camp d'entrainement.

Malgré un cessez-le-feu conclu en novembre 2024 avec le groupe islamiste libanais, Israël continue de mener des attaques régulières contre le Hezbollah, l'accusant de se réarmer.

Selon l'Agence nationale d'information (Ani), les raids de vendredi, qualifiés en partie de "violents", ont visé une dizaine de lieux, certains situés à une trentaine de km de la frontière avec Israël.

Dans un communiqué, l'armée israélienne a affirmé avoir "frappé un complexe d'entrainement" de la force d'élite du Hezbollah, al-Radwan, où des membres de la formation chiite apprenaient "l'utilisation de différents types d'armes", devant servir dans "des attentats terroristes".

L'armée israélienne a également "frappé des infrastructures militaires supplémentaires du Hezbollah dans plusieurs régions du sud du Liban", a-t-elle ajouté.

L'aviation israélienne avait déjà visé certains des mêmes sites en début de semaine.

Ces frappes interviennent alors que l'armée libanaise doit achever le démantèlement le 31 décembre des infrastructures militaires du Hezbollah entre la frontière israélienne et le fleuve Litani, situé à une trentaine de km plus au nord, conformément à l'accord de cessez-le-feu.

Les zones visées vendredi se trouvent pour la plupart au nord du fleuve.

Le Hezbollah a été très affaibli par la guerre, avec notamment l'assassinat de son chef historique, Hassan Nasrallah, par une frappe israélienne en septembre 2024 à Beyrouth.

Depuis, les Etats-Unis ont accru la pression sur les autorités libanaises pour désarmer le groupe.


Pluies diluviennes et vents puissants ajoutent au chaos qui frappe Gaza

Sous des trombes d'eau, l'océan de toile et de bâches s'est transformé en marécage. Tous les auvents dégoulinent à grosses gouttes. (AFP)
Sous des trombes d'eau, l'océan de toile et de bâches s'est transformé en marécage. Tous les auvents dégoulinent à grosses gouttes. (AFP)
Short Url
  • A al-Zawaida, dans le centre de la bande de Gaza, des mares forcent les gens à marcher dans l'eau stagnante, qui leur arrive aux chevilles, ou à sauter d'un îlot de sable émergé à un autre
  • Selon un rapport de l'ONU, 761 sites, abritant environ 850.000 déplacés, présentent un risque élevé d'inondation dans la bande de Gaza

GAZA: Pelle à la main, des Palestiniens portant des sandales en plastique et des pulls fins creusent des tranchées autour de leurs tentes dans le quartier de Zeitoun, à Gaza-ville, rempart dérisoire face aux pluies torrentielles qui s'abattent depuis des heures.

Dès mercredi soir, la tempête Byron a balayé le territoire palestinien, bordé par la mer Méditerranée, inondant les campements de fortune et ajoutant à la détresse de la population, déplacée en masse depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, le 7 octobre 2023.

A Zeitoun, le campement planté au milieu des décombres a des allures cauchemardesques, sous un ciel chargé de gros nuages gris et blancs.

Sous des trombes d'eau, l'océan de toile et de bâches s'est transformé en marécage. Tous les auvents dégoulinent à grosses gouttes.

Accroupis sur des briques posées dans la boue, un groupe d'enfants mangent à même des faitouts en métal devant l'ouverture d'un petit abri en plastique, en regardant le ciel s'abattre sur le quartier.

"Nous ne savions pas où aller" 

A al-Zawaida, dans le centre de la bande de Gaza, des mares forcent les gens à marcher dans l'eau stagnante, qui leur arrive aux chevilles, ou à sauter d'un îlot de sable émergé à un autre.

"La nuit dernière a été terrible pour nous et pour nos enfants à cause des fortes pluies et du froid, les enfants ont été trempés, les couvertures et les matelas aussi. Nous ne savions pas où aller", raconte à l'AFP Souad Mouslim, qui vit sous une tente avec sa famille.

"Donnez-nous une tente décente, des couvertures pour nos enfants, des vêtements à porter, je le jure, ils ont les pieds nus, ils n'ont pas de chaussures", implore-t-elle.

"Jusqu'à quand allons-nous rester comme ça? C'est injuste", dit-elle en élevant la voix pour couvrir le bruit des gouttes frappant la toile.

Selon un rapport de l'ONU, 761 sites, abritant environ 850.000 déplacés, présentent un risque élevé d'inondation dans la bande de Gaza.

Le territoire connait généralement un épisode de fortes pluies en fin d'automne et en hiver, mais la dévastation massive due à la guerre l'a rendu plus vulnérable.

"La situation est désespérée", résume Chourouk Mouslim, une déplacée originaire de Beit Lahia, dans le nord de Gaza, elle aussi sous une tente à al-Zawaida.

"Nous ne pouvons même pas sortir pour allumer un feu" pour cuisiner ou se chauffer, déplore-t-elle, avant d'ajouter qu'elle n'a de toutes les manières ni bois, ni gaz.

Dans ce territoire dont les frontières sont fermées, où l'aide humanitaire arrive en quantité insuffisante selon l'ONU, malgré l'entrée en vigueur d'une trêve le 10 octobre, les pénuries empêchent une population déjà démunie de faire face à ce nouveau problème.

Lointaine reconstruction 

Sous les tentes, les plus chanceux bâchent le sol ou le recouvrent de briques pour empêcher que le sable humide ne détrempe leurs affaires. Dans les zones où le bitume n'a pas été arraché, des bulldozers continuent de déblayer les décombres des bâtiments détruits.

Beaucoup de gens restent debout, à l'entrée des abris, plutôt que de s'asseoir une surface mouillée.

"La tempête a eu un impact grave sur la population, des bâtiments se sont effondrés et une grande partie des infrastructures étant détruite, elles ne permettent plus d'absorber cet important volume de pluie", note Mahmoud Bassal, le porte-parole de la Défense civile de Gaza.

Cette organisation, qui dispense des premiers secours sous l'autorité du Hamas, a affirmé que la tempête avait causé la mort d'une personne, écrasée par un mur ayant cédé. Elle a ajouté que ses équipes étaient intervenues après l'effondrement partiel de trois maisons durant les fortes pluies.

La Défense civile a averti les habitants restés dans des logements partiellement détruits ou fragilisés par les bombardements qu'ils se mettaient en danger.

"Les tentes, c'est inacceptable", estime M. Bassal, "ce qui doit être fourni maintenant, ce sont des abris qu'on peut déplacer, équipés de panneaux solaires, avec deux pièces, une salle de bain et toutes les installations nécessaires pour les habitants. Seulement à ce moment-là, la reconstruction pourra commencer".