Récupération des fonds volés: l’Algérie multiplie les initiatives

Lors de la campagne présidentielle du mois de décembre 2019, le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, avait fait de cette affaire son cheval de bataille, soutenant qu’il «savait comment faire». RYAD KRAMDI / AFP
Lors de la campagne présidentielle du mois de décembre 2019, le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, avait fait de cette affaire son cheval de bataille, soutenant qu’il «savait comment faire». RYAD KRAMDI / AFP
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Publié le Jeudi 10 juin 2021

Récupération des fonds volés: l’Algérie multiplie les initiatives

  • Deux ans après l’arrivée au pouvoir de Tebboune, l’argent détourné peine à regagner son pays natal
  • Vingt et un mandats d’arrêt internationaux ont été publiés et généralisés sur la base d’avis de recherche internationaux lancés par Interpol

ALGER: L’Algérie pourra-t-elle un jour récupérer l’argent volé? Pourra-t-elle restituer les sommes colossales, estimées à plusieurs dizaines de milliards de dollars [1 dollar = 0,82 euro, NDLR], transférées illégalement à l’étranger? Lors de la campagne présidentielle du mois de décembre 2019, le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, avait fait de cette affaire son cheval de bataille, soutenant qu’il «savait comment faire».

Or, l’opération semble être des plus délicates. Deux ans après l’arrivée au pouvoir de Tebboune, l’argent détourné peine à regagner son pays natal. S’agit-il d’un processus complexe ou d’une promesse non honorée? La question reste posée.

Beaucoup de spécialistes estiment que le rapatriement des avoirs et des biens spoliés qui ont notamment été transférés vers des pays européens constitue une opération extrêmement difficile. Cependant, les autorités algériennes multiplient les manœuvres politiques et diplomatiques auprès de ces pays afin d’accélérer le processus.

Tout récemment, le procureur de la République au pôle pénal économique et financier auprès du tribunal de Sidi M’hamed (Alger), Chaker Kara, a révélé que cinquante-trois requêtes judiciaires internationales avaient été émises. Ces requêtes ont été adressées principalement à la Suisse, à la France, à l’Espagne, à l’Italie, au Luxembourg, au Panama, à l’Irlande du Nord, à la Chine, ainsi qu’aux États-Unis d’Amérique, au Canada et aux Émirats arabes unis. Chaker Kara assure que l’argent sera récupéré.

On apprend par ailleurs que vingt et un mandats d’arrêt internationaux ont été publiés et généralisés sur la base d’avis de recherche internationaux lancés par Interpol. Des demandes d’extradition ont été formulées auprès des pays où se trouvent les individus concernés.

«Les avoirs détournés doivent être restitués sans conditions»

La dernière action en date est l’intervention du ministre de la Justice et Garde des Sceaux algérien, Belkacem Zeghmati, lors de la session extraordinaire de l’Assemblée générale les Nations unies sur la lutte contre la corruption, qui s’est tenue du 2 au 4 juin, par visioconférence, au siège de l’ONU à New York.

 

Le Premier ministre, Abdelaziz Djerad, avait annoncé la mise en place d’un plan d’action qui permettrait au gouvernement de récupérer les sommes astronomiques qui ont été détournées

En effet, le ministre a souligné que la gestion et l’utilisation des avoirs récupérés relevaient de la seule responsabilité des pays «demandeurs» et que les avoirs détournés devaient être restitués «sans conditions et dans le plein respect des droits souverains des États».

Zeghmati affirme également que «l’Algérie attache une grande importance à la lutte contre toutes les formes de corruption et cherche constamment à renforcer l’efficacité de son système national de prévention et de lutte contre la corruption».

Le Premier ministre, Abdelaziz Djerad, avait annoncé la mise en place d’un plan d’action qui permettrait au gouvernement de récupérer les sommes astronomiques qui ont été détournées. Il avait annoncé que le processus de récupération des capitaux passerait par trois étapes.

Les autorités algériennes doivent d’abord prouver la propriété des biens et des fonds détournés, puis les localiser. En second lieu, c’est à la justice algérienne de prendre les décisions et de statuer sur les enquêtes relatives aux affaires de détournement de fonds. Enfin, il conviendra de recourir à la convention anticorruption de l’ONU et aux accords judiciaires conclus avec d’autres pays.

Une opération extrêmement périlleuse et d'une grande complexité

Pour Salima Sayah Haki, experte en économie et en management stratégique, la récupération des fonds détournés est une opération extrêmement périlleuse et d'une grande complexité, que ce soit en Algérie ou à l’étranger. «La démarche doit être engagée d’une manière réfléchie», fait-elle savoir à Arab News en français.

La vraie bataille consiste dans l’identification des biens et des fonds transférés sur des comptes inconnus [comptes non domiciliés et comptes numérotés offshore]

Salima Sayah Haki

Elle affirme d’ailleurs que cette question, qui demeure l'un des principaux objectifs annoncés, reste tributaire du prononcé de jugements définitifs, comme l’a précisé le président de la République, qui a réitéré sa détermination à poursuivre cette démarche et qui a toutefois reconnu, dans certains cas, la difficile traçabilité des détournements.

L'opération de recouvrement des biens détournés obéissait à la convention des Nations unies qui porte sur la lutte contre la corruption et qui a été ratifiée en 2005. Toutefois, l’experte explique que cette opération représente un travail de longue haleine.

Pour commencer, on doit enclencher le processus de récupération de l’argent détourné, selon une procédure qui relève de la diplomatie; puis il faut que les plaintes soient déposées. Il est nécessaire que des conventions juridiques existent entre l’Algérie et les pays concernés. «La vraie bataille consiste dans l’identification des biens et des fonds transférés sur des comptes inconnus [comptes non domiciliés et comptes numérotés offshore]», révèle-t-elle.

La diplomatie impliquée


Commentant l’intervention du ministre à l’ONU, Salima Sayah Haki estime que cette demande officielle d’assistance juridique mutuelle doit jouer un rôle central dans les opérations de recherche et de recouvrement, et écarter le risque de nouveaux détournements. «L’Algérie a ratifié, en 2003, la convention qui portait sur la lutte anticorruption; cela lui donne le droit de récupérer ses biens situés sur le territoire d’un autre pays ayant également ratifié ce document», note-t-elle.


Il faut préciser que le niveau d'application de cette résolution diffère d'un pays à un autre: il y a, d'une part, des pays comme les États-Unis, l'Angleterre ou l’Allemagne, généralement prêts à coopérer pour la restitution des fonds détournés; et, d'autre part, des pays où atterrit l’essentiel des fonds algériens, qui se montrent «plus permissifs» envers cet argent.


Salima Sayah Haki fait savoir en outre que des négociations sont menées par l'Algérie avec les États de l'Union européenne (UE), car des sociétés européennes sont impliquées; par ailleurs, les fonds détournés ont été investis en Europe, et non en Algérie, dans des États qui «traitent avec la loi et non avec les sentiments ou la volonté politique», comme l’a rappelé le chef de l'État.

Les ambassadeurs de l'Algérie à l'étranger ont entamé des démarches qui visent à récupérer des biens immobiliers et ils sont parvenus à retrouver des certains d’entre eux qui appartiennent à l’Algérie, notamment des appartements et des châteaux.

Sur le plan de la justice financière internationale, l’experte nous signale qu’il existe un organe d’investigation financière chargé d’étudier la validité de la demande de chaque pays avant de donner son accord pour suivre la procédure de restitution. L’organisme en question a pour prérogative d’obliger les banques à restituer à l’État demandeur les avoirs détournés.


Parallèlement, la diplomatie algérienne est elle-même impliquée dans cette opération. Les ambassadeurs de l'Algérie à l'étranger ont entamé des démarches qui visent à récupérer des biens immobiliers et ils sont parvenus à retrouver des certains d’entre eux qui appartiennent à l’Algérie, notamment des appartements et des châteaux.


Plaidoyer pour la création d’une agence nationale de récupération des fonds


Sur le plan juridique, Salima Sayah Haki appelle à trouver les mécanismes juridiques nécessaires pour permettre aux autorités compétentes de poursuivre de manière efficace le processus de récupération des fonds issus de la corruption et illégalement transférés à l’étranger. Il s’agit là de l’une des priorités des pouvoirs publics.


Dans ce contexte, elle note que de nombreux juristes ont plaidé pour la création d’une agence nationale composée de juristes et d’experts en finances ou en fiscalité afin de faciliter la récupération des fonds détournés dans le cadre de la corruption. «Ce dispositif permettra la gestion et l’investissement des fonds dans le cadre du développement de l’économie nationale après recouvrement de ces biens immobiliers et corporels», précise-t-elle, ajoutant que cette agence devra disposer de tous les moyens nécessaires pour accomplir ses missions dans les meilleures conditions.


Par conséquent, il faut souligner que le fruit des efforts colossaux déployés en ce moment ne sera certainement pas visible dans l’immédiat. Ce qui est certain, en revanche, c’est que la population algérienne attend impatiemment la réalisation des promesses électorales; cette pression est à même faire évoluer les choses dans le bon sens, ce qui sera d’un grand bénéfice pour l'économie de ce pays en voie de développement.


La coalition arabe met en garde contre toute action militaire compromettant la désescalade au Yémen

Des membres yéménites des tribus Sabahiha de Lahj lors d'un rassemblement pour manifester leur soutien au Conseil de transition du Sud (STC) dans la ville portuaire côtière d'Aden, le 14 décembre 2025. (AFP)
Des membres yéménites des tribus Sabahiha de Lahj lors d'un rassemblement pour manifester leur soutien au Conseil de transition du Sud (STC) dans la ville portuaire côtière d'Aden, le 14 décembre 2025. (AFP)
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  • Le porte-parole de la coalition, le général de division Turki Al-Maliki, a indiqué que cet avertissement fait suite à une demande du Conseil présidentiel yéménite pour prendre des mesures urgentes

DUBAÏ : La coalition arabe soutenant le gouvernement yéménite internationalement reconnu a averti samedi que tout mouvement militaire compromettant les efforts de désescalade serait traité immédiatement afin de protéger les civils, a rapporté l’Agence de presse saoudienne.

Le porte-parole de la coalition, le général de division Turki Al-Maliki, a déclaré que cet avertissement fait suite à une demande du Conseil présidentiel yéménite visant à prendre des mesures urgentes pour protéger les civils dans le gouvernorat de Hadramout, face à ce qu’il a qualifié de graves violations humanitaires commises par des groupes affiliés au Conseil de transition du Sud (CTS).

Le communiqué précise que ces mesures s’inscrivent dans le cadre des efforts conjoints et continus de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis pour réduire les tensions, faciliter le retrait des forces, remettre les camps militaires et permettre aux autorités locales d’exercer leurs fonctions.

Al-Maliki a réaffirmé le soutien de la coalition au gouvernement yéménite internationalement reconnu et a appelé toutes les parties à faire preuve de retenue et à privilégier des solutions pacifiques, selon l’agence.

Le CTS a chassé ce mois-ci le gouvernement internationalement reconnu de son siège à Aden, tout en revendiquant un contrôle étendu sur le sud du pays.

L’Arabie saoudite a appelé les forces du CTS à se retirer des zones qu’elles ont prises plus tôt en décembre dans les provinces orientales de Hadramout et d’Al-Mahra.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Les Émirats arabes unis saluent les efforts de l’Arabie saoudite pour soutenir la stabilité au Yémen

Les Émirats arabes unis ont également réaffirmé leur engagement à soutenir toutes les initiatives visant à renforcer la stabilité et le développement au Yémen. (WAM)
Les Émirats arabes unis ont également réaffirmé leur engagement à soutenir toutes les initiatives visant à renforcer la stabilité et le développement au Yémen. (WAM)
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  • Les Émirats arabes unis ont salué le rôle constructif du Royaume dans la promotion des intérêts du peuple yéménite

DUBAÏ : Les Émirats arabes unis ont salué vendredi les efforts de l’Arabie saoudite pour soutenir la sécurité et la stabilité au Yémen, a rapporté l’agence de presse officielle WAM.

Dans un communiqué, les Émirats ont loué le rôle constructif du Royaume dans la promotion des intérêts du peuple yéménite et dans le soutien de leurs aspirations légitimes à la stabilité et à la prospérité.

Les Émirats ont également réaffirmé leur engagement à soutenir toutes les initiatives visant à renforcer la stabilité et le développement au Yémen, en soulignant leur appui aux efforts contribuant à la sécurité et à la prospérité régionales.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le Liban adopte le projet de loi sur le gap financier malgré l’opposition du Hezbollah et des Forces libanaises

Le Premier ministre libanais Nawaf Salam s'exprimant lors d'une conférence de presse après une réunion du Conseil des ministres à Beyrouth, le 26 décembre 2025. (AFP)
Le Premier ministre libanais Nawaf Salam s'exprimant lors d'une conférence de presse après une réunion du Conseil des ministres à Beyrouth, le 26 décembre 2025. (AFP)
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  • Le texte vise à trancher le sort de milliards de dollars de dépôts bloqués et devenus inaccessibles pour les citoyens libanais depuis l’effondrement financier du pays

BEYROUTH : Le Conseil des ministres libanais a approuvé vendredi un projet de loi controversé visant à encadrer la relance financière et à restituer les dépôts bancaires gelés aux citoyens. Cette décision est perçue comme une étape clé dans les réformes économiques longtemps retardées et exigées par le Fonds monétaire international (FMI).

Le texte a été adopté par 13 voix pour et neuf contre, à l’issue de discussions marathon autour du projet de loi dit du « gap financier » ou de récupération des dépôts, bloqué depuis des années après l’éclatement de la crise bancaire en 2019. Les ministres de la Culture et des Affaires étrangères étaient absents de la séance.

La législation vise à déterminer le sort de milliards de dollars de dépôts devenus inaccessibles pour les Libanais durant l’effondrement financier du pays.

Le projet a été rejeté par trois ministres des Forces libanaises, trois ministres du Hezbollah et du mouvement Amal, ainsi que par la ministre de la Jeunesse et des Sports, Nora Bayrakdarian, le ministre des Télécommunications, Charles Al-Hajj, et le ministre de la Justice, Adel Nassar.

Le ministre des Finances, Yassin Jaber, a rompu avec ses alliés du Hezbollah et d’Amal en votant en faveur du texte. Il a justifié sa position par « l’intérêt financier suprême du Liban et ses engagements envers le FMI et la communauté internationale ».

Le projet de loi a suscité une vive colère parmi les déposants, qui rejettent toute tentative de leur faire porter la responsabilité de l’effondrement financier. Il a également provoqué de fortes critiques de l’Association des banques et de plusieurs blocs parlementaires, alimentant les craintes d’une bataille politique intense au Parlement, à l’approche des élections prévues dans six mois.

Le Premier ministre Nawaf Salam a confirmé que le Conseil des ministres avait approuvé le texte et l’avait transmis au Parlement pour débat et amendements avant son adoption définitive. Cherchant à apaiser les inquiétudes de l’opinion publique, il a souligné que la loi prévoit des audits judiciaires et des mécanismes de reddition des comptes.

« Les déposants dont les comptes sont inférieurs à 100 000 dollars seront intégralement remboursés, avec intérêts et sans aucune décote », a déclaré Salam. « Les grands déposants percevront également leurs premiers 100 000 dollars en totalité, le reste étant converti en obligations négociables garanties par les actifs de la Banque centrale, estimés à environ 50 milliards de dollars. »

Il a ajouté que les détenteurs d’obligations recevront un premier versement de 2 % après l’achèvement de la première tranche de remboursements.

La loi comprend également une clause de responsabilité pénale. « Toute personne ayant transféré illégalement des fonds à l’étranger ou bénéficié de profits injustifiés sera sanctionnée par une amende de 30 % », a indiqué Salam.

Il a insisté sur le fait que les réserves d’or du Liban resteront intactes. « Une disposition claire réaffirme la loi de 1986 interdisant la vente ou la mise en gage de l’or sans l’approbation du Parlement », a-t-il déclaré, balayant les spéculations sur une utilisation de ces réserves pour couvrir les pertes financières.

Reconnaissant que la loi n’est pas parfaite, Salam l’a néanmoins qualifiée de « pas équitable vers la restitution des droits ».

« La crédibilité du secteur bancaire a été gravement entamée. Cette loi vise à la restaurer en valorisant les actifs, en recapitalisant les banques et en mettant fin à la dépendance dangereuse du Liban à l’économie du cash », a-t-il expliqué. « Chaque jour de retard érode davantage les droits des citoyens. »

Si l’Association des banques n’a pas publié de réaction immédiate après le vote, elle avait auparavant affirmé, lors des discussions, que la loi détruirait les dépôts restants. Les représentants du secteur estiment que les banques auraient du mal à réunir plus de 20 milliards de dollars pour financer la première tranche de remboursements, accusant l’État de se dédouaner de ses responsabilités tout en accordant de facto une amnistie à des décennies de mauvaise gestion financière et de corruption.

Le sort du texte repose désormais sur le Parlement, où les rivalités politiques à l’approche des élections de 2025 pourraient compliquer ou retarder son adoption.

Le secteur bancaire libanais est au cœur de l’effondrement économique du pays, avec des contrôles informels des capitaux privant les déposants de leurs économies et une confiance en chute libre dans les institutions de l’État. Les donateurs internationaux, dont le FMI, conditionnent toute aide financière à des réformes profondes du secteur. 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com