Les terres rares, au coeur de la bataille de l'Occident pour contrer la Chine

Le principal espoir américain réside dans la mine de Mountain Pass, en Californie. Après avoir été l'un des grands acteurs mondiaux du secteur, elle a souffert de la montée en puissance de la Chine, qui a fortement subventionné son industrie, et des réglementations environnementales sur le minage. (Photo, AFP)
Le principal espoir américain réside dans la mine de Mountain Pass, en Californie. Après avoir été l'un des grands acteurs mondiaux du secteur, elle a souffert de la montée en puissance de la Chine, qui a fortement subventionné son industrie, et des réglementations environnementales sur le minage. (Photo, AFP)
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Publié le Dimanche 13 juin 2021

Les terres rares, au coeur de la bataille de l'Occident pour contrer la Chine

  • En 2019, les Etats-Unis ont réalisé 80% de leurs importations de terres rares en Chine,
  • «D'ici cinq ans, les aimants permanents occuperont une place similaire aux semi-conducteurs. Ils seront dans la vie quotidienne de chacun»

NEW YORK: Et si la Chine coupait demain aux Etats-Unis et à l'Europe l'accès à des minéraux essentiels à la fabrication de véhicules électriques, d'éoliennes ou de drones, produits à une écrasante majorité sur son sol?

A l'heure où les frictions économiques et géopolitiques sont fréquentes entre ces trois puissances, Washington et Bruxelles veulent éviter ce scénario en réinvestissant le marché des "terres rares", ces dix-sept matières minérales aux propriétés uniques, aujourd'hui largement extraites du sol et raffinées en Chine.

Certaines, le néodyme, le praséodyme et le dysprosium, sont cruciales dans la fabrication d'aimants utilisés dans des industries d'avenir telles que l'éolien ou la voiture électrique.

D'autres ont un usage plus classique, comme le cérium pour le polissage du verre et le lanthane pour les catalyseurs de voitures ou les verres optiques. Les smartphones, écrans d'ordinateurs ou lentilles de téléscopes en utilisent aussi.

En 2019, les Etats-Unis ont réalisé 80% de leurs importations de terres rares en Chine, selon l'US Geological Survey. L'UE s'y fournit à 98%, indique un rapport de la Commission européenne de septembre 2020.

De quoi sonner le tocsin, en pleine transition énergétique.

Exponentielle

"La croissance exponentielle de la demande attendue pour les minéraux en lien avec les technologies vertes les met sous pression, ils se doivent d'examiner leurs vulnérabilités et d'agir", commente Jane Nakano, chercheuse à Washington pour le Centre international d'études stratégiques (CSIS), tant pour les terres rares que pour d'autres matières premières stratégiques.

Après la publication en février d'un décret du président américain Joe Biden visant à passer au crible les chaînes d'approvisionnement des biens jugés "essentiels", le Sénat a adopté mardi un texte faisant la part belle au minage de minerais dits "critiques".

Washington veut "augmenter la production et le raffinage", a affirmé mardi la directrice adjointe du Conseil national économique, Sameera Fazili, citant les terres rares et le lithium.

Le principal espoir américain réside dans la mine de Mountain Pass, en Californie. Après avoir été l'un des grands acteurs mondiaux du secteur, elle a souffert de la montée en puissance de la Chine, qui a fortement subventionné son industrie, et des réglementations environnementales sur le minage. 

L'entreprise MP Materials qui l'a relancée en 2017 veut désormais symboliser la reconquête américaine, en misant sur la concentration en terres rares "parmi les plus élevées au monde" sur son sol, à 7% contre 0,1% à 4% ailleurs, selon elle.

Côté raffinage, elle veut lancer son processus de "séparation" des éléments -- la roche est composée d'un ensemble de terres rares qu'il faut séparer via un procédé chimique --, puis fabriquer ses propres aimants en 2025 -- le passage de la phase de séparation à un produit directement utilisable dans l'industrie --, deux étapes dévolues à la Chine aujourd'hui.

D'autres projets voient le jour, impliquant notamment le groupe australien Lynas qui a remporté plusieurs contrats aux Etats-Unis, dont une usine de raffinage au Texas destinée à l'industrie militaire, avec le soutien du Pentagone.

Recyclage

Côté européen, un "plan d'action" va être présenté "dans les prochains jours" à la Commission, destiné à dresser les priorités du Vieux continent, a indiqué début juin lors d'une conférence Bernd Schäfer, à la tête de l'EIT RawMaterials, un consortium destiné à accompagner les projets dans ce secteur.

"L'Europe n'est pas gâtée côté mines, alors elle devrait compter sur l'importation de matériaux bruts ou semi-raffinés, et devenir une base de raffinage ou de recyclage", anticipe David Merriman, spécialiste des batteries et véhicules électriques pour le consultant Roskill à Londres.

La Chine devrait bénéficier encore longtemps de sa position dominante mais les ambitions sont là: "20% à 30% des besoins en aimants d'ici 2030 pourraient provenir du continent contre pratiquement zéro aujourd'hui" grâce au recyclage, si les projets identifiés sont mis en oeuvre, a précisé Bernd Schäfer.

Hasard de calendrier ou non, la volonté d'accélérer sur ces dossiers survient au moment même où la planète subit une pénurie de semi-conducteurs, des composants essentiels pour tout produit incluant des éléments électroniques, des ordinateurs aux voitures, fabriqués pour la plupart en Asie.

"Cette crise a entraîné une remise en question des chaînes de production et des vulnérabilités" chez les industriels, souligne un porte-parole de MP Materials. Plusieurs groupes européens spécialisés dans l'éolien et l'automobile sont déjà en contact avec l'entreprise, affirme-t-il.

"D'ici cinq ans, les aimants permanents occuperont une place similaire aux semi-conducteurs. Ils seront dans la vie quotidienne de chacun."


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".


La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, alerte le Secours populaire

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
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  • "La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire
  • "La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg

PARIS: La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, touchant tous les aspects de la vie des plus fragiles, alerte jeudi le Secours Populaire, qui publie un baromètre témoignant de cette situation jugée préoccupante.

"La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire.

L'association publie un baromètre qui indique qu'un tiers des Français (31%) rencontrent des difficultés financières pour se procurer une alimentation saine permettant de faire trois repas par jour. De même 39% ont du mal à payer leurs dépenses d'électricité et 49% à partir en vacances au moins une fois par an, selon ce sondage réalisé par l'Institut Ipsos, auprès d'un échantillon de 1.000 personnes, représentatif de la population nationale âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

"La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg.

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier.

Malgré un "léger mieux" constaté sur certains indicateurs lié au "ralentissement de l'inflation", ce baromètre révèle "une situation sociale toujours très préoccupante", selon le Secours populaire.

En début de semaine, la déléguée interministérielle à la prévention et la lutte contre la pauvreté, Anne Rubinstein, a évoqué des "difficultés" rencontrées par l'Etat pour résorber un taux de pauvreté qui a atteint un niveau record en 2023 en France métropolitaine.

Face à cette situation, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a appelé mardi à une "mobilisation collective" pour "débloquer la lutte contre la précarité".

Au niveau européen, 28% de la population déclare se trouver en situation précaire, également selon ce baromètre du Secours Populaire, qui s'appuie aussi sur des échantillons de 1.000 personnes représentatifs de neuf autres pays (Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Moldavie, Portugal, Roumanie, Serbie).

La part des personnes se considérant comme précaires demeure à un niveau "très alarmant" en Grèce (46%) et en Moldavie (45%), pointe le baromètre.

En 2024, le Secours populaire a soutenu 3,7 millions de personnes en France. L'association fournit notamment de l'aide alimentaire et organise des activités pour différents publics pour rompre l'isolement.