En Israël, la coalition devra éviter de trébucher sur le dossier palestinien

L'Autorité de M. Abbas, tout en critiquant le nouveau gouvernement, a estimé que le départ de M. Netanyahu marquait «la fin d'une des pires périodes dans l'histoire du conflit israélo-palestinien», alors que le processus de paix est en panne depuis 2014. (Photo, AFP)
L'Autorité de M. Abbas, tout en critiquant le nouveau gouvernement, a estimé que le départ de M. Netanyahu marquait «la fin d'une des pires périodes dans l'histoire du conflit israélo-palestinien», alors que le processus de paix est en panne depuis 2014. (Photo, AFP)
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Publié le Lundi 14 juin 2021

En Israël, la coalition devra éviter de trébucher sur le dossier palestinien

  • Pour survivre, le gouvernement devrait se concentrer sur la relance économique post-pandémie et éviter les sujets qui divisent, notent des analystes
  • Selon Guy Ben-Porat le gouvernement pourrait être rattrapé par des questions sensibles comme le développement des colonies israéliennes en Cisjordanie ou la situation dans l'enclave palestinienne de Gaza

JERUSALEM: Combien de temps le nouveau gouvernement en Israël tiendra-t-il? Sur papier, il est en place jusqu'en 2025, mais dans les faits il sera rattrapé rapidement par des dossiers brûlants pouvant déterminer son sort, comme le conflit avec les Palestiniens.

Et c'est sans compter sur un rival expérimenté, Benjamin Netanyahu, rétrogradé chef de l'opposition, qui se tient en embuscade pour faire chuter cette coalition hétéroclite au moindre faux pas, provoquer de nouvelles élections et revenir sur le trône qu'il a occupé ces 12 dernières années.

Si des milliers d'Israéliens ont célébré son départ, plusieurs experts doutent de la pérennité d'une coalition tiraillée sur le plan idéologique, réunissant huit partis --deux de gauche, deux de centre, trois de droite et un arabe-- ayant obtenu la bénédiction du Parlement dans un vote très serré.

Selon un sondage de la chaîne 12, 43% des Israéliens pronostiquent sa dissolution "rapide", 30% une durée de vie "longue" et seulement 11% une survie pendant les quatre ans prévus par l'accord de coalition.

Surtout que Naftali Bennett, qui dirigera le gouvernement jusqu'en 2023, compte sur la plus faible assise parlementaire pour un Premier ministre de l'histoire du pays -six députés pour son parti de droite radicale Yamina, sur 120 à la Knesset.

Pour survivre, le gouvernement devrait se concentrer sur la relance économique post-pandémie et éviter les sujets qui divisent, notent des analystes.

Dimanche au Parlement, M. Bennett, l'ex-entrepreneur vedette de la "tech", a joué à fond la carte de la croissance économique, disant vouloir atteindre 15% de main-d'oeuvre dans la haute technologie dans quatre ans contre environ 10% actuellement.

"Le premier enjeu sera l'adoption d'un budget, ce qu'aucun gouvernement n'a réussi à faire ces deux dernières années (...) et il y aura des désaccords sur la priorité à donner à l'échelle nationale", souligne à l'AFP l'analyste Dahlia Scheindlin. 

"Mais il n'y a pas vraiment de désaccord sur les questions comme la relance économique, la santé et l'environnement. Le gouvernement va donc se focaliser sur ces enjeux et tenter de mettre de côté des questions plus controversées comme le conflit israélo-palestinien (...)."

«Méthode de survie»

Selon Guy Ben-Porat, professeur de sciences politiques à l'université Ben Gourion, le gouvernement pourrait être rattrapé par des questions sensibles comme le développement des colonies israéliennes en Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967, ou la situation dans l'enclave palestinienne de Gaza, sous blocus israélien.   

Il pourrait avoir à se prononcer sur le sort d'une colonie sauvage qui doit être évacuée en Cisjordanie, pouvant attiser la colère des colons, dont ironiquement Naftali Bennett a autrefois été le représentant.

Et c'est sans compter sur la question d'une trêve durable avec les islamistes du Hamas, au pouvoir à Gaza, après 11 jours de guerre en mai, voire sur celle du futur du président palestinien Mahmoud Abbas, 85 ans.

"La question palestinienne va définitivement déranger ce gouvernement. Ils vont faire de leur mieux pour l'écarter mais cela ne fonctionnera pas à long terme", estime M. Ben-Porat. "Une tentative du gouvernement de régler cette question pourrait causer son implosion" et c'est pourquoi, "le pragmatisme sera une méthode de survie pour Bennett".

L'Autorité de M. Abbas, tout en critiquant le nouveau gouvernement, a estimé que le départ de M. Netanyahu marquait "la fin d'une des pires périodes dans l'histoire du conflit israélo-palestinien", alors que le processus de paix est en panne depuis 2014.

L'artillerie de Netanyahu

Pour Saleh Al-Naami, spécialiste des affaires israéliennes à l'université islamique de Gaza, "il n'y aura pas de changement fondamental mais Bennett pourrait tenter d'améliorer la situation économique de manière limitée à Gaza". 

Et M. Bennett, qui sera remplacé par le centriste Yaïr Lapid en 2023, devrait en outre "gérer la pression" des Etats-Unis, dit-il.

Le président Joe Biden, qui a parlé au téléphone dès dimanche avec Naftali Bennett, a pris ses distances avec l'administration Trump qui a soutenu la colonisation en Cisjordanie et s'est retirée de l'accord nucléaire avec l'Iran, ennemi d'Israël et proche du Hamas.

"L'un des plus grands défis du gouvernement sera de gagner la confiance du parti démocrate et de l'administration Biden, ce qui impliquera de jouer un jeu plus sophistiqué sur l'Iran et le dossier israélo-palestinien", note Gayil Talshir, professeur de sciences politiques à l'Université hébraïque de Jérusalem.

Cela signifie que "ce gouvernement devra s'abstenir de surprendre les Etats-Unis avec des manoeuvres en Cisjordanie, avec les colonies", renchérit Yohanan Plesner, directeur de l'Institut démocratique d'Israël, un centre d'analyse à Jérusalem.

Mais ce gouvernement pourrait s'attirer les foudres de la droite nationaliste sur laquelle s'appuie M. Netanyahu pour dérailler le gouvernement.

"Netanyahu ne se voit pas comme une personne qui prend sa retraite à 71 ans", note Mme Talshir. "Il sera un chef de l'opposition très agressif" et sortira "toute l'artillerie" pour s'assurer que "ce gouvernement tombe très rapidement."


Centre de coordination militaro-civile pour Gaza: beaucoup de discussions, peu de résultats

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  • "Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore" ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés
  • "Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix"

JERUSALEM: Lancé par les Etats-Unis dans le sillage du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas pour surveiller la trêve et favoriser l'afflux d'aide humanitaire, le Centre de coordination militaro-civile (CMCC) pour Gaza peine à tenir ses promesses.

"Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix, il n'y a aucune autre initiative, c'est ça ou continuer à discuter dans le vent avec des Israéliens".

"Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore", ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés par la campagne militaire israélienne.

Le CMCC doit permettre d'amorcer la suite des étapes du plan de paix pour Gaza après plus de deux ans d'une guerre dévastatrice déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement palestinien Hamas sur Israël.

"Lorsque nous l'avons ouvert, nous avons clairement indiqué qu'il se concentrait sur deux choses: faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, logistique et sécuritaire vers Gaza et aider à surveiller en temps réel la mise en oeuvre de l'accord", insiste le capitaine Tim Hawkins, porte-parole du Commandement militaire central américain (Centcom), couvrant notamment le Moyen-Orient.

L'initiative a été présentée aux acteurs (ONG, agences des Nations unies, diplomates...) comme un générateur d'idées totalement inédites.

Frustrés par leurs difficultés avec les autorités israéliennes, de nombreux pays et acteurs humanitaires disent s'être jetés dans le projet, impatients d'avoir un nouvel interlocuteur se disant enclin à trouver des solutions: les Etats-Unis.

"Rien n'a changé" 

"Au début, les Américains nous ont dit qu'ils découvraient qu'Israël interdisaient l'entrée de tout un tas de choses dans Gaza, la fameuse liste des biens à double usage, ils avaient l'air choqués et on se disait qu'enfin on allait franchir cet obstacle", raconte un ingénieur humanitaire, "mais force est de constater que strictement rien n'a changé".

Deux mois après l'ouverture, nombre d'humanitaires et diplomates contactés par l'AFP jugent, sous couvert de l'anonymat, que la capacité ou la volonté américaines à contraindre Israël est limitée.

Les visiteurs réguliers ou occasionnels des lieux ont décrit à l'AFP le grand hangar occupé par le CMCC à Kiryat Gat (sud d'Israël), comme un entrepôt où de nombreux militaires, israéliens et américains principalement, rencontrent des humanitaires, diplomates, et consultants.

Le premier des trois étages du bâtiment est réservé aux Israéliens, et le dernier aux troupes américaines. Tous deux sont interdits d'accès aux visiteurs.

Le deuxième, recouvert de gazon artificiel, sert d'espace de rencontres avec le monde extérieur.

"On dirait un espace de coworking, mais avec des gens en uniforme", s'amuse une diplomate qui raconte y croiser des "GIs qui boivent de la bière" au milieu d'une sorte d'open-space, avec des panneaux récapitulant les principaux points du plan Trump.

Plusieurs personnes ont dit à l'AFP avoir vu un tableau blanc barré de l'inscription "What is Hamas?" ("Qu'est-ce que le Hamas?") en lettres capitales, sans éléments de réponse.

"Il y a des tables rondes sur des sujets qui vont de la distribution d'eau ou de nourriture à la sécurité", raconte un humanitaire, "en gros on nous écoute décrire ce qu'on veut faire, et quels problèmes on a rencontrés depuis deux ans".

"Boussole du droit" 

Mais "ce n'est pas là que les décisions sont prises", tranche un diplomate qui cite des canaux de discussions parallèles, notamment une équipe supervisée par Arieh Lighstone, un collaborateur de l'émissaire américain Steve Witkoff, à Tel-Aviv.

Plusieurs diplomates regrettent l'absence d'officiels palestiniens dans les murs.

Un autre problème réside dans l'émergence de concepts largement rejetés par la communauté internationale, notamment celui des "Alternative Safe Communities" (ASC), visant à regrouper des civils "vérifiés", non affiliés au Hamas, dans des communautés créées ex nihilo dans une zone de la bande de Gaza sous contrôle militaire israélien, et où les services de base seraient dispensés.

"On a perdu la boussole du droit", commente une diplomate.

Mais le reproche qui revient le plus souvent est le fait que les questions politiques (gouvernance, maintien de l'ordre...) sont évacuées au profit de questions techniques.

"Ils discutent d'où mettre les stations d'épuration, pas de qui les exploitera ni de qui paiera les employés", résume un autre.

Concédant "certaines frictions", sans plus de détail, le capitaine Hawkins, du Centcom, met en avant certaines avancées comme l'ouverture de nouveaux points de passage pour l'aide à destination de Gaza. "Nous progressons, assure-t-il, tout en reconnaissant pleinement qu'il reste encore beaucoup à faire."


Le Congrès américain approuve la levée définitive des sanctions contre la Syrie

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
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  • Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar
  • Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis

WASIHNGTON: Le Congrès américain a approuvé mercredi la levée définitive des sanctions imposées par les Etats-Unis contre la Syrie du temps de Bachar al-Assad, devant permettre le retour d'investissements dans ce pays ravagé par des années de guerre civile.

L'abrogation d'une loi dite "Caesar", adoptée en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump et qui imposait ces sanctions, figure en effet dans le texte sur la stratégie de défense (NDAA), que le Sénat américain a approuvé mercredi par 77 voix pour et 20 contre.

La Chambre des représentants s'était déjà prononcée la semaine dernière et le texte attend désormais d'être promulgué par le président américain.

Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar. Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis.

Le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, a salué sur Telegram le vote du Sénat comme "ouvrant de nouveaux horizons pour la coopération et le partenariat entre notre pays et le reste du monde".

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars.

Bien que son application soit suspendue, de nombreux responsables américains jugeaient qu'elle pouvait nuire à la confiance des investisseurs tant qu'elle n'était pas abrogée.

Le dirigeant syrien Ahmad al-Chareh a été reçu le 10 novembre à la Maison Blanche par le président Trump, une première pour un chef d'Etat syrien depuis l'indépendance du pays en 1946 et une consécration pour l'ancien jihadiste qui, en moins d'un an au pouvoir, a sorti son pays de l'isolement.

Donald Trump l'avait déjà rencontré lors d'un voyage dans le Golfe en mai, annonçant alors la levée des sanctions américaines.

Après 13 ans de guerre civile, la Syrie cherche à garantir des fonds pour sa reconstruction, dont le coût pourrait dépasser 216 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.

"L'abrogation aujourd'hui de la loi Caesar est une étape décisive pour donner au peuple syrien une véritable chance de se reconstruire après des décennies de souffrances inimaginables", s'est félicité la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen.


Les principales villes du Soudan privées de courant après des frappes de drones sur une centrale

Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
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  • Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale
  • Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des FSR

PORT-SOUDAN: Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP.

Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale.

Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Le gouvernement de l’État du Nil a confirmé la mort des deux secouristes dans un communiqué officiel.

Cette station est un nœud stratégique du réseau électrique soudanais, recevant l’électricité produite par le barrage de Merowe — la plus grande source d'énergie hydroélectrique du pays — avant sa redistribution vers plusieurs régions.

Des témoins ont également indiqué qu’aux alentours de 02H00 (minuit GMT), les forces de l’armée régulière avaient activé leurs systèmes de défense antiaérienne, rapportant avoir vu des flammes et de la fumée s'élever au-dessus de la ville contrôlée par l'armée en guerre depuis avril 2023 contre les FSR.

Les coupures d’électricité se sont étendues à plusieurs États, notamment ceux du Nil, de la mer Rouge — où se trouve Port-Soudan, siège provisoire du gouvernement pro-armée — ainsi qu’à la capitale Khartoum, selon des témoins, l'incendie n'étant toujours pas maitrisé.

Les FSR n’ont jusqu'à présent pas commenté l'attaque.

Ces derniers mois, les FSR ont été accusées de lancer des attaques de drones sur de vastes zones contrôlées par l’armée, visant des infrastructures civiles et provoquant des coupures de courant affectant des millions de personnes.

La guerre, qui a éclaté en avril 2023, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué "la pire crise humanitaire au monde", selon l'ONU.